Pour
conjurer le danger des émanations produites par les corps humains
que les prussiens ont inhumés autour de Paris à une profondeur tout
à fait insuffisante, on s’est décidé, non à déplacer ces
cadavres, déjà en putréfaction, mais à les recouvrir d’une
couche de terre assez épaisse pour intercepter les miasmes. Sur
cette terre, on sèmera du ray-grass et d’autres plantes
fourragères dont les racines s’empareront des gaz nuisibles pour
les transformer en une pulpe nourrissante et salubre.
Ce
travail est déjà commencé du côté de Sèvres, où des tertres
nombreux, notamment au pied des gros arbres de l’avenue, à
proximité de la manufacture, révèlent la présence des victimes de
la guerre. Le tronc de l’arbre a été utilisé comme cippe
funéraire. On a enlevé l’écorce sur une certaine étendue, et le
liber a été poli de manière à former une sorte de page in-8°,
blanche et lisse, sur laquelle on a gravé superficiellement, ou
tracé au crayon, les noms des soldats, généralement au nombre de
trois, qui reposent au pied.
A
côté de quelques-uns de ces noms sont figurés des emblèmes
religieux ou des outils indiquant sans doute la profession
qu’exerçait, avant de prendre les armes, celui dont s’est ainsi
occupée la main d’un camarade. Ces inscriptions s’effacent
chaque jour davantage. Aux petits tumuli est fixée une croix faite
avec des branches de buis. Si l’on monte vers Montretout, on voit
se multiplier ces tertres du côté de la Porte-Jaune, de Fouilleuse,
du parc Pozzo di Borgo, de la route des Fausses- Reposes, dans tous
les endroits où a été le plus acharnée la lutte suprême du 19
janvier.
Ceux
qui recouvrent des soldats allemands ont toujours des noms et des
emblèmes : aucun signe distinctif ne peut faire reconnaître les
nôtres, restés en grand nombre dans les enclos des propriétés
particulières, tels que le parc Zimmermann, etc., et si peu enfoncés
qu’on voyait encore là, il y a peu de temps, saillir de terre une
portion de jambe toute bottée.
Il
était donc urgent de procéder à ce complément d’inhumation,
car, dans quelques jours chaleurs précoces que nous avons eues
récemment, on commençait à entendre auprès de ces sépultures
improvisées le sinistre bourdonnement de ces grosses mouches
cadavériques dont la piqûre donne la mort.
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