Théâtre Français du XIX° siècles: Alfred de Vigny Partie II

 La figure du romantisme

Son premier texte est un essai sur l'oeuvre de Byron, dont les oeuvres complètes viennent de paraitre en 1820. Le bal , son premier poème, est publié la même année. Les deux textes paraissent dans le conservateur littéraire , la revue de Victor Hugo  . Vigny le fréquente; ainsi que Charles Nodier, Alexandre Soumet et le reste du cénacle. Il devient ami de Victor Hugo et publie en 1822 un recueil de poésie, sous couvert d'anonymat. L'ouvrage passe inaperçu. Le 22 octobre de la même année, il est témoin du mariage de Hugo et Adèle Foucher. Il est reçu chez Sophie Gay, désireuse de la voir épouser sa fille Delphine, la "muse de la patrie", mais Mme de Vigny fait obstacle au projet.

Son "aventure" espagnole est pour lui l'occasion de composer le trappiste, dolorida et Eloa,  poèmes bien accueillis qui contribuent à éclairer son nom. En 1824, il collabore à la muse française, fréquent le salon de Virginie Ancelot et fait la connaissance de Marie de Flavigny, future comtesse d'Agoult. Alors qu'il est en garnison à Bayonne, il s'éprend d'une anglaise, Lydia Bunbury qu'il épouse l'année suivante.

En 1826, il s'installe à paris avec sa femme et publie "les poèmes antiques et modernes" et Cinq-mars , premier vrai roman historique à la française. Considéré comme le Walter Scott français, il s'essaye également au théâtre, avec une adaptation en vers d'Othello . La première représentation à la comédie française, le 24 octobre 1829, est houleuse et préfigure Hernani . Il assiste sagement à la création de la pièce le 25 février 1830, aux côtés des "rapins" Théophile Gautier et Gérard de Nerval. Un mois plus tard, Christine D'Alexandre Dumas enfonce le clou du théâtre romantique. Après la première du 30 mars, Dumas prie Hugo et Vigny de corriger son texte, ce qui est chose faite dans la nuit même.

Le dramaturge à succès

La révolution de Juillet réveille en lui le pessimisme. Il réagit vivement devant les erreurs répétées des gouvernements de la restauration. Les ordonnances du ministère Polignac le font douter de la politique. La maréchale d'Ancre, représentée à l'Odéon le 25 juin 1831, avec laquelle il fait sa véritable entrée au théâtre, exprime ces doutes. A travers ce drame historique, il se prononce pour l'idée de l'abolition de la peine de mort en matière politique. 

C'est à cette époque qu'il entame une liaison tumultueuse avec Marie Dorval, après lui avoir fait une cour respectueuse. Mais Vigny, d'un tempérament jaloux et possessif, s'accommode mal du mode de vie de l'actrice, sans cesse sur les routes au sein d'une troupe de comédiens ambulants. La promiscuité des chambres fait craindre le pire au poète. Dorval est alors célèbre pour ses rôles dans Antony ou Marion Delorme drames romantiques par excellence. Comme elle a l'ambition de brûler les planches de la comédie française, il lu écrit Quitte pour la peur 1833, gracieux proverbe qui doit prouver qu'elle peut tout jouer. Elle le harcèle de nouveau pour qu'il écrive une autre pièce, un drame cette fois :Chatterton. La pièce écrite en douze jours et créée le 12 février 1835 à la comédie française, rencontre un succès prodigieux. Sand, Musset, Sainte-Beuve, Du Camp, Berlioz figurent parmi le public et applaudissent en chœur l'auteur et la comédienne, qui triomphe dans le rôle de Kitty Bell.

Désillusions et pessimisme

Chatterton est tiré d'un roman philosophique que Vigny venait de publier: consultations du docteur Noir: Stello ou les diables bleus (1832). Stello est un récit mêlé d'histoire, de philosophie et de roman qui rappelle Sterne et Diderot. A travers les trois exemples d'André Chénier, Nicolas Gilbert et Thomas Chatterton, Vigny développe, dans un ton amer et désabusé, l'idée que la vie moderne transforme le poète en paria. Le poète est un être à part, un génie malheureux, inadapté au quotidien, que le monde trivial fait souffrir, qui vit dans une profonde solitude. Ecrasé par les matérialités de la vie, il est contraint, s'il veut subsister, de devoir accepter des fonctions utilitaires qui le détournent de sa mission. Cette conception amère de la poésie préfigure la vogue des poètes maudits.

"Servitude et grandeur militaires" 1835 est une autre oeuvre en prose. Vigny se penche sur la figure du soldat, autre paria de la vie moderne. Trois récits illustrent la condition humaine du militaire, écartelé par son devoir d'obéissance et sa conscience d'homme libre.

L'avenir semble lui appartenir mais aux alentours de 1837 tout s'assombrit: la mort de sa mère, sa rupture avec Marie Dorval et des brouilles successives avec ses anciens amis du Cénacle le font quitter le devant de la scène. Sa production s'arrête brusquement, et à l'exception de quelques poèmes dans la revue des deux mondes, publiés à de longs intervalles, il ne publie plus rien de son vivant.

La retraite au Maine-Giraud

Il se retire dans son domaine de Charente pendant les vingt-cinq dernières années de sa vie. Là, il veille sur sa femme Lydia, quasiment infirme et silencieuse. Il publie au compte-gouttes ses poèmes, fruits d'intenses méditations: la mort du loup (1838), la colère de Samson (1839), le mont des oliviers (1839) sont nées dans ce que Sainte-Beuve appelle abusivement la tour d'ivoire. Eloigné des salons littéraires parisiens, il n'en demeure pas moins attentif au monde des lettres. Il s'attire à lui l'amitié de jeunes écrivains et prend soin de corriger les ébauches qu'ils lui envoient.

Vigny se présente vainement à plusieurs reprises à l'académie. Il endure les visites et réceptions des académiciens, pour la plupart hostiles au romantisme et à ses idées. Il est finalement élu le 8 mai 1845. La réception a lieu le 29 janvier 1846. Son discours, célébrant le romantisme, est d'une longueur inhabituelle. De plus il omet de faire l'éloge du roi Louis-Philippe. La réponse de Mathieu Molé est cinglante. Molé critique ouvertement le courant romantique et les oeuvres du poète. Il ne se prive pasd pour nier leur mérite et condamner leur manque de vérité, ce qui achève de mortifier l'auteur. En revanche Vigny échoue à se faire élire député de Charente, après s'être présenté deux fois aux élections de 1848 et 1849.

Vigny retourne à Paris en octobre 1853. L'empereur Napoléon III le reçoit. Ils avaient fait connaissance l'année précédente, lors de la tournée de propagande du souverain. L'écrivain ne tarde pas à devenir partisan du second empire. Il reçoit par ailleurs la visite d'un Jules Barbey d'Aurevilly administratif et de Charles Baudelaire lors de sa candidature à l'académie, campagne qui se révèlera désastreuse. Les deux poètes sympathisent. A cette époque, il multiplie les liaisons amoureuses avec Louise Colet, l'ancienne maitresse de Flaubert et de Musset, puis avec Elisa Le Breton et enfin avec Augusta Bouvard, toutes deux à peine âgées de vingt ans.

Quelques années plus tard, en décembre 1862, sa femme Lydia décède. Vigny la rejoint le 17 septembre 1863. Il souffrait depuis quelques années d'un cancer à l'estomac.


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