vendredi 26 février 2021

BIBLIOTHÈQUE FAHRENHEIT 451

 

BASCULEMENTS - Mondes émergents, possibles désirables

Dénonçant la notion d’effondrement, qui dépolitise les enjeux en postulant une trajectoire unique et comme jouée d’avance, Jérôme Baschet, enseignant à l’Universidad Autonoma de Chiapas, à San Cristobal de Las Casas, propose celle de « basculements » qui fait place, au contraire, à l’imprévisibilité croissante de notre temps et au rôle central de la mobilisation politique. Alors qu’ « un microscopique fragment de l’à peine-vivant » a provoqué « la paralysie d'une machinerie aussi ample et ramifiée que l'économie mondiale », supposant la reproduction d’autres crises systémiques du capitalisme, il esquisse plusieurs scénarios, dont celui d'une ouverture des possibles qui nous engagerait vers des manières de vivre échappant aux logiques du système-monde capitaliste.

Il tente, tout d’abord, de cerner les tendances principales que la crise du coronavirus a pu induire, amplifier ou affecter significativement : accélération de la numérisation généralisée, modification des équilibres géostratégiques, confirmant l’effritement de l'hégémonie états-unienne et la montée en puissance de la Chine, reconfiguration des circuits de la globalisation, notamment avec un mouvement de relocalisations productives dans un soucis de souveraineté plutôt que dans une perspective écologique, interventionnisme accru de l’État dont on attend une réponse face à la pandémie, que l'on critique ses manquements ou l'excès des mesures d’exception. Toutefois, ce serait une erreur de postuler une « opposition diamétrale » entre néolibéralisme et État, puisque le premier a toujours eu besoin du second pour assurer sa bonne régulation, l'État étant appelé à la rescousse pour socialiser les pertes et se désengageant à nouveau pour permettre la privatisation des bénéfices. Les facteurs de crise sont nombreux et interagissent entre eux : un régime de croissance trop faible ne permettrait plus de satisfaire aux exigences de l’accumulation du capital, en raison de la compression des capacités de consommation du plus grand nombre par les politiques néolibérales, de l’extension démesurée de l’endettement pour y remédier (jusqu’à représenter quatre fois le PIB mondial), de la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières, de ceux qu’entraîne le dérèglement climatique, de l’impossibilité de maintenir le faible coût de la force de travail et de celui des ressources naturelles,… Impossible de rapporter davantage ici cette analyse éminemment synthétique qui mérite d’être lue attentivement.
Si la conjonction de tous ces facteurs pourrait accréditer la thèse de l’effondrement, Jérôme Baschet, tout en reconnaissant l’indéniable efficacité de celle-ci, au point d’avoir fait bifurquer de nombreuses trajectoires individuelles, s’interroge sur les limites de cette notion qu’il juge largement dépolitisée. Il rapproche la collapsologie du marxisme par son invocation d’un processus inéluctable contre lequel il apparaît vain de lutter, et lui reproche de confondre l’effondrement du vivant et celui du système capitaliste. Il lui préfère la notion de « crise structurelle » qui mobilise des facteurs relevant de domaines multiples (économiques, sociaux, politiques, subjectifs, etc.) et implique une altération des logiques fondamentales du système capitaliste, sans pour autant postuler à son effondrement, dynamique pouvant donner lieu a des effondrements partiels, et faisant surtout place à une pluralité de scénarios. Il met également en garde contre le capitalisme vert qui pourrait bien être celui des objets connectés – c’est-à-dire avec la numérisation totale des univers de vie –, et qui, aussi décarbonaté soit-il, conserverait les mêmes exigences de valorisation, de croissance et de maximalisation productiviste. Il envisage trois scénarios, plus un :

  • La poursuite des dynamiques actuelles du capitalisme fossile, sans réorientation significative, qui conduirait à une aggravation de toutes les dimensions de la crise structurelle en cours.
  • Un capitalisme vert, combinant transition énergétique, marchandisation à outrance de la nature et numérisation généralisée.
  • Le modèle chinois, promis à une hégémonie planétaire croissante, avec une économie largement fossile dans un système politique hyper-autoritaire, avec un contrôle social total des populations.
  • L'intensification des réactions collectives d'insubordination face aux multiples effets de la crise structurelle.

« L'effondrement n'est pas plus certain que l'émancipation n'était hier garantie. Mais les réactions antisystémiques comme les basculements postcapitalistes gagnent en relief dans le champ des possibles. »

Au printemps 2020, la mise à l’arrêt, brutale et dans les proportions considérables, de la machine économique, a ouvert pour certains « des brèches vers des remises en cause et des possibles insoupçonnés, jusque-là occultés par les routines d'une vie pressée et toujours saturée d’activités », même si pour d'autres la charge du travail s'est encore alourdie et la tyrannie de l'urgence a été plus forte que jamais. « Le caractère d'évidence du fonctionnement de la machine économique et l'impossibilité d'envisager autre chose que la poursuite indéfinie de sa croissance ont été puissamment ébranlés – non en paroles, mais par une expérience vécue et, de surcroît, d'ampleur planétaire. » Jérôme Baschet recense les secteurs d’activités qui pourrait ne pas repartir à l’identique : le transport aérien et l’industrie aéronautique, le tourisme de masse, notamment les croisières, le secteur publicitaire qui représentait en 2018 un budget global de 560 milliards de dollars, soit le tiers des dépenses militaires mondiales. Il pointe également du doigt le modèle agro-industriel, avec ses « élevages concentrationnaires », la déforestation et l'expansion des métropoles, principaux facteurs impliqués dans la multiplication des nouvelles zoonoses. Prolonger et amplifier les arrêts de production vécus pendant le confinement, recentrer sur des productions dites « essentielles », « dessineraient un horizon beaucoup plus crédible que la ritournelle des écogestes ». Malgré la prudence de son raisonnement, il est conduit à constater « qu’il est impossible de s'attaquer radicalement aux causes de la catastrophe en cours sans éliminer la matrice productiviste du capitalisme – donc le capitalisme lui-même ». On peut alors prolonger l'exercice de réduction des activités productives néfastes ou dangereuses bien plus loin : l’industrie chimique et celle de l'armement, le transport des marchandises, du fait de la relocalisation de la production, les banques et le système financier, les bureaucraties administratives. « De fait, le basculement hors de la tyrannie marchande doit se concevoir non selon la classique perspective d'une réappropriation et d'une collectivisation des moyens de production, mais d'abord comme un véritable démantèlement de l'actuel système productif-destructif, dont l'existence même ne tient qu'à l'exigence de valorisation de la valeur. »
De la même façon, Jérôme Baschet explore les domaines d'activité susceptibles de s’épanouir dans un monde postcapitaliste, selon le principe que sera pertinent d'être produit ce qui aura été défini comme tel par les collectifs concernés. « À production locale, décisions locales. » Sans être sur un rejet de principe de toutes les technologies modernes, des choix seraient nécessaires selon l'impact écologique de chacune ainsi que le bénéfice collectif attendu en regard des contraintes qu'elle implique. Il propose le principe fondamental du bien-vivre, notion investie d'une puissante dimension collective et éthique : « Le bien-vivre exprime le basculement du pur quantitatif, qui est la loi de l'économie, vers le qualitatif de la vie, qui est ce qui importe véritablement aux vivants. » La notion de travail devra être abolie afin de restaurer l'unité du faire humain dans tous les domaines. « En finir avec le capitalisme, ce n’est ni encadrer le marché ni abolir la propriété privée des moyens de production. C'est briser la logique de la valeur, qui ramène tout à de pures quantités et exige que l'argent investi se transforme en davantage d’argent. »

Il présente ensuite les principes de l’autogouvernement populaire et de l’autonomie dans la pratique d'une existence communale autour d'une « communauté inessentielle », reprenant des arguments déjà développés dans 
ADIEUX AU CAPITALISME Autonomie, société du bien être et multiplicité des mondes, et que nous avions déjà longuement présentés à l’occasion de la recension de cet autre titre. Il prend soin de préciser qu’ « il ne s'agit en aucun cas de proposer un modèle, mais simplement d'ouvrir les imaginaires en tentant une hypothèse de politique non étatique postcapitaliste », et de proposer une « logique des lieux » singuliers, opposée à un « localisme » excluant, à un local ouvert et émanation du global.

Prolongeant l’onde de choc de l'ébranlement anthropologique qui s'est fait sentir au cœur de la crise du coronavirus, il passe au crible de sa critique l'ensemble des caractéristiques de la modernité :

  • La coupure naturaliste entre l'humanité et la « Nature » qui pourrait être remplacée par une « option continuiste » qui réintègre l’humain au sein du monde naturel.
  • L'illusion individualiste du sujet autonome qu’il propose de substituer par une « conception relationnelle de la personne ».
  • L'universalisme abstrait des Lumières qui a accompagné l'essor de l'hégémonie occidentale et auquel pourrait être opposé une affirmation radicale de la multiplicité des mondes, inspirée de l'appel zapatiste à construire « un monde où il y ait place pour de nombreux mondes ».

La complexité de ses analyses dont nous ne pouvons donner ici qu’un pâle aperçu, lui permet fort intelligemment d’arbitrer dans « l’opposition entre un Grand Soir révolutionnaire, événement décisif de rupture avec la domination capitaliste, et une prolifération d'expériences de vie alternative, assimilées à autant de petits îlots ». Il craint que la métaphore de l’archipel ne condamne à l'impuissance « par l’impossibilité intrinsèque de jamais l'emporter sur l'immensité de l’océan », lui préférant la notion d’espaces libérés, de brèches, de lieux autonomes, d’interstices, sans prétendre pour autant à aucune pureté. Il répond à Frédéric Lordon qui considère indispensable la prise du pouvoir d’État, comme seul moyen d'agir à la bonne échelle, lui rappelant nombre de guerres asymétriques et aussi que dans son « idéalisation de l’État », il oublie que celui-ci est désormais microscopique et largement impuissant face au capitalisme néolibéral globalisé.
Il se distingue également de Murray Bookchin dont le municipalisme lui semble trop concentré sur la seule politique municipale, correspondant mal à la diversité potentielle des espaces libérés. Il propose une hypothèse stratégique qui combine une dynamique continue d'affirmation des espaces libérés avec des moment d'intensification de la conflictualité. Car « pour se transformer en basculement, le moment insurrectionnel a besoin d'une puissance préexistante, faite de pratiques d’auto-organisation collective, de capacités techniques bien rodées, de subjectivités coopératives rompues à l’art de faire ensemble. Bref, de l'expérimentation, même partielle, d'une existence déjà communale. »
Enfin, s’appuyant sur l'analyse d’Erik Olin Wright qui distingue trois manières de penser le dépassement du capitalisme :

  • les stratégies de rupture visant à défaire le capitalisme par voie insurrectionnelle,
  • les stratégies symbiotiques qui luttent à l'intérieur de l’État,
  • les stratégies interstitielles qui se déploient par petites transformations successives, dans les failles de la structure sociale et en dehors de l’État,

il défend la combinaison de stratégies interstitielles antagoniques et de stratégies de rupture dans une dynamique de crise structurelle, récusant la centralité étatique, mais admettant toutefois le recours à des stratégies symbiotiques, dans certains cas de figure, afin de stabiliser certaines avancées stratégiques et de consolider des espaces conquis dans la lutte.


Après avoir longuement présenté l’expérience zapatiste, dans LA RÉBELLION ZAPATISTE, proposé un projet alternatif d’organisation sociale dans le précieux ADIEUX AU CAPITALISME Autonomie, société du bien être et multiplicité des mondes, profité d’une analyse du mouvement des Gilets jaunes pour ébaucher des pistes d’actions concrètes dans UNE JUSTE COLÈRE - Interrompre la destruction du monde, Jérôme Baschet récidive à l’occasion d’une crise sans précédent qui a paralysé le système économique mondial, mis à nu ses fragilités et désigné au plus grand nombre des secteurs économiques aussi nocifs qu’inutiles. Loin de se répéter, il précise sa pensée et connecte ses propositions à une actualité de plus en plus brûlantes. Il est plus que jamais temps de leur prêter notre plus grande attention.

Ernest London
Le bibliothécaire-armurier




BASCULEMENTS
Mondes émergents, possibles désirables
Jérôme Baschet
256 pages – 15 euros
Éditions La Découverte – Collection « Petits cahiers libres » – Paris – Février 2021
www.editionsladecouverte.fr/basculements-

BIBLIOTHÈQUE FAHRENHEIT 451

 

LA POUDRIÈRE

Les journalistes Jean-Michel Décugis, Pauline Guéna et Marc Leplongeon ont enquêté sur les identitaires, les ultras-nationalistes, les survivalistes, les révisionnistes, les antisémites et les racistes, les royalistes, les néonazis, les néofascistes, les skins, les catholiques intégristes, tous ces groupuscules et micro-partis qui gravitent autour du Rassemblement national, rencontrant quelques figures influentes, visitant des lieux emblématiques. À l’aide d’informations extrêmement précises, obtenues auprès de leurs informateurs dans les services de renseignement, ils brossent un panorama de cette « ultra-droite » xénophobe, nationaliste et violente, obsédée par le « grand remplacement » et prête à passer à l’action.



En 2004, les renseignements généraux en estimaient l’effectif entre 2500 et 3500 militants, répartis entre cinq « familles » : les skinheads (1000 à 1500 personnes), les identitaires (environ 800), les ultranationalistes (quelques centaines), les néonazis et les hooligans, avec des flux et des reflux entre ces groupes. En 2013, « la lutte contre le mariage pour tous » leur a donné une cause commune, puis la manifestation « Jour de colère » du 26 janvier 2014, organisée par le Printemps français, derrière lequel se cache Action française, réussit la convergence. Les auteurs documentent également et avec beaucoup de précisions, la présence de ces groupuscules au commencement du mouvement des Gilets jaunes en 2018 dont le « poujadisme » initial était « plus que RN-compatible » : premiers appels au blocage relayés par de nombreux sites d’extrême droite, présence d’ « antisémites notoires » dans les cortèges parisiens (Hervé Ryssen, Yvan Benedetti, Frédéric Jamet, Dieudonné, Alain Soral), saccage du magasin de souvenirs de l’Arc de Triomphe auquel participent les Zouaves de Paris et des membres du Bastion social emmenés par Valentin Linder. Ils utilisent d’ailleurs la néo-catégorie forgée par la police, d’ « ultra-jaune », pour désigner les Gilets jaunes qui imitent « le mode opératoire des black blocs ». Il est dommage qu’il n’évoque pas l’évolution de cette tentative d’influencer le mouvement (à ce sujet on pourra lire : 
LA RÉVOLTE DES GILETS JAUNES - Histoire d’une lutte de classes), laissant entendre une proximité durable, signalant au contraire une « convergence entre Gilets jaunes, ultra-gauche et ultra-droite constatée par les gendarmes de la région bordelaise », depuis la fin 2019 !
Ils présentent également les milieux catholiques réactionnaires d’Angers, depuis les écoles primaires et secondaires de la Fraternité de Saint-Pie-X, « longtemps excommuniée, mal réintégrée », l’Université catholique de l’Ouest (UCLO), surnommée « la Catho » et qui regroupe 10 000 étudiants, la communauté de l’Emmanuel, clé de voûte du Renouveau charismatique en France, l’Alvarium, bar associatif dirigé par Jean-Eudes Gannat, fils de Pascal Gannat, ancien chef de cabinet de Jean-Marie Le Pen.
Ils rencontrent Logan Djian, ex-gudard, antisémite et révisionniste, pro-Bachar el-Assad, gérant du bar « le Crabe-tambour » dans le XVe arrodissement, fréquenté par la jeunesse d’extrême droite parisienne, fiché S et réfugié à Rome comme une dizaine de figures de l’extrême droite.
Renaud Camus, l’idéologue du « grand remplacement », les recevra également dans son château gersois. Sa « formule publicitaire scintillante d’efficacité » a réveillé la « peur viscérale de l’invasion » : pas besoin de démontrer, de chercher une réalité démographique, il suffit de montrer, de regarder. En 2017, il fonde avec Karim Ouchikh le Conseil national de la résistance européenne (CNRE) et il présente, aux élections européennes de 2019, une liste qui rencontrera quelques déboires : la Ligne Claire.

Les Identitaires, fondé en 2002, devenu parti politique en 2009, complété par une section jeunesse en 2012 : Génération identitaire, adepte de l’agitprop et pensée comme un « Greenpeace de l’anti-immigration ».
Le Bastion social, groupuscule néo-fasciste « plus borderline », résurgence du GUD, proche des Italiens de CasaPound, dissout en 2019. Avec une logique d’implantation locale et d’occupation du terrain, par l’ouverture de bars (Lyon, Aix, Chambery,…) et de petits commerces, il était l’un des mouvements les plus actifs.
Les Brigandes sont un groupe de chanson française, aux paroles nationalistes, lié à une communauté de familles regroupées autour de Joël Labruyère, installée à Salvetat, dans la montagne Noire.
Une partie de l’ « ultra-droite à propension terroriste » se prépare à la guerre civile : « Pour beaucoup de militants, l'affrontement inter-ethnique, inévitable, serait un grand moment cathartique qui permettrait de refonder la nation par la violence et l’épuration. » Dans la foulée de l'attaque de Charlie Hebdo, un groupuscule d'autodéfense, Volontaires pour la France (VPF), est créé, comptant un nombre important d'anciens membres des forces de l’ordre, parmi lesquels on trouve le général Piquemal, radié des cadres de l'armée pour avoir participé à une réunion interdite organisée par Pediga, et Renaud Camus. En 2017, des divergences apparaissent : AFO (Action des forces opérationnelles), le bras armé du mouvement, « à tendance survivaliste, paranoïaque et paramilitaire », regroupant des partisans de l'action directe, prend ses distances. En 2018, après la prise d'otage de Trèbes, dans l’Aude, un projet d'empoisonnement de viande halal est envisagé. Par ailleurs, Logan Nisin, fervent admirateur d’Anders Behring Breivik, avait monté l’opération OAS avec son organisation dont l’importance n’est pas précisée, pour assassiner Jean-Luc Mélenchon, Christophe Castaner puis des musulmans dans le but de « provoquer la terreur pour enclencher une remigration spontanée ». Les auteurs s’entretiennent également avec « Frédéric », « premier loup solitaire de l’ultra-droite », militaire radicalisé, emprisonné en 2013 pour avoir jeté un cocktail Molotov sur une mosquée.
Plusieurs milliers de volontaires étrangers, militants du Rassemblement national, de Génération identitaire ou du Bastion social, mais aussi de Pediga, du NPD et de l’AFD en Allemagne, de l’UKIP, du Brexit Party et de Britain First au Royaume-Uni, de Vox en Espagne, ont rejoint les rangs des combattants des républiques séparatistes de Lougansk et Donetsk : la guerre du Donbass, en Ukraine, leur a servi d'entraînement pour un conflit à venir. La crise des réfugiés leur offre un nouveau lieu de convergence, l’île de Lesbos, en Grèce.
Avec le confinement et la crise sanitaire, les mouvements nationalistes-révolutionnaires, comme ils l'avaient fait lors du mouvement des Gilets jaunes, font entendre leur voix, non comme des « petits groupuscules fachos », mais de simples citoyens en colère. « Une confusion savamment entretenue des genres et des idées, une ébullition hautement toxique, le grand bouillon en ligne de l’ultra-droite dans lequel se trempent jour après jour des esprits enfiévrés. »
À Chauny, petite ville de 11 000 habitants dans l’Aisne, le chercheur en sciences politiques Stéphane François a enquêté sur le mouvement gabberskin, phénomène de contre-culture qui, comme le hooliganisme, est à la fois un vecteur de rapprochement et de défoulement pour des jeunes en colère, et un motif d'embrigadement et de formation politique.
Un long chapitre est consacré à Action française, mouvement royaliste revendiquant 3000 adhérents, dont un réseau de préfets, de ministres, de directeurs de cabinet, de « grands serviteurs de l’État ». Les auteurs ont rencontré son secrétaire général, François Bel-Ker, puis Yvan Benedetti, porte parole du Parti nationaliste français, avec qui ils évoquent Pierre Sidos, son maître à penser, décédé en septembre 2020. Ils citent aussi de nombreux sites internet, plus influents que la presse qui ne s’adresse, elle, qu’aux convaincus. « L’extrême droite n’a pas encore remporté la victoire des urnes, mais elle a contaminé le langage et la pensée de tout un pays. »


Jean-Michel Décugis, Pauline Guéna et Marc Leplongeon ont sensiblement plus nourri leur enquêtes avec des rapports de police qu’avec des études de chercheurs, qu’ils citent nettement moins. Si bien qu’ils ont adopté le système de catégorisation des Renseignements territoriaux : ultra-droite, ultra-gauche, ultra-jaune… Simplification fourre-tout quand il ne s’agit pas de fabrication délibérée d’ennemis intérieurs. Nous nous sommes cependant tenus au vocabulaire qu’ils utilisent dans le soucis de rendre au mieux compte de leurs propos. Ces réserves sémantiques ne doivent cependant pas minimiser l’impressionnante quantité d’informations extrêmement précises contenue dans ces pages et qui constitue une radiographie précieuse, pas plus qu’elles née cherchent à nier le danger que représente ces groupuscules. Nous regrettons par ailleurs que ne soit pas évoquée la question de leur financement. Présentés ici comme désargentés, au contraire du Front national, héritier de la fortune Lambert, on est  en droit de s’étonner que Génération identitaire trouve les moyens de louer un bateau et son équipage pendant plusieurs semaines au cours de l’été 2017, pour sa campagne Defend Europe en Méditerranée, afin d’empêcher les sauvetages en mer, puis des hélicoptères pour le blocage de la frontière au col de l’échelle en juin 2020, et des véhicules tout-terrain floqués et flambant neufs au col du Portillon en janvier 2021. De même, si la présence dans cette nébuleuse, de nombre d’anciens policiers, gendarmes et militaires est plusieurs fois mentionnée, le problème du vote à l’extrême-droite de plus de la moitié des forces de l’ordre et la suspicion que cette proximité engendre, ne sont pas du tout évoqués et encore moins analysés.


Ernest London
Le bibliothécaire-armurier



LA POUDRIÈRE
Jean-Michel Décugis, Pauline Guéna et Marc Leplongeon
242 pages – 19 euros
Éditions Grasset – Paris – Novembre 2020
www.grasset.fr/livres/la-poudriere-9782246821472


mercredi 24 février 2021

Lignes N°62 collection dirigée par Michel Surya

 

Faire collectif      par Xénophon Tenezakis

 

La mise en concurrence et la séparation des individus dans nos sociétés laissent libres les différents pouvoirs économiques et politiques d’attaquer les divers éléments de mutualité qui demeurent (services publics mais aussi écosystèmes). C’est pourquoi faire collectif devient nécessaire. Pour lutter contre une situation où l’isolation produit des conséquences indésirables, il faut s’organiser collectivement, de façon à limiter la portée de celles-ci. Mais cet impératif est aussi problématique. Si le collectif est la condition de l’action, l’expression « faire collectif » n’a plus de sens pratique, car elle présuppose ses propres conditions de réalisation. On connait aussi les dangers du collectif, en particulier l’obéissance à une autorité qu’on ne questionne pas et la conformité aveugle et non coordonnée à ceux qui nous ressemblent.

Plus précisément, le premier danger est celui de l’unilatéralité du collectif, au sens d’un collectif dont une mince partie détermine son mode d’action. La première forme de cette unilatéralité, que Sartre décrit dans la critique de la raison dialectique critique de la raison dialectique sous la forme de l’institution, est l’unilatéralité » verticale. Un tel collectif est unifié par la souveraineté transcendante d’un ou plusieurs individus qu’on considère comme « indépassables ». Il réduit ses membres, par la crainte de cette souveraineté, à des fonctions, choses sociales prédéterminées. Le second danger est celui de la domination d’une unilatéralité horizontale, la « sérialité ». Il n’y a alors pas de relation d’obéissances, mais de nécessité : un tel objectif est constitué par des rapports individuels et séparés, à un même objet (l’argent, la nature, etc), où chacun imite ceux qui lui ressemblent, et qui font que certains peuvent subir l’action des autres sans pouvoir y réagir, comme dans une crise financière où la spéculation des uns dévalorise la production des autres. Dans ces deux cas, le collectif ne peut s’adapter aux conséquences imprévisibles de l’interaction sociale, à cause de son inertie. Cependant, ces éléments coexistent et sont toujours présents à un certain degré. La verticalité, comme point de référence communément accepté, permet de limiter la virulence des conflits, la séparation et la conformité permettent d’éviter de nous rendre trop insupportables l’un à l’autre. Il s’agit de limiter leur violence.

Comment, cependant, « faire » ce collectif qui doit rendre possible l’action humaine elle-même ? Comme le point Sartre, la « praxis », la pratique comme négation de ce qui nie mon existence comporte en elle-même des virtualités de collectivité. Dans les circonstances où l’isolation sérielle est la cause de mon impossibilité d’agir, la praxis peut nier cette séparation, par la parole en particulier, source potentielle de réciprocité. Dans la réciprocité, chacun des individus partis à l’action est susceptibles d’agir sur la norme d’action collective, ce qui rompt à la fois les schémas d’obéissance et de conformité. Une première façon réciproque de faire collectif est celle où l’élément de verticalité est moindre : c’est une réciprocité labile, que Sartre appelle groupe en fusion. Cette forme-là est celle où des individus s’intègrent de façon fluide dans une action en fonction des circonstances, à l’intimation peut-être d’autres groupes, mais en niant cette intimation à travers les possibilités découvertes au sein de l’action elle-même. En 1974 en Grèce, des étudiants occupent l’école polytechnique d’Athènes pour protester contre la dictature des colonels. Ces étudiants sont membres d’organisations politiques comme le parti communiste, mais ce ne sont pas les organisations qui décident de cette occupation, mais les occupants eux-mêmes, au fil de leur action elle-même. Les éléments de verticalité cèdent ainsi le pas. Mais ils restent présents sous la forme de soutien préalable, et un tel schéma peut difficilement être le schéma régulier de la vie quotidienne, puisque soit un tel collectif disparait, soit il se stabilise, forme des habitudes.

Reste à penser une réciprocité stable. Dans la réciprocité labile, l’élément labile et proliférant domine et emporte les éléments de stabilité. Une réciprocité stable serait au contraire une réciprocité où l’élément labile est orienté par un élément stable qui lui donne sa permanence. Le groupe organisé chez Sartre, fondé sur le serment, permet ainsi de penser au-delà de Sartre des normes impersonnelles qui organisent la mise en œuvres des diverses fonctions nécessaire au collectif, mais qui instaurent aussi la possibilité pour chacun d’influencer la teneur de ces fonctions. Cela peut se traduire par des procédures de délibération ( réciprocité positive) ou de contestation, comme la mise en question judiciaire des lois permises aux citoyens de l’Athènes antique ( réciprocité négative) , et dans des dispositions garantissant des conditions de cette réciprocité, par exemple de formation à la délibération, de création de fonctions de facilitateurs, etc. La réciprocité stable désigne donc des modes de pérennisation de la réciprocité. Elle peut apparaitre par exemple dans nos diverses associations à leur meilleur, mais pas seulement. Elle n’est jamais absolue ; pouvant toujours s’épuiser, elle suppose inévitablement des initiatives unilatérales d’individus singuliers, qui ne s’opposent pas à la réciprocité dès lors qu’il ne s’agit pas de commander les actions des autres mais de les rendre possibles.

Faire collectif, c’est donc bien répondre ensemble à des nécessités communes. Mais aussi instituer des modes stables de communication, pour que les difficultés rencontrées par les interactions des uns avec les autres se fassent perpétuellement jour et ne restent pas des impensés qui pèsent sur le collectif sans qu’on le sache.

Lignes N°62 Collection dirigée par Michel Surya

 

Bienveillance      Par Jacob Rogozinski

 

« J’ai une règle de vie, c’est la bienveillance. Je n’ai pas besoin, pour exister, de dire du mal des autres ». C’est ce que répondait en 2016 Emmanuel Macron à un journaliste qui l’interrogeait sur « l’archaïsme »du PS. Il était alors ministre de François Hollande et se préparait à « trahir avec méthode » son mentor (Hollande dixit) . « Je crois en la bienveillance dans le vie politique », déclarera-t-il un an plus tard, alors qu’il avait fondé En Marche et était entré en campagne. La bienveillance n’était plus seulement une « règle de vie » personnelle, mais un des maitres mots de son projet politique. Aujourd’hui, la bienveillance macronienne est devenue un leitmotiv invoqué en toutes circonstances par le président – « J’ai vu le visage de la bienveillance », tweete-t-il après avoir rencontré le dalaï-lama – comme par ses proches. C’est ainsi que son épouse, aux obsèques de Michou, salue « la bienveillance et l’extrême élégance » de cette figure du Paris by night. On aurait beau jeu d’ironiser sur l’écart qui sépare les paroles et les actes en relevant que le « bienveillant » président l’est surtout envers les plus riches et qu’il n’a pas fait preuve d’une grande compassion envers les migrants ou les gilets jaunes blessés et mutilés par centaines par sa police. Il serait trop facile de rappeler son éloge d’une présidence « jupiterienne » dont la passion triste réclame. Mieux vaut chercher d’où provient cette notion et ce qu’elle nous révèle sur le pouvoir macronien.

Au soir du premier tour, lorsque ses partisans huaient les noms de Marine le Pen, et de François Fillon, Macron les avait interrompus en leur demandant de les applaudir : « cela nous ressemble », avait-il déclaré noblement. La politique de la bienveillance ne se connait pas d’ennemis, à peine des adversaires, ou plutôt des concurrents comme c’est le cas dans le mondes affaires. Dans cet espace politique pacifié, aucune position, aussi extrême soit-elle, n’est en soi inacceptable ; aucun antagonisme ne doit plus subsister. Au conflit obsolète entre « gauche » et « droite », se substitue la synthèse accueillante du en même temps. A la confrontation des idées, aux affects violents de la lutte des classes, s’oppose la vision idyllique d’un pays réconcilié autour d’idéaux communs. La bienveillance macronienne est l’héritière de la gauche de consensus chère à Tony Blair et à ses émules. Désireuse de désamorcer l’hostilité « archaïque » des travailleurs envers le marché, la mondialisation et le grand capital, elle fait la promotion d’une « société du care » privilégiant l’empathie et le souci des autres sur toutes les formes de conflit social.

Etre bienveillant, c’est étymologiquement vouloir le bien. A moins d’être un libertin sadien, qui oserait prétendre qu’il ne veut pas le bien, le sien et celui des autres ? Qui oserait être malveillant envers la bienveillance ? C’est l’atout majeur de la bienveillance en politique : elle disqualifie par avance toute critique. S’y opposer relève d’une faute morale, voire d’une pathologie. Pour un président qui se pique de philosophie, celle-ci porte un nom spiniziste : ceux qui contestent sa politique sont mus par leurs passions tristes. Dans son livre manifeste, intitulé par antiphrase Révolution, il écrivait que les Français sont « recroquevillés sur leurs passions tristes, la jalousie, la défiance, la désunion, une certaine forme de mesquinerie, parfois de bassesses ». Recroquevillés sur leurs passions tristes, la jalousie, la défiance, la désunion, une certaine forme de mesquinerie, parfois de bassesses ». Protester contre la suppression de l’ISF, c’est être jaloux des « premiers de cordée ». S’opposer à la réforme des retraites, c’est s’affirmer comme un ennemi de la confiance de l’unité nationale et de l’élévation morale.

La politique de la bienveillance dispose ainsi d’une parade efficace : lorsqu’on s’en prend à elle, elle se replie sur le plan de la morale. Il est vrai que, longtemps avant d’être récupérée par des politiciens, la bienveillance était désignée comme une vertu éthique. Selon Aristote, elle s’apparente à l’amitié. Or, celle-ci suppose l’égalité entre les amis et c’est pourquoi aucune amitié n’est possible avec un animal ni avec un dieu. Il en va de même de la bienveillance éthique : elle aussi implique l’égalité et la réciprocité. Ce n’est pas le cas de la bienveillance macronienne ou du care qui en est une variante. Selon ses apôtres, le paradigme du care est la relation de soin, de souci-pour-l’autre, qui est précisément celle du soignant ou de la mère qui prend soin de son enfant. Il s’agit d’une relation inégale, dissymétrique, puisqu’elle met en rapport un bien-portant et un malade, un handicapé ou une personne âgée, ou bien un adulte et un enfant. Les uns savent ce qui est bon pour les autres et peuvent agir pour en prendre soin, alors que les autres en sont incapables. Dans son essai Sur le lien commun, Kant avait déjà dit l’essentiel sur cette politique de la bienveillance qu’il juge « despotique » et à l’opposé d’une politique républicaine. En effet, « un gouvernement fondé sur le principe de la bienveillance envers le peuple » considère les citoyens comme « des enfants mineurs incapables de décider ce qui leur est vraiment utile ou nuisible », si bien qu’ils sont obligés « d’attendre uniquement du chef de l’état la possibilité d’être heureux ».

Puisque l’idéologie de la bienveillance trouve son modèle dans la relation entre l’adulte et l’enfant, l’on ne s’étonnera pas si elle a souvent recours à la métaphore du pédagogue – « nous avons manqué de pédagogie ! » se lamente la macronie lorsque le bon peuple n’accepte pas docilement ses injonctions – si elle s’épanouit précisément dans le domaine de la pédagogie. On sait que « la pédagogie de la bienveillance » fondée sur la « confiance » et « l’empathie » est aujourd’hui un mantra psalmodié par tous les réformateurs de l’école. « Excellence » et « bienveillance » : tels sont les deux axes de la politique éducative mise en œuvre par le ministre Blanquer. Tandis que l’objectif de l’excellence justifie la sélection des « meilleurs » et ainsi l’accroissement des inégalités scolaires, la référence obligée à la bienveillance a pour mission, là encore, de désamorcer toute critique en assurant que les élèves « les moins doués » seront l’objet de toute la sollicitude requise avant d’aller s’inscrire à Pôle emploi.

A vrai dire, ce n’est ni la relation pédagogique ni la relation de soin qui ont servi de matrice à l’idéologie macronienne de la bienveillance : c’est le management. Dans la rhétorique managériale importée des USA, la bienveillance des cadres envers leurs subordonnées est censée « maximiser la performance » de l’entreprise. C’est la tâche des happiness officers (sic) d’améliorer la « qualité de vie au travail » en proposant par exemple aux cadres guettés par le burn-out des séances de yoga ou de full conciousness meditation. Les experts de la havard business review ont calculé que cette attention accordée au bien-être des salariés permet d’accroître leur productivité de 12%. Certains auteurs ont tenté d’appliquer les principes du « management de la bienveillance » à la politique, comme en témoigne un livre intitulé l’état en mode start-up, sous-titré le nouvel âge de l’action politique et préfacé par Emmanuel Macron. Tel est l’idéal du macronisme : faire de la France une start-up Nation, gérée par des experts bienveillants qui savent mieux que le peuple ce qui est bon pour lui et n’hésitent pas à lui infliger une douce violence afin d’en prendre soin. Ainsi, les subalternes se soumettront sans résistance aux ordres de leurs dirigeants, car ceux-ci ne veulent que leur bonheur. Que l’on ne s’y trompe pas : la bienveillance managériale ne saurait se confondre avec le laxisme. Comme l’écrit dans leur jargon inimitable l’un de ses théoriciens : « le feedback négatif est tout autant un instrument de bienveillance que le feedback positif ». On n’hésitera donc pas à punir un subordonné fautif, pourvu qu’il s’agisse d’une sanction « bienveillante », et des « licenciements bienveillants » (sic) pourront être envisagés. Nous commençons à comprendre comment la bienveillance macronienne peut faire bon ménage avec le mépris affiché envers « les gaulois réfractaires au changement « ; et pourquoi ce mépris peut susciter en retour de la colère chez ceux qui ne supportent plus la sollicitude condescendante du chief happiness manager. Lorsque la révolte gronde chez les « gens qui ne sont rien », l’heure n’est plus à la bienveillance et elle fait place aux LBO de la police.

mardi 23 février 2021

Le mouvement anarchiste des origines à 1914 de Jean Maitron

 

Les  anarchistes individualistes

 

« C’est idiot – lui écrivait-il- que ceux qui ont compris soient forcés d’attendre que la masse des crétins qui barrent la route, aient évolué. Le troupeau sera toujours le troupeau. Laissons-le donc piétiner sur place, et travaillons à notre propre émancipation.

Mets tes vieilles rengaines au rancart. Nous en avons assez de toujours nous sacrifier pour quelque chose. La patrie, la société, la morale sont par terre…C’est très bien, mais ne contribuez pas à nous ressusciter des entités nouvelles : l’idée, la révolution, la propagande, la solidarité, nous nous en foutons. Ce que nous voulons, c’est vivre, avoir nos aises et le bien-être auxquels nous avons droit. Ce que nous voulons réaliser, c’est le développement de notre individualité en tous les sens, en toute son intégralité…

L’individu a droit à tout le bien-être possible, et ce bien-être il doit chercher à la réaliser à chaque instant, par n’importe quels moyens. »

 

Marius Jacob : « Je ne crois pas que l’illégalisme puisse affranchir l’individu dans la société présente. Si, par ce moyen, il réussit à s’affranchir de quelques servitudes, l’inégalité de la lutte lui en suscite d’autres encore plus lourdes, avec au bout la perte de la liberté, de la mince liberté dont il jouissait et, parfois, de la vie. Au fond, l’illégalisme considéré comme acte de révolte est plutôt affaire de tempérament que de doctrine. C’est pourquoi il ne peut être d’aucun effet éducatif sur l’ensemble des masses laborieuses. J’entends d’un bon effet éducatif. »

 

Libertad : « J’ai connu autrefois un pauvre diable qui ne pouvant faire autre chose que le métier de vidangeur s’était embauché dans la corporation. Il sentait mauvais quand on s’approchait de lui, mais, voyez-vous, je préférerais encore sentir la m…que sentir un policier ! Le métier de policier est dégoûtant. Je ne puis comprendre qu’il y ait des hommes assez vils pour faire un si sale métier. »

 

Victor Serge : « Na pas attendre la révolution. Les prometteurs de révolutions sont des farceurs comme les autres. Faire sa révolution soi-même. Etre des hommes libres, vivre en camaraderie…De là partirent naturellement bien des déviations. »

 

André Girard dans les Temps Nouveaux : « Il se peut que les agresseurs de Caby aient professé ou professent des opinions anarchistes, il se peut même qu’ils prétendent – comme d’autres, d’ailleurs, en ce qui concerne par exemple la fausse monnaie, la cambriolage, etc – rattacher leur acte à la conception anarchiste. Pour nous, non seulement une pareille prétention repose sur un sophisme, mais encore nous dirons qu’au moment où ils ont commis cet acte, ils ont cessé d’être anarchistes. De tels actes n’ont rien d’anarchiste, ce sont des actes purement et simplement bourgeois…La fraude, le vol, le meurtre bourgeois s’opèrent à la faveur des lois bourgeoises ; la fraude, le vol, le meurtre prétendus anarchistes s’opèrent en dehors et à l’encontre d’elles. Il n’est pas d’autre différence. Et si les bourgeois, dans l’application de leurs principes d’individualisme égoiste, sont des bandits, les soi-disant anarchistes qui suivent les mêmes principes deviennent, par ce fait, des bourgeois et sont aussi des bandits. Bandits illégaux, peut-être, mais bandits quand même et également bourgeois. »

 

G. Hervé : « Tous ceux-là, nous les revendiquons – malgré les réserves que nous pouvons faire sur l’utilité de leurs gestes – comme nous aurions revendiqué Bonnet et Garnier faisant payer à Clémenceau les massacres des nôtres à Villeneuve-Saint-Georges ou à Briand et Rothschild l’étranglement crapuleux de la grève des cheminots. Mais Bonnot et Garnier tuant froidement des chauffeurs et des employés de banque à 150 F par mois pour s’offrir des billets de mille, ah ! Non ! Ils sont à vous, Messieurs les détrousseurs et les massacreurs du Maroc ! Gardez-les ! »

 

lundi 22 février 2021

Ligne N°62: Les mots du pouvoir, le pouvoir des mots

 

Appel à projet     par Léa Bismuth

 

« Lorsque l’artiste se lève le matin, il consulte ses e-mails et s’organise intimement en tentant de tenir tous les fils – ceux de ses désirs vivaces à garder intacts, mais aussi ceux des comptes de survie qu’il doit rendre pour poursuivre son geste. Il se répète que tout va bien aller. Des messages lui parviennent nombreux, depuis les différents sites auxquels il est abonné – cipa.net, fraap.org, cnap.fr-, écoles d’art sur le territoire national et international, structures tout autant publiques que privées, maisons d’écrivains…

Ces organismes vous veulent du bien, ils veulent vous soutenir. Vous recevez les appels à projets multiples, pour une résidence d’artiste, une contribution, une mission d’utilité territoriale, une action dite culturelle, une charge d’enseignement, une sollicitude pour un prix. Vous lisez les intitulés. Des montants en euros s’affichent à leurs côtés. Vous vous y reprenez à plusieurs fois. Il faut étudier le mécanisme psychique qui s’enclenche alors dans votre esprit, machinerie si subtile et pernicieuse qu’elle est bien difficile à décoder : d’abord, c’est l’excitation, cela vous stimule, vos sens aux aguets, votre concentration resserrée, l’appel réveille en vous de vieilles chimères enfouies, des fantasmes d’œuvres que vous aviez laissées de côté faute de moyen ou de temps ; puis, vous commencez à rationaliser, vous réfléchissez à un dossier de candidature, à une réponse taillée sur mesure, vos idées se bousculent, tout se confond ; c’est alors que vous vous demandez par quel biais vous rendre apte à la demande, et vous vous interrogez sur la manière précise de faire correspondre ce que l’on appelle votre démarche  à l’appel sans visage.

C’est là que la relation au pouvoir se joue : vous êtes seul face à la machine, l’appel à projet que vous lisez et relisez ne s’adresse pas directement à vous, mais pourtant vous le croyez –vous ne pouvez pas croire à cette adresse anonyme et structurée. La voix qui parle là vous soumet, et pourtant elle fonctionne à l’endroit même de votre liberté. La servitude est donc volontaire. Elle fonctionne sur le pari qu’une réussite est possible, qu’une rencontre va avoir lieu, du moins si les dés ne sont pas pipés d’avance (c’est parfois le cas). Et surtout que vous allez être rétribué pour votre action, qui est l’autre nom de votre vie. Mais, voilà, pour qu’une telle chose produise, pour que vous remportiez l’appel à projet, vous allez devoir vous conformer tout en prétendant rester le plus authentique. Les organisateurs de l’appel, ne l’oubliez pas, vous choisiront pour votre unicité, votre singularité, votre intimité livrée en quelques documents – cvn, portfolio, note d’intention, revue de presse ci-joints. Bref, vous avez de grandes espérances face à une soumission potentielle. Et puis, vous gardez votre fierté, vous êtes un (e) artiste indépendant. Cette liberté est une conquête de tous les jours. Inscrivez-vous au moyen du formulaire ci-dessous.

Que se passe-t-il dans cette appellation : « appel à projet artistique » ? Que l’expression appartienne au vocabulaire managérial, nous le savons. Le financeur met en place un appel en vue d’attribuer une subvention. Pour obtenir cette dernière, le « projet » doit « s’inscrire dans un cadre » préalablement défini par ce même financeur. Au contraire d’une réponse, l’auteur de l’appel attend donc une déférence adéquate. Le Pouvoir s’immisce par la relation pervertie qu’il met en place, rendant caduque, par avance, toute création. Ce qui se joue est un pur et simple conflit : entre la valeur accordée au possible d’une œuvre et les modalités inhérentes à l’appel lancé. Est-il simplement possible de répondre et dans quelle langue opérer cette réponse ? Quelle est au fond la relation qui se joue entre récepteur et destinataire ?

Dans une conférence de 1989 donnée à la Villa Arson, le critique d’art et écrivain Bernard Lamarche-Vadel constate amèrement : « Aujourd’hui, ce sont les destinataires qui font l’art. Ce ne sont plus les artistes. C’est-à-dire que les artistes sont tous en position de commandite par un pouvoir financier, idéologique, politique, qui en tant que destinataire, réclame un certain type de conformité. Avec une idée qu’il se propose de reconnaitre comme de l’art. Pouvoir nouveau des destinataires. En particulier l’état ». La commandite, nous rappelle le dictionnaire, est un terme de droit commercial établissant une relation mutuelle entre des associés gestionnaires personnellement responsables et des bailleurs de fonds fournissant des capitaux. Voilà où nous en sommes, et 30 ans après que ces mots ont été prononcés, nous pouvons dire que la situation n’a fait que s’accentuer.

Que pourrait être une fécondité créative dans un tel contexte ? Nulle et non avenue. La fécondité de l’œuvre – la mise en mouvement essentielle à son développement, le chemin inqualifiable de son processus d’élaboration, l’émancipation et la part de secret irréductibles qu’elle requiert – est tout simplement incompatible avec cette logique. La large vie de l’art, son élargissement poétique et existentiel en tant qu’il est toujours à la fois intime et politique, n’appartient pas au domaine du projet, mais toujours à celui de trajet, c’est-à-dire à l’infinie puissance du présent et de son expérience pour définir une œuvre à priori, avant même qu’elle puisse tenir debout.

Pour sa candidature à l’appel à projet, l’artiste a créé un beau dossier, avec des paragraphes et des sous-titres colorés. Il a même ajouté un budget avec des captures d’écran justifiant son financement. Mais il oublie par là même son principal objectif : celui de ne pas en avoir, et d’inventer en permanence sa propre disharmonie. Il oublie les sorties de route innombrables qu’il lui faudra faire avant de parvenir à une œuvre, si modeste soit-elle. Cet oubli est parfois nécessaire, voire salvateur, tant les bifurcations et les doutes effraient mêmes les plus grands créateurs. Mais il y a une chose qu’in ne doit pas oublier : l’œuvre qui vient sera périlleuse et risquée, c’est-à-dire absolument ratée autant que réussie. Les œuvres les plus marquantes, et c’est précisément ce qui fait leur grande réussite, portent en elle cette ligne de faille à jamais inviolable. Alors, franchement, qui aurait la prétention, si ce n’est une instance de contrôle légitime, de miser à l’avance sur un tel inachèvement ?

samedi 20 février 2021

Lignes N°61 Collection sous la direction de Michel Surya

 Réalité de l’inter-national et dogmatique de la Nation     


Par   Sidi-Mohamed Barkat


 

1

 

La présence des migrants en Europe ressemble beaucoup à une intempérie. Le côté grand large de la vision de l’histoire associé à la présence  des migrants  perturbe les mythes nationaux réactivés et déformés dans un contexte  largement soumis aux règles inflexibles de la mondialisation. Cette perturbation  revivifie. Elle ouvre l’horizon  sur un au-delà du théâtre du monde homogène désormais fantasmé- celui des nations essentialisées- sur l’invention de lieux inédits bien réels, ceux de l’égalité. Cette présence porte très haut la sensibilité de ceux qui tournent leur regard vers les migrants. Elle la porte à un niveau autorisant les rencontres interdites par les organisations gestionnaires. Les barrières séparant les identités- référence désormais obligée-sont franchies. Une association en acte, sans distinction de nationalité, se crée. Un miracle s’accomplit : le brouillage des lignes identitaires  ne constitue pas une menace  pour la vie, mais plutôt son intensification. Il fait exister la réalité à travers le mouvement qui rapproche les gens en une sorte d’appartenance réciproque. La vallée de la Roja est devenue, pour ceux qui ont appris à détourner les yeux d’eux-mêmes, un lieu en-chanté où un monde commun, un monde vivant, se révèle. La manifestation de l’inter-national est synonyme, ici, de la création d’un lieu où le code qui marque les divisions n’a plus court, où nul n’aspire à être au centre et où les gestes des uns et des autres se reconnaissent et se répondent. L’horizon de l’au-delà des nationalités est celui du rassemblement qui repousse au loin les penchants à tenir les corps en respect.

 

2

 

Ce dérèglement vivifiant est cependant mis en scène sous la figure infernale de l’abîme et du chaos par ceux, de plus en plus nombreux, qui s’accrochent à l’illusoire îlot national comme à une planche de salut dans un monde bousculé et mis à terre par un capitalisme triomphant ne se suffisant plus de porter un peu plus loin les limites de l’espace sur lequel il règne en maître, mais vraisemblablement en passe de les dissoudre entièrement. Il est mis en scène sous les traits d’un choc meurtrier avec une multitude foncièrement étrangère, envahissante, profanatrice et corruptrice, représentée sous la figure même de ce qui mettrait en péril l’économie générale des lieux, le sens des frontières protectrices délimitant clairement le pays, la protection des propriétés morales des nations civilisées. Le migrant est dépeint avant tout sous les aspects d’un individu coupable à priori, coupable d’être compromis avec la vie. Une vie présentée sous la figure de la mort - altération, dégradation et même destruction de « nos valeurs », dit-on, de « nos traditions », de « nos libertés », de « notre mode de vie », etc.

 

3

 

L’accomplissement de la vie par le migrant, dans sa migration même, le dépassement d’une situation frappée au coin du fantasme d’une forme nation figée occupe dans cette perspective une place équivalente à celle de la pulsion dans l’économie psychique. L’agir du migrant, forcément dé-nationalisant, dénaturant, serait essentiellement de nature pulsionnelle. Et l’accomplissement de la vie, assimilée à un processus de destruction, appellerait par conséquent son refoulement. Il n’est pas exagéré de dire du refus de la présence du migrant dans les pays d’Europe qu’il se déclare ainsi selon un mode dont la visée n’est rien  de moins que l’expulsion de la vie, légitimée par un discours de promotion de la raison dont seraient porteuses les valeurs exaltées de la nation. Ces valeurs communes n’existent pas, naturellement, et chacun les imagine à partir de son propre prisme idéologique mais la déclaration de leur existence est censée jouer le rôle d’un opérateur de rassemblement et d’union. Dans les moments de crise, certainement le rôle d’un opérateur de communion.

 

4

 

Le migrant, c’est tout d’abord, dans ces circonstances, une perception. Il peut être clandestin, mais aussi bien légalement établi sur le territoire, ou encore naturalisé. L’enfant de migrants devenu français en vertu du droit du sol demeure lui aussi foncièrement un migrant. Le migrant ainsi perçu est toujours affiché dans les discours de rejet sous la figure d’un être indéfiniment incapable d’accéder pleinement à l’âge de raison, c’est-à-dire d’être en mesure d’établir un rapport sensé avec le pays. Le mouvement de migration actuel, dont une petite partie seulement vers l’Europe, ne serait pas l’effet d’un réseau complexe de déterminations lié à la transformation du rapport de travail à l’échelle planétaire, aux guerres, au climat, à la corruption des dirigeants, un réseau qui fait de certaines parties du monde de vastes régions de désolation, en tout cas ayant perdu leur visage de pays et que des hommes et des femmes, bien que  sachant devoir affronter les malheurs les plus terribles, quittent en puisant en eux une force éminemment politique. Il serait la simple conséquence d’une réalité de misère – économique ou sociale, selon les interprétations – liée à l’identité de peuples sans consistance symbolique, ou bien découlerait de la mise en œuvre d’un programme concerté de conquête culturelle et politique annonçant le déclin de l’authentique civilisation.

 

5

 

Au bout du compte, il s’agit – à travers les politiques préconisées et souvent mises en œuvre – de maîtriser le migrant, de le mater en neutralisant la puissance de vie qui le singularise. Ce qui fait cependant la particularité des politiques extrémistes sur le point, semble-t-il, de l’emporter un peu partout aujourd’hui en matière de politique migratoire, c’est la promesse qu’elles font de le mater vraiment. De le mater, avec efficacité. Dans cette perspective, le migrant – là où il est soumis à cette politique – fait de plus en plus l’objet d’un contrôle hors norme. L’institution de contrôle des migrants  n’inscrit plus , dès lors, son action dans le cadre général et régulier des processus de répression et de normalisation. Supposés insensibles aux dispositifs institutionnels habituels, producteurs de la culpabilité subjective nécessaire à la formation de rapports fondés en raison avec le pays et ses institutions, les migrants doivent se soumettre à des règles plus ou moins formelles, mais toujours établies, fixées de manière stable, des règles garantes de leur conditionnement. Sans doute faut-il souligner ce point décisif : le contrôle des migrants ne suppose pas la mise en œuvre de mécanismes institutionnels touchant la subjectivité humaine ; pour l’essentiel, il soumet les migrants à une logique de conditionnement. L’exhibition de la force , mais aussi son exercice si nécessaire, est au cœur d’un dispositif dont l’objectif est la production de réflexes conditionnés supposés ajuster mécaniquement les comportements des migrants aux exigences des pays. Ainsi donne-t-on toute son importance à l’idée, devenue courante, selon laquelle plutôt que de tenter de soumettre subjectivement le migrant à l’ordre du monde européen, il vaut mieux, conformément à sa nature façonnée par une pseudo-culture, le contraindre, l’obliger par la force, à des degrés divers, en fonction des pays et des situations, à en respecter les règles.

 

6

 

Le but : suturer la faille supposée ouverte dans des nations que le capitalisme, et lui seul, a pourtant largement réduites, à l’état de chimère. Les frontières du pays, désormais sacralisées, dessinent les contours non pas d’un territoire où un groupe de personnes  s’organise en nation politique à travers des conflits circonscrits permettant de tenir ensemble l’unité et l’ouverture, mais ceux d’un lieu où l’image d’une nation uniforme, transcendante, éternelle et sans tache, fait son apparition – au sens religieux du terme. Refouler est ainsi l’axiome d’un gouvernement halluciné dont l’action consiste à tenir les migrants à distance d’un espace sacré, lieu d’une vision pour ainsi dire céleste et donc intouchable de la nation. C’est ainsi que la réalité de l’inter-national est de plus en plus confrontée à un fanatisme, au comportement de ceux qui, bien qu’appartenant à plusieurs nationalités, se pensent inspirés par une suele et même divinité. Elle est confrontée à la dogmatique d’une nation appelée à reconquérir sa majesté, une nation injustement déchue qu’il s’agirait de rétablir sur son trône. La diffusion du dogme d’une sorte de nation exempte de souillure morale –reprise brouillonne et défigurante de celui de l’immaculée conception -, sa propagation, est d’autant plus dangereuse qu’elle suspend toute forme de débat, c’est-à-dire de recours à la parole symbolique qui est le signe que l’irruption du meurtre dans la réalité demeure inconcevable. Désormais, les vannes de l’agitation et de l’action directe sont ouvertes un peu partout.

 

7

Le thème du patriotisme, en constante progression, accumule dans ses arrière-boutiques transformées en une sorte d’arsenal des discours mobilisateurs servant à ravitailler un clergé informel, sectaire et extrêmement actif – journalistes, hommes et femmes politiques, consultants, experts en communication, essayistes, écrivains, éditeurs, avocats, philosophes, etc. La fonction de cette prêtrise consiste à donner corps à un peuple imaginaire susceptible d’insuffler la vie à la nation par son action militante, une action qui, dans les faits, se développe parfois en un activisme radical chez certains de ses membres. Ce dispositif d’incitation à l’engagement pour la résurrection de la nation – élevée, donc, au rang d’un corpus mysticum – comporte implicitement ce que toute mobilisation de ce type contient toujours au fond d’elle-même : les deux volets indissociables que sont le « meurtre légitime » et la mort « pro patria » - le « patriote », aujourd’hui est le soldat d’une cause, d’un idéal, appelé à donner la mort sans culpabilité et à la recevoir comme un martyr. Les cibles visées sont les migrants, des ennemis criminalisés, mais également les « traitres » - le « traitre » est le symétrique du « patriote » dans cette vision binaire et simpliste des choses -, tous ceux qui participeraient à la facilitation de l’ »invasion » du pays par des populations irréductiblement allogènes.

 

*

 

Quant à la question des migrations, l’internationalisme en est là : tenter de développer sa puissance en résistant aux politiques de plus en plus gagnées par les thèses extrémistes et en surmontant, par la promotion de la vie, la brutalité guerrière déjà engagée par des individus ou des groupes plus ou moins organisés. Il s’agit de développer une puissance dans un contexte où : 1. l’état a de plus en plus de difficulté à assumer son statut de Tiers supérieur sous les coups de boutoir du capitalisme mondialisé et où 2. des parties opportunistes et illuminées prétendent l’investir pour de bon afin de lui restituer l’efficacité dogmatique à laquelle un personnel politique renégat aurait renoncé et redonner à la nation, en s’appuyant sur un délire de délivrance ou de libération, la consistance référentielle qui lui serait due.

BIBLIOTHÈQUE FAHRENHEIT 451

 

LA FABRIQUE DES PANDÉMIES - Préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire

Depuis une vingtaine d’années, des centaines de chercheurs préviennent qu’en précipitant l’effondrement de la biodiversité, les activités humaines ont créé les conditions d’une « épidémie de pandémie ». Puisque la destruction des écosystèmes par la déforestation, l’urbanisation, l’agriculture industrielle et la globalisation économique, est à l’origine des zoonoses, maladies émergentes transmises aux humains par des animaux, y renoncer s’avèrera plus efficace que de poursuivre une vaine course aux vaccins ou de confiner chroniquement les populations. Marie-Monique Robin a interrogé soixante-deux chercheurs du monde entier pour réaliser cette enquête.
« On savait. Mais les politiques font la sourde oreille, en continuant de promouvoir une vision technicise et anthopocentrée de la santé, qui fait la part belle aux intérêts des multinationales pharmaceutiques et de l’agrobusiness, lesquelles partagent les mêmes actionnaires et fonds de pension, dont les dirigeants sont lobotomisés par la recherche de profit à cours terme. Ce grand aveuglement collectif est entretenu par la balkanisation des disciplines scientifiques et des instances ministérielles, qui fonctionnent en “silos“, sans aucune connexion entre elles. »

Après la Seconde Guerre mondiale, le combat contre les maladies infectieuses semblait sur le point d’être gagné, par la médecine moderne, avec ses antibiotiques et ses vaccins, et par l’agro-industrie, avec ses insecticides. En 1980, L'OMS déclare officiellement la variole éradiquée. Pourtant, en 1976 apparaissent les premiers cas de legionellose et, au Zaïre, surgit une maladie mystérieuse qui provoque une fièvre létale dans plus de 80 % des cas, provoquée par un filovirus jusque-là inconnu et que l'on nommera Ébola. En 1981 sont observés les premiers de cas de malades du sida.
Il y a environ 15 000 ans, homo sapiens a conquis l'ensemble de la planète. Commence alors un long isolement pour les populations des Amériques et de l’Australie. Avec la révolution néolithique, il y a 12 000 ans, la sédentarisation et la domestication des animaux provoquent une grande révolution épidémiologique : les animaux nouvellement domestiqués nous ont transmis de redoutables maladies infectieuses, comme la rougeole et la variole, et les rongeurs commensaux la peste ou le typhus murin. La colonisation par les Européens, les premières mondialisations ont ensuite unifié épidémiologiquement l'humanité à la fin du XIXe siècle, la « découverte » des Amériques décimant les populations amérindiennes.
En 1989, Joshua Lederberg, généticien et président de l’université Rockefeller de New York, ouvre la conférence de Washington sur les virus émergents par ses mots : « Nous allons avoir beaucoup de surprises, car notre imagination fertile est loin de pouvoir envisager tous les tours que peut nous jouer la nature. Certains vont trouver que j'exagère, mais les catastrophes sont devant nous. C'est la lutte pour la vie entre nous et les microbes, virus ou bactéries. Et rien ne garantit que nous en sortirons vivants. » Une infection émergente est définie par le virologue Stephen Morse comme une « maladie inconnue qui apparaît subitement dans la population, ou qui existait mais dont l'incidence et l'aire de distribution augmentent soudainement ». Cette conférence marque une « rupture gnoséologique » en entérinant ce concept innovant, dépassant la conception pastorienne de la maladie infectieuse qui reposait sur une équation simple : un virus égal = une maladie, introduisant alors l'être humain dans l’équation.
La doctrine sécuritaire de la preparedness a été élaborée par la santé publique américaine. Afin de convaincre les politiques d’investir, pour réagir à une menace invisible et imprévisible, des scénarios provoquant la peur ont été élaborés, entérinant un renoncement à la rationalité et une dégringolade vertigineuse dans la fiction. Ce « catastrophisme sanitaire » finit par contaminer l'Europe. Cette stratégie de sécurité nationale, mélangeant des événements d'origine naturelle et des actes humains intentionnels comme le bioterrorisme, néglige les facteurs écologiques et anthropiques qui favorisent les maladies infectieuses émergentes. La biosécurité est intégrée dans la « guerre contre la terreur » et l’USAID (l'agence américaine pour le développement internationale) lance le programme PREDICT chargé d’effectuer une veille sanitaire en effectuant l’identification et le séquençage des pathogènes, mais aussi de former les personnels scientifiques et médicaux des pays du Sud afin qu'ils surveillent et identifient eux-mêmes les pathogènes, dans le but de les aider à réduire les risques d’émergence. Ce second objectif a cependant été négligé au profit du premier, nettement plus rémunérateur (brevets négociables avec les compagnies pharmaceutiques pour développer vaccins et médicaments). Or, explique Stephen Morse, qui a pourtant contribuer au développement de cette politique, « le séquençage des virus ne sert à rien » car il ne s'attaque pas aux causes.

La disease ecology (l’écologie de la santé) désigne la branche de l'écologie qui fait appel à des connaissances au croisement de l’immunologie, de l'épidémiologie et de la génétique. La britannique Kate Jones a recensé 335 « événements » de maladies affectueuses émergentes, rapportés entre 1940 et 2004 : 60,3 % sont des zoonoses et les risques d'émergence les plus élevés sont situés dans les pays tropicaux caractérisés par une riche biodiversité et aussi une déforestation intensive. Marie-Monique Robin enchaîne ainsi études et extraits d’entretien qu’il est absolument impossible de tous rapporter ici. Elle démontre ainsi que la déforestation est le « premier facteur d’émergence des maladies zooniques » (Nicole Gottenker, responsable d'un laboratoire de pathologie vétérinaire à l’université de Georgie). « L'homme crée par ses activités ce que j'appelle des “territoires d’émergence“. En effet, le phénomène de déforestation conduit à un point de rupture irréversible dans les écosystèmes, qui perturbe radicalement les communautés animales en provoquant des réactions en cascade. Lesquelles, au final, affectent… l’homme. La boucle est bouclée ! » (Jean François Guégan, directeur de recherche à l’IRD et l’INRAE). « D'une manière générale, les zones périurbaines dans lesquelles se développent l'élevage et l'agriculture créent des ponts pour les microorganismes qui étaient abrités dans la biodiversité des forêts, vers les populations humaines. De même, en réduisant les espaces forestiers, on contraint des espèces animales à cohabiter ou à se rencontrer de manière beaucoup plus fréquente, ce qui permet un échange d'agents microbiens. » Le meilleur moyen d'éviter une prochaine épidémie et d'arrêter de détruire ou de fragmenter la forêt tropicale. De même, Pierre Ibisch, professeur de « conservation de la nature » à l’université d’Eberswalde, près de Berlin, explique comment les routes favorisent l'émergence de nouvelles maladies. Il précise qu’ « une fois qu'on a passé un certain point de bascule, la dégradation des écosystèmes est irréversible » et qu’ « on ne pourra pas préserver efficacement l'environnement sans régler la question de la pauvreté ».
« Si nous ne repensons pas radicalement notre rapport à la nature et aux animaux, nous entrerons dans une ère de confinement chronique qui nous coûtera très cher humainement et économiquement » explique Malik Peiris, virologue et directeur de l'école de santé publique de l'université de Hong Kong. Il a montré comment « la massification de la production animale » participe aussi aux émergences infectieuses. De plus, dans les élevages intensifs les animaux sont des clones du point de vue génétique, ce qui facilité la transmission des virus.

La sixième extinction de la biodiversité, causée par la pression anthropique sur les écosystèmes, a fait basculer la planète dans une nouvelle ère géologique : l’anthropocène. Bruce Wilcox, chercheur à la retraite qui collabore encore à des programmes de recherche de l’OMS, confirme qu’ « on ne pourra jamais protéger efficacement la biodiversité si on ne résout pas la question de la pauvreté et si on ne revoit pas de fond en comble le système économique qui génère cette pauvreté ». Il explique pourquoi seul un retour sur le terrain des scientifiques pour comprendre comment fonctionne l’interface humains-animaux-environnement peut nous permettre de « quitter l’ère des maladies infectieuses émergentes ». Les chercheurs en biomédecine ont oublié, depuis trente ans, qu’on ne peut lutter efficacement contre un agent pathogène sans connaître le milieu dont il est issu et les conditions biologiques et environnementales qui favorisent sa transmission. « Les épidémies de zoonoses et de maladies à transmission vectorielle sont liées aux pertes de biodiversité, mesurés par le nombre d’espèces sauvages menacées ou par la densité du couvert forestier. Donc, si on résume : plus de biodiversité signifie plus de pathogènes, mais moins de biodiversité signifie plus d’épidémie infectieuses. »

L’auteur consacre un long chapitre à l’ « effet dilution » de la biodiversité. Plus celle-ci est riche localement, plus elle a un effet régulateur sur la prévalence, la transmission et la virulence des pathogènes.
Les zoologues distingue deux catégories :

  • - les espèces « spécialistes », hautement adaptées à un type d'habitat particulier et qui ne survivent pas à sa destruction,
  • les espèces « généralistes » ou « opportunistes », capables de s'adapter à des environnements très différents, de se reproduire rapidement et d’occuper de vastes territoires.

Quand les écosystèmes sont perturbés, les espèces « spécialistes » disparaissent au profit des « généralistes ». « Plus les hôtes non compétents sont nombreux et diversifiés dans un écosystème par rapport aux hôtes compétents, plus la transmission du pathogène est affectée négativement et plus le risque d'infection pour les humains diminue. »

Un autre chapitre, tout aussi passionnant, est consacré au microbiome, nom donné à la communauté écologique de microorganismes commensaux, symbiotiques et pathologiques qui partagent notre espace corporel, composée de l'ensemble des virus, bactéries et champignons qui vivent à l'intérieur de notre corps et sur notre peau. Le microbiote cutané compte un million de bactéries par centimètre carré de peau, tandis que le microbiote intestinale héberge 100 000 milliards de microorganismes et pèse environ 1,5 kg chez un humain adulte. Le déséquilibre du microbiote est à l’origine de maladies inflammatoires comme la maladie de Crohn, le diabète de type 1, l’ asthme ou les allergies, pathologies chroniques qui affectent un nombre croissant de personnes et constituent des facteurs de comorbidité de la covid-19. Une étude fort intéressante, réalisée en Carélie par Tari Haahtela, allergologue à l'hôpital universitaire de Helsinki, montre comment le contact avec l'environnement naturel enrichit le microbiome humain, promeut l'équilibre immunitaire et protège des allergies et des désordres inflammatoires. Cette région a été partagée à la fin de la Seconde Guerre mondiale et jusqu'au début des années 1990 entre l'Union soviétique et la Finlande, laquelle a suivi une industrialisation et une urbanisation très poussées. L'étude montre que la prévalence de l’asthme était beaucoup moins élevée du côté russe, resté très rural, vivant essentiellement de l'agriculture traditionnelle et de l'exploitation de la forêt, offrant un cadre de vie plus naturel et plus diversifié, ce qui permettait aux enfants de stimuler leur système immunitaire par un contact constant avec les microorganismes présents dans l'environnement, y compris dans l’eau qu’ils boivent. Si la présence de bactéries infectieuses dépassait un certain niveau, elle pourrait provoquer, par exemple, des diarrhées, mais à bas bruit, loin d'être dangereuses, elles peuvent être considérées comme une sorte de vaccin vivant. Les microorganismes présents dans l'environnement, avec lesquels les humains ont coévolué, participent à l'éducation et à la stimulation du système immunitaire. « Le contact précoce et continu avec la biodiversité naturelle détermine la composition de notre microbiome et donc la capacité de notre organisme à gérer des agressions extérieures. » Au contraire, l'uniformisation des environnements urbains et des modes alimentaires conduit à une uniformisation des microbiomes et des pathologies.

L’auteur présente ensuite le concept de « One Health » (une seule santé), qui prône une collaboration étroite entre médecine humaine et médecine vétérinaire. En effet, si celles-ci ont les mêmes fondements scientifiques et, jusqu'au XVIIIe siècle, relevaient d'un enseignement unique à l’université, elles ont ensuite évolué comme disciplines radicalement séparées selon une logique de « silos », aboutissant notamment au problème de la résistance aux antibiotiques, laquelle tue chaque année plus de 700 000 personnes d'après l'OMS et pourrait faire 10 millions de victimes annuelles à partir de 2050.
Le changement climatique a aussi des conséquences sur la transmission des maladies vectorielles. Le taux de contamination augmente avec la température, par exemple, pour le virus responsable de la maladie de la langue bleue ou pour le zika. L'augmentation de la fréquence et de l'intensité des événements El Niño-La Niña multiplie les épidémies de dengue, la fièvre de la vallée du Rift, le paludisme et les fièvres hémorragiques à hantavirus.
Daniel Brooks, biologiste de l'évolution, soupçonne les activités humaines d'avoir déclenché une ère d’oscillations : des agents pathogènes initialement « spécialistes », liés à un type d'hôtes et à une aire géographique déterminée, deviennent des « généralistes », puis redeviennent des « spécialistes » après que ce soient créées de nouvelles associations stables entre les hôtes et les parasites.
Par ailleurs, le réchauffement climatiques entraîne la fonte du pergélisol, libérant virus et bactéries qui dorment depuis des millions d'années et contre lesquelles l'humanité n'a aucune immunité. Des « maladies sensibles au climat » ont aussi commencé leur ascension vers le pôle Nord.
En 2009, le professeur Rockström, à l’occasion d'un article publié dans Nature, définissait neuf seuils biophysiques de la Terre qu'il ne fallait pas dépasser sous peine de causer notre perte, sachant que nous étions déjà sortis de la « zone de sécurité » pour trois d'entre eux : le changement climatique, le cycle de l'azote et la perte de biodiversité. « Le concept de santé planétaire est un outil qui permet de développer une vision holistique reliant la santé des humains, des animaux et des écosystèmes, seule capable d'éviter l'effondrement que certains prédisent déjà. »

La linguiste et anthropologue Luisa Maffi explique que l'humanité traverse la plus grave crise écologique et culturelle de son histoire parce que la société occidentale a ignoré les savoirs ancestraux des peuples premiers. Ceux-ci ont su maintenir une relation intime et interdépendante avec l'environnement naturel. La primatologue Sabrina Krief raconte comment, s'intéressant à la capacité d'automédication des animaux, elle a découvert que les chimpanzés et les Congolais utilisaient les mêmes plantes pour soigner les mêmes causes.
Le naturaliste Gilbert Cochet regrette que la science occidentale fonctionne en ne proposant que des expériences partielles du réel, au risque de perdre la vision globale, nécessaire à la compréhension des enjeux, à la façon de ces aveugles du conte sushi du XVe siècle dans lequel des aveugles de naissance rencontrent pour la première fois un éléphant. Celui qui a tâté sa trompe déclare qu’il s'agit là d'un serpent, celui qui a touché sa queue, d’un balais, son ventre, d’un mur, etc. Il raconte aussi qu’en 2019, trois chamanes Kogis, peuple indigène de Colombie, et une trentaine de scientifiques européens se sont retrouvés dans la Drôme afin de réaliser un diagnostic de santé écologique du territoire. Tandis que les chamanes se sont promenés dans la montagne pendant toute la semaine, les scientifiques se sont enfermés dans les archives et les bibliothèques pour consulter photos aériennes et documents. Découvrant un morceau de grès fort différent du calcaire et de la marne caractéristiques de la Drôme, les chamanes ont que cette roche était très ancienne et qu’elle nous renseignait sur la création de notre planète, se qui sidéra un géologue. Explorant le paysage du regard, ils désignaient un pin noir d’Autriche en indiquant qu’il n’avait rien à faire ici. Planté abondamment pour stopper l’érosion à la fin du XIXe siècle, ses aiguilles très acides provoquent effectivement la stérilisation des sols !
Edgar Morin expliquait dans son livre Connaissance, ignorance, mystère, que « la dispersion et la compartimentation des connaissances dans les disciplines spécialisées éliminent les grands problèmes qui surgissent lorsque l'on associe les connaissances enfermées dans les disciplines. Aussi, les interrogations essentielles sont-elles éliminées. Leur ignorance entretien un ignorantisme qui règne non seulement sur nos contemporains, mais aussi sur des savants et experts ignorants de leur ignorance. »

La conclusion revient à Safa Motesharrei, jeune chercheur à l'université du Maryland, qui explique que, « depuis 1950, nous avons doublé notre impact sur la planète tous les dix-sept ans. Seule une politique de développement soutenable qui respecte la capacité de charge (carrying capacity) du système Terre nous permettra d'éviter le sort des Mayas. Et ce ne sont pas les solutions technologiques qui nous sauveront, car elles impliquent la consommation croissante de ressources ! » « L'homme doit seulement découvrir qu'il est solidaire de tout le reste » prévenait le biologiste Théodore Monod. « La solidarité écologique, c’est un vrai changement de paradigme », rajoute Meriem Bouamrane, scientifique, spécialiste du programme Man and Biosphere à l’Unesco. De nombreuses propositions concrètes, à mettre ne place immédiatement, sont énoncées : cesser d’importer du soja du Brésil pour nourrir les vaches allemandes, de subventionner la malbouffe, soutenir au contraire l’agriculture biologique et les circuits courts de distribution des aliments, limiter la déforestation importée.
 

Cet ouvrage est finalement très apaisant, au contraire des torrents d’informations souvent anxiogènes déversées quotidiennement. Il propose un tableau clair de l’origine des virus et surtout, montre que rien n’est irrémédiable mais qu'il est possible d’enrayer l’ « épidémie de pandémie » qui s’annonce, en s’attaquant immédiatement aux causes. Par sa lucidité, il encourage à un certain optimisme, dans la mesure où les solutions sont à portée de mains… déterminées.
Si nombre des chercheurs interrogés portent un regard amer sur les décisions et les réactions politiques, ils désignent très clairement les responsabilités et proposent unanimement une solution aux risques viraux : préserver la biodiversité !



LA FABRIQUE DES PANDÉMIES
Préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire
Marie-Monique Robin
Avec la collaboration de Serge Morand
242 pages – 20 euros
Éditions La Découverte – Collection « Cahiers libres » – Paris – Février 2021
www.editionsladecouverte.fr/la_fabrique_des_pandemies-9782348054877