mercredi 25 juillet 2018

François-René de Chateaubriand « Discours Historiques »




« « A cette époque le christianisme était philosophique, il rétrograda, il devint monacal par l'ignorance et les malheurs répandus sur terre : c'est précisément ce qui fit sa force. Le temps de la barbarie couva les germes de la société moderne, et son incubation fut d'une énergie prodigieuse. Le christianisme, philosophique trop tôt à la suite d'une vieille civilisation qui n'était pas né de lui, se serait épuisé ; il fallait qu'il traversât des siècles de ténèbres, qu'il fût lui-même l'auteur de la civilisation nouvelle, pour arriver à son âge philosophique naturel, âge qu'il atteint aujourd'hui. »

« Mais l'écroulement de nos églises n'a point amené la chute de la religion du Christ, tandis que la religion de Jupiter, ruinée d'ailleurs, disparut avec ses temples. La vérité ne tient point à une pierre, elle subsiste indépendamment d'un autel : l'erreur ne peut vivre si elle n'est enfoncée dans les ténèbres d'un sanctuaire. »

« Ira-t-on jusqu'à supposer, dans un nouveau système, que Dieu n'est pas encore complet, qu'il se forme chaque jour par la réunion des âmes dégagées des corps ; de sorte que ce ne serait plus Dieu qui aurait formé l'homme, mais les hommes qui seraient les créateurs de Dieu ? »

« L'homme, privé de ses facultés divines, est indigent et triste ; il perd la plus riche moitié de son être : borné à son corps, qu'il ne peut ni rajeunir ni faire vivre, il se dégrade dans l'échelle de l'intelligence. »

« Mais si le christianisme tombe comme toute institution que l'homme a touché, et à laquelle il a communiqué la défaillance de sa nature ; si le temps de cette religion est accompli, qu'y faire ? Le mal est sans remède. Je ne le pense pas. Le christianisme intellectuel, philosophique et moral, a ses racines dans le ciel, et ne peut périr ; quand à ses relations avec la terre, il n'attend pour se renouveler qu'un grand génie. On aperçoit très bien aujourd'hui la possibilité de la fusion des diverses sectes dans l'unité catholique ; ais la première condition pour arriver à la recomposition de l'unité, c'est l'affranchissement complet des cultes. Tant que la religion catholique sera une religion soldée, dépendante de l'autorité politique et de la forme variable des gouvernements ; tant qu'elle continuera d'être gênée dans ses mouvements, entravées dans ses assemblées particulières et générales, contaminée dans ses chaires et ses écoles par l'argent du fisc ; en un mot, tant qu'elle ne retournera pas au pied et à la liberté de la croix, elle languira dégénérée. »



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