mercredi 25 juillet 2018

Daniel Poncet Deuxième gauche Réformisme et lutte de classes


-Le 2 septembre 1977 : l’article en une du QDP n°496 « Séguy Maire : « beau fixe » Plus que 6 mois pour préparer l’après-78… » fait état d’une rencontre le mercredi 31 août 1977 « entre les délégations des directions confédérales CGT et CFDT » pour « procéder à « un large échange de vues » sur la situation politique et sociale. Le communiqué final qui a clôturé cette réunion de plus de deux heures insiste particulièrement sur le climat de bonne entente entre les deux états majors confédéraux. On s’y est mis d’accord sur le principe d’une « relance de l’action »… par branche et par région. En revanche, Séguy et Maire ont été moins bavards quant aux tractations sur… l’après 78. Ce n’est pourtant pas la moindre de leurs préoccupations aujourd’hui. ». En page 3 l’article « Rencontre Séguy-Maire : Préparer une négociation avec le gouvernement de gauche » revient plus en détail sur les motivations de cette rencontre : comment éviter que les travailleurs mettent en péril l’action du futur gouvernement de gauche.
En juin, rappelle l’article
« la CGT avait mis l’accent sur ce qui unissait les deux syndicats, minimisant à l’évidence les points de désaccord. Parmi ces convergences, il en est une de taille, comme le dit Krasucki : » La CFDT est contre les débordements irresponsables, et nous contre la surenchère ». Pour Maire, il s’agit de « maîtriser les rapports entre l’action gouvernementale et l’action des masses ». On ne peut être plus clair. Cet accord de fond remet à leur place toutes les tentatives des directions CGT et CFDT de se démarquer de l’union de la gauche. ».
Plus loin, l’article se poursuit par une analyse des relations et des projets du PCF et de la CGT, puis des contradictions de la CFDT
«Pour la CFDT, les choses sont moins simples. Le 17 août, E. Maire accordait au Monde, une interview qui a fait grand bruit, dans lequel il mettait tous les partis de gauche dans le même sac, du moins en apparence. C’est que dans la CFDT, le PS inspire de plus en plus de méfiance. E. Maire n’a d’autres choix, s’il veut maintenir un minimum d’unité dans la CFDT, que d’invectiver la gauche, que de poser les questions que posent une bonne partie des militants. Il en va de la « crédibilité de l’orientation autogestionnaire », comme il dit. D’autre part, il tente de reprendre les aspirations, les questions des militants, de l’autre, il donne des réponses qui toutes ramènent à la gauche : « L’importance du mouvement syndical et la nécessité de son action dans l’union des forces populaires ont rarement été aussi grande », conclut-il. La marge de manoeuvre n’est pas large, car bon nombre de militants ne sont pas prêts à donner un chèque en blanc à la gauche. » L’article se conclut par « C’est bien l’urgence pour les dirigeants confédéraux d’avancer dans la résolution de ces problèmes, l’incertitude qui plane sur l’après-78, qui motivent la tenue de réunions comme celle de mercredi. ».
Sur la même page, un encart rappelle les « convergences et divergences » de Séguy et Maire. A la page 2, un long article de Nicolas Duvallois, intitulé : « Programme Commun version 77 : L’entente forcée des frères ennemis » indique qu’«au plus fort de la polémique entre les partis de gauche, dans sa phase ascendante du mois d’août, Marchais
lâche dans l’Humanité qu’ «on est bien loin de l’accord », quelques soixante-dix points de désaccords subsistent avant le sommet prévu à la mi-septembre. Réponse de Mitterrand, deux semaines plus tard : ce fameux sommet n’aura à traiter que « trois ou quatre grandes questions », et quelques heures suffiront pour en venir à bout… » . Nicolas Duvallois, précise : « il s’agit pour le PCF et pour le PS d’arriver à ce fameux programme commun version 77, dont le but est d’unir, un peu plus un peu moins –là est la question- des projets à moyen terme contradictoires. »
Les nationalisations, le calendrier d’application, la défense nationale et les institutions, sont les points analysés dans cet article. Nous avons là, dans les articles de ce n°496 du QDP datant du 2 septembre, les éléments des contradictions et des divisions entre la CGT et la CFDT, entre le PCF et le PS, mais aussi leurs convergences. De plus, nous sommes toujours
début septembre dans l’optique où les résultats des municipales et le rejet de la droite, c’est la victoire de l’union de la gauche en 78. L’échec de l’actualisation du programme commun n’est pas souhaité à ce moment là.
-Dans le QDP n°497 (samedi 3 septembre 1977) un article d’Olivier Lussac revient sur le passage du secrétaire général du PCF jeudi soir 1er septembre à la télé : « Marchais à Antenne 2 : Des justifications pour l’après 78 » sur les questions et les interrogations de celui-ci sur ce que fera le PS et sur ses inquiétudes pour mars 1978 :
« Inquiétudes fondées, mais bien tardives et bien suspectes de la part d’un personnage qui a joué un grand rôle dans la remise sur pied de la vieille social-démocratie. » En page intérieure l’article d’Olivier Lussac en page 6 indique : « Alors que l’on annonçait comme vraisemblable la date du 14 septembre pour le sommet de la gauche, qui doit conclure les travaux de renégociation du programme commun, Marchais poursuivait sa polémique à la
télévision. Si elle ne nous apprend rien de bien nouveau, l’interview de jeudi soir à Antenne 2 n’en est pas moins révélatrice des difficultés du PCF. Révélatrices en particulier ces deux questions formulées par Marchais ; en cas de victoire, comment la gauche va pouvoir va-t-elle « résoudre le problème du chômage, des prix, de la hiérarchie des salaires, des nationalisations, de la défense nationale… », et : « que penseraient les Français si, avec un premier ministre de gauche à la place de Barre, l’inflation continuait, si les chômeurs restaient chômeurs ? »
Questions dont on ne peut reprocher le caractère pertinent, et que les marxistes-léninistes n’ont cessé de poser aussi bien en ce qui concerne les propositions du PCF, que celles du PS ; mais questions qui sont pour le moins déplacées dans la bouche de Marchais. Parce que qui d’autre que Marchais lui-même et toute la direction du PCF ont fait miroiter depuis plus de quinze ans, la perspective d’une alliance électorale avec la social-démocratie ? Qui
d’autres que Marchais et le PCF, ont servi de marche-pied à la vieille social-démocratie, complètement défraîchie en 69, pour l’aider à faire peau neuve et à redevenir le premier parti de France ? ».
Comme le dit la suite de l’article : « La contradiction profonde qui oppose le projet social-démocrate et celui du PCF, contient, plus qu’en germe, la rupture de demain, au point que c’est aujourd’hui très largement évoqué dans toutes les hypothèses politiques envisagées à droite et à gauche !
Et Marchais fait semblant de s’en apercevoir aujourd’hui ! En fait il s’aperçoit surtout que la désillusion risque de faire des remous à la base, et que bon nombre de militants du PCF se poseront plus nettement encore la question du rapport entre le socialisme auquel ils aspirent et le « socialisme aux couleurs de la France », dont l’union de la gauche devait ouvrir la voie ! Ne pas écarter la possibilité de la rupture revient donc, pour les dirigeants de ce parti, à se préparer à affirmer lorsqu’elle se fera : « Nous vous l’avions bien dit ! » ! Dans les extraits des propos de Marchais, reproduis dans ce n°497 du QDP le passage suivant indique : « François Mitterrand a dit : «Nous ne ferons pas alliance avec les forces de droite ». Mais un journaliste évoque aujourd’hui la possibilité d’une situation à la portugaise, c’est-à dire une situation dont le rapport de force permettrait au PS, avec la complicité bienveillante de la droite, d’essayer de gérer les affaires de la France avec un gouvernement socialiste homogène, c’est à dire sans participation communiste. Il faut donc que Mitterrand dise nettement : « Nous voulons un gouvernement d’union de la gauche avec les communistes… ».
-Le n°498 du QDP en date du dimanche 4 et lundi 5 septembre 1977, titre : « Marchais et Mitterrand insistent sur leurs divergences : Feu roulant avant l’armistice » l’article annonce que « Au stade actuel, il semble donc que l’on aille vers un compromis au sommet qui sera en faveur du PS ».
-Le QDP n°499 du mardi 6 septembre 1977, revient sur « Les grandes manoeuvres de Marchais » pour tenter « d’intéresser les travailleurs à ses marchandages avec le PS ».
Un article de ce n°499 signé d’Olivier Lussac, aborde le sujet de « La rentrée des états majors syndicaux » et de la « reprise de l’action syndicale » car « la CGT, notamment, à l’image du PCF, se montre « ferme » : « Provoquer une accalmie sur le front social en fonction des perspectives politiques ne serait pas seulement une erreur, mais une faute » déclarait lundi au « Matin » Michel Warcholak, secrétaire de la CGT. Il ajoute : « Le développement des luttes n’est pas susceptible de gêner la gauche. Cette dernière ne peut pas fonder sa stratégie sur un comportement attentiste. Elle doit encore gagner beaucoup de voix y compris parmi les travailleurs ».
Voilà un discours qui s’intègre à merveille à l’actuelle pression que fait subir au PS le PCF. D’autant plus que Maire vient rajouter d’une certaine manière de l’eau au moulin du PCF en déclarant : « Nous estimons que toute la vérité doit être dite dès maintenant aux Français, que rien même si cela est désagréable à entendre- ne peut être caché. »
Cela vaut d’ailleurs à Maire les égards du PCF : Marchais qui aspire à rencontrer les dirigeants de la CFDT, alors que l’« Humanité » loue ses initiatives et ses prises de position. »
Dans le QDP n°501 daté du 8 septembre 1977, François Marchadier sous le titre « La soif de pouvoir de Marchais » fait le point sur la polémique entre les partis de gauche, quelques jours avant le sommet prévu pour le 14 septembre. François Marchadier indique que :
« L’Humanité de mardi insiste particulièrement sur le refus opposé par les socialistes aux propositions du PCF concernant les mesures sociales. Mais l’éditorial ne se contente pas d’enfoncer le « clou du SMIC », il conteste les prises de position des dirigeants socialistes à la suite de l’Huma spéciale de lundi. Trois dirigeants importants du PS, Mauroy, Estier, Hernu, ont fait connaître leur point de vue dans la journée de lundi : ces déclarations veulent donner le visage de l’apaisement, pour faire apparaître le PS comme étant le plus unitaire au sein de la gauche. En même temps, les dirigeants socialistes laissent entendre que le PCF souhaiterait aujourd’hui l‘échec de la gauche aux prochaines législatives.
Pour accréditer cette idée, le PS peut s’appuyer sur les interrogations de certains travailleurs qui se demandent où veut en venir exactement le PCF, par l’intensité de sa polémique. Un des raisonnements est le suivant : « Considérant qu’il parviendra au pouvoir dans une situation économique extrêmement dégradée, le PCF estime qu’il ne parviendra pas à redresser la barre et préfère rester dans l’opposition. » Ce raisonnement prend assurément les dirigeants du PCF pour bien plus naïfs qu’ils ne sont, car ceux-ci savent depuis longtemps ce que sera la situation économique lors d’un éventuel avènement de la gauche au pouvoir, et ils n’ignorent pas justement, comme le montre leur insistance sur le SMIC, que la baisse du pouvoir d’achat, le chômage sont ce qui favorisera l’existence d’une majorité possible pour la gauche. De même, la nature du PS, la volonté de ce parti de se débarrasser du PCF dès qu’il le pourra, ne sont pas une découverte pour les chefs révisionnistes ; eux qui ont renfloué la social-démocratie en vue d’accéder au pouvoir
par alliance avec elle, savaient dès le départ à quoi s’en tenir. Le raisonnement selon lequel le PC serait « surpris » aujourd’hui par la volonté hégémonique du PS, et qu’il renoncerait de fait à une victoire de gauche où il aurait la portion congrue, ne tient pas. De plus, le PCF ne peut prendre aujourd’hui le risque de renoncer à l’union de la gauche ; lui qui, depuis une quinzaine d’années, a bâti toute sa politique sur cette union, la présentant aux travailleurs comme l’unique alternative à la situation actuelle, il ne pourrait être compris par sa base et son électorat. Surtout, l’objectif de Marchais reste le même et cet objectif ne peut commencer à se concrétiser que par l’accès de son parti au pouvoir, même pour cette période délimitée. Il veut que son parti profite du passage au gouvernement pour s’implanter solidement dans l’appareil d’Etat, gagner des postes au sein des entreprises nationalisées, des commissions de planification, au sein des appareils de la justice, la police, l’armée. Les dirigeants du PCF peuvent estimer qu’ils ne pourront pas dans un premier temps- faire beaucoup plus. Les pions qu’ils auront placés, ils espèrent pouvoir les utiliser par exemple dans un second temps- pour un retour en force. Par la polémique actuelle, outre la tentative d’arracher au PS le maximum de concessions avant le sommet des partis signataires du programme commun, le PCF se place dans la perspective de l’après 78. Il essaye de se forger une image de défenseur des travailleurs, meilleure que le PS sur lequel il veut attirer le soupçon de vouloir s’opposer aux masses, si la gauche vient au pouvoir. Mais cette polémique n’implique nullement que le PCF renonce à une victoire de la gauche. Au contraire, car jamais peut-être autant qu’aujourd’hui, il n’a eu la volonté de se hisser aux commandes de l’appareil d’Etat. (François Marchadier). ».

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