Le service
d'action civique (SAC) a été, de 1960 à 1981,
une association au
service du général
de Gaulle puis
de ses successeurs gaullistes, mais souvent qualifiée de police
parallèle,
créée à l'origine pour constituer une « garde de fidèles »
dévouée au service inconditionnel du général après son retour
aux affaires en 1958. Ses statuts précisent seulement qu'il s'agit
d'une « association ayant pour but de défendre et de
faire connaître la pensée et l'action du général de Gaulle. » Le
SAC a pour ancêtre le service d'ordre du Rassemblement
du peuple français (RPF),
qui s'était déjà illustré dans des affrontements violents face
aux communistes.
Pierre
Debizet,
un ancien de la France
libre (réseau Libération-Nord et BCRA),
en fut le premier président pour une brève période — de janvier
à février 1960 — en raison de problèmes de santé et d'un
désaccord avec la politique algérienne du général de Gaulle
désormais orientée vers l'autodétermination de
ce pays. C'est à la faveur des événements de Mai 1968, que Pierre
Debizet réintégra, avec la bénédiction de Jacques
Foccart avec
lequel il était resté en contact durant sa « traversée du
désert », la direction du SAC pour en redevenir officiellement
le responsable national dès juin 1968. Il y eut aussi d'autres
gaullistes de la première heure comme Jacques
Foccart, Dominique
Ponchardier,
auteur des Gorille dans
la « Série
noire »,
ou Christian
Fouchet,
qui se retrouveront dans le SAC.
Mis
en cause dans de nombreuses affaires de meurtres, d'escroqueries et
de trafics de drogues2,
le SAC est finalement dissous en 1982 après le massacre
d'une famille entière
Le
SAC est officiellement créé le 4 janvier 1960, date de son
enregistrement à la préfecture de Paris dans le but d'apporter un
soutien inconditionnel à la politique du général de Gaulle à la
fois contre l'OAS et les communistes. Il est dirigé par Pierre
Debizet, mais le vrai patron est certainement Jacques Foccart,
confident de De Gaulle.
Un
an après la création de l'Union
pour la nouvelle République,
le parti gaulliste, le SAC est lancé le 15 décembre 1959, autour de
Pierre Bebizet, son premier président, Serge Planté, vice-président
et André Laviron, trésorier. Il ne compte alors que quelques
centaines d'adhérents, souvent anciens du service d'ordre du RPF.
les campagnes électorales de 1965-67 voient l'augmentation des
effectifs, qui atteignent les 2 000 à 3 000 adhérents.
Le SAC s'installe au 5, rue
de Solférino dans
un immeuble qui avait abrité le siège du RPF et le bureau du
général de Gaulle.
Parmi
ses fondateurs, on trouverait Alexandre
Sanguinetti,
peut-être Charles
Pasqua qui
en devient en tout cas vice-président de 1967 à 1969, ainsi que son
ami Étienne
Leandri.
Il
recrute d'abord parmi les militants gaullistes. Mais aussi par la
suite dans le milieu, dans la police, la gendarmerie. Des criminels
de l'époque ont possédé une carte du SAC, à l'instar de Jo
Attia ou
de Christian
David (dit
« Le Beau Serge ») sans qu'il soit possible d'établir
avec certitude s'ils ont été membres du SAC; certains éléments de
la pègre avaient en effet conservé des liens avec le gaullisme en
raison de leur passé de résistant ou de déporté durant la Seconde
Guerre mondiale,
on compte aussi des truands comme Georges
Boucheseiche,
anciennement membres de la Gestapo de la rue
Lauriston,
désirant être proche du pouvoir politique pour profiter de la
protection de ce dernier.
Le
SAC a toujours eu une existence indépendante du parti gaulliste
Lors
du changement de cap du général de Gaulle au sujet de la guerre
d'Algérie, des membres du SAC favorables ou militants de l'Algérie
française démissionnent. En particulier, Pierre Debizet laisse la
place au printemps 1960 à Paul Comiti, un commissaire de police
garde du corps du général de Gaulle, à la tête du service.
Le
rôle principal mais méconnu du SAC est le service d'ordre et la
surveillance du parti gaulliste : le responsable départemental
du SAC est membre de droit du comité départemental de l'UNR,
puis de l'UDR et
du RPR,
qu'il soit ou non adhérent du parti (il ne l'est souvent pas). C'est
par ce biais que Jacques Foccart est si bien informé et les notes
transmises à Debizet par ses responsables départementaux permettent
plusieurs fois la mise en cause préventive de cadres ou d'élus
indélicats et de les pousser vers la porte avant que la justice ne
s'en mêle.
Les
membres du Service d'action civique initient en mai-juin 1968 la
création de comités de défense de la République qui préparent la
contre-manifestation en faveur de De Gaulle10 et
participent au service d'ordre des réunions de l'Union
pour la défense de la République autour
de l'UD-Ve (ex-UNR).
Le SAC a créé l'UNI pour
contrer la « subversion gauchiste » dans le milieu
universitaire. L'organisation de Debizet a aidé jusqu'en 1976 le
syndicat étudiant dans toutes ses démarches d'autant plus que
beaucoup de militants avaient leur carte dans les deux organisations.
Après 1976, la double appartenance existe, mais les organisations
ont une direction distincte.
En
1975, Jacques
Chirac aurait
été président du SAC, selon Daniele Ganser (2005), ce qui est
faux, mais il a forcément présidé, en tant que Premier ministre,
la réunion annuelle des cadres du SAC à l'hôtel
Lutetia.
À
partir du moment où les grognards du gaullisme partent, le
recrutement est de moins en moins sérieux, ce qui permet à beaucoup
de personnes peu scrupuleuses de rentrer au service10.
Les « incidents » vont alors se multiplier :
- En 1965, un membre présumé du SAC, Georges Boucheseiche, est soupçonné d'avoir participé à l'enlèvement du chef de l'opposition marocaine Mehdi Ben Barka mais le SAC n'aurait pas joué un rôle très important dans cette affaire.
- En mai 1967, trois membres du SAC sont écroués pour une tentative de meurtre.
- En mai 1968, les membres du SAC déguisés en ambulanciers ramassent des manifestants pour aller les tabasser au sous-sol de leur QG, rue de Solférino.
- C'est le SAC qui a expulsé des maisons des jeunes divers mouvements et associations (maoïstes, « Katangais ») après les élections de juin 1968.
- En juin 1968, un cheminot et un chauffeur de taxi sont blessés par balles par le SAC. Le 29, un colleur d'affiches de 18 ans, militant des jeunesses communistes, est assassiné par balles à Arras : si l'assassin Jean-Claude Wallein n'était pas formellement encarté au SAC, c'est un membre de cette organisation qui lui avait fourni l'arme. Un autre militant communiste est poignardé à Drancy et une gouvernante assassinée près d’.Aix-en-Provence
Face
à tous ces problèmes, Foccart rappelle Pierre Debizet à la tête
du SAC pendant les événements de Mai
68.
Il décide de remplacer la carte de membre qui ressemble trop à une
carte de police et exige de chaque membre un extrait de casier
judiciaire.
- Dans les années 1960 et 1970, à plusieurs reprises, des membres du SAC sont impliqués dans des trafics de drogue.
- En 1969, un militant du SAC ouvre le feu sur des partisans du non au referendum.
- Dans les années 1970, Patrice Chairoff publie dans Libération un plan du SAC prévoyant l’internement de gauchistes dans des stades. Ce document est attribué au marseillais Gérard Kappé, un ancien lieutenant de Charles Pasqua qui dément.
- En 1977, un ouvrier gréviste est abattu d'une balle dans la tête par des membres du SAC et de la CFT.
- Le SAC, ou l'une de ses branches, est l'un des suspects potentiels dans l'affaire Robert Boulin.
Malgré
l'épuration effectuée en 1968-1969, de 1968 à 1981, ses membres
auront des ennuis avec la justice pour :
« coups et blessures volontaires, port d'armes, escroqueries, agressions armées, faux monnayage, proxénétisme, racket, incendie volontaire, chantage, trafic de drogue, hold-up, abus de confiance, attentats, vols et recels, association de malfaiteurs, dégradation de véhicules, utilisation de chèques volés, outrages aux bonnes mœurs. »
Le
SAC aurait joué un rôle dans la création d'une organisation de
contre-terrorisme en Corse, Francia, destinée à s'opposer au FLNC.
L'observation
du mouvement laisse à penser que la théorie des « deux SAC »
développée en manière de défense par certains adhérents pourrait
avoir une part de vérité, la coexistence sous une même étiquette,
d'une part, de groupes gaullistes très droitiers et activistes,
recrutant des personnes souvent honorables, telles un magistrat de
l'Est de la France, un certain nombre de militants ouvriers souvent
liés aux syndicats indépendants comme la Confédération
générale des syndicats indépendants ou
la , etc. et, d'autre part, une série d'individus aux franges
du renseignement, du banditisme et de l'extrême droite (voire des
trois), utilisés pour des « coups » peu recommandables.
Des associations appelées SAC et sans rapport avec le mouvement
national ont été déposées par des amis de Charles Pasqua après
que celui-ci a été exclu du mouvement.
Pierre
Debizet, responsable du SAC, arrive à Marseille en mai 1981 car il
s'inquiète des rivalités entre les membres locaux de son
organisation. Jacques Massié, responsable local du SAC et
policier, est accusé de détournement de fonds et de proximité avec
la gauche par les autres membres de l'organisation.
Quelque
temps plus tard, Massié
et toute sa famille sont assassinés.
Rapidement, les meurtriers sont arrêtés et condamnés à de lourdes
peines. Pierre Debizet est inquiété par la justice mais sans suite
pénale. Une commission d'enquête parlementaire ( dans laquelle les
membres de la majorité de gauche y jouent un rôle majeur puisque
ses membres de l'opposition comme Alain
Madelin, Marc
Lauriol ou Jean
Tiberi refusent
de pourvoir un poste de vice-président et un poste de secrétaire et
ne posent pas de questions aux témoins) est constituée en décembre
1981. Elle dispose de 6 mois pour enquêter, mène des investigations
et interroge 99 témoins durant 46 séances, des dirigeants
du SAC comme Debizet qui refuse de prêter serment, des anciens
membres comme Charles
Pasqua,
des fonctionnaires ou anciens fonctionnaires du ministère de
l'intérieur tel Robert
Pandraud,
des syndicalistes, des journalistes comme Roger
Colombani,
des personnalités comme Jacques
Foccart et
des hommes politiques comme Christian
Bonnet,
ancien ministre de l'intérieur. Son rapport est remis le 17 juin
1982. Elle ne décide pas de demander la dissolution du SAC.
Le
SAC est dissous par le président François
Mitterrand le
3 août 1982 par application de la loi
du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées.
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