vendredi 27 juillet 2018

Journal de la Commune


Aux époques troublées, le chiffre des aliénations mentales s’accroît subitement. Ce n’est pas impunément que le cerveau reçoit tante de brusques secousses, et la moyenne des cas de folie est aujourd’hui presque doublée. Ayant perdu, par suite des événements, sa position et son petit capital, placé dans une entreprise de province, le sieur S…, employé dans une administration, demeurant boulevard de l’Hôpital, était depuis ce moment en proie à une profonde tristesse et donnait quelques signes de dérangement d’esprit. Il ne trouvait de consolation qu’auprès d’un ami B… dans la même position que lui et demeurant au sixième étage. Très souvent, il se rendait chez ce dernier, dont la concierge avait ordre de lui remettre la clef lorsqu’il était absent. Hier, vers six heures du soir, elle lui donna cette clef comme d’habitude, et remarqua qu’il avait l’air plus égaré qu’à l’ordinaire. Au bout d’une demi-heure environ, le sieur B…, qui était en course, revint et entra chez la concierge elle lui dit que son ami était dans sa chambre. Il se disposait à aller le retrouver, quand, en traversant la cour, il jeta un cri. Il venait d’apercevoir S…, en chemise, suspendu par les mains au chéneau du toit. Plusieurs personnes accoururent. On se mit à apporter des matelas pour amortir la chute de l’insensé, qui paraissait imminente ; tandis qu’on les préparait, il tomba sur le balcon du troisième étage, où il resta étendu sans mouvement. On crut d’abord qu’il avait cessé de vivre ; mais on reconnut bientôt que, par un bonheur inespéré, il n’avait qu’une foulure au pied droit et une forte contusion au genou.
Il avait gagné les toits par une fenêtre à tabatière et ses habits ont été retrouvés sur le lit de son ami, dans lequel il avait dû d’abord se coucher. Le blessé a été conduit à l’hôpital par le sieur B…, qui, de concert avec la famille, prendra des mesures pour le faire admettre, après sa guérison, dans un établissement d’aliénés.

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