lundi 30 avril 2018

CALVAIRE n. m. Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure



Le Calvaire (avec une majuscule) du Golgotha est une montagne, près de Jérusalem, où, d'après la légende, fut crucifié Jésus-Christ. (Sur son emplacement s'élève aujourd'hui la basilique du Saint-Sépulcre.) Par dérivation et au sens propre, le mot calvaire (sans majuscule) sert à désigner une petite élévation sur laquelle on a établi une représentation figurée de la Passion, ou une simple croix. C'est au Moyen-Age que l'on conçut l'idée de figurer dans le voisinage des églises paroissiales, les principales scènes de la Passion. Ces petites mises en scène sont une excellente occasion de processions et de quêtes pour l'Église. Au sens figuré, et par allusion aux souffrances endurées par Jésus-Christ gravissant la montagne du Calvaire, on appelle calvaire une cruelle douleur morale extrêmement pénible à supporter. Exemple : une heure sonnera où les peuples se lasseront de gravir leur calvaire sans murmurer.

CALOTIN n. m. Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



Homme appartenant à la catégorie des bigots, cagots (voir ces mots).

CALOMNIE s. f. Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



Faux bruit, invention malveillante que certains individus colportent, imputant de mauvaises actions à des gens qu'ils veulent discréditer. La calomnie est une arme vile et abjecte employée de tous temps par les envieux, les esprits bas et sans scrupule, les gens d'église, de politique et de Pouvoir à l'égard de ceux qui militent en contempteurs de toute autorité, et qui ne peuvent se résoudre à garder pour eux seuls une vérité bienfaisante à tous.
Tour à tour, les premiers chrétiens, les Juifs, les protestants, les socialistes et les anarchistes furent en butte aux accusations les plus stupides, en même temps que les plus ignobles, de la part de ceux dont ils dérangeaient les plans et contrariaient les appétits. C'est ainsi qu'à Rome, quand les disciples de Paul de Tarse eurent fait d'assez grands progrès moraux dans la population, le gouvernement de Néron fit circuler sur leur compte mille histoires horribles. On les accusait de tuer les petits enfants, de manger de la chair humaine, de comploter contre la vie des gens, de prêcher le vol, le viol et le meurtre. Ce qui faisait que grâce à ces légendes, le peuple était heureux d'aller au cirque pour assister aux supplices des chrétiens. Quand Néron ordonna l'incendie de Rome, il réussit pendant près d'un an à faire croire au peuple que c'étaient les chrétiens qui avaient commis ce crime, tant était grande la puissance de la calomnie savante et réitérée des caudataires du César.
Lorsque, grâce à la conversion de Constantin, les chrétiens parvinrent à partager avec l'empereur l'autorité toute-puissante, les prêtres de la nouvelle église oublièrent totalement le martyrologe de leurs devanciers.
À leur tour ils manièrent de main de maître la calomnie. Ce furent tout d'abord les Juifs qui furent choisis comme victimes ― et l'on peut dire qu'en cette occasion, le travail des prêtres réussit au-delà de toute espérance, car aujourd'hui encore on colporte sur les hébreux les pires infamies ― même dans les milieux qui échappèrent depuis à l'emprise catholique, on fait du mot « juif » un terme de mépris. Cette campagne persévérante eut quelquefois de sanglants résultats : les pogroms russes et polonais sont les plus frappants exemples de l'état d'égarement dans lequel l'église catholique sut plonger les crédules. Plus tard, ce furent les protestants qui subirent l'assaut. À cette occasion se forma une secte qui devint célèbre. Un ancien soudard espagnol : Ignace de Loyola, créa la « Compagnie de Jésus », qui avait comme but initial l'affermissement de la puissance ecclésiastique. L'arme principale de cette association fut naturellement la calomnie. On connait le discrédit qui s'attache maintenant aux disciples de Loyola, et le terme « jésuite » signifie la plus forte expression de répugnance que l'on puisse émettre quant à la valeur morale d'un individu.
Caron de Beaumarchais, en créant son Don Bazile, a campé admirablement le jésuite, et l'axiome « Calomniez, calomniez ! il en restera toujours quelque chose » est devenu justement célèbre.
Ensuite, ce furent les républicains, puis les socialistes qui supportèrent lourdement le poids de la calomnie officielle. Et enfin, depuis une quarantaine d'années, ce sont les anarchistes qui se voient le plus implacablement chargés de tous les méfaits imaginaires. Les anarchistes sont davantage accablés, parce que, adversaires implacables de tous les charlatans, ils voient se liguer contre eux toutes les forces religieuses et politiques. Il n'est pas un crime, pas un méfait qui ne se commette sans qu'on essaie de prouver que le ou les auteurs de ce crime ou méfait est un anarchiste.
Disons que malgré cela, petit à petit la vérité se fait jour grâce à l'inlassable propagande des militants et que les exploités commencent à comprendre que les anarchistes sont encore leurs meilleurs et leurs seuls véritables amis.
Mais il n'y a pas que sur le terrain politique ou philosophique que la calomnie est employée.
Journellement, dans .les rapports les plus intimes, pour les motifs les plus futiles (quelquefois, même, sans motif aucun), l'arme empoisonnée est dirigée contre quelqu'un qui n'en peut mais ! Les méchants, les jaloux, les êtres faibles et nuls manient avec vigueur cette incomparable auxiliaire de la vilenie, de l'envie et de la médiocrité. Le plus souvent la calomnie _ rampe lentement et met un temps infini à parvenir aux oreilles du calomnié. C'est d'abord un racontar, une incrimination qui, au fur et à mesure qu'elle s'éloigne de son point de départ se mue en affirmation, puis en accusation.
De bouche en bouche, le bruit, faible d'abord, ne tarde pas à devenir un tonnerre. Alors, le mal fait est Irrémédiable. Comme il est rare que l'on puisse remonter à la source exacte d'une calomnie, on lui prête une quantité infinie d'auteurs et, en vertu de ce proverbe inepte : Il n'y a pas de fumée sans feu, les gens qui se sont faits les récepteurs de la calomnie y croient dur comme fer et ne se privent pas de la transmettre « sous le sceau du secret »... pour qu'elle circule plus vite. Et le plus terrible, c'est qu'aucune preuve, si magistrale, si péremptoire fût-elle, ne peut détruire l'ouvrage monstrueux accompli par le propagateur de ragots... C'en est désormais fini pour le calomnié. S'il n'a pas eu l'heur de trouver le calomniateur au début du méfait, il verra toute sa vie empoisonnée par la flèche venimeuse qu'un criminel lui aura lancée et que la stupide crédulité et la lâche passivité des autres auront ancrée en lui.
Pour être calomniateur, point n'est besoin d'avoir inventé la basse besogne. Pour avoir sur la conscience le poids d'une vilenie, nul besoin n'est d'être soi-même l'auteur de cette vilenie. Celui qui entend une accusation monstrueuse contre un autre est aussi un calomniateur s'il n'exige pas des preuves et se rend, par cela même, complice de la calomnie. Point n'est besoin. même, de s'être fait le propagateur d'une affirmation infamante pour avoir droit à l'épithète de calomniateur. Il suffit simplement d'avoir entendu une accusation contre quelqu'un, et de ne pas avoir prévenu la victime, de ne pas avoir essayé de mettre en face l'accusateur et l'accusé, pour s'être, par un silence passif, fait le complice de la mauvaise action. Et c'est souvent pire qu'une mauvaise action, c'est un véritable crime que la calomnie. Toute une vie de labeur, de droiture et d'abnégation peut être détruite par une assertion, et la victime terrassée n'a plus qu'a essayer la besogne titanesque de réduire à néant l'oeuvre infâme. Elle en sortira meurtrie, broyée et sanguinolente, elle aura connu toute l'amertume des reniements d'amitié, toute la douleur de se voir trahi et sali et l'horrible, l'indescriptible souffrance de se sentir injurié, suspecté, même dans les actions les plus nobles et les
plus désintéressées. Car la mentalité de nos contemporains est ainsi faite qu'elle accepte difficilement un récit montrant quelqu'un comme un être d'élite, mais qu'elle accueille avec une avidité déconcertante tout ce qui tend à avilir et à dégrader un quelconque personnage. Et c'est là une constatation qu'on peut faire personnellement : les noms des criminels restent gravés dans la mémoire des gens, mais ceux des savants, des bienfaiteurs de l'humanité s'effacent aussi vite qu'ils ont été enregistrés, si tant est qu'ils le furent. Aussi, peut-on dire, sans crainte d'être taxé d'exagération, que la calomnie est un véritable crime.
Elle est la cause de grands et terribles drames, et c'est assurément la calamité qui a, à son compte, le plus grand nombre de victimes.
Il faut travailler de toutes nos énergies à enlever de nos moeurs cette dégradation de l'être. Pour cela, il nous faut habituer les gens à la franchise, il nous faut, toutes les fois que nous le pourrons, arrêter net la calomnie à ses débuts. Quand nous entendons quelqu'un lancer une accusation contre un autre, forçons l'accusateur à confirmer ses dires devant celui qu'il veut accabler ; demandons, exigeons des preuves formelles, sinon, n'hésitons pas à le flétrir et à s'écarter de lui comme on s'écarte d'un pestiféré, comme on se sépare d'un mouchard : car le calomniateur dépasse quelquefois le mouchard en vilenie. N'accueillons pas les racontars, ne ramassons pas les accusations à la légère. Disons-nous bien que celui qui voyant se perpétrer un crime ne fait rien pour l'empêcher devient aussi criminel que l'auteur du crime. Et mettons-nous bien cette pensée dans la tête : que le calomniateur est l'être le plus vil, le plus lâche, le plus ignoble, le plus abject et le plus criminel qui puisse être. Et pour arrêter à jamais le règne infâme de la calomnie, faisons de la franchise un devoir dans nos relations humaines, et nous aurons bien travaillé pour l'avènement d'une société dans laquelle la vérité sera le principal pilier de la fraternité entre tous les hommes.


Louis LORÉAL


CALAMITE n. f. (latin calamitas) Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure




On appelle calamité, un grand malheur qui atteint toute une catégorie d'individus. Exemple : La guerre, source de bénéfices pour les dirigeants, est une calamité pour les peuples. Notre société actuelle abonde en calamités de toutes sortes et de toutes grandeurs. Sont des calamités pour les travailleurs : la finance, la politique, l'armée, la diplomatie, le capitalisme, etc... etc... Il est des calamités naurel1es que la volonté de l'homme est impuissante à combattre : tremblements de terre, inondations, cyclones, etc... Mais les calamités que nous avons citées plus haut sont purement artificielles et peuvent être évitées par la volonté ferme des classes laborieuses. Le jour où le peuple se débarrassera de ceux qui vivent du malheur public, ce jour-là les calamités artificielles disparaîtront automatiquement.

CAIMAN n. m. (caraïbe : acayouman) Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



Le caïman est une espèce de crocodile des fleuves d'Amérique et de Chine à museau long. Au sens figuré, on dit de quelqu'un que c'est un caïman lorsque, avide et sans scrupules, il n'hésite pas à exploiter ses semblables de la plus ignominieuse façon. Ainsi est un caïman le patron qui fait travailler ses ouvriers 10 ou 12 heures par jour, à des salaires de famine, pour pouvoir agrandir sa fortune. La classe ouvrière, aujourd'hui, est malheureusement victime d'innombrables caïmans de ce genre, qui s'engraissent du sang et de la sueur des travailleurs. Aucune pitié n'est à attendre de pareils monstres. De même que pour les caïmans des pays exotiques, la force seule peut venir à bout de ces caïmans humains - ou plutôt à forme humaine seulement, puisque tous les sentiments nobles de l'homme leur sont inconnus... C'est pour cela que les anarchistes haussent les épaules quand des réformistes proposent une entente du peuple avec ses bourreaux. On ne parlemente pas avec une bête féroce !...

CAHIER n.m. Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



On appelle cahier un assemblage de feuilles de papier cousues ensemble. Autrefois, le mot cahier servait à désigner un mémoire de doléances ou de remontrances adressé au souverain. (Ex. : Les cahiers du tiers.) De nos jours on entend encore par cahier des charges, l'ensemble des clauses imposées à un adjudicataire ou à un acquéreur. Le cahier des charges est déposé dans un lieu public où chacun peut en prendre connaissance, et il en est donné lecture avant la réception des offres. Dans les ventes faites par autorité de justice, le cahier des charges est destiné à faire connaître les conditions de vente aux futurs acquéreurs. Enfin, le mot cahier est employé aujourd'hui dans l'expression cahier de revendications. Le cahier de revendications est l'ensemble de légitimes exigences d'un syndicat ou d'un certain groupe de travailleurs. C'est ce cahier que les ouvriers lésés présentent au patron pour lui arracher d'infimes améliorations de leur travail : journée de huit heures, adaptation des salaires au coût de lit vie, etc... Souvent, hélas, pour faire accepter ce cahier de revendication, les travailleurs sont obligés de recourir à la grève. La mentalité patronale est telle, en effet, que les ouvriers ne peuvent faire aboutir une revendication que s'ils savent l'imposer. Les exploiteurs, ne connaissant qu'une chose : la force, obligent leurs adversaires à en user. Mais le jour n'est pas loin, espérons-le, où plus ne sera besoin de cahiers de revendications. Ces améliorations de leur sort qu'on leur dispute si âprement, les travailleurs sauront les conquérir de haute lutte sur les parasites de l'industrie, de la politique ou du commerce. Et l'on ne verra plus d'arrogants jouisseurs marchander une bouchée de pain à des familles laborieuses.

CAGOTISME n. m. Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



Le cagotisme est le caractère de celui qui est cagot, c'est-à-dire qui affecte une dévotion hypocrite et outrée. Synonyme de bigot (voir ce mot).


CAFARDISE n. f. Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



On appelle cafardise une action ou une parole de cafard ; c'est-à-dire d'hypocrite prêt a toutes les délations. Pour obtenir une récompense ou pour se faire bien voir du maitre, patron, etc... , le cafard n'hésite pas à dénoncer le camarade qui a enfreint un quelconque règlement, et lui attire ainsi une sanction plus ou moins grave. La cafardise est en général une conséquence de la mentalité d'esclave. C'est une action des plus viles, et celui qui s'en rend coupable mérite le mépris absolu de tous. Celui qui est capable d'une petite cafardise peut être capable d'une grande trahison. On ne peut guère descendre plus bas dans l'infamie.


CADUCITE n. f. Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



La caducité et l'état de ce qui est vieux, faible, cassé, décrépit. Le mot s'emploie aussi bien pour l'homme que pour les choses. L'homme devenu caduc, est souvent un obstacle au progrès ; les idées hardies l'effraient facilement, et il préfère la routine aux initiatives osées. Or, les gouvernements sont en général composés de politiciens déjà fort âgés et ce fait explique que, en dehors de la nocivité des principes gouvernementaux, les dirigeants d'un pays soient toujours réfractaires aux suggestions généreuses et larges. Ne nous en plaignons pas, d'ailleurs, car leur intransigeance et leur étroitesse d'esprit permettent au peuple de mieux mesurer leur ignominie. Un manque de libéralisme est, en effet, toujours plus dangereux qu'un autoritarisme brutal, car il parvient souvent à tromper la multitude naïve et confiante. Mais la caducité de l'homme n'est pas la seule qui soit à craindre. La caducité des institutions, des lois et des morales est bien plus dangereuse encore. Les vieillards néfastes qui sont a la tête des gouvernements, par crainte d'une innovation qui pourrait être une libération, renforcent des lois décrépites qui emprisonnent les individus dans un tissu de menaces. Les moeurs ont beau changer avec les siècles, les lois demeurent toujours les mêmes, toujours plus oppressives. De même les morales officielles. De même les institutions. Tout le bric-à-brac de l'autoritarisme, tout ce matériel vieillot d'abrutissement tout l'héritage désuet du passé, tout cela est rafistolé tant bien que mal par les politiciens en exercice, - et les classes travailleuses doivent supporter ce fardeau de Jour en Jour plus intolérable. Espérons que l'heure est proche où les spoliés se refuseront à endurer plus longtemps l'emprise d un passé tyrannique. Ce jour-là s'écrouleront toutes les entités caduques qui barrent la route du progrès social et, enfin, nous pourrons instaurer une vie nouvelle où, seules, prévaudront les choses saines, vigoureuses et fécondes.


CADRE n. m. (de l'italien quadro, carré) Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



On appelle cadre une bordure de bois, de bronze, etc... qui entoure une glace, un tableau, un panneau, etc... Le même mot sert aussi à designer toutes sortes de châssis. Enfin, le mot cadre est très employé au sens figuré, notamment pour désigner le tableau des services et des fonctionnaires d'une administration (ex. : être rayé des cadres), ou bien l'ensemble des gradés et des employés spéciaux d'une troupe militaire (ex. : les cadres d'un régiment). Tous les systèmes sociaux autoritaires aiment à parquer les individus dans des cadres où ils obéissent à une discipline méthodique et avilissante. Pour les communistes - encore plus peut-être que pour les bourgeois - l'organisation par le cadre est l'organisation rêvée; c'est elle, en effet, qui transforme le plus sûrement l'homme en un instrument passif et docile dont on peut retirer un rendement maximum. L'esprit d'initiative et d'indépendance - ces forme si dangereuses de l'esprit ! - sont peu à peu annihilées, et les gouvernants peuvent agir en toute tranquillité sans craindre un réveil de la masse. Il faut donc que le peuple refuse rigoureusement de se laisser enfermer – et peu à peu étouffer - dans les cadres que les puissants s'efforcent d'entourer d'avantages trompeurs. Tout cadre est un collier pour une catégorie de citoyens. Les anarchistes doivent donc briser les cadres comme ils briseraient des chaînes.


CADRAN n. m. (du latin quadrans ; de quadrare, être carré) Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



On désigne sous le nom de cadran, une surface portant les chiffres des heures, etc... et sur laquelle courent les aiguilles d'une montre, d'une pendule, etc... Ou bien encore une surface analogue qui porte les divisions d'un instrument de physique : manomètre, glavanomètre, etc... ou rose des vents. On appelle cadran solaire, cadran lunaire, une surface plane sur laquelle des lignes indiquent les heures que le soleil ou la lune marquent en projetant successivement sur ces lignes, l'ombre d'un style ou tige implantée dans la surface. Les cadrans solaires, qui servaient jadis à déterminer l'heure, furent connus des Egyptiens.


CADASTRE n. m. Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



On appelle cadastre un registre public qui porte le relevé détaillé des propriétés territoriales d'une contrée, d'une commune, présentant leur situation, leur étendue et leur valeur, pour permettre l'assiette de l'impôt foncier. C'est Charles VIII qui eut la première idée du cadastre général de la France. L'exécution du cadastre donne lieu à des opérations confiées à des géomètres et à des opérations d'expertises effectuées par des contribuables (classificateurs), assistés de contrôleurs des contributions directes. Les premières ont pour objet le lever du plan ; elles comprennent : la délimitation et la triangulation de la commune, l'arpentage parcellaire et la vérification. Les secondes consistent à évaluer le revenu; ce sont : la classification (division en classes, des diverses natures de propriétés) ; le classement (distribution des parcelles entre ces classes); le tarif des évaluations (détermination du revenu de chaque classe). Le résultat de ces opérations est reporté au nom de chaque contribuable sur les matrices cadastrales, dont les rôles sont des copies et qui doivent mentionner les changements de propriétaires et les translations de propriété (mutations). Le cadastre date de 1807. Les lois des 17 mars 1898 et 13 avril 1900 se sont occupées à le réviser. Comme on le voit, le cadastre est le livre de la Propriété. La bourgeoisie y marque les terres qu'elle s'est partagées, y limite artificiellement les portions de sol dont elle s'est emparée et interdit ainsi à quiconque de jouir librement de quelque chose qui devrait être à tous. Le cadastre est, en quelque sorte, la sanction légale du droit de propriété. Les anarchistes se comporteront donc avec lui de la même façon qu'ils se comporteront avec la Propriété (Voir ce mot).

CACOPHONIE n. f. (du grec kakos, mauvais et phônê, voix) Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



On appelle cacophonie, une rencontre de mots ou de syllabes qui blessent l'oreille. Exemple classique: Ciel, si ceci se sait, etc... Les meilleurs écrivains sont parfois tombés dans la cacophonie. Tel Voltaire écrivant : Non, il n'est rien que Nanine n'honore...
Par extension on appelle cacophonie un mélange désagréable de sons discordants. Ex. : La Chambre des députés est en général le domaine de la cacophonie. La cacophonie produit toujours une mauvaise impression. Aussi faut-il se garder, dans les discussions, les controverses, les meetings, de parler plusieurs à la fois, à moins qu'on ne veuille pratiquer l'obstruction contre un orateur.

CACHET (lettre de) Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



La lettre de cachet, employée jadis au temps de la royauté absolue, était un pli fermé d'un cachet du roi, et qui contenait ordinairement un ordre arbitraire d'exil ou d'emprisonnement. Les rois de France n'hésitaient pas à employer la lettre de cachet contre tous ceux qui leur avaient déplu d'une façon ou d'une autre. Le courtisan maladroit se voyait exiler dans ses terres. L'homme libre se voyait enfermer à la Bastille pour le restant de ses jours, sans qu'aucun jugement ou simulacre de jugement ne soit intervenu. Aujourd'hui, la lettre de cachet n'existe plus. Mais les puissants, plus hypocrites, savent bien, par des accusations mensongères et des jugements de complaisance, se débarrasser de leurs adversaires lorsqu'il leur en prend l'envie.

CABOTINAGE n. m. Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



Action de cabotin, c'est-à-dire de personne qui joue une comédie bruyante pour se faire valoir ou arriver à ses fins. Les politiciens sont passés maîtres dans l'art du cabotinage. Il ne faut pas oublier que tout cabotinage décèle un manque plus ou moins grand de sincérité. Il ne faut donc jamais donner créance aux cabotins.

CABALE n. f. Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



On désigne sous le nom de cabale, une menée, une intrigue conduite par les partisans d'une doctrine, d'une coterie. Ex. : Lorsqu'un politicien devient trop puissant, ses collègues, jaloux de sa bonne fortune, ne manquent pas de monter une cabale contre lui, pour le faire tomber. Les cabales sont très fréquentes dans le monde politique. Le mot cabale est aussi employé tout particulièrement pour désigner une association formée pour faire subir un échec à un auteur dramatique. Ex. : Une véritable cabale fut organisée contre Henry Bataille, lorsqu'il fit jouer l'Animateur, pièce où l'écrivain glorifiait Jaurès et stigmatisait Léon Daudet. Il faut prendre garde de ne pas se laisser influencer par les cabales qui peuvent parfois s'attaquer à un homme intègre que certains trouvent gênant, justement à cause de son intégrité. Au sens propre, le mot cabale a un tout autre sens qu'il sied de ne pas ignorer. Venant de l'hébreu Kabbalah (tradition), il est chez les Juifs, une interprétation mystérieuse de la Bible, transmise par une chaîne continue d'initiés. (Il prend alors une majuscule.) Elaborée dans les deux siècles qui précédèrent le christianisme, exposée dans les livres tels que le Sephir-Jetzira et le Zohar, la Cabale est littérale et accacérique ; elle attribue un sens symbolique aux caractères de l'alphabet et aux chiffres, et en interprète les combinaisons. La Cabale a exercé une grande influence non seulement sur le judaïsme, mais sur l'esprit humain en général. Elle a compté parmi ses adeptes : Philon, Avicenne, Raymond Lulle, Pic de la Mirandole, Paracelse, Reuchlin etc... ; Elle a fini par donner dans la théurgie et la magie.

BYZANTINISME n. m. Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



On appelle byzantinisme une tendance à s'occuper de questions frivoles et subtiles, par analogie avec les disputes religieuses et mesquines auxquelles se complaisaient les Byzantins de la décadence. (L'Empire Byzantin est le nom donné à l'empire romain depuis Constantin, et à l'empire d'Orient depuis Théodose jusqu'à la prise de Constantinople par les Turcs, en 1453. L'Empire Byzantin, travaillé par des vices intérieurs : disputes et rivalités pour le pouvoir, querelles religieuses, etc ... a compté pourtant plus de mille ans d'existence, résisté souvent avec succès aux barbares, du Nord et de l'Orient, et brillé du vif éclat d'une civilisation raffinée). Un byzantinisme dangereux met en péril l'humanité tout entière, par suite de la décadence de la classe bourgeoise, qui s'avère de jour en jour plus impuissante et plus veule. C'est au peuple - lui qui garde en son sein des énergies neuves et saines - qu'incombe le droit et le devoir d'arrêter cette décadence en injectant une vie nouvelle au vieux monde.


BUTIN n. m. (de l'allemand : beute, proie) Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



On appelle butin ce qu'on acquiert soit par la force (sens propre), soit par son travail, ses études, etc... (sens figuré). Le désir d'un riche butin a toujours été un excitant de premier ordre pour les brutes militaires. Les armées, quelle que soit leur nationalité, se sont toujours distinguées dans l'art de piller les maisons, saccager les villages, voler les objets précieux, violer les femmes, etc... , toutes choses qui constituent le butin du vainqueur. La « Civilisation » n'a changé en rien les mœurs du soldat professionnel. (Voir BRIGANDAGE). Aujourd'hui comme jadis, le premier soin des troupes conquérantes est de réaliser un estimable butin. Cet état d'esprit navrant ne disparaîtra qu'avec ses principales causes : l'armée et la guerre. C'est donc l'armée et la guerre que les anarchistes doivent combattre avec ténacité s'ils en veulent voir disparaître les conséquences.

BUT Encyclopedie Anarchiste de Sébastien Faure



Au sens propre : point où l'on vise ; au sens figuré : fin qu'on se propose. Ex. : Le pouvoir et la fortune, tels sont les deux buts des politiciens. Si l'on veut arriver à un résultat, il faut s'être déterminé un but précis et tendre vers ce but sans la moindre défaillance. Plus grande est l'énergie de l'homme, plus vite sera atteint le but. Les anarchistes ont pour but la libération de la société. Aucun but n'est plus noble et plus généreux. Les travailleurs doivent s'y rallier sans attendre.

BUREAUCRATIE Encyclopedie Anarchiste de Sebastien Faure



On entend par ce mot, l'esprit, le régime, l'influence abusive des bureaux (Lachatre) [Bureaucratie gouvernementale, bureaucratie administrative, bureaucratie législative, bureaucratie commerciale]. Un des rouages inutiles de nos sociétés modernes. Superfétation sociale asservissant des millions d'individus à un travail improductif.
La bureaucratie embrasse toute la superficie du domaine social, et est une plaie dont il sera extrêmement difficile de se libérer, car elle s'impose par un long exercice. Dénuée de toute logique, de tout jugement, elle ne s'appuie que sur des règles et agit en vertu d'une routine toujours ridicule et arbitraire. Elle s'embarrasse d'une quantité de futilités, de niaiseries, qui fatiguent ceux qui sont obligés d'y avoir recours ; par ses procédures et ses subtilités, elle retarde les actes les plus communs de la vie quotidienne.
La bureaucratie est la conséquence de cette fausse conception sociale, qui fait de la société une vaste entreprise commerciale basée sur le doit et avoir. « Il ne faut point de formalités pour voler, il en faut pour restituer » (Voltaire). Comme la bureaucratie est attachée au service de ce capitalisme qui accapare tout et ne veut rien rendre, on comprend l'importance et l'étendue de cette institution. Qui donc, en notre siècle de journalisme, n'a entendu citer les cas de certains contribuables inondé de paperasses parce qu'ils se refusaient à payer les quelques centimes qui étaient « dûs » au percepteur ?
C'est surtout dans l'administration de la chose publique qu'elle exerce son influence, son autorité et ses ravages, et nuit aux intérêts de la collectivité. Inutile en soit, il faut qu'objectivement elle cherche à légitimer son existence. De là, sa lenteur et ses caprices. Puissante dans son organisation, elle est la source d'une gradation de pouvoirs, d'une hiérarchie imbécile et incorrecte, devant laquelle sont obligés de se courber tous ceux qui sont en bas de l'échelle sociale. On se brise devant sa force d'inertie qui entrave la marche en avant de l'humanité et l'on désespère souvent de venir à bout de cette soumission qui caractérise le bureaucrate et en fait un des êtres les plus nuisibles de la société.
L'inaction de la bureaucratie est légendaire, et a inspiré des maîtres de la littérature, tel Courteline qui, dans les « ronds de cuir » a brossé un tableau remarquable de ce qu'est l'Administration. Hélas, la forme ironique, maniée à merveille par Courteline, ne prête pas à rire. La bureaucratie, par ses méfaits, entre plutôt dans le cadre de la tragédie. Pas un jour ne se passe sans que nous subissions son étreinte. Elle nous accapare dès notre venue au monde, pour ne nous abandonner qu'après notre mort... et encore !...
Lorsque nous venons de naître, chose inerte et sans pensée, nous sommes immédiatement la proie de cette mégère, qui s'humanise sous la forme d'un officier ministériel attaché à la mairie du village, du canton, ou du quartier, et qui écoute d'un air indifférent et lointain les déclarations de votre père flanqué de ses témoins. - De votre père ? Cet homme n'est peut-être pas votre père ; il se peut que vous soyez l'accident d'une étreinte furtive et passagère ; les témoins ont été recrutés aux hasards de la route, même sous le porche du « respectable » édifice municipal ; qu'importe ? La société exige que vous soyez dûment enregistré, et la bureaucratie remplit ses devoirs. C'en est fait de vous. Vous êtes devenu sa chose, vous lui appartenez ; toute votre existence, vous sentirez peser sur votre échine le poids de son indiscrétion et de sa mufflerie, et durant des siècles et des siècles, lorsque la matière aura depuis longtemps repris et transformé votre pauvre carcasse vivante, et que vous serez, depuis des générations, oublié de tous et de toutes, dans les archives administratives, pour servir de nourriture aux parasites et comme un symbole de sa stupidité, la bureaucratie conservera votre nom, inscrit en superbe ronde, sur un livre que ne lira jamais personne.
Elle vous suivra lorsque, devenu enfant, vous étudierez sur les bancs de l'école. Chaque incident et chaque accident de votre vie d'écolier seront marqués du sceau de la bureaucratie ; elle sera là lorsqu'à vingt ans vous serez appelé, au nom de la « Patrie » à payer votre tribut; elle sera présente, elle, ses fonctionnaires et ses tonnes de papier, lorsque libéré du service militaire, vous aurez à remplir vos devoirs civiques. Impersonnelle, comme une âme qui flotte dans l'éther, elle vous suivra partout, Rien ne lui échappera ; curieuse, elle pénétrera dans votre vie intime ; exigeante, elle voudra savoir ce que vous gagnez, et par l'intermédiaire du percepteur ; qui se retranche derrière le gouvernement qui, lui-même, est recruté au sein du parlement qui se réclame du peuple, elle vous soutirera, pour des buts indéterminés et sous forme d'impôts directs et indirects, le maigre fruit de vos durs labeurs.
Toutes vos résistances seront vaines et inopérantes : le « Bureau » vous étrangle, vous écrase, mais il est animé par une puissance occulte, invisible, contre laquelle vous ne pouvez lutter.
Etes-vous sans argent pour payer votre dette à l'Etat ? N'avez-vous pas de répondant pour faire face aux frais de procédure que nécessitera votre saisie éventuelle ? Qu'à cela ne tienne ; c'est la course aux petits papiers qui commence, les frais énormes qui s'accumulent, sans raison, sans logique, sans but. La bureaucratie travaille.
Avez-vous, par malheur, recours à la « Justice » ? Avez-vous un procès civil ou commercial ? Vous êtes un homme perdu ; tous les éléments de désorganisation sociale s'acharneront sur vous ; l'huissier, l'avoué, le greffier, l'avocat, chacun d'eux dans son cadre et dans sa maîtrise s'arrangeront à embrouiller votre affaire, et votre différend, réglable le plus souvent avec un peu de bonne volonté et dont l'exposé tiendrait en quelques lignes, fera l'objet d'une dépense d'encre et de papier, dont le coût sera souvent supérieur aux intérêts que vous avez à débattre.
Un contrat à passer, une transaction à exécuter ? Pour qu'ils possèdent un caractère d'authenticité, il leur faut, sous peine de nullité, être rédigés sous la haute autorité du notaire. Ainsi le veut la loi.
Et il n'y a pas que dans les questions d'argent que nous sommes envahis. La maladie s'empare-t-elle de nous ? Avons-nous besoin d'être conduits dans un hospice ? Avant de toucher le docteur, le savant qui peut, par sa science, nous délivrer du mal dont nous souffrons, il faut satisfaire à la curiosité du bureaucrate qui, jaloux de son autorité, veut noircir ses folios et ses fiches. Qu'importe notre douleur, la peine de nos proches ! La bureaucratie réclame ses droits, ses prérogatives, ses privilèges. Il faut qu'elle soit maîtresse, elle l'est, et elle triomphe à toute heure et en tout lieu.
Elle paralyse toutes les énergies, toutes les initiatives; elle intensifie la misère. Le malheureux, le vieillard qui attendent de la charité publique organisée l'assistance qui, de sa maigre mensualité, lui permettra de ne pas crever de faim, souffre de sa lenteur ; l'inventeur est victime de sa routine, et il semble que, comprenant le danger que présente pour elle le progrès, la bureaucratie cherche à1e retarder, à l'étouffer, à l'étreindre.
Que de ravages elle exerce! Que d'hommes elle a ruinés ! Elle enrégimente une armée de pauvres bougres, bourrés de préjugés, inaccessibles à la pensée, saine et large, cantonnés dans la petite vie mesquine et étroite du « bureau» et n'ayant comme horizon intellectuel que la feuille de papier et le porte-plume. Elle étrique le cerveau comme le corps, et comme l'on comprend que les fonctionnaires de cette ruineuse institution, habitués à la discipline hiérarchique, soient férocement attachés à ce régime qui les nourrit à peine !
Combien d'individus seraient rendus à la production et à la vie si l'on se débarrassait de ce chancre social ? Il n'y a, pour en avoir un aperçu, que de jeter les yeux autour de soi. L'Etat, pour son compte, emploie plusieurs centaines de milliers de fonctionnaires et, sans crainte de se tromper, on peut affirmer qu'à part ceux attachés au service des postes et télégraphes, de l'Enseignement, de l'Hygiène, de la Voirie et des Transports, les autres sont à la charge de la collectivité, et n'apportent absolument rien d'utile en échange de ce qu'ils consomment. Ce sont d'inconscients parasites, victimes, eux-aussi, cependant, de l'ordre économique actuel.
Et cela n'est encore rien. Il n'y a pas que l'Etat qui soit le refuge du fonctionnarisme. Les grandes administrations publiques, qui forment un Etat dans l'Etat, n'occupent pas la dernière place dans le gâchis occasionné par la bureaucratie. A côté des mécaniciens, des chauffeurs, des ouvriers, des conducteurs, qui assurent le service normal des chemins de fer, il y a une nuée d'employés dont les services sont encore à signaler, et qui entravent le développement des régimes ferroviaires ; il en est de même dans les grandes compagnies d'électricité, d'eau, de gaz, etc ... , etc ... , et il n'y a pas lieu de s'étonner des difficultés financières que rencontrent ces institutions, lorsqu'on établit les sommes englouties mal à propos par des administrations si peu en rapport avec les progrès de la science appliquée. Est-ce tout ? Non pas, hélas ! Il y a le commerce, il y a la banque. Là encore, croupissent des centaines de milliers de bureaucrates qui ne paient pas leur tribut de travail à la société. Il y a des centaines de milliers d'individus penchés sur des chiffres qui, du soir au matin, additionnent, multiplient, divisent, sans que jamais, jamais, de cet arithmétique fatigante, ne sorte une unité utilitaire.
« Si un tigre croyait, en sauvant la vie d'un de ses semblables, travailler à l'avènement du bien universel, il se tromperait peut-être » (J. M. Guyau, Esquisse d'une morale sans obligation ni sanction). Si l'on disait à ces millions d'individus qu'ils accomplissent une tâche rétrograde, qu'ils gênent la marche du progrès, qu'ils arrêtent l'évolution des mondes, que, par leur travail, ils perpétuent un ordre social qui doit s'écrouler pour le bien d'une humanité grande, libre et belle : ils ne nous comprendraient peut-être pas. Et pourtant !...
La bureaucratie n'est-elle pas le symbole du parasitisme moderne ? Ne fait elle pas pencher la balance du côté du capital ? Il y a actuellement, en France, d'après les statistiques officieuses, six à sept millions d'ouvriers manuels, sur une population de 40 millions d'individus. A part les vieillards, les enfants et les riches - qui sont relativement peu nombreux - tout le reste est jeté sur le marché de l'administration et va grossir cette classe de pauvres bougres, à mentalité de bourgeois, que forment les fonctionnaires et les bureaucrates. (Voir Fonctionnaires.)
Pourtant, tout a une fin. Une sourde lumière a pénétré déjà dans, l'Escurial administratif. Elle en ébranlera les murs. Le travailleur du chiffre commence à se dresser, contre ses chefs, ses maîtres, ses exploiteurs. Demain, avec son frère du chantier et de l'usine, étroitement unis, ils briseront les chaînes qui les tiennent rivés à la bourgeoisie. Ils s'attaqueront à l'édifice social, à un ordre économique meurtrier qui doit disparaître, qui disparaîtra sous les coups répétés de la plèbe en bourgeron ou en faux col.
La bureaucratie aura vécu, ainsi que toutes les institutions sur lesquelles reposent la société capitaliste, et le travail utile fécondera le monde, pour que l'Anarchie puisse réaliser son oeuvre.


samedi 28 avril 2018

Journal de la Commune


Paris, le 21 Mars 1871.

PARIS EST DANS LE DROIT

Le droit, la souveraineté du peuple sont-ils à Versailles ou à Paris ?
Poser cette question, c’est la résoudre.
L’assemblée, siégeant d’abord à Bordeaux et actuellement à Versailles, a été nommée dans des circonstances particulières et chargée d’une mission déterminée à l’avance, d’une sorte de mandat impératif restreint.
Elue à la veille d’une capitulation, pendant l’occupation du territoire par l’ennemi, les élections de ses membres ont nécessairement et forcément subi la pression de l’étranger et des baïonnettes prussiennes ; une partie au moins des députés, ceux des départements envahis, n’ont pu être nommés librement.
Aujourd’hui que les préliminaires de paix, cédant deux provinces à la Prusse, sont signés, les représentants de l’Alsace et de la Lorraine ne pouvaient plus siéger à l’Assemblée : ils l’ont compris eux-mêmes, c’est pourquoi ils ont donné leur démission.
Un grand nombre d’autres représentants, pour des motifs divers, ont imité cet exemple.
L’Assemblée est donc incomplète, et l’élection d’une partie de ses membres a été entachée et viciée par l’occupation et la pression étrangères.
Cette Assemblée ne représente donc pas d’une manière complète, incontestable, la libre souveraineté populaire.
D’un autre côté, par son vote de défiance et de haine contre Paris, où elle a refusé de venir siéger, l’Assemblée de Bordeaux et de Versailles a méconnu les services rendus par Paris et l’esprit si généreux et si dévoué de sa population. Elle n’est plus digne de siéger dans la capitale.
Par l’esprit profondément réactionnaire dont elle a fait preuve, par son étroitesse de vues, son caractère exclusif et rural, par l’intolérance dont elle s’est rendue coupable envers les plus illustres et les plus dévoués citoyens, cette assemblée provinciale a prouvé qu’elle n’était pas à la hauteur des événements actuels, et qu’elle était incapable de prendre et de faire exécuter les résolutions énergiques indispensables au salut de la patrie.
Il y a qu’une assemblée librement élue, en dehors de toute pression étrangère et de toute influence officielle réactionnaire et siégeant à Paris, à qui la France entière puisse reconnaître le caractère de souveraineté nationale et déléguer le pouvoir législatif ou constituant.
Hors de l’indépendance et de la liberté des élections, et en dehors de Paris, il ne peut exister que des faux-semblants de représentation nationale et d’assemblée souveraine.
Que l’Assemblée actuelle se hâte donc d’achever la triste besogne qui lui a été confiée : celle de résoudre la question de la paix ou de la guerre, et qu’elle disparaisse au plus vite. Elle n’a reçu qu’un mandat limité et ne peut, sans violer la souveraineté du peuple, s’octroyer le droit d’élaborer les lois organiques.
C’est à Paris qu’incombe le devoir de faire respecter la souveraineté du peuple et d’exiger qu’il ne soit point porté atteinte à ses droits.
Paris ne peut se séparer de la province, ni souffrir qu’on la détache de lui.
Paris a été, est encore et doit rester définitivement la capitale de la France, la tête et le cœur de la République démocratique, une et indivisible.
Il a donc le droit incontestable de procéder aux élections d’un conseil communal, de s’administrer lui-même, ainsi que cela convient à toute cité démocratique, et de veiller à la liberté et au repos publics à l’aide de la garde nationale, composée de tous les citoyens élisant directement leurs chefs par le suffrage universel.
Le comité central de la garde nationale, en prenant les mesures nécessaires pour assurer l’établissement du conseil communal de Paris et l’élection de tous les chefs de la garde nationale, a donc pris des mesures très sages, indispensables et de première nécessité.
C’est aux électeurs et aux gardes nationaux qu’il appartient maintenant de soutenir les décisions du gouvernement, et d’assurer par leurs votes, en nommant des républicains convaincus et dévoués, le salut de la France et l’avenir de la République.
Demain ils tiendront leurs destinées dans leurs mains, et nous sommes persuadés à l’avance qu’ils feront bon usage de leurs droits.
Que Paris délivre la France et sauve la République.

Le délégué au JOURNAL OFFICIEL.

Journal de la Commune


CITOYENS,

Demain aura lieu l’élection de l’Assemblée communale, demain la population de Paris viendra confirmer de son vote l’expression de sa volonté, si ouvertement manifestée le 18 mars par l’expulsion d’un pouvoir provocateur qui semblait n’avoir d’autre but que d’achever l’oeuvre de ses prédécesseurs et de consommer ainsi par la destruction de la République la ruine du pays.
Par cette révolution sans précédents dans l’histoire et dont la grandeur apparaît chaque jour davantage, Paris a fait un éclatant effort de justice. Il a affirmé l’union indissoluble dans son esprit des idées d’ordre et de liberté, seuls fondements de la République.
A ceux que nos désastres avaient rendus maîtres de nos destinées et qui s’étaient donné pour tâche d’annuler sa vie politique et sociale, Paris a répondu par l’affirmation du droit imprescriptible de toute cité, comme de tout pays, de s’administrer soi-même, de diriger les faits de sa vie intérieure, municipale, laissant au Gouvernement central l’administration général, la direction politique du pays.
Il n’y pas de pays libre là où l’individu et la cité ne sont pas libres, il n’y aurait pas de République en France si ma capitale du pays n’avait pas le droit de s’administrer elle-même.
C’est ce droit qu’on n’oserait contester aux plus modestes bourgades que l’on ne veut pas reconnaître à Paris, parce que l’on craint son amour de la liberté, sa volonté inébranlable de maintenir la République que la révolution communale du 18 mars a affirmée et que vous confirmerez par votre vote de demain.
Né de la revendication de justice qui a produit la révolution du 18 mars ; le Comité central a été installé à l’Hôtel-de-Ville, non comme gouvernement, mais comme la sentinelle du peuple, comme le comité de vigilance et d’organisation, tenu de veiller à ce qu’on n’enlevât pas au peuple par surprise ou intrigue le fruit de sa victoire, chargé
d’organiser la manifestation définitive de la volonté populaire, c’est-à dire l’élection libre d’une Assemblée qui représente, non pas seulement les idées, mais aussi les intérêts de la population parisienne.
Le jour même où l’Assemblée communale sera installée, le jour où les résultats du scrutin seront proclamés, le Comité central déposera ses pouvoirs, et il pourra se retirer, fier d’avoir terminé sa mission. Quant à Paris, il sera vraiment l’arbitre de ses destinées ; il aura trouvé dans son assemblée communale l’organe nécessaire pour représenter ses intérêts et les défendre en face des intérêts des autres parties du pays, et devant le pouvoir national central.
Il pourra résoudre lui-même après quelques enquêtes et débats contradictoires sans immixtion injustes et violentes, où les notions de droit et de justice sont impudemment violées au profit des factions monarchiques, ces questions si complexes et plus délicates encore après la longue épreuve qu’il vient de subir si courageusement pour sauver le pays.
Il pourra enfin décider lui-même qu’elles sont les mesures qui permettront au plus tôt sans froissements et sans secousses d’amener la reprise des affaires et du travail.
Une République ne vit ni de fantaisies administratives coûteuses, ni de spéculations ruineuses, mais de liberté doit établir l’harmonie des intérêts ; et non les sacrifier les uns aux autres. Les questions d’échéances, de loyers, ne peuvent être réglées que par les représentants de la ville, soutenus par leurs concitoyens, toujours appelés, toujours
entendus. Pas plus que tout ce qui regarde les intérêts de la cité, elles ne peuvent être abandonnées au caprices d’un pouvoir qui n’obéit le plus souvent qu’à l’esprit de parti.
Il en est de même de la question du travail seule base de la vie publique, seule assise des affaires honnêtes et loyales ; les citoyens qu’une guerre engagée et soutenue par des gouvernements sans contrôle a arrachés au travail ne peuvent être plongés par une brusque suppression de la solde dans la misère et le chômage.
Il y a une période de transition dont on doit tenir compte, une solution qui doit être cherchée de bonne foi, un devoir de crédit au travail, qui arrachera le travailleur à une misère immédiate et lui permettra d’arriver rapidement à son émancipation définitive.
Ces questions et bien d’autres devront être résolues par votre conseil communal, et pour chacune d’elles il ne pourra se décider que suivant les droits de tous, car il ne se prononcera qu’après les avoir consultés, car, responsable et révocable, il sera sous la surveillance continuelle des citoyens.
Enfin, il aura à traiter des rapports de la cité avec e gouvernement central, de façon à assurer et garantir l’indépendance continuelle des citoyens.
Au vote donc, citoyens de vous comprenne la grandeur du devoir qui lui incombe, de l’acte qu’il va accomplir, et qu’il sache qu’en jetant dans l’urne son bulletin de vote, il fonde à jamais la liberté, la grandeur de Paris, il conserve à la France la République, et fait pour la République ce que naguère, il faisait si vaillamment devant l’ennemi : son devoir.


24 mars 1871.
Les délégués de l’intérieur
ANT. ARNAUD, ED. VAILLANT.

Journal de la Commune


CITOYENS,

Le gouvernement, fugitif à Versailles, a cherché à faire le vide autour de vous ; la province s’est trouvée tout à coup privée de toutes nouvelles de Paris.
Mais l’isolement dans lequel le souffle révolutionnaire de se frayer un passage à travers toutes ces précautions.
Le comité central a reçu hier et aujourd’hui plusieurs délégations des villes de Lyon, Bordeaux, Marseille, Rouen, etc., qui sont venues savoir quelle était la nature de notre révolution, et qui sont reparties au plus vite pour aller donner le signal d’un mouvement analogue, qui est préparé partout.

Vive la France ! Vive la République !

Hôtel-de-Ville, 24 mars 1871.
(Suivent les signatures.)


Journal de la Commune


CITOYENS,

La cause de nos divisions repose sur un malentendu. En adversaires loyaux, voulant le dissiper, nous exprimerons encore nos légitimes griefs.
Le gouvernement, suspect à la démocratie par sa composition même, avait néanmoins été accepté par nous, en nous réservant de veiller à ce qu’il ne trahît pas la République, après avoir trahi Paris.
Nous avons fait, sans coup férir, une révolution : c’était un devoir sacré ; en voici les preuves :
Que demandions-nous ?
Le maintien de la République comme gouvernement seul possible et indiscutable.
Le droit commun pour Paris, c’est-à-dire un conseil communal élu.
La suppression de l’armée permanente et le droit pour vous, garde nationale, d’être seule à assurer l’ordre dans Paris.
Le droit de nommer tous nos chefs.
Enfin, la réorganisation de la garde nationale sur des bases qui donneraient des garanties au peuple.
Comment le gouvernement a-t-il répondu à cette revendication légitime ? Il a rétabli l’état de siège tombé en désuétude, et donne le commandement à Vinoy, qui s’est installé la menace à la bouche.
Il a porté la main sur la liberté de la presse en supprimant six journaux. Il a nommé au commandement de la garde nationale un général impopulaire, qui avait mission de l’assujettir à une discipline de far et de la réorganiser sur les vieilles bases anti-démocratiques.
Il nous a mis la gendarmerie à la préfecture dans la personne du général Valentin, ex-colonel de gendarmes.
L’Assemblée même n’a pas craint de souffleter Paris qui venait de prouver son héroïsme.
Nous gardions, jusqu’à notre réorganisation, des canons payés par nous et que nous avions soustraits aux Prussiens. On a tenté de s’en emparer par des entreprises nocturnes et les armes à la main.
On ne voulait rien accorder ; il fallait obtenir, et nous nous sommes levés pacifiquement, mais en masse.
On nous objecte aujourd’hui que l’Assemblée, saisie de peur, nous promet, pour un temps (non déterminé), l’élection communale et celle de nos chefs, et que dès lors, notre résistance au pouvoir n’a plus à se prolonger.
La raison est mauvaise. Nous avons été trompés trop de fois pour ne l’être pas encore ; la main gauche, tout au moins, reprendrait ce qu’aurait donné la droite, et le peuple, encore une fois évincé, serait une fois de plus la victime du mensonge et de la trahison.
Voyez, en effet, ce que le gouvernement fait déjà !
Il vient de jeter à la Chambre, par la voix de Jules Favre, le plus épouvantable appel à la guerre civile, à la destruction de Paris par la province, et déverse sur nous les calomnies les plus odieuses.

CITOYENS,

Notre cause est juste, notre cause est la vôtre ; joignez-vous donc à nous pour son triomphe. Ne prêtez pas l’oreille aux conseils de quelques hommes soldés qui cherchent à semer la division dans nos rangs ; et, enfin, si vos convictions sont autres, venez donc protester par des bulletins blancs, comme c’est le devoir de tout bon citoyen.
Déserter les urnes n’est pas prouver qu’on a raison : c’est, au contraire, user de subterfuge pour s’assimiler, comme voix d’abstentions, les défaillances des indifférents, des paresseux ou des citoyens sans foi politique.
Les hommes honnêtes répudient d’habitude de semblables compromissions.
Avant l’accomplissement de l’acte après lequel nous devons disparaître, nous avons voulu tenter cet appel à la raison et à la vérité.
Notre devoir est accompli.

Hôtel-de-Ville, 24 mars 1871.
(Suivent les signatures.)

Journal de la Commune


Citoyens, gardes nationaux,


Brutalement provoqués, vous vous êtes levés spontanément pour assurer par votre attitude la mission que vous nous aviez confiée.
La tâche est ardue pour tous : elle comporte beaucoup de fatigues, beaucoup de résolution, et chacun a fait preuve du sentiment de ses devoirs.
Quelques bataillons cependant, égarés par des chefs réactionnaires, ont cru devoir entraver notre mouvement par une opposition incompréhensible, puisqu’elle apporte un obstacle aux volontés de la garde nationale.
Des maires, des députés, oublieux de leurs mandats, ont encouragé cette résistance.
Une partie de la presse, qui ne voit pas dans dépit l’avènement du monde des travailleurs, a répandu sur nous les calomnies les plus absurdes, rééditant les épithètes de communistes, de partageux, de pillards, de buveurs de sang, etc. ; et des citoyens craintifs ont ajouté foi à ces mensonges. Mais nous avons laissé passer cet orage ; nous apportions les libertés soustraites ; et, bien qu’on s’en servît contre nous, nous avons dédaigné l’abus.
On a agité le fantôme prussien, menacé du bombardement, de l’occupation, etc., et les Prussiens, qui nous ont jugés à notre valeur, ont répondu en reconnaissant notre droit.
La cause de la démocratie, la cause du peuple, la sainte cause de la justice et de la liberté doit triompher de tous les obstacles, et elle en triomphera.
Quant à nous, sûrs du succès de l’oeuvre commune, nous vous remercions avec effusion de votre dévouement en face des fatigues d’un service extraordinaire ; nous comptons sur votre courage pour aller avec nous jusqu’au bout. Nos adversaires, mieux éclairés, quand ils auront compris la légitimité de nos revendications, viendront à nous, ils y viennent déjà chaque jour, et dimanche au scrutin, il n’y aura définitivement au chiffre des abstentions que ceux qui caressaient traîtreusement l’espérance d’un retour à la monarchie et à tous les privilèges et aux institutions plus ou moins féodales qui en sont le cortège obligé.
Citoyens, gardes nationaux,
Nous comptons sur votre courage, sur vos efforts persévérants, sur votre abnégation et votre bon vouloir en présence des charges du service, des croisements d’ordre qui peuvent se produire et vos fatigues de tous les jours.
Marchons fermement au but sauveur ; l’établissement définitif de la République par le contrôle permanent de la commune, appuyé par cette seule force : la garde nationale élective dans tous les grades. Quand nous pourrons avoir les yeux partout où se traitent nos affaires, partout où se préparent nos destinées, alors, mais seulement alors, on ne pourra plus étrangler la république.

Hôtel-de-Ville, 24 mars 1871.
(Suivent les signatures.)


Journal de la Commune


CITOYENS,

Appelés par le Comité central au poste grand et périlleux de commander provisoirement la garde nationale républicaine, nous jurons de remplir énergiquement cette mission, afin d’assurer le rétablissement de l’entente sociale entre tous les citoyens.
Nous voulons l’ordre… mais non celui que patronnent les régimes déchus, en assassinant les fonctionnaires paisibles et en autorisant tous les abus.
Ceux qui provoquent à l’émeute n’hésitent pas, pour arriver à leur but de restaurations monarchiques, à se servir de moyens infâmes ; ils n’hésitent pas à affamer la garde nationale en séquestrant la Banque et la Manutention.
Le temps n’est plus au parlementarisme ; il faut agir, et punir sévèrement les ennemis de la République.
Tout ce qui n’est pas avec nous est contre nous. Paris veut être libre. La contre-révolution ne l’effraye pas ; mais la grande cité ne permet pas qu’on trouble impunément l’ordre public !

Vive la République !

Les généraux commandants,
BRUNEL, E. DUVAL, E. EUDES.

Journal de la Commune


On lit dans le National :

J’ai entendu le dialogue suivant entre un représentant de la droite et un représentant de la gauche.
Vous ne pouvez pourtant abandonner Paris, disait un député de gauche.
Pourquoi cela donc ? Que Paris cuise dans son jus, qu’on lui coupe les vivres, qu’on l’investisse encore une fois ; il n’aura que ce qu’il a mérité.
Mais vous ne pensez ni aux femmes, ni aux enfants, ni aux vieillards, ni aux citoyens si nombreux qui soupirent après le rétablissement de l’ordre !
Tant pis pour eux, pourquoi habitent-ils Paris ?
Ainsi, pour ces hobereaux de village, pour ces gentilshommes de bourgeoisie, le crime, c’est d’habiter Paris, c’est d’être Parisien.
Ah ! triple niais doublés d’égoïstes ! Faites donc de la politique avec de pareils législateurs !
BARON SCHOP.

Journal de la Commune


Le patriotisme de l’armée vient d’épargner à Paris les horreurs d’une guerre civile, provoquée par les fureurs de l’Assemblée et par des arrêtés liberticides.
Espérons que ce noble exemple sera suivi partout où des chefs stupides voudraient engager une criminelle collision. Trop souvent, depuis 1789, la contre-révolution, au nom de la discipline et de l’honneur militaires, a poussé les troupes à égorger les citoyens. La liste des massacres qu’elle a commandés est longue et horrible depuis celui de Nancy jusqu’au 2 décembre, et nous serions tentés de la rappeler dans ses détails pour faire comprendre que la concorde et la tranquillité publique sont incompatibles avec sa conspiration acharnée contre les droits de la nation. Nîmes, Lyon, Marseille, Lille et Bordeaux ont envoyé des délégués pour prendre les instructions du comité central de la garde nationale.


Journal de la Commune


Nous avons publié la protestation du citoyen Blanqui contre sa condamnation à mort, prononcée par les hommes du 4 septembre. Nous donnons aujourd’hui celle du citoyen Flourens :


« Citoyens,
En présence du jugement qui me frappe, il est de mon devoir de protester de la
façon la plus énergique contre la violation de tous les droits inscrits dans toutes
les constitutions.
L’accusé doit être jugé par ses pairs. Tel est le texte de la loi. Or, je dénie
complètement aux assassins patentés de la réaction le titre de juges. Nommés par
un pouvoir qui n’avait encore été reconnu par personne le 31 octobre 1870, ils ne
peuvent puiser leur peuvent puiser leur puissance qu’en dehors de la loi.
D’ailleurs j’ai appris, par une longue expérience des choses humaines, que la
liberté se fortifiait par le sang des martyrs.
Si le mien peut servir à cimenter l’union de la patrie et de la liberté, je l’offre
volontiers aux assassins du pays et aux massacreurs de janvier.
Salut et fraternité. »
G. FLOURENS