On
écrit de Lons-le-Saulnier, 25 mars :
«
C’était hier l’anniversaire de la naissance de l’excellent roi
Guillaume. A cette occasion, les Prussiens se sont livrés à de
grandes réjouissances dont nous, pauvres habitants inoffensifs,
avons été les victimes.
Après
la journée, consacrée à des revues, parades, allocutions, salves
d’artillerie, etc., a eu lieu à cinq heures, à la préfecture un
grand repas offert par le général à ses officiers ; pareil festin
pour les sous-officiers et soldats, qui avaient reçu double ration.
A huit heures du soir, toute cette soldatesque était complètement
ivre, voire les officiers. Elle s’est alors répandue dans la ville
comme un torrent, envahissant les cafés, insultant la population ;
quelques personnes ayant voulu résister à ces injures, il s’est
passé une scène de carnage, digne d’une ville prise d’assaut :
les soldats se sont rués sur les habitants, le sabre au poing,
frappant à droite et à gauche sur tout ce qui se trouvait devant
eux : femmes, enfants vieillards, rien ne fut respecté ; deux ou
trois établissements ont été livré au pillage.
Des
patrouilles prussiennes sont alors intervenues, mais les soldats qui
les composaient étaient aussi ivres que les autres, ils se sont mis
de la partie : malheur aux retardataires qui ne rentraient pas assez
vite chez eux !
Ces
scènes de brutalité ont duré jusqu’à minuit ; le résultat a
été deux ou trois prussiens blessés ou du moins contusionnés, et
un mort ; du côté de la population, trois morts et environ quinze
personnes blessées plus ou moins grièvement, dont deux jeunes
filles qui ont eux les poignets coupés. Suivant le dire de quelques
soldats prussiens qui n’ont pas participé à cette orgie, il
paraît que chaque année la fête du roi Guillaume se célèbre de
la même manière : quand ces messieurs n’ont pas d’ennemis sous
la main, ils se battent entre eux. Pour couronner l’oeuvre, le
général commandant, prétendant que ses soldats sont de véritables
saints qui ont été provoqués, va nous donner à loger quelques
centaines d’hommes de plus afin de maintenir le bon ordre. Inutile
d’ajouter que cette occupation nous ruine complètement.
Un
ordre du commandant prussien de Lons-le-Saulnier défend aux journaux
de la ville de rendre compte de ce qui s’est passé. L’enterrement
des victimes a eu lieu au milieu d’un grand concours de population
protestant silencieusement contre cet horrible abus de la force.
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