L’union
de la gauche : une stratégie opportuniste qui vient de loin…
Dans
l’Humanité Rouge de décembre 1970 à janvier 1971, une série de
cinq articles avait été publiée sous le titre « 50 ans après le
congrès de Tours (1920 - 1970) » le sous-titre du n°86 -jeudi 31
décembre 1970-, précisait sous la plume d’Henri Jour : « Une
vieille farce opportuniste : L’unité de " la
gauche " »
La
stratégie d’alliances électorales pour la signature du Programme
Commun avec le P« C »F en 1972, s’inscrit bien dans l’optique
de Mitterrand. C’est ce qu’il fait savoir le 27 juin 1972,
quelques heures après avoir signé le programme commun. Il se rend à
une réunion de l’Internationale socialiste à Vienne où il est
interpellé par des représentants d’autres partis socialistes, qui
sont surpris de la stratégie de Mitterrand. Lors d’une séance à
huis clos, Mitterrand rassure ses amis et explique sa stratégie :
«Notre
objectif fondamental, c’est de refaire un grand Parti socialiste
sur le terrain occupé par le PC, afin de faire la
démonstration que, sur les cinq millions d’électeurs
communistes, trois millions peuvent voter socialiste.»
Georges
Marchais, le 29 juin 1972 fait un rapport devant le comité central
du P’C’F. Il indique le déroulement des négociations avec le
PS, ses craintes. L’intervention de Marchais est intéressante à
plus d’un titre, il ne fut pas reproduit dans l’Humanité,
c’est seulement en 1975 que sa déclaration sera publiée dans une
annexe du livre « L’Union est un combat :
textes et documents de Maurice Thorez, Waldeck Rochet, Georges
Marchais. Présentés par Etienne Fajon » aux
Editions Sociales. Ce que dit Marchais dans ce rapport
contient déjà non seulement tous les éléments qui aboutiront aux
« querelles » avec le PS en octobre 1974, prémisses de la rupture
de l’union de la gauche en septembre 1977, mais aussi de :
►
la stratégie qui
renforcera le PS au détriment du P’C’F ;
►
l’impossibilité
pour le P’C’F de faire autrement ;
Le
rapport de Marchais devant le CC, montre l’ambiguïté, les
illusions, les limites du Programme commun, des accords avec
le PS. Il préfigure les relations avec Mitterrand en 1981 et après.
L’échec de l’union de la gauche est inscrit dans ses gènes,
c’est-à-dire dans la nature différente du PS et du P’C’F
ainsi que dans la stratégie électoraliste de ces partis.
Marchais
devant le CC, ce 29 juin 1972, fait un numéro d’équilibrisme, il
alterne questions et affirmations, tout en maintenant la ligne «
union de la gauche » en pressentant ses dangers. Mais, il ne peut
aller au-delà, de ce que lui permet la ligne opportuniste et
révisionniste du P’C’F allant de Thorez à Waldeck, ligne dont
il a hérité et qu’il a contribué à développer.
♦
Thorez, qui parlait
déjà dans un discours devant le XVIIe Congrès le 17 mai 1964 de «
Parvenir à l’entente avec le PS », de « L’unité en
marche » car « L’élaboration d’un programme commun
s’impose. » et que « Un projet de programme a été
formulé par nous dès 1959 ».
-A
la page 83 de « L’Union est un combat » , Marchais revient
sur l’appréciation du congrès d’Epinay et il précise à la
page 84 « nous avons considéré que le compromis réalisé entre
Mitterrand-Defferre-Mauroy avait pour but de bloquer les discussions
engagées, de faire du renforcement du Parti Socialiste l’objectif
prioritaire, en vue de créer une situation où notre Parti
serait contraint au rôle de force d’appoint. »
à
la page 93, Marchais dit : « Le Parti Socialiste s’engage donc
de la sorte et déclare qu’il s’engagera publiquement à rester
fidèle au Programme commun, à ne pas participer à un de ces
renversements de majorité dont toute son histoire est faite, ni même
à permettre un tel renversement.
Que
nous ne puissions nous en remettre à un tel engagement de sa part,
cela est évident. Il serait dangereux de se faire la moindre
illusion sur la sincérité ou la fermeté du Parti Socialiste à ce
sujet. ».
Page
105, au sujet des nationalisations et plus particulièrement de la
sidérurgie, Marchais avoue que
«
La sidérurgie a été l’objet de la discussion la plus âpre de
toute la négocia:tion. Le Parti Socialiste se refusait
catégoriquement à la nationalisation de la sidérurgie et il
était même prêt à faire de ce point un motif de rupture des
négociations, de refus d’un Programme commun. ».
Pages
109-110, Marchais dans son appréciation globale de ce que représente
le Programme commun, dit
qu’«
il ne s’agit pas non plus d’une synthèse idéologique. Au
contraire, l’accord n’a pu se faire que parce que, sur notre
insistance, la confrontation idéologique en a été, si je peux
dire, absolument « évacuée ». En effet, nous ne cherchons pas,
nous ne souhaitons pas dans l’état actuel du Parti
Socialiste le rapprochement idéologique. Quant au fond, l’idéologie
qui anime aujourd’hui le Parti Socialiste est, et reste absolument
réformiste ; quant au fond,
elle
est totalement étrangère au socialisme scientifique ; quant au
fond, elle récuse totalement la nécessité de placer en toutes
questions du point de vue de la classe ouvrière. Nous avons
donc fait admettre par nos interlocuteurs l’idée qu’il fallait
systématiquement et exclusivement se placer –y
compris pour régler les points de divergence- dans l’optique
d’une action gouvernementale commune. Autrement dit,
élaborer un programme concret, précis et cohérent de
gouvernement.»
Page
118, Marchais montre qu’il n’est pas dupe des intentions du PS :
«
Au reste, au cours même de la discussion, François
Mitterrand n’a pas fait mystère de l’intention du Parti
Socialiste de se renforcer, y compris à notre détriment. ».
Plus loin, Marchais poursuit en disant : « Il est clair que la
conclusion d’un programme commun de gouvernement dans lequel
le Parti socialiste jouerait un rôle important
donnerait
à celui-ci des bases dans son effort pour se renforcer à notre
détriment, si nous ne faisions pas ce que nous devons faire. ».
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