samedi 29 avril 2023

Le syndrome de Gramsci. Par Bernard Noël

 "On avait installé le cadavre sur une civière, et j’avais été prié de m’asseoir à ses côtés dans une ambulance, comme s’il était encore vivant. Tout cela pour que le mort puisse rentrer chez lui en échappant aux lois qui régissent le transport des défunts. Pendant le trajet, le visage est passé d’un trépas violent à un repos tranquille cependant que, dans le rayonnement de sa métamorphose, je faisais, moi, le voyage des morts. Je vous parle dans un but inverse : je vous parle pour remonter vers l’instant fatal et le dépasser en amont. Le langage vit en chacun de nous comme la vie. Je veux dire qu’il nous anime sans que nous ayons à solliciter son mouvement ou sa présence. Mais interrogez un moment ce naturel : quelle observation faites-vous ? Je vous ai souvent posé cette question, sans doute pour que vous me rendiez clair ce que je ne réussis pas à éclaircir moi-même. Il faut faire silence, puis monter brutalement sur ce silence pour voir sourdre au fond de lui – quoi ? Les mots sont toujours là bien avant que je ne les aie vus venir. Ils surgissent dans l’épaisseur d’un silence dont, je crois, la substance est toute pareille à celle qui compose le regard – mais n’est-ce pas une illusion liée au fait que je tente d’y plonger mes yeux ? J’allais vous dire que, revoyant à l’instant cette substance, je me demandais si elle n’est pas le milieu pathogène où s’envenime le mal de ma langue ? Ce serait supposer que les mots ont pour texture la matière du silence. Mais j’ai pensé tout à coup à la vie, à son courant, pour en conclure que la vie en soi n’est jamais malade. Nos organes, et eux seuls, tombent malades et deviennent inaptes à porter la circulation de la vie, et la vie alors se retire, les abandonne. Sans doute en va-t-il de même du langage : il n’est pas malade en moi, c’est moi qui suis malade en lui, moi qui l’oblige en quelque sorte à m’expulser de sa circulation pour que mon trou n’y répande pas la gangrène. La direction vers laquelle me voici tourné n’est pas celle que je voulais vous faire prendre, mais qu’est devenue celle où je désirais vous entraîner ? La maladie a sa logique, qui consiste à élargir le territoire qu’elle gouverne : je suis sûr que cette logique se glisse dans le mouvement du langage afin d’y provoquer des bifurcations incontrôlables. Je vous invite d’ailleurs à considérer de loin ce que je vous confie, d’assez loin pour ne pas en subir l’attraction. Il se pourrait alors que vous aperceviez des figures comme en produit l’aimant sur le champ de limaille, et qu’ainsi vous puissiez m’aider à situer ledit aimant, c’est-à-dire à m’indiquer le foyer de mon mal."

Le syndrome de Gramsci. Par Bernard Noel

 Que faire ? J’insiste afin de provoquer un trouble égal à celui qui m’habite. Et de toute urgence, car le mal peut faire s’effondrer brusquement ce qu’il ronge pour l’instant avec discrétion. Je vous ai dit que j’essayais de prévenir l’effondrement interne par une abondance, un débordement externes. Peut-être ne dois-je qu’à l’angoisse cette projection excessive ? En somme, je ne me retiens plus dans l’espoir que ce relâchement compensera la perte d’une retenue intérieure dont le mécanisme naturel s’est détérioré. Je ne savais rien de lui tant qu’il fonctionnait sans problème, et maintenant j’invente une homéopathie. Tandis que je prononçais cette dernière phrase, j’ai vu le visage de mon père. Il venait de mourir étouffé par son propre cerveau, qui ne commandait plus la respiration. Est-ce bien le cerveau ? Il y a chez nous des fonctions programmées, qui n’ont besoin ni de conscience ni d’effort. On pourrait dire qu’elles sont la vie même, et donc que le propre de la vie est, en chacun de nous, d’exister à l’écart de ce qui, en chacun de nous, constitue le caractère, la personnalité. Mon père avait le visage cyanosé. Je n’ai pas pensé alors que les pendus ont ce même visage violacé. Je n’ai pas pensé que la vie venait de le tuer. Une chose identique peut arriver à la langue, sauf que pareil étranglement lui coupe le souffle sans la tuer tout de suite. Notre langue dépérit lentement". 

Le syndrome "Gramsci". Par Bernard Noël

 " Tiens, ça marche quand même ! Ce n’est pas un constat rassurant, juste la preuve que le minimum fonctionne encore. Comment vérifier ce qu’il en est du maximum ? Où est-il ? Quelle est sa mesure ? Vous pensez tout à coup aux croisades puis à la guerre du Golfe dans un enchaînement qui, certes, n’est pas illogique, mais dont la fonction immédiate n’a rien d’évident. Vous bousculez les mots et les images qui se présentent afin d’y percevoir le flux de votre continuité, cependant que votre bouche s’active à donner le change à votre compagne ou compagnon pour qu’il ne remarque pas le trou qui blesse votre relation. C’est le moment ou jamais, ironisez-vous, d’être cartésien : Je pense donc je suis. La formule vous procure d’abord le plaisir des retrouvailles spontanées, mais elle perd aussitôt cette aura magique en cessant de vous être secourable. Comprenez-moi : je pense, je ne fais même que penser dans l’espoir que cette agitation mentale finira par me rassurer, mais dès que je l’observe ou la suspends, je vois combien elle est factice à l’égard de ce que j’en attends, et mon malaise revient. « Je pense » peut-il engendrer la certitude que « je suis » dès lors que je doute de l’intégrité de ce « je suis » ? Autrement dit, « je pense » peut-il en lui-même prouver que le « je suis » dont il fait crier la présence est un « je suis » encore intact ? Mon « je pense » peut demeurer tel qu’en lui-même et n’affirmer qu’un « je suis » handicapé, n’est-ce pas ? Vous pensez bien que le « je suis » d’un malade et le « je suis » d’un homme en pleine santé diffèrent du tout au tout tandis que leur « je pense » peut fort bien être identique. Descartes a oublié d’introduire une qualification qui, selon les cas, peut modifier complètement la valeur de sa formule. Évitez, je vous prie, de m’irriter par des déclarations du genre : Voyons, cher ami, vos plaintes, au contraire de ce qu’elles affirment, démontrent que vous avez toute votre tête… Les bons vivants se croient toujours dans l’obligation de contrarier le malade pour défendre leur propre santé : vous ne sauriez retirer de moi la trace qu’y a laissée le souffle de la mort. Son passage a déposé sous lui une ombre indélébile : j’en porte la froideur par le travers de ma langue comme une piste glacée. J’ai pris la peine d’étudier ceux qui n’ont pas toute leur tête et constaté avec horreur qu’ils n’en souffrent pas puisqu’ils ne s’en aperçoivent pas. L’illusion, voyez-vous, est identique à la réalité : l’une et l’autre sont pareillement insondables. Les propos que je vous tiens semblent indiquer que je maîtrise mon cas : c’est une illusion qui vous décharge d’en tenir compte. Mes propos sont le pus de la plaie, ou pire encore la plaie elle même. Certains états se dérobent au point de vue ; l’un des traits de leur morbidité est d’échapper à la conscience. Savoir que l’on est malade et demeurer dans l’incapacité d’utiliser ce savoir pour observer le mal ou pour le soigner, n’est-ce pas une situation identique à celle que crée aujourd’hui le pouvoir ? Vous ne sauriez souffrir d’une privation que rien ne vous signale, et c’est évidemment pour votre tête qu’une privation de ce genre sera la moins perceptible parce que la tête sert aussi naturellement la mémoire que l’oubli. On peut soustraire quelque chose à votre mentalité sans qu’elle soit mise en alerte : il suffit de la conditionner. La maladie fait cela très bien, la privation de sens peut le faire encore mieux. Une petite panne – pardon ! ce que dans un autre domaine on appellerait un fiasco – m’a fait deviner qu’il se passait en moi quelque chose d’anormal : le penchant normal est de n’en plus tenir compte dès lors que la normalité est rétablie. Souffrez que je ne me satisfasse pas de ce rétablissement, qui barre d’un nom le blanc qui tachait ma mémoire. Je ne peux oublier que c’est le nom qui, en premier, fut barré par un blanc. Non, je ne tiens pas obstinément à être malade, mais à quoi bon une santé illusoire ? Si ma défense vous paraît semblable au mal qui la motive, ne l’enfermez pas, je vous prie, dans la même rubrique : songez plutôt que les maladies individuelles de la langue pourraient bien refléter aujourd’hui des épidémies secrètes résultant de manipulations mentales. Non, je n’ai pas perdu la mémoire, j’ai seulement été privé quelque temps de l’arme que représente le nom que je ne retrouvais plus. Notez que tout le temps que j’ai consacré à sa recherche j’ai été inoffensif pour le manipulateur. Traitez mon cas comme l’illustration du syndrome qu’il sert à désigner, et consacrez maintenant toute votre activité attentive à sa signification générale vu que la langue de l’un ne saurait être amputée sans que la langue de l’autre ne soit menacée… Si vous gardez cela bien en vue, vous apercevrez dans ce que je vous confie une sorte d’avertissement, et peut-être interrogerez-vous alors, non plus seulement le sens de mon récit, mais l’effet qu’il a sur vous. Plus exactement, l’effet qu’il a sur le vôtre… Je veux dire celui qui se confond avec le sentiment de votre identité. Ne pensez-vous pas que chacun de nous sans en avoir conscience – entretient un élan de parole qui double en lui l’élan vital ? Et que, tout comme l’élan vital assure en chacun la permanence de la vie, cet élan de parole assure en chacun la permanence de la mémoire ? Supposez que votre mémoire s’interrompe et imaginez ce qu’il en sera de vous pendant cette interruption… Mais le moment n’est-il pas venu de reprendre ma confidence, non pour répéter ce que j’ai déjà dit, et que vous avez dû faire vôtre… Je voudrais tenter de rapprocher l’événement afin d’y percevoir moi-même autre chose qu’une défaillance ou qu’une blessure : une chose qui concerne ces perpétuelles circulations de matière mentale que la normalité nous pousse à oublier, comme si leur perception était dangereuse pour la vie ordinaire…" 

jeudi 27 avril 2023

L'histoire de la Réformation de Jean-Henri Merle d'Aubigné


Maitre Martin Luther:

 "Dans quel scandale est tombé le clergé et que de prêtres ne trouve-t-on pas chargés de femmes d'enfants et de remords sans que personne ne vienne à leur aide. Que le pape et les évêques laissent courir ce qui court et se perdre ce qui se perd à la bonne heure. Mais moi je veux sauver ma conscience. Je veux ouvrir librement ma bouche sur ce scandalisme que d'après l'institution de jésus Christ et les apôtres chaque ville doit avoir un pasteur , un évêque  qui peut avoir une femme comme Saint-paul l'écrit à Timothée, que l'évêque soit mari d'une seule femme, premier épître à Timothée chapitre 3 verset 2 et comme cela est encore pratiqué dans l'église grecque mais le diable a persuadé au pape comme le dit Saint-Paul à Timothée premier épître chapitre 4 verset 1 à 3 de défendre le mariage au clergé et de là sont découlées des misères si nombreuses qu'on ne peut faire mention de tout. Que faire? Comment sauver le pasteur auquel on n'a rien à reprendre si ce n'est qu'il vive avec une femme avec laquelle il voudrait de tout leur coeur être légitimement unis en pleine conscience qu'il prenne cette femme pour leur épouse légitime et qu'il vive honnêtement avec elle sans s'inquiéter si cela plait ou déplait".


je pense bien que j'ai chanté trop haut, proposer bien des choses qui paraitront impossibles et attaquer un peu trop fortement beaucoup d'erreurs mais quis puis-je. Que le monde soit irrité contre moi plutôt que Dieu. On ne pourra jamais m'enlever que la vie. J'ai souvent offert la paix à mes adversaires mais Dieu m'a forcé par leurs organes à ouvrir toujours plus la bouche contre. J'ai encore en réserve une chanson sur Rome si l'oreille leur démange je la leur chanterai et à haute voix, comprends-tu bien O Rome, ce que je veux dire?


Quans ses soutiens se plaignaient de sa radicalité, il répondait:


"De nos jours, tout ce qui se traite tranquillement de ton, on oublie et personne ne s'en soucie".

dimanche 23 avril 2023

Les mots ne nous consolent pas de la mort Par M.A.

 Bernard Noël écrivit en son temps "Les premiers mots".


Que furent-ils? Ils furent ceux que personne ne prononce à ces instants-là. Ce sont ceux que l'on ne veut pas entendre quand on les pense si fort qu'ils sont audibles à nos proches. A ceux qui ont été proches de celui qui a disparu. Disparu pas décédé. Disparu. Il a décidé de disparaitre car être n'avait plus la saveur de la vie,. Ou alors, il n'avait plus la force de supporter ce manque de saveur de la vie.

Et la mort, dans tout cela? Est-elle cette abjecte issue que chacun craint, que certains souhaitent, que d'autres provoquent. La mort n'est pas la fin. Elle est l'inachevé définitif. Nous emplissons nos vies de futilités discursives afin de croire que tant que nos plannings sont pleins il ne peut être question de mort, de fin, d'interrompu.

L'homme est cet être qui restera à jamais inachevé, toujours sur un parcours. Parfois vers le haut et parfois vers le bas. Vite ou lentement. Notre souffrance nous vient de penser que jamais nous ne pourrons dire avant de partir:" ça y est, je peux mourir, j'ai fait ce que j'avais à faire, Je suis l'homme que j'ai toujours voulu être. "

L'écrivain peut à tout moment décidé de mourir de mourir littérairement s'entend. Roger Laporte le fit, en toute conscience, en toute souffrance ( comme le releva Maurice Blanchot dans "Lettre pour personne" )mais il le fit, il s'y tint.

Dans un autre style, une autre personnalité, une autre offense, souffrance, Houellebecq qui nous inflige la saveur de la non vie dans la haine quotidienne, normale, dans la peur normative d'une vie de souffrance. La souffrance de l'ennui? L'ennui comme la souffrance ultime, celle qui fait que certains vont très loin, trop loin.

Baudelaire nous le chante dans son poème "enivrez-vous". Perdez pieds dans cette réalité que les autres nous construisent.

Et si nous ne les laissions pas faire. Et si il nous était impossible de ne plus chanter la vie et l'art, l'amour, l'humain et la croyance dans l'humain.

Pour revenir à l'objet de ce texte, Bernard Noël, Michel Surya a écrit à propos de l'ouvrage "Les premiers mots":

"Il écrit. Il semble qu’il n’a jamais cessé d’écrire. Qu’écrire est ce qu’il n’a jamais cessé de faire. Quoiqu’il semble aussi le contraire. Quoiqu’il semble que s’il y a quelque chose qu’il n’a jamais cessé, c’est de pouvoir ne pas écrire, ou le redouter. Autrement dit, il n’aurait jamais cessé d’écrire et de ne pas écrire. De là que ce qu’il écrit, qu’il ne cesse pas d’écrire et qu’il ne cesse pas de pouvoir arrêter d’écrire, ait cette si parfaite simplicité : il serait celui qui aura témoigné à chaque mot écrit par lui de la discrétion de qui s’excuse d’écrire, quoiqu’il ait toujours tenu qu’écrire était ce à quoi il pouvait le plus cesser de tenir. C’est une étrange ambivalence, qui fait qu’il est écrivain – et nul n’est plus écrivain que lui – et qui fait qu’écrivant il ne l’est pas – que nul n’a plus que lui l’envie de ne pas l’être. Non pour n’être rien. Mais pour être autre chose. Autre chose qu’écrivain, ou poète, ou critique (d’art), rien qui suffise dans chacun ni dans tous réunis. La politique est plus ample, qui l’attire davantage, à laquelle il se reconnaît mieux, mais qui le désenchante à tout instant, et trop, avec laquelle, il le sait, il faudrait aussi qu’il en finisse. Cette question s’est posée à moi, pensant à lui : comment peut-on ne pas soi-même suffire à ce qui ne nous suffit pourtant pas ? Écrivant des romans magnifiques, ne tirant rien pourtant pour soi de cette magnificence. Des poèmes : pareillement. Des traités, etc. On tend à l’art le plus haut et, qu’on l’atteigne ou pas, c’est l’art lui-même qui déçoit. Dont c’est l’insuffisance qui déçoit. Une autre insuffisance, mais qui s’ajoute à celle par laquelle on tend vers lui. J’aurai connu de grands écrivains, d’aucuns modestes, d’autres moins, de derniers enfin aucunement ; et tous pourtant m’ont témoigné de cette insuffisance à la puissance deux : d’eux-mêmes à l’atteindre, d’elle-même à y répondre. Certaines de leurs œuvres, parfois toutes, leur donneraientelles pourtant tort que rien ne s’en trouverait changé : leur espérance était plus haute, laquelle pensait aux œuvres elles-mêmes, qui pensait à eux aussi, qui pensait les atteindre.

Michel Surya "

Choix de lettres Par Michel Surya

 "A Marie-Louise Bataille         Riom-ès-Montagne   le 29 octobre 1919


[...]Pourquoi s'inquiéter de moi? Tant que j'aurais le front dur et les yeux droits pour regarder, il ne m'importe pas que le ciel soit une merveille bleue ou un sinistre gris, car la seule chose réelle qui soit est le visage, que j'ai assez puissant.

[...] et puis j'ai froid, et je suis troublé déjà, Je ne sais plus ce qui m'arrivera à travers la tête, car il y a déjà longtemps que ma pauvre tête porte je ne sais quoi qui la promet à toutes les aventures.

Voilà que Marie D[elteil] est pour ainsi dire perdue pour moi et que je l'aime de toute ma droiture avec la volonté d'outrepasser même la possibilité. Et pourtant, je n'ai pas cessé d'aimer une autre malgré moi alors qu'il n'y a peut-être plus d'autre obstacle entre elle et moi que dix jours de vacances à terminer.

[...] Mais ce qu'il s'est passé entre marie et moi est très simple. Après que j'ai eu parlé au docteur qui m'avait répondu afin de me décourager sans me rien dire qui soit clair, j'ai parlé à Marie qui prenait la chose tristement mais avec confiance.

Je me serais tué assez volontiers.

[...] Alors j'ai eu une singulière joie à rire avec Marie de moi et d'elle...."



A Marie-Louise Bataille     A Madrid


"Chère Marie-Louise,


Il est à présent absolument certain que je suis à Madrid, et non, comme tu pourrais le penser ou dans l'enthousiasme ou dans la désolation, mais dans cet état mixte qui est caractérisé par le fait qu'il ne comporte ni enthousiasme ni désolation, D'ailleurs, cet état est parfaitement désagréable, comme il est évident. Il provient de ce qu'à aucun moment de la journée je n'éprouve le plus minime plaisir à apercevoir le visage de quelqu'un. Il n'y a pas lieu de pleurer parce que cette absence fatigue seulement à la longue. On ne pleure jamais faute de rire et toutefois on souffre.."

Choix de lettres Par Michel Surya

 Georges Bataille: qui est-il?  qui est-il?


Georges Btataille est celui qui devient de plus en plus méconnu à mesure qu'on le lit, que les biographes, tous les biographes, ceux qui ont écrit en partie, et celui qui a fouillé une vie avant d'écrire. Cet homme a pu écrire les lettres qui vont suivre et , pourtant, a écrit "Histoire de l'oeil". 


Michel Surya dit de lui et là, je pense que l'on touche le fond de la personne et ce qui fut une partie de ses combats:


"Georges Bataille ne fut jamais définitivement athée (jamais du moins au sens où l'athéisme ne fut pas pour lui une question), ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de Dieu, pas davantage parce que Dieu est mort, mais parce qu'il y a plus fort que Dieu: plus fort parce qu'aveugle ("Dieu dans son infirmité est aveugle quand voir est mon infirmité"), aveugle et fou. Joseph-Aristide Bataille, à sa façon, était la folie" de Dieu."

Si on regarde un peu ce que fut la vie d'enfant de personnes comme Michel Surya et Georges Bataille, on s'aperçoit que les parents, l'un ou les deux, furent des monstres car malades, peut-être. 



Je vous engage Par M.A.

 Je vous engage à continurer àme suivre pour ceux qui le font encore


je vous invite à revenir ceux qui ne me suivent plus


Je vous engage à me dire pourquoi vous ne me suivrez plus sans sombrer dans la vulgarité ou les insultes.


je vous engage à continuer à me lire car le combat les combats restent les même toujours les mêmes.


Je vous engage à me croire quand je vous dis que je n'ai pas changer je n'ai pas changé.


je suis le même


Merci à vous.

mardi 18 avril 2023

Utopia de Bernard Lavilliers

 Je chanterai le nouveau monde

Né de la zone et de l'ordureEn ces temps-là vos belles actionsPassaient toujours par l'écritureVous vous gaviez de projectionsDe projets sérieux, de futurPendant que l'ordre et la répressionVous alignaient contre un mur
Vous ronronniez pour le vieux mondeDans l'opposition objectiveRespectant la règle et la rondeDans vos manchettes maladivesÇa sentait le médicamentLa frustration et le soumisÇa puait déjà l'électronLe temps qui passe à crédit
Des technocrates maigrichonsVous prédisaient des jours meilleursDes aurores de l'expansionA la sournoise nuit des chomeursVous faisiez du lard aux ceinturesLes pancartes au bout des bras mousFaisaient des cercles dans l'ordureOu vous vous traîniez à genoux
Les barbares, qui montraient leurs crocsAux barrières des périphériquesRicanaient, remplaçant vos motsPar des cris de guerriers celtiquesVous en aviez froid dans le dosBien qu'expliquant ce phénomèneVous essayiez de rentrer tôtDétestant les milices urbaines
Vous nous regardiez en ces tempsInventer une autres musiqueFaite de violence et de sangD'ignorance et de prophétiqueVotre raison vous pesait lourdDans vos masochistes partouzesDans vos dérisoires amoursVotre révolte et vos ventouses
La petite gauche vivotaitFrileuse comme une alouetteVos bars, vos fêtes, vos congrèsVos chanteurs, vos peintres, vos poètesVotre raison, votre droitureVos illusions, vos habitudesVos soumissions, votre cultureVos ambitions, vos certitudes
Cette lucidité bidonQui remplaçait si bien les tripesEtait sinistre et sans passionEt militante et castratriceElle vous bloquait le creux des reinsComme un calcul diabétiqueElle vous laissait sur votre faimDe bien nourris et d'asthmatiques
Nous rêvons d'une autre planèteEn ce futur, t'en souvient-tu ?Nous tirons des plans à facettesVers des comètes disparuesNous installons nos mines d'orSur des podiums itinérantsOu nous jouons toujours très fortDe la guitare, et du vent
Nous pressentons une cassureUne crevasse nette et sanglanteUne balafre dans l'azurUn cran d'arrêt dans le silenceUne fissure dans le certainUne embolie dans la financeUn détonateur dans la mainUn embarras dans la nuance
Nous vivons au ras des pavésN'ayant jamais connu la plageEt jamais le roi des étésNe s'est inscrit au paysageNous avons la haine au profondUne haine fondamentaleDe la hiérarchie et des consDu quotidien et du fatal.

Peut-on se dire révolutionnaire sans être encarté? Par M.A.

 Je les entends mes anciens je ne sais quoi si ils ne peuvent être des anciens collègues ou amis ou camarades ceux qui pensent qui sont encore les gardes des vieilles flammes éteintes qui se baladent de rues en rues en chantant de vieux chants révolutionnaires poussiéreux qui ne font que les émouvoir eux-mêmes 

ils ne frémissent plus ces gens là ils ne vivent plus ils se trainent de section en section font des colloques baladent leurs pancartes 


qu'est ce que c'est d'être encore de gauche révolutionnaire communiste socialiste qui sont encore les gens qui gueulent qu'ils sont cela ou ceci en pleurant en versant la larme crocodile ils s'émeuvent de peu s'indignent à tort de choses mesquines sans  raison aucune raison ils sont là les donneurs de leçons  la poitrine en avant l'oriflamme sanglant battant au vent demandant des têtes demandant la guillotine les victimes seront les anciens qui mais pas ceux qui devraient 

on hurle on participe on complote on alimente les mensonges on gonfle les contre vérités et l'on singe l'indignation 


et les pleutres leur font la danse du ventre et tapent des mains la mesure...

A tout ceux M.A.

Je dédie ce texte cette pensée cette diatribe à ceux tout ceux qui sont campés sur leurs positions qui pensent que penser c'est une bonne fois pour tout que rien ne change que si la pensée évolue c'est qu'elle se pervertit c'est que l'on a changé de camp nous ne sommes plus sur le droit chemin


Depuis que la littérature est entrée sur mon blog il y a eu  qui continuent à regarder à lire à se curiotiser sa modeste vie se cultiver découvrir et apprécier

il y a ceux qui ne veulent plus venir car peur de changer peur de ne pas changer peur de ne plus penser que penser est une pensée qui n'est pas rectiligne comme la route qui nous mène à la mort à la sclérose à la mort à la mort de la culture de la pensée politique artistique poétique


La littérature l'art la politique la révolte pour le peu de révolution  c'est ceux qui écrivent qui pensent se réunissent rient ensemble rient seul luttent tombent aiment à en mourir mourir pour ne jamais être vieux dans la tête mourir car la déception peut à tout moment nous prendre les meilleurs et nous laisser les pires

les pires sont là ils sont sur les plateaux dans nos télés à nous dire que tout va bien que travailler plus en fait ce n'est pas travailler plus que les riches seront toujours plus riches pendant que les pauvres crèveront de diabète de cancers ou de cirrhoses merci pour eux pour eux qui se moquent qui nous méprisent qui ne se cachent plus qui ont leurs télés leurs clowns  et tous ceux qui tapent des mains pour nous distraire de l'important de l'urgent qui nous détournent de la vérité  la seule vérité l'unique


c'est que la révolution, le peu de révolution c'est l'homme l'unique homme sur la terre à côté autour ceux que l'on n'aime pas ceux qui nous déteste parce que différent parce qu'on leur a appris comme ça parce que personne ne pense qu'il peut être facile de rire et d'aimer aimer aimer à en faire société société c'est à dire aimer à vouloir secourir aider porter guider


A oser dire que le faible n'est faible parce que moi-même je suis faible je suis faible car dans ce monde les forts ceux qui s'autodéterminent forts dénoncent pointent du doigts et décident ceux qui sont faibles

Nous sommes à genoux face à des nains où est notre faiblesse là dedans ?


Je vous invite tous à continuer à venir me voir me lire découvrir vibrer vivre aimer s'aérer et rêver  rêver avant de créer 

dimanche 16 avril 2023

Les premiers mots. De Bernard Noël

 " Vous auriez vite découvert qu’on n’écrit pas pour se souvenir, mais pour jouer avec l’oubli."



"Vous auriez également découvert que l’écriture relève davantage de l’absence que de la présence, et que c’est d’ailleurs ce décalage qui ouvre en elle une fêlure propice au plaisir, ou au tourment d’écrire." 




samedi 15 avril 2023

Qui fait la soupe doit la manger Louis Auguste Blanqui

 La richesse naît de l'intelligence et du travail, l'âme et la vie de l'humanité. Mais ces deux forces ne peuvent agir qu'à l'aide d'un élément passif, le sol, qu'elles mettent en oeuvre par leurs efforts combinés. Il semble donc que cet instrument indispensable devrait appartenir à tous les hommes. Il n'en est rien.

Des individus se sont emparés par ruse ou par violence de la terre commune, et, s'en déclarant les possesseurs, ils ont établi par des lois qu'elle serait à jamais leur été, et que ce droit de propriété deviendrait la base de la constitution sociale, c'est-à-dire qu'il primerait et au besoin pourrait absorber tous les droits humains, même celui de vivre, s'il avait le malheur de se trouver en conflit avec le privilège du petit nombre.

Ce droit de propriété s'est étendu, par déduction logique, du sol à d'autres instruments, produits accumulés du travail, désignés par le nom générique de capitaux. Or, comme les capitaux, stériles d'eux-mêmes, ne fructifient que par la main-d'oeuvre, et que, d'un autre côté, ils sont nécessairement la matière première ouvrée par les forces sociales, la majorité, exclue de leur possession, se trouve condamnée aux travaux forcés, au profit de la minorité possédante. Les instruments ni les fruits du travail n'appartiennent pas aux travailleurs, mais aux oisifs. Les branches gourmandes absorbent la sève de l'arbre, au détriment des rameaux fertiles. Les frelons dévorent le miel créé par les abeilles.

Tel est notre ordre social, fondé par la conquête, qui a divisé les populations en vainqueurs et en vaincus. La conséquence logique d'une telle organisation, c'est l'esclavage. Il ne s'est pas fait attendre. En effet, le sol ne tirant sa valeur que de la culture, les privilégies ont conclu, du droit de posséder le sol, celui de posséder aussi le bétail humain qui le féconde. Ils l'ont considéré d'abord comme le complément de leur domaine, puis, en dernière analyse, comme une propriété personnelle, indépendante du sol.

Cependant le principe d'égalité, gravé au fond du coeur, et qui conspire, avec les siècles, à détruire, sous toutes ses formes, l'exploitation de l'homme par l'homme, porta le premier coup au droit sacrilège de propriété, en brisant l'esclavage domestique. Le privilège dut se réduire à posséder les hommes, non plus à titre de meuble, mais d'immeuble annexe et inséparable de l'immeuble territorial.

Au XVIème siècle, une recrudescence meurtrière de l'oppression amène l'esclavage des noirs, et aujourd'hui encore les habitants d'une terre réputée française possèdent des hommes au même titre que des habits et des chevaux. Il y a du reste moins de différence qu'il ne paraît d'abord entre l'état social des colonies et le nôtre. Ce n'est pas après dix-huit siècles de guerre entre le privilège et égalité que le pays, théâtre et champion principal de cette lutte, pourrait supporter l'esclavage dans sa nudité brutale. Mais le fait existe sans le nom, et le droit de propriété, pour être plus hypocrite à Paris qu'à la Martinique, n'y est ni moins intraitable, ni moins oppresseur.

La servitude, en effet, ne consiste pas seulement à être la chose de l'homme ou le serf de la glèbe. Celui-là n'est pas libre qui, privé des instruments de travail, demeure à la merci des privilégiés qui en sont détenteurs. C'est cet état qui alimente la révolte. Pour conjurer le péril, on essaie de réconcilier Caïn avec Abel. De la nécessité du capital comme instrument de travail, on s'évertue à conclure la communauté d'intérêts, et par la suite la solidarité entre le capitaliste et le travailleur. Que de phrases artistement brodées sur ce canevas fraternel ! La brebis n'est tondue que pour le bien de sa santé. Elle redoit des remerciements. Nos Esculapes savent dorer la pilule.

Ces homélies trouvent encore des dupes, mais peu. Chaque jour fait plus vive la lumière sur cette prétendue association du parasite et de sa victime. Les faits ont leur éloquence; ils prouvent le duel, le duel à mort entre le revenu et le salaire. Qui succombera ? Question de justice et de bon sens. Examinons.

Point de société sans travail ! partant point d'oisifs qui n'aient besoin des travailleurs. Mais quel besoin les travailleurs ont-ils des oisifs ? Le capital n'est-il productif entre leurs mains, qu'à la condition de ne pas leur appartenir ? Je suppose que le prolétariat, désertant en masse, aille porter ses pénates et ses labeurs dans quelque lointain parage. Mourrait-il par hasard de l'absence de ses maîtres ? La société nouvelle ne pourrait-elle se constituer qu'en créant des seigneurs du sol et du capital, en livrant à une caste d'oisifs la possession de tous les instruments de travail ? N'y a-t-il de mécanisme social possible que cette division de propriétaires et de salariés ?

En revanche, combien serait curieuse à voir la mine de nos fiers suzerains, abandonnés par leurs esclaves ! Que faire de leurs palais, de leurs ateliers, de leurs champs déserts ? Mourir de faim au milieu de ces richesses, ou mettre habit bas, prendre la pioche et suer humblement à leur tour sur quelque lopin de terre. Combien en cultiveraient-ils à eux tous ? J'imagine que ces messieurs seraient au large dans une sous-préfecture.

Mais un peuple de trente-deux millions d'âmes ne se retire plus sur le Mont Aventin. Prenons donc l'hypothèse inverse, plus réalisable. Un beau matin, les oisifs, nouveaux Bias, évacuent le sol de France, qui reste aux mains laborieuses. jour de bonheur et de triomphe ! Quel immense soulagement pour tant de millions de poitrines, débarrassées du poids qui les écrase ! Comme cette multitude respire à plein poumon ! Citoyens, entonnez en choeur le cantique de la délivrance!

Axiome : la nation s'appauvrit de la perte d'un travailleur ; elle s'enrichit de celle d'un oisif. La mort d'un riche est un bienfait.

Oui ! Le droit de propriété décline. Les esprits généreux prophétisent et appellent sa chute. Le principe essénien de Réalité le mine lentement depuis dix-huit siècles par l'abolition successive des servitudes qui formaient les assises de sa puissance. Il disparaîtra un jour avec les derniers privilèges qui lui servent de refuge et de réduit. Le présent et le passé nous garantissent ce dénouement. Car l'humanité n'est jamais stationnaire. Elle avance ou recule. Sa marche progressive la conduit à l'égalité. Sa marche rétrograde remonte, par tous les degrés du privilège, jusqu'à l'esclavage personnel, dernier mot du droit de la propriété. Avant d'en retourner là, certes, la civilisation européenne aurait péri Mais par quel cataclysme ? Une invasion russe ? C'est le Nord, au contraire, qui sera lui-même envahi par le principe d'égalité que les Français mènent à la conquête des nations. L'avenir n'est pas douteux.

Disons tout de suite que l'égalité n'est pas le partage agaire. Le morcellement infini du sol ne changerait rien, dans le fond, au droit de propriété. La richesse provenant de la possession des instruments de travail plutôt que du travail lui-même, le génie de l'exploitation, resté debout, saurait bientôt, par la reconstruction des grandes fortunes, restaurer l'inégalité sociale.

L'association, substituée à la propriêté individuelle, fondera seule le règne de la justice par l'égalité. De là cette ardeur croissante des hommes d'avenir à dégager et mettre en lumière les éléments de l'association. Peut-être apporterons-nous aussi notre contingent à l'oeuvre commune.

Avis au peuple ( le toast de Londres) 25.2.1851

 Quel écueil menace la révolution de demain ?

L'écueil où s'est brisée celle d'hier : la déplorable popularité de bourgeois déguisés en tribuns.

Ledru-Rollin, Louis Blanc, Crémieux, Lamartine, Garnier-Pagès, Dupont de l'Eure, Flocon, Albert, Arago, Marrast !

Liste funèbre ! Noms sinistres, écrits en caractères sanglants sur tous les pavés de l'Europe démocratique.

C'est le gouvernement provisoire qui a tué la Révolution. C'est sur sa tête que doit retomber la responsabilité de tous les désastres, le sang de tant de milliers de victimes.

La réaction n'a fait que son métier en égorgeant la démocratie.

Le crime est aux traîtres que le peuple confiant avait acceptés pour guides et qui l'ont livré à la réaction.

Misérable gouvernement ! Malgré les cris et les prières, il lance l'impôt des 45 centimes qui soulève les campagnes désespérées, il maintient les états-majors royalistes, la magistrature royaliste, les lois royalistes. Trahison !

Il court sus aux ouvriers de Paris ; le 15 avril, il emprisonne ceux de Limoges, il mitraille ceux de Rouen le 27 ; il déchaîne tous leurs bourreaux, il berne et traque tous les sincères républicains. Trahison ! Trahison !

A lui seul, le fardeau terrible de toutes les calamités qui ont presque anéanti la Révolution.

Oh ! Ce sont là de grands coupables et entre tous les plus coupables, ceux en qui le peuple trompé par des phrases de tribun voyait son épée et son bouclier; ceux qu'il proclamait avec enthousiasme, arbitres de son avenir.

Malheur à nous, si, au jour du prochain triomphe populaire, l'indulgence oublieuse des masses laissait monter au pouvoir un de ces hommes qui ont forfait à leur mandat ! Une seconde fois, c'en serait fait de la Révolution.

Que les travailleurs aient sans cesse devant les yeux cette liste de noms maudits ! Et si un seul apparaissait jamais dans un gouvernement sorti de l'insurrection, qu'ils crient tous, d'une voix : trahison !

Discours, sermons, programmes ne seraient encore que piperies et mensonges ; les mêmes jongleurs ne reviendraient que pour exécuter le même tour, avec la même gibecière ; ils formeraient le premier anneau d'une chaîne nouvelle de réaction plus furieuse !

Sur eux, anathème, s'ils osaient jamais reparaître !

Honte et pitié sur la foule imbécile qui retomberait encore dans leurs filets !

Ce n'est pas assez que les escamoteurs de Février soient à jamais repoussés de l'Hôtel de Ville, il faut se prémunir contre de nouveaux traîtres.

Traîtres seraient les gouvernements qui, élevés sur les pavois prolétaires, ne feraient pas opérer à l'instant même :

1° - Le désarmement des gardes bourgeoises.

2° - L'armement et l'organisation en milice nationale de tous les ouvriers.

Sans doute, il est bien d'autres mesures indispensables, mais elles sortiraient naturellement de ce premier acte qui est la garantie préalable, l'unique gage de sécurité pour le peuple.

Il ne doit pas rester un fusil aux mains de la bourgeoisie. Hors de là, point de salut.

Les doctrines diverses qui se disputent aujourd'hui les sympathies des masses, pourront un jour réaliser leurs promesses d'amélioration et de bien-être, mais à la condition de ne pas abandonner la proie pour l'ombre.

Les armes et l'organisation, voilà l'élément décisif de progrès, le moyen sérieux d'en finir avec la misère.

Qui a du fer, a du pain.

On se prosterne devant les baïonnettes, on balaye les cohues désarmées. La France hérissée de travailleurs en armes, c'est l'avènement du socialisme.

En présence des prolétaires armés, obstacles, résistances, impossibilités, tout disparaîtra.

Mais, pour les prolétaires qui se laissent amuser par des promenades ridicules dans les rues, par des plantations d'arbres de la liberté, par des phrases sonores d'avocat, il y aura de l'eau bénite d'abord, des injures ensuite, enfin de la mitraille, de la misère toujours.

Que le peuple choisisse !

dimanche 9 avril 2023

Les premiers mots" de Bernard Noël

 

Il expliquera que, de toute façon, nous sommes en train de mourir. Il nous montrera la paix du déjà mort. Je veux que ce déjà nous fasse rire du haut de notre pas encore.

 

Vous retournez mon miroir. Vous nous condamnez à l’immobilité, nous qui pourtant connaissons encore l’attente. Vous ne pensez pas que sa haine des miroirs avait quelque chose de très puritain. Je crois que c’était chez lui une vieille histoire. Il doutait de son apparence. Il ne se trouvait pas beau. Il craignait d’être confronté à une réalité qu’il lui était suffisamment pénible d’imaginer sans devoir, en plus, la contempler. Il avait cru comprendre, étant enfant, qu’il était laid, et qu’à cause de cela sa mère ne pouvait pas l’aimer. Il n’essayait de se faire aimer que pour vaincre, en chaque femme, l’image de sa mère.

 

Je vous demande pardon. Je pense à lui encore. Je trouve que les morts sont égoïstes : ils nous laissent aux prises avec leur absence, et il nous faut en plus nous débrouiller pour trouver une explication à leur départ. Je l’entends hurler : La vie manque de réalité.

 

Vous ne pouvez savoir qu’il m’a fait à peu près la même scène : Tu devrais avaler un couteau à ouvrir les mots, disait-il. Tu saurais peut-être enfin qu’ils sont vides. Tu comprendrais que le vide ne peut véhiculer que le vide, et que ce n’est pas la peine d’aller baver du vide sur ma tombe.

 

 

Je suppose que nous échappons de temps en temps au raisonnable, et que c’est alors seulement que nous tombons parfois dans le vrai

samedi 8 avril 2023

Les premiers mots de Bernard Noël

 "je lui ai entendu dire que l'oubli n'était pas ce que l'on croyait, qu'il ne s'agissait pas de bien se faire oublier, mais d'accéder à l'oubli par la voix dure, qui consiste à laisser flotter son nom dans la langue, mais vide de tout visage, impersonnel, anonyme. Vous imaginez qu'u jour, en vous-même, il aura accédé à cet oubli".


"je ne saurai jamais si sa mort fut pour lui ce qu'elle est pour moi. J'ai senti, parfois, que je ne pourrais mourir par excès de vie, en offrant à la vie ce sacrifice excessif: oui, je l'ai senti physiquement, au plus profond de mon corps".


"Qu'est ce que la logique, c'est la pensée qui se vomit"

mardi 4 avril 2023

La pornographie. Texte de Bernard Noël

 Il y a les faits et leur lecture. 

Leur lecture est changeante, 

et c’est cela qu’on appelle l’histoire : 

je l’ai déjà dit. Ce changement qui fait trembler les souvenirs dans la mémoire, j’en observe les effets avec méfiance, mais écrivant, je ne me souviens pas : j’écris. 

Les lettres qui suivent s’éclairent l’une l’autre : elles ont paru dans la revue Digraphe au début de cette année 1985. 

Entre la mémoire, qui leur sert de terrain, et l’écriture, il y a un rapport offensif. 

Je ne sais trop comment aborder ce rapport. 

Je ne sais trop parce qu’il m’échappe à l’instant même où, le percevant, il me paraît capital.

 L’écriture est ce qui isole. 

L’écriture est ce qui rend public. 

Entre l’isolement et le public, la liaison est du genre de celle qu’on voit entre opposition et majorité : une liaison qui ne serait pas dévoyée par le goût du pouvoir. 

L’écriture s’oppose à ce qui la porte en public, et cependant elle appelle ce public – cette publication. 

Devenue publique, l’écriture n’appartient plus à l’écriture. 

Elle se rappelle à elle-même à travers son lecteur. 

La publication conteste l’écriture, mais c’est en la poussant vers l’audelà de sa limite. 

L’écriture conteste la publication, qui la ramène à son effacement, à son oubli. 

Ce jeu d’opposition, j’y sens l’aube d’une règle, qui changerait la situation sociale par une véritable alternance. 

L’opposition n’est pas une guerre : elle est une exigence. 

Cette exigence est pareille au mouvement de l’altérité, qui fait de l’autre mon opposé et mon semblable. 

L’écriture s’oppose à l’agressivité malade, à la prise du pouvoir, à la totalité triomphante parce qu’elle ne vit qu’en se remettant en jeu. 

L’opposition est cette relance, qui fait que rien ne sera jamais acquis.

Elle rature en nous le mouvement de la mort qui toujours voudrait couvrir le mouvement de la vie.

L outrage aux mots de Bernard Noël

 Quel récit!

La puissance de l utilité, de l évidence, de la transcendance.

A lire, a relire, pour que chaque mot ou chaque phrase y fasse leur sillon comme une cicatrice indélébile. Je pense que jusqu ici jamais je n ai ressenti l essentialite de la littérature comme je la ressens avec ce génie, même si je pense qu il rejetterait avec haine cette appellation.

Appelons le alors, L "écrivain".


J’écrivais comme on regarde fixement. 


Alternativement, je me souviens, j’oublie. On dirait que quelque chose de central a sauté. À la place du centre, il y a un trou. Tantôt, ça tombe ; tantôt ça remonte. Et ma langue, je la renverse vainement pour lui faire toucher le bord de ma gorge. Maintenant, je n’écris plus Le château de Cène, et plus jamais je ne l’écrirai. Fini. Tombé là-bas, et ce n’est pas lui qui remonte, mais une exigence qu’il n’a pas comblée. On écrit à un moment précis. Et quelle duperie ! Que s’est-il passé ? On a rempli des pages, c’est devenu un livre. Et le titre de ce livre est une pierre sous laquelle repose ce qui s’est passé. Je ne peux pas soulever la pierre. Je creuse seulement autour.




La culture n’est pas quantifiable, ni réductible. La culture ne peut se ramener à un savoir. Elle est instable. Elle inclut même l’oubli. La culture dépense ; l’information capitalise, mais paradoxalement elle aboutit à un savoir vide, car elle est plate, et tout y est égal. L’important n’est pas de savoir, mais de relativiser. L’homme gavé d’information ne fait pas la différence, et bientôt il devient indifférent. Je crois que la généralisation de la torture est liée au culte de l’information. Quand il s’agit de savoir, rien que de savoir, qu’importe le moyen employé puisque la fin justifie d’avance le moyen. Le grave est que l’enseignement lui-même tourne à la simple information. La preuve : la machine à enseigner est en train de prendre la place de l’enseignant – ou du moins on prépare ce moment.




samedi 1 avril 2023

Éloge de la démotivation de Guillaume Paoli

 "Voici certainement le point le plus original du discours qui met en lumière un intérêt objectif à l'obéissance. Peu importe que l'on aime la tyrannie ou qu'on l'execre, on en retire des avantages, une position. De plus, elle permet à l' asservi d'assouvir sa libido dominatrice en toute sécurité, puisqu etant "couvert" par la hiérarchie. Plus on descend la pyramide, plus le gain positif est modeste, par conséquent plus la tentation est forte de porter son ressentiment sur ceux  d' en dessous. Milgram avait montré que, placer dans un dispositif d'autorité les déchargeant de leur responsabilité, deux tiers des individus sollicités étaient prêts à se faire tortionnaires, expérience que chaque guerre confirme. Dans un contexte plus banal : nul ne tient trop à savoir quel crime et injustice ses propres déplacements ou son propre commerce alimente dans quelques contrées lointaines.

Éloge de la démotivation de Guillaume Paoli

 "Viennent ensuite l'idéologie du bien et le recours au bon sentiment. "Avant de commettre leur crime les plus graves écrit La Boétie, (les tyrans d'aujourd'hui) les font toujours précéder de quelques jolis discours sur le bien public et le soulagement des malheureux". Il est superflu de citer ici des exemples récent pour convaincre que ce moyen là n'a rien perdu de son actualité. Bien au contraire : il est nourri par l evincement (fêté comme "fin des idéologies") de la raison politique et du jugement critique que celle-ci permettait encore. Que répliquer à des flots d humanitarisme, de dégoulinements compassionnels et de larmes de crocodile ? Mais ce qui a changé surtout, c'est que ce procédé n'a même plus besoin d'être cru pour être efficace. Les temps médiatiques ont porté à la perfection le déplacement pervers de la question du caractère mensonger ou véridique d'un discours vers celle de sa "communication" plus ou moins réussie. L'asservi volontaire d'aujourd'hui se délecte à "décrypter l'information", à jauger l'empaquetage des mensonges, à soupeser leurs chances de succès. Il s'imagine ainsi prendre part à l'analyse avertie. Pour sa part, la Boétie remarque : "on connaît la formule dont ils font suffisamment usage ; mais peut-on parler de finesse là où il y a tant d'impudence" ?

Éloge de la démotivation de Guillaume Paoli

"la deuxième raison donnée par la Boétie, c'est l'abrutissement provoqué par les distractions et passe-temps que tout tyran qui se respecte dispense généreusement à son peuple."

"Quoi qu'il en soit, ce phénomène s'est certainement aggravé avec le naufrage simultané de la culture populaire et de la culture bourgeoise, lesquels, sans vouloir trop les idéaliser pour elle-même, on fera encore des points de résistance possible à cette effarantes tyrannie de festivisme qui a englouti le temps de "cerveau disponible"."

Tocqueville à propos du système libéral démocratique

 "Il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plis, les dirige ; il force rarement d'agir, mais il s'oppose sans cesse à ce qu'on agisse ; il ne détruit point, il empêche de naître ; il ne tyrannise ; ils gêne, il comprime, il énerve, il hebete, et il réduit enfin chaque nation à n'être plus qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger."

Éloge de la démotivation de Guillaume Paoli

 Qui pourrait différencier les responsables des phrases suivantes de Christine Lagarde du Maréchal Pétain en a un discours on ne peut plus moralisateur :


"C'est au tour de l'idée du travail que doit s'opérer la réconciliation de tous les Français. Cessons d opposer les riches et les pauvres comme si la société était irrémédiablement divisée en deux clans. Le bon sens indique en effet, lorsqu'il n'est pas obscurci par la passion ou par la chimère, que l'intérêt primordial des patrons, techniciens et ouvriers, c'est la prospérité réelle de leur métier. Dans les rapports de travail, le plus fort communique de la force au plus faible. Partout où des hommes de bonne foi, même issu de milieux sociaux très divers, se rencontrent pour une explication loyale, les malentendus se dissipent pour faire place à la compréhension, puis à l'estime, puis à l'amitié. Certains, bien sûr, réussissent mieux que d'autres. Mais, et c'est la l'essentiel, personne n'y perd. Désormais, par dela les hiérarchies sociales, des équipes étroitement unies joueront ensemble, pour gagner, ensemble, la même partie. Et la France retrouvera l'équilibre et l'harmonie qui lui permettront de hater l'heure de son redressement."



C est un discours du général de Gaulle en date du 7 juin 1968


Éloge de la démotivation. De Guillaume Paoli

 Intermé tragi-comique : j'apprends que le tribunal correctionnel de Paris vient de condamner un pauvre bougre à 750 € d'amende pour avoir comparé Sarkozy à Pétain. Il n'est pourtant pas le seul à avoir été frappé par la ressemblance, badiou l'a écrit lui aussi. Et oui, force est de le constater : le sarkozyme est un pétainisme, mais -il faut s'adapter à la conjoncture- un pétainisme en string, strass et plume de paon au cul. Comment s'en étonner ? De nouveau, nous assistons à un grand show de remotivation populaire, de réconciliation avec l'occupant, d'identification avec l'agresseur, avec cette différence toutefois que tout cela ne peut plus être que citation, remake, série b.