dimanche 1 juillet 2018

Journal de la Commune


On écrit de Lons-le-Saulnier, 25 mars :

« C’était hier l’anniversaire de la naissance de l’excellent roi Guillaume. A cette occasion, les Prussiens se sont livrés à de grandes réjouissances dont nous, pauvres habitants inoffensifs, avons été les victimes.
Après la journée, consacrée à des revues, parades, allocutions, salves d’artillerie, etc., a eu lieu à cinq heures, à la préfecture un grand repas offert par le général à ses officiers ; pareil festin pour les sous-officiers et soldats, qui avaient reçu double ration. A huit heures du soir, toute cette soldatesque était complètement ivre, voire les officiers. Elle s’est alors répandue dans la ville comme un torrent, envahissant les cafés, insultant la population ; quelques personnes ayant voulu résister à ces injures, il s’est passé une scène de carnage, digne d’une ville prise d’assaut : les soldats se sont rués sur les habitants, le sabre au poing, frappant à droite et à gauche sur tout ce qui se trouvait devant eux : femmes, enfants vieillards, rien ne fut respecté ; deux ou trois établissements ont été livré au pillage.
Des patrouilles prussiennes sont alors intervenues, mais les soldats qui les composaient étaient aussi ivres que les autres, ils se sont mis de la partie : malheur aux retardataires qui ne rentraient pas assez vite chez eux !
Ces scènes de brutalité ont duré jusqu’à minuit ; le résultat a été deux ou trois prussiens blessés ou du moins contusionnés, et un mort ; du côté de la population, trois morts et environ quinze personnes blessées plus ou moins grièvement, dont deux jeunes filles qui ont eux les poignets coupés. Suivant le dire de quelques soldats prussiens qui n’ont pas participé à cette orgie, il paraît que chaque année la fête du roi Guillaume se célèbre de la même manière : quand ces messieurs n’ont pas d’ennemis sous la main, ils se battent entre eux. Pour couronner l’oeuvre, le général commandant, prétendant que ses soldats sont de véritables saints qui ont été provoqués, va nous donner à loger quelques centaines d’hommes de plus afin de maintenir le bon ordre. Inutile d’ajouter que cette occupation nous ruine complètement.
Un ordre du commandant prussien de Lons-le-Saulnier défend aux journaux de la ville de rendre compte de ce qui s’est passé. L’enterrement des victimes a eu lieu au milieu d’un grand concours de population protestant silencieusement contre cet horrible abus de la force.

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