« « A cette époque le christianisme était
philosophique, il rétrograda, il devint monacal par l'ignorance et
les malheurs répandus sur terre : c'est précisément ce qui
fit sa force. Le temps de la barbarie couva les germes de la société
moderne, et son incubation fut d'une énergie prodigieuse. Le
christianisme, philosophique trop tôt à la suite d'une vieille
civilisation qui n'était pas né de lui, se serait épuisé ;
il fallait qu'il traversât des siècles de ténèbres, qu'il fût
lui-même l'auteur de la civilisation nouvelle, pour arriver à son
âge philosophique naturel, âge qu'il atteint aujourd'hui. »
« Mais l'écroulement de nos églises n'a point
amené la chute de la religion du Christ, tandis que la religion de
Jupiter, ruinée d'ailleurs, disparut avec ses temples. La vérité
ne tient point à une pierre, elle subsiste indépendamment d'un
autel : l'erreur ne peut vivre si elle n'est enfoncée dans les
ténèbres d'un sanctuaire. »
« Ira-t-on jusqu'à supposer, dans un nouveau
système, que Dieu n'est pas encore complet, qu'il se forme chaque
jour par la réunion des âmes dégagées des corps ; de sorte
que ce ne serait plus Dieu qui aurait formé l'homme, mais les hommes
qui seraient les créateurs de Dieu ? »
« L'homme, privé de ses facultés divines, est
indigent et triste ; il perd la plus riche moitié de son être :
borné à son corps, qu'il ne peut ni rajeunir ni faire vivre, il se
dégrade dans l'échelle de l'intelligence. »
« Mais si le christianisme tombe comme toute
institution que l'homme a touché, et à laquelle il a communiqué la
défaillance de sa nature ; si le temps de cette religion est
accompli, qu'y faire ? Le mal est sans remède. Je ne le pense
pas. Le christianisme intellectuel, philosophique et moral, a ses
racines dans le ciel, et ne peut périr ; quand à ses relations
avec la terre, il n'attend pour se renouveler qu'un grand génie. On
aperçoit très bien aujourd'hui la possibilité de la fusion des
diverses sectes dans l'unité catholique ; ais la première
condition pour arriver à la recomposition de l'unité, c'est
l'affranchissement complet des cultes. Tant que la religion
catholique sera une religion soldée, dépendante de l'autorité
politique et de la forme variable des gouvernements ; tant
qu'elle continuera d'être gênée dans ses mouvements, entravées
dans ses assemblées particulières et générales, contaminée dans
ses chaires et ses écoles par l'argent du fisc ; en un mot,
tant qu'elle ne retournera pas au pied et à la liberté de la croix,
elle languira dégénérée. »
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