mardi 25 avril 2017

Jean-Luc Tu dois nous parler

Je sais la blessure saigne ,
La chute est vertigineuse,
La souffrance est immense,

Quel est donc ce choix?

Le peuple donné à la finance,
Le peuple de France dans sa diversité merveilleuse livré aux hordes de dégénérés racialistes, nationalistes, 

Le peuple livré pieds et poings liés à la Hyène Gattaz,
Vous savez celui à la glande lacrymale si féconde

Alors oui, nous sommes comme cela,

Mais surtout, Jean-Luc, ce que tu nous a montré, démontré
C'est que nous étions insoumis, 
Debout, heureux d'être ensemble, 
Heureux de se battre pour nos coeurs puissent de nouveau se livrer,
Pour que notre ciel ait cette couleur azur

Oui Jean-Luc, je sais, on n'a qu'"une envie c'est de se terrer pour lécher nos blessures

Mais nous n'avons pas le droit, non, nous n'avons pas le droit
Car la France que nous aimons plus que ces salauds
Nous ne devons pas leur laisser en pâture,
Nous devons la reprendre et la recolorer
De nos rires et de nos joies

Nous étions tous beaux à tes meetings
Et pourquoi? Pourquoi?

Parce qu'enfin nous étions heureux d'être ensemble pour construire ta France,
Notre France, celle dont nous rêvions et que ces salauds nous avaient volé.

Tu es venu me chercher Jean-Luc, dans mon abstention résignée, 
Tu m'as dit ces mots en 2012,
"La sociale" "Commune" 
Et en 2017, "bonheur", "joie" "honneur" "fierté".

Oui, alors je t'ai entendu et je suis revenu parmi vous parce que nous allons gagner
Demain, un jour et pourquoi?

Parce que nous sommes dans la vérité de la vie

Alors, Jean-Luc, refais nous un meeting,
Un dont nous sommes fiers parce que nous sommes tout en haut,
Là-haut, dans le bonheur,

Dis nous que nous allons vaincre aux législatives et,
Crois moi, nous allons le faire.

Viens Jean-Luc, ne reste pas seul, nous sommes heureux ensemble.

Vive Notre France Insoumise !!!!!!!!!!!

vendredi 21 avril 2017

Malfamées Filles en colères mai 2000 Part 2


Malfamées Filles en colères mai 2000 Part 1


EN DIRECT - MÉLENCHON : C'EST L'HEURE DU PEUPLE - #LaForceDuPeuple

Question de style Malfamée Filles en colère Mai 2000

Quand j'étais gamine, j'étais persuadé d'être un garçon dans un corps de fille. A cause d'une certaine "façon d'être" qualifiée de MASCULINE .

En fait tout bonnement pour ne pas être en rade , pour être au courant, pour ne pas suivre mais mener et pour mener de FRONT, pour être prise au SÉRIEUX , pour ne pas rester derrière, pour ne pas être aidé ni épaulé encore moins protégée, pour être écouté, pour ne pas être discrédité. Le concept de "garçon manqué" m'imposant le MASCULIN  était alors pour moi parfaitement intégré. Je continuais de me couper les cheveux courts et de ne jouer qu'avec des mecs, sans jamais réagir aux multiples reprises. Et pourquoi je ne jouais qu'avec des garçons? Parce que les filles ne jouent pas à la BASTON, aux PÉTARDS ou aux petites voitures. J'ai fini par moi-même dénigrer ces filles , créatures soi-disant fragiles, PRÉCIEUSES RIDICULES qui hurlaient beaucoup plus aigu que mes cordes vocales ne me l'ont jamais permis.Et puis j'ai compris. Pas de flash ni de déclic  mais une lente prise de contact : " Sisisi, je suis  une fille à l'intérieur aussi..." . Petit à petit, j'ai fini par capter que l'on m'avait inculqué par intraveineuse cette conception genrées des attitudes sociales. Sournoisement serinée. On m'avait enfoncé dans le crâne que "c'est pas beau pour une fille". Un jour, en primaire, dans la cour, une fille vient me voir: "Tu sais pourquoi il pleut quand tu craches? C'est Dieu qui pleure parce qu'il y a une fille qui crache."!!! Revenons à nos moutonnes . Aujourd'hui, c'est avec la conscience de ce que cela implique que je continue à cultiver cette ambiguïté  qui me plait, me sert et me protège. Encore aujourd'hui il est pour moi quotidien de me faire appeler jeune homme ou même Monsieur. Et selon les circonstances et la personne en face je réagis avec plus ou moins de véhémence , parfois je ne réagis pas. En stop, la nuit dans la rue ma ressemblance avec le "sexe fort" me protège du viol ou de l'agression. Même parfois, le fait d'être une fille "ça excuse ton insolence" Le fait que je sois très souvent associée à la "gente masculine" ne se situe pas seulement dans ma tenue vestimentaire mais dans une manière de me positionner par rapport aux autres. J'entends par là une certaine façon de prendre place: quelle place je prends et comment je la prend. Quelle place les autres me donnent-ils/elles ? Place radicalement différente suivant MA manière à moi d'être. Je joue donc allègrement avec les genres et aime semer le DOUTE chez mes contemporain-es. Face à une fille qui prend sa place soi-disant comme un garçon certain-es sont dérouté-es. Si je me fais toper par des keufs, d'abord très sûrs d'eux ils me servent du "petit con" à tout va. Ne croyant pas si bien dire ils se trouvent souvent troublés face à mon passeport: aller-retour entre ma tête et le prénom inscrit sur ce papier pourtant officiel. Ils oscillent dangereusement entre paternalisme mielleux et virilité malsaine. D'autres ne comprennent pas pourquoi je ne me fais pas plus séduisante . Ces gens qui ont une idée pré-établie et fixe de la séduction...Pourquoi certains comportements devraient-ils être associés à un genre masculin ou féminin? Parce que PATRIARCAT . Rendons nous compte, soyons et Basta 

Julia

Article dans "Malfamées Filles en colère" Mai 2000

Soyons clair(es) : ce texte n'est pas un texte théorique mais juste un gros aaargh de colère devant les éternelles bipartitions des stéréotypes masculin/féminin. Notre thème de ce soir , mesdames et messieurs, sera la sexualité.

J'ai souvent l'impression , et ce même en lisant des textes féministes ou apparentés, que la sexualité féminine serait  une espèce d'îlot merveilleux, où tout glisse sur du velours , et dont les fondements seraient la tendresse , la compréhension, l'amour et gnagnagna, que les filles auraient une sorte d'incapacité génétique à baiser sans sentiment aucun, même si on admet aujourd'hui qu'elles puissent folâtrer sans que ce soit la grande passion, mais que bon quand même sans ce petit chouilla de sentiment, y'a pas moy'. Ce stéréotype me semble de plus aller souvent de pair avec celui d'une sexualité très soft , très propre et si possible, passive.

Je suppose que, comme toujours ou presque, cela vient du conditionnement des femmes par l'éducation : dans ce cas précis , on leur apprend dès l'enfance à rêver à cette incroyable invention des hommes qu'est l'aliénation volontaire ( l'amour) etc etc on a déjà dû en écrire des tartines sur le sujet, je ne crois rien avoir de neuf à apporter mais ce qui me sidère c'est que même chez les féministes radicales on puisse se complaire à le perpétuer. Pourfendons le chromosome Harlequin, mes sœurs!

Ce qui est encore plus curieux, c'est la coexistence de ce discours avec le discours sur la masturbation , qui , lui affirme clairement la possibilité de prendre du plaisir , comme ça, dans le vent, pour soi un point c'est tout.Vous n'êtes pas amoureuses de vos doigts les filles, non?

Je ne suis pas en train de dire qu'il faille considérer ses partenaires sexuels comme des objets à prendre du plaisir, je ne dis pas qu'il est souhaitable d'avoir des relations avec des personnes pour qui on éprouve la plus profonde indifférence , je dis simplement que c'est possible. (Et ça n'a rien d'incompatible avec le fait qu'on puisse trouver très beau de faire l'amour avec la personne dont on est amoureuse). Qu'il n' y a aucune raison pour que la libido féminine soit plus dépendante des sentiments que la masculine. Que les filles ont encore des réticences à dire qu'elles baisent et qu'elles ne font pas l'amour. Nos zones érogènes , c'est le clitoris, le vagin, , les seins, les oreilles, les pieds, les mains, tout ce que vous voudrez mais pas le coeur. Mais, à la limite , c'est même pas grave d'être sentimentale, ce qui est assez emmerdant c'est qu'on puisse se servir de vos/nos émotions pour appuyer un discours naturaliste.

J'en viens à mon deuxième aaarrgh qui est lié au premier: c'est une certaine image de la féministe-coincé du cul qui commence à me brouter sérieusement. ( note pour les garçons: ça veut dire "casser les couilles" mais pour les filles.) Donc petit récapitulatif salutaire: être féministe , c'est reconnaître l'existence de l'oppression patriarcale qui est celle d'un groupe dominant -le mâle hétéro- sur plusieurs groupes : les femmes, bien sûr, dans leur ensemble, quelque soit leur genre ou leur sexualité , mais aussi les homos, les transgenres et les hommes pas assez virils, et donc lutter contre ces oppressions.

Donc, dans cette définition du féminisme, je ne vois rien qui implique un quelconque rejet  ni de la sexualité, ni même de formes particulières de sexualité  ( la question du SM en particulier est toujours polémique ) .
 Toute forme de sexualité librement choisie est compatible avec une pensée  féministe, y compris les rôles de soumission, à condition que ces rôles soient clairement pensés et assumés comme tels , et qu'ils ne puissent être suivis d'effets dans les autres circonstances de la vie. En revanche les féministes reconnaissent aux femmes et aux hommes le droit de refuser la sexualité dans son ensemble ou que certaines pratiques puissent leur poser problème ( la pénétration par exemple ) et en souhaitant que les femmes qui les rejettent n'aient plus à craindre l'éternel "frigide" suivi de l'éternel ricanement qui va avec.

Sur ce, je me permets de vous laisser      Marie-Jo






vendredi 14 avril 2017

J’ACCEPTE…


Le système mis en place dans notre monde libre repose sur l'accord tacite d'une sorte de contrat passé avec chacun d'entre nous dont voici, dans les grandes lignes, le contenu.
Voici le contrat reconductible par tacite reconduction que vous signez chaque matin en vous réveillant simplement et ne faisant rien.
Mes chers amis,
Le 11 septembre marque le triste anniversaire d'une catastrophe hautement symbolique pour l'humanité.
Peu importe nos croyances ou nos idées politiques, le système mis en place dans notre monde libre repose sur l'accord tacite d'une sorte de contrat passé avec chacun d'entre nous, dont voici dans les grandes lignes le contenu :
  1. J'accepte la compétition comme base de notre système, même si j'ai conscience que ce fonctionnement engendre frustration et colère pour l'immense majorité des perdants,
  2. J'accepte d'être humilié ou exploité à condition qu'on me permette à mon tour d'humilier ou d'exploiter quelqu'un occupant une place inférieure dans la pyramide sociale,
  3. J'accepte l'exclusion sociale des marginaux, des inadaptés et des faibles car je considère que la prise en charge de la société a ses limites,
  4. J'accepte de rémunérer les banques pour qu'elles investissent mes salaires à leur convenance, et qu'elles ne me reversent aucun dividende de leurs gigantesques profits (qui serviront à dévaliser les pays pauvres, ce que j'accepte implicitement). J'accepte aussi qu'elle prélèvent une forte commission pour me prêter de l'argent qui n'est autre que celui des autres clients,
  5. J'accepte que l'on congèle et que l'on jette des tonnes de nourriture pour ne pas que les cours s'écroulent, plutôt que de les offrir aux nécessiteux et de permettre à quelques centaines de milliers de personnes de ne pas mourir de faim chaque année,
  6. J'accepte qu'il soit interdit de mettre fin à ses jours rapidement, en revanche je tolère qu'on le fasse lentement en inhalant ou ingérant des substances toxiques autorisées par les Etats,
  7. J'accepte que l'on fasse la guerre pour faire régner la paix. J'accepte qu'au nom de la paix, la première dépense des états soit le budget de la défense. J'accepte donc que des conflits soient créés artificiellement pour écouler les stocks d'armes et faire tourner l'économie mondiale,
  8. J'accepte l'hégémonie du pétrole dans notre économie, bien qu'il s'agisse d'une énergie coûteuse et polluante, et je suis d'accord pour empêcher toute tentative de substitution, s'il s'avérait que l'on découvre un moyen gratuit et illimité de produire de l'énergie, ce qui serait notre perte,
  9. J'accepte que l'on condamne le meurtre de son prochain, sauf si les états décrètent qu'il s'agit d'un ennemi et nous encouragent à le tuer,
  10. J'accepte que l'on divise l'opinion publique en créant des partis de droite et de gauche qui passeront leur temps à se combattre en me donnant l'impression de faire avancer le système. J'accepte d'ailleurs toutes sortes de divisions possibles, pourvu qu'elles me permettent de focaliser ma colère vers les ennemis désignés dont on agitera le portrait devant mes yeux,
  11. J'accepte que le pouvoir de façonner l'opinion publique, jadis détenu par les religions, soit aujourd'hui aux mains d'affairistes non élus démocratiquement et totalement libres de contrôler les états, car je suis convaincu du bon usage qu'ils en feront.
  12. J'accepte l'idée que le bonheur se résume au confort, l'amour au sexe, et la liberté à l'assouvissement de tous les désirs, car c'est ce que la publicité me rabâche toute la journée. Plus je serai malheureux et plus je consommerai : je remplirai mon rôle en contribuant au bon fonctionnement de notre économie.
  13. J'accepte que la valeur d'une personne se mesure à la taille de son compte bancaire, qu'on apprécie son utilité en fonction de sa productivité plutôt que de sa qualité, et qu'on l'exclue du système si elle n'est plus assez productive.
  14. J'accepte que l'on paie grassement les joueurs de football ou des acteurs, et beaucoup moins les professeurs et les médecins chargés de l'éducation et de la santé des générations futures.
  15. J'accepte que l'on mette au banc de la société les personnes agées dont l'expérience pourrait nous être utile, car étant la civilisation la plus évoluée de la planète (et sans doute de l'univers) nous savons que l'expérience ne se partage ni ne se transmet.
  16. J'accepte que l'on me présente des nouvelles négatives et terrifiantes du monde tous les jours, pour que je puisse apprécier a quel point notre situation est normale et combien j'ai de la chance de vivre en occident. je sais qu'entretenir la peur dans nos esprits ne peut être que bénéfique pour nous.
  17. J'accepte que les industriels, militaires et politiciens se réunissent régulièrement pour prendre sans nous concerter des décisions qui engagent l'avenir de la vie et de la planète.
  18. J'accepte de consommer de la viande bovine traitée aux hormones sans qu'on me le signale explicitement. J'accepte que la culture des OGM se répande dans le monde entier, permettant ainsi aux trusts de l'agroalimentaire de breveter le vivant, d'engranger des dividendes conséquents et de tenir sous leur joug l'agriculture mondiale.
  19. J'accepte que les banques internationales prêtent de l'argent aux pays souhaitant s'armer et se battre, et de choisir ainsi ceux qui feront la guerre et ceux qui ne la feront pas. Je suis conscient qu'il vaut mieux financer les deux bords afin d'être sûr de gagner de l'argent, et faire durer les conflits le plus longtemps possible afin de pouvoir totalement piller leurs ressources s'ils ne peuvent pas rembourser les emprunts.
  20. J'accepte que les multinationales s'abstiennent d'appliquer les progrès sociaux de l'occident dans les pays défavorisés. Considérant que c'est déjà une embellie de les faire travailler, je préfère qu'on utilise les lois en vigueur dans ces pays permettant de faire travailler des enfants dans des conditions inhumaines et précaires. Au nom des droits de l'homme et du citoyen, nous n'avons pas le droit de faire de l'ingérence.
  21. J'accepte que les hommes politiques puissent être d'une honneteté douteuse et parfois même corrompus. Je pense d'ailleurs que c'est normal au vu des fortes pressions qu'ils subissent. Pour la majorité par contre, la tolérance zéro doit être de mise.
  22. J'accepte que les laboratoires pharmaceutiques et les industriels de l'agroalimentaire vendent dans les pays défavorisés des produits périmés ou utilisent des substances cancérigènes interdites en occident.
  23. J'accepte que le reste de la planète, c'est-à-dire quatre milliards d'individus, puisse penser différemment à condition qu'il ne vienne pas exprimer ses croyances chez nous, et encore moins de tenter d'expliquer notre Histoire avec ses notions philosophiques primitives.
  24. J'accepte l'idée qu'il n'existe que deux possibilités dans la nature, à savoir chasser ou être chassé. Et si nous sommes doués d'une conscience et d'un langage, ce n'est certainement pas pour échapper à cette dualité, mais pour justifier pourquoi nous agissons de la sorte.
  25. J'accepte de considérer notre passé comme une suite ininterrompue de conflits, de conspirations politiques et de volontés hégémoniques, mais je sais qu'aujourd'hui tout ceci n'existe plus car nous sommes au summum de notre évolution, et que les seules règles régissant notre monde sont la recherche du bonheur et de la liberté de tous les peuples, comme nous l'entendons sans cesse dans nos discours politiques.
  26. J'accepte sans discuter et je considère comme vérités toutes les théories proposées pour l'explication du mystère de nos origines. Et j'accepte que la nature ait pu mettre des millions d'années pour créer un être humain dont le seul passe-temps soit la destruction de sa propre espèce en quelques instants.
  27. J'accepte la recherche du profit comme but suprême de l'Humanité, et l'accumulation des richesses comme l'accomplissement de la vie humaine.
  28. J'accepte la destruction des forêts, la quasi-disparition des poissons de rivières et de nos océans. J'accepte l'augmentation de la pollution industrielle et la dispersion de poisons chimiques et d'éléments radioactifs dans la nature. J'accepte l'utilisation de toutes sortes d'additifs chimiques dans mon alimentation, car je suis convaincu que si on les y met, c'est qu'ils sont utiles et sans danger.
  29. J'accepte la guerre économique sévissant sur la planète, même si je sens qu'elle nous mène vers une catastrophe sans précédent.
  30. J'accepte cette situation, et j'admets que je ne peux rien faire pour la changer ou l'améliorer.
  31. J'accepte d'être traité comme du bétail, car tout compte fait, je pense que je ne vaux pas mieux.
  32. J'accepte de ne poser aucune question, de fermer les yeux sur tout ceci, et de ne formuler aucune véritable opposition car je suis bien trop occupé par ma vie et mes soucis. J'accepte même de défendre à la mort ce contrat si vous me le demandez.
  33. J'accepte donc, en mon âme et conscience et définitivement, cette triste matrice que vous placez devant mes yeux pour m'empêcher de voir la réalité des choses. Je sais que vous agissez pour mon bien et pour celui de tous, et je vous en remercie.

Fait par amitié sur la Terre, le 11 septembre 2003.

mardi 11 avril 2017

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1793

C'est ce texte qui aurait du servir de base à notre constitution mais si on la lit avec attention, les aristos et les bourgeois auraient eu de grosses frayeurs.




Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen [1]

Décrétés par la Convention Nationale en 1793

acceptés par le Peuple Français

PRÉAMBULE
Le peuple français, convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme, sont les seules causes des malheurs du monde, a résolu d'exposer dans une déclaration formelle ces droits sacrés et inaliénables, afin que tous les citoyens, pouvant comparer sans cesse les actes du Gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laisse jamais opprimer et avilir par la tyrannie ; afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de la liberté et de son bonheur, le magistrat la règle de ses devoirs, le législateur l'objet de sa mission.
En conséquence, il proclame en présence de l'Être Suprême, la déclaration suivante des droits de l'homme et du citoyen.
ARTICLE PREMIER
Le but de la société est le bonheur commun. Le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.
II
Ces droits sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété.
III
Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi.
IV
La loi est l'expression libre et solennelle de la volonté générale ; elle est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ; elle ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société ; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.
V
Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois publics. Les peuples libres ne connaissent d'autres motifs de préférences dans leurs élections que les vertus et les talents.
VI
La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui ; elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : ne fais à autre ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait.
VII
Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s'assembler paisiblement, le libre exercice des cultes ne peuvent être interdits.
La nécessité d'énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.
VIII
La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.
IX
La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent.
X
Nul ne doit être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Tout citoyen appelé ou saisi par l'autorité de la loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance.
XI
Tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la loi détermine est arbitraire et tyrannique : celui contre lequel on voudrait l'exécuter par la violence a le droit de le repousser par la force.
XII
Ceux qui solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter des actes arbitraires, sont coupables et doivent être punis.
XIII
Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la loi.
XIV
Nul ne doit être jugé ni puni, qu'après avoir été entendu ou légalement appelé et qu'en vertu d'une loi promulguée antérieurement au délit. La loi qui punirait les délits commis avant qu'elle existât, serait une tyrannie : l'effet rétroactif donné à la loi serait un crime.
XV
La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaire : les peines doivent être proportionnées au délit, et utiles à la société.
XVI
Le droit du propriétaire est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.
XVII
Nul genre de travail, de culture, de commerce ne peut être interdit à l'industrie des citoyens.
XVIII
Tout homme peut engager ses services sous termes ; mais il ne peut se vendre ni être vendu. Sa personne n'est pas une propriété aliénable. La loi ne reconnaît point de domesticité ; il ne peut exister qu'un engagement de foi, et de reconnaissance entre l'homme qui travaille et celui qui l'emploie.
XIX
Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée l'exige, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.
XX
Nulle contribution ne peut être établie que pour l'utilité générale. Tous les citoyens ont droit de concourir à l'établissement des contributions, d'en surveiller l'emploi, et de s'en faire rendre compte.
XXI
Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.
XXII
L'instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens.
XXIII
La garantie sociale consiste dans l'action de tous pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droits : cette garantie repose sur la souveraineté nationale.
XXIV
Elle ne peut exister si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la responsabilité de tous les fonctionnaires n'est pas assurée.
XXV
La souveraineté réside dans le peuple. Elle est une et indivisible imprescriptible et inaliénable.
XXVI
Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée, doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté.
XXVII
Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres.
XXVIII
Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.
XXIX
Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi, et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents.
XXX
Les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs.
XXXI
Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n'a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.
XXXII
Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu ni limité.
XXXIII
La résistance à l'oppression est la conséquence des autres Droits de l'homme.
XXXIV
Il y a oppression contre le corps social, lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
XXXV
Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

lundi 10 avril 2017

Murray Bookchin Le municipalisme libertaire part 2

Un écosystème politique
Une politique de ce genre est organique et écologique et non formelle ou fortement structurée (dans l'acception verticale du terme) comme elle le deviendra par la suite. Il s'agissait d'un processus constant et non d'un épisode occasionnel comme les campagnes électorales. Chaque citoyen mûrissait individuellement à travers son propre engagement politique et grâce à la richesse des discussions et des interactions avec les autres. Le citoyen avait le sentiment de contrôler son destin et de pouvoir le
déterminer, plutôt que d'être déterminé par des personnes et des forces sur lesquelles il n'exerçait aucun contrôle. Cette sensation  était symbiotique : la sphère politique renforçait l'individualité en
lui donnant un sentiment de possession et, vice versa, la sphère individuelle renforçait la politique en lui procurant un sentiment de loyauté, de responsabilité et d'obligation. 
Dans un tel processus de réciprocité, le moi individuel et le nous collectif n'étaient pas subordonnés l'un à l'autre mais se soutenaient mutuellement. La sphère publique fournissait la base collective, le sol pour le développement de fortes personnalités et ceux-ci, à leur tour, se rassemblaient dans une sphère publique créative, démocratique, institutionnalisée de façon transparente. C'étaient des citoyens au plein sens du terme, c'est-à-dire des acteurs agissants de la décision et de l'autogestion politique de la vie communautaire, y compris l'économie, et non des bénéficiaires passifs de biens et de services fournis par des entités locales en échange d'impôts et de taxes. La communauté constituait une unité éthique de libres citoyens et non une entreprise municipale instituée par "contrat social".

Murray Bookchin 1921-2006

Le municipalisme libertaire

Il existe deux manières de comprendre le mot politique. La première et la plus répandue définit la politique comme un système de rapports de pouvoir géré de façon plus ou moins professionnelle par des gens qui s'y sont spécialisés, les soi-disant "hommes politiques". Ils se chargent de prendre des décisions qui concernent directement ou indirectement la vie de chacun d'entre nous et ils administrent ces décisions au moyen des structures gouvernementales et bureaucratiques.
Ces "hommes politiques" et leur "politique" sont habituellement considérés avec un certain mépris par les gens ordinaires. Ils accèdent le plus souvent au pouvoir à travers des entités nommées "partis", c'est-à-dire des bureaucraties fortement structurées qui affirment "représenter" les gens, comme si une
seule personne en "représentait" beaucoup d'autres, considérées comme de simples "électeurs". En traduisant une vieille notion religieuse dans le langage de la politique, on les appelle des élus et ils forment en ce sens une véritable élite hiérarchique. 
Quiconque prétend parler au nom des gens n'est pas les gens. Lorsqu'ils affirment qu'ils sont leurs représentants, ils se placent eux-mêmes en-dehors de ceux-ci. Souvent, ce sont des spéculateurs, des représentants des grandes entreprises, des classes patronales et de lobbies en tout genre. Souvent aussi, ce sont des personnages très dangereux, parce qu'ils se conduisent de façon immorale, malhonnête et élitiste, en utilisant les média et en répandant des faveurs et des ressources financières pour établir un consensus public autour de décisions parfois répugnantes et en trahissant habituellement leurs engagements programmatiques au "service" des gens. Par contre, ils rendent ordinairement de grands services aux couches financièrement les mieux nanties, grâce auxquelles ils espèrent améliorer leur carrière et leur bien-être matériel. Cette forme de système professionnalisé , élitiste et instrumentalisé appelé ordinairement politique est, en fait, un concept relativement neuf. Il est apparu avec l'État-nation, il y a quelques siècles, quand des monarques absolus comme Henry
VIII en Angleterre et Louis XIV en France ont commencé à concentrer entre leurs mains un énorme pouvoir.
Avant la formation de l'État-nation, la politique avait un sens différent de celui d'aujourd'hui. Elle signifiait la gestion des affaires publiques par la population au niveau communautaire ; des affaires publiques qui ne sont qu'ensuite devenues le domaine exclusif des politiciens et des bureaucrates. La
population gérait la chose publique dans des assemblées citoyennes directes, en face-à-face, et élisait des conseils qui exécutaient les décisions politiques formulées dans ces assemblées. Celles-ci contrôlaient de près le fonctionnement de ces conseils, en révoquant les délégués dont l'action était l'objet de la désapprobation publique.
Mais en limitant la vie politique uniquement aux assemblées citoyennes, on risquerait d'ignorer l'importance de leur enracinement dans une culture politique fertile faite de discussions publiques quotidiennes, sur les places, dans les parcs, aux carrefours des rues, dans les écoles, les auberges, les
cercles, etc. On discutait de politique partout où l'on se retrouvait, en se préparant pour les assemblées citoyennes, et un tel exercice journalier était profondément vital. À travers ce processus d'autoformation, le corps citoyen faisait non seulement mûrir un grand sens de sa cohésion et de sa finalité, mais il favorisait aussi le développement de fortes personnalités individuelles, indispensables pour promouvoir l'habitude et la capacité de s'autogérer. Cette culture politique s'enracinait dans
des fêtes civiques, des commémorations, dans un ensemble partagé d'émotions, de joies et de douleurs communes, qui donnaient à chaque localité (village, bourg, quartier ou ville) un sentiment de spécificité et de communauté et qui favorisait plus la singularité de l'individu que sa subordination à la dimension collective.

samedi 8 avril 2017

Discours d'Emile Combes sur la séparation de l'état et de l'église

Introduction de Monsieur Bienvenu Martin

"Vous avez assumé une grande et belle tache devant laquelle des courages moins tenaces eussent hésité, c'était de laïciser complète-ment totalement l'Etat moderne. Cette grande oeuvre ne sera accomplie que par la rupture définitive des liens officiels qui rattachent l'Etat et l'Eglise. C'est la séparation que réclament instamment nos populations comme l'uni-que moyen de sauvegarder la dignité et l'indépendance du pouvoir ci-vil et les droits de la conscience humaine."

Discours De Monsieur Combes Emile

"Si je me fais quelquefois un devoir et toujours un plaisir de participer à des fêtes populaires, ce n'est pas, croyez-le bien, pour la vaine et puérile satisfaction d'y faire acclamer le Président du Conseil, c'est pour soumettre sa personne et ses actes à l'appréciation de ses juges naturels, les électeurs républicains, et ma règle absolue est de leur exposer en toute franchise ce que j'ai fait et ce que je me propose de faire."

"J’ai nommé Waldeck-Rousseau. Ce grand républicain nous appartient après sa mort quoi que l'Eglise ait pu entreprendre sur son cadavre, quoi que la congrégation ait pu comploter contre sa mémoire, comme il nous appartenait de son vivant, nonobstant certaines divergences de vues, qui s'expliquent facilement par la trempe de son caractère et des détails encore ignorés ou mal connus des deux dernières années de sa vie."

"Le scrutin s'est déroulé tout le long du jour dans une tranquillité parfaite. Catholiques et mécréants se sont coudoyés devant l'urne sans éprouver la moindre envie d'en venir aux mains.
Visiblement, ce jour-là, le ciel s'est désintéressé des choses de la terre, et peut-être, ce faisant, a-t-il voulu donner à ses croyants un exemple salutaire, dont nous souhaitons qu'ils se souviennent, quand les Chambres auront à instituer un nouveau mode d'existence pour les deux sociétés, civile et religieuse."

"La République de 1870 a débarrassé la France de la dernière forme de la Monarchie. Le Ministère actuel entend que la République de nos jours l'affranchisse absolument de toute dépendance, quelle qu'elle soit, à l'égard du pouvoir religieux."

"Tous ses actes depuis son avènement au pouvoir ont été calculés vers ce but. C'est pour l'avoir poursuivi avec une opiniâtreté de tous les instants qu'il a ameuté contre lui les tenants de toutes les réactions ; de la réaction royaliste, dont le représentant se morfond piteusement dans les intrigues impuissantes de l'exil ; de la réaction bonapartiste, qui guette inutilement derrière quelque caserne l'occasion d'un coup de force ; de la réaction nationaliste, qui ne rougit pas de prostituer le patriotisme à la résurrection du pouvoir personnel ; de la réaction cléricale, la plus insidieuse et la plus redoutable de toutes, parce qu'elle est le trait d'union des trois autres et qu'elle déguise sous un masque républicain son projet d'asservissement intellectuel et moral."

"Messieurs, quand nous avons pris le pouvoir, nous avons trouvé la France envahie et à demi conquise par les ordres religieux. Notre premier soin a été de refouler les envahisseurs au delà des frontières.
La loi des associations nous en fournissait les moyens à l'égard des congrégations non autorisées. Nous en avons fait l'application à tous les ordres enseignants, prédicants et commerçants, qui n'avaient pas d'existence légale.
Des décrets du premier Empire et une loi de la Restauration, ag-gravés par d'autres décrets subséquents, avaient livré la France à une invasion monacale plus ancienne, qui l'avait couverte d'un flot dévastateur de 914 congrégations. Sans désemparer, nous avons pris à partie celles de ces congrégations qui s'adonnaient à l'enseignement et qui, par un enseignement de doctrines contre-révolutionnaires, battaient en brèche l'édifice républicain.
Nous avons proposé et fait voter par les Chambres la suppression des congrégations enseignantes."

"Sous les gouvernements autoritaires, comme le premier Empire, l'Etat s'en est servi pour contraindre le clergé catholique à la soumission la plus humiliante, aux adulations les plus basses, même à un rôle répugnant de policier, en usant contre les ministres des cultes récalcitrants de moyens coercitifs violents.
Sous les gouvernements faibles et timorés, qui se piquaient de pratiquer l'alliance du trône et de l'autel, c'est l'Eglise qui s'est prévalue du Concordat pour assurer sa prépondérance, en supprimant de fait toutes les clauses des articles organiques qui gênaient son dogmatisme intolérant."

"Vous avez vu nos évêques, à très peu d'exceptions près, au mépris des prohibitions les plus certaines de notre législation concordataire, se concerter en vue de manifestations collectives, ou se livrer, tantôt isolément, tantôt simultanément, à des manifestations individuelles contre les actes les plus réguliers du gouvernement.
Vous les avez vus, vous les voyez quotidiennement, en guise de bravade contre l'application de la loi des associations aux ordres religieux, ouvrir avec fracas les chaires de nos églises aux membres des congrégations dissoutes, qui n'ont jamais eu le droit d'y monter.
les décisions des Chambres et l'autorité de la loi, prêcher l'insoumission à leurs fidèles dans des documents publics, en alléguant que la loi des hommes doit s'effacer devant la loi de Dieu, encourager, a l'occasion de l'exécution des mesures les plus légales, les mouvements les plus tumultueux, quand ils ne les provoquent pas eux-mêmes, et recevoir de Rome à ce propos des approbations explicites.

"Comme aucun Ministère français, fût-il composé des éléments républicains les plus modérés, ne pourrait entrer dans une négociation de cet ordre sans revendiquer hautement les droits méconnus de l'Etat, il est évident que la seule voie restée libre aux deux pouvoirs en conflit, c'est la voie ouverte aux époux mal assortis, le divorce et, de préférence, le divorce par consentement mutuel.

Je n'ajoute pas, remarquez-le, pour cause d'incompatibilité d'humeur. Car il ne saurait être question, dans l'espèce, d'accès d'irritation et de mauvaise humeur. Il s'agit d'une chose bien autrement sérieuse et grave ; il s'agit d'une incompatibilité radicale de principes."


Joseph Dejacques A Bas les chefs ! Part 2

L'autorité officielle ou légale, de quelque nom qu'on la décore, est toujours mensongère et malfaisante. Il n'y a de vrai et de bienfaisant que l'autorité naturelle ou anarchique. Qui fait autorité en fait et en droit, en 48 ? Est-ce le gouvernement provisoire, la commission exécutive, Cavaignac ou Bonaparte ? Ni l'un ni l'autre. Car s'ils avaient en main la force brutale, ils n'étaient eux-mêmes que des instruments, les rouages engrenés de la réaction ; ils n'étaient donc pas des moteurs, mais des machines. Toutes les autorités gouvernementales, même les plus autoritaires, ne sont que cela. elles fonctionnent par la volonté d'une faction et au service de cette faction, sauf les accidents d'intrigues, les explosions d'ambition comprimée. La véritable autorité en 48, l'autorité de salut universel ne fut donc pas dans le gouvernement, mais, comme toujours, en dehors du gouvernement, dans l'initiative individuelle : Proudhon fut son plus éminent représentant (je parle dans le peuple et non dans la Chambre). C'est en lui que se personnifia l'agitation révolutionnaire des masses. Et pour cette représentation-là, il n'est besoin ni de titre, ni de mandat légalisés. Son seul titre, il lui venait de son travail, c'était sa science, son génie. Son mandat, il ne le tenait pas des autres, des suffrages arbitraires de la force brute, mais de lui seul, de la conscience et de la spontanéité de sa force intellectuelle. Autorité naturelle et anarchique, il eut toute la part d'influence à laquelle il pouvait prétendre. Et c'est une autorité qui n'a que faire des prétoriens, car elle est la dictature de l'intelligence ; elle échauffe et elle vivifie. Sa mission n'est pas de garrotter ni de raccourcir les hommes, mais de les grandir de toute la hauteur de la tête, mais de les développer de toute la force d'expansion de leur nature mentale. Elle ne produit pas, comme l'autre, des esclaves au nom de la liberté publique, elle détruit l'esclavage au nom de l'autorité privée. elle ne s'impose pas à la plèbe en se crénelant dans un palais, en se cuirassant de mailles de fer, en chevauchant parmi ses archers, comme les barons féodaux — elle s'affirme dans le peuple, comme s'affirment les astres dans le firmament, en rayonnant sur ses satellites !!

Quelle puissance plus grande aurait eue Proudhon, au gouvernement ? Non seulement il n'en aurait pas eu davantage, mais il en aurait eu beaucoup moins, en supposant même qu'il eût pu conserver au pouvoir ses passions révolutionnaires. Sa puissance lui venant du cerveau, tout ce qui aurait été de nature à porter entrave au travail de son cerveau aurait été une attaque à sa puissance. S'il eût été un dictateur botté et éperonné, armé de pied en cap, investi de l'écharpe et de la cocarde suzeraines, il eût perdu à politiquer avec son entourage tout le temps qu'il a employé à socialiser les masses. Il aurait fait de la réaction au lieu de faire de la révolution. Voyez plutôt le châtelain du Luxembourg, Louis Blanc, le mieux intentionné peut-être de tout le gouvernement provisoire, et cependant le plus perfide, celui qui a tiré les marrons du feu pour la réaction ; qui a livré les ouvriers sermonnés aux bourgeois armés ; qui a fait comme font tous les prédicateurs en soutane ou à rubans autoritaires, qui a prêché la charité chrétienne aux pauvres afin de sauver le riche. Les titres, les mandats gouvernementaux ne sont bons que pour les nullités qui, trop lâches pour être quelque chose par elles-mêmes, veulent paraître. Ils n'ont de raison d'être que par la raison de ces avortons. L'homme fort, l'homme d'intelligence, l'homme qui est tout par le travail et rien par l'intrigue, l'homme qui est le fils de ses œuvres et non le fils de son père, de son oncle ou de n'importe quel patron, n'a rien à démêler avec ces attributions carnavalesques ; il les méprise, il les hait comme un travestissement qui souillerait sa dignité, comme quelque quelque chose d'obscène et d'infamant. L'homme faible, l'homme ignorant, mais qui a le sentiment de l'humanité, doit les redouter aussi : il ne lui faut pour cela qu'un peu de bon sens. Car si toute arlequinade est ridicule, de plus elle est odieuse ; c'est quand elle porte latte !
Tout gouvernement dictatorial, qu'il soit entendu au singulier ou au pluriel, tout pouvoir démagogique ne pourrait que retarder l'avènement de la révolution sociale en substituant son initiative, quelle qu'elle fût, sa raison omnipotente, sa volonté civique et forcée à l'initiative anarchique, à la volonté raisonnée, à l'autonomie de chacun. La révolution sociale ne peut se faire que par l'organe de tous individuellement : autrement elle n'est pas la révolution sociale. Ce qu'il faut donc, ce vers quoi il faut tendre, c'est placer tout le monde et chacun dans la possibilité, c'est-à- dire dans la nécessité d'agir, afin que le mouvement, se communiquant de l'un à l'autre, donne et reçoive l'impulsion du progrès et en décuple et en centuple la force. Ce qu'il faut enfin, c'est autant de dictateurs qu'il y a d'êtres pensants, hommes ou femmes, dans la société, afin de l'agiter, de l'insurger, de la tirer de son inertie ; et non un Loyola à bonnet rouge, un général politique pour discipliner, c'est-à-dire pour immobiliser les uns et les autres, se poser sur leur poitrine; sur leur cœur, comme un cauchemar, afin d'en étouffer les pulsations ; et sur leur front, sur leur cerveau, comme une instruction obligatoire ou catéchismale, afin d'en torturer l'entendement ! L'autorité gouvernementale, la dictature, qu'elle s'appelle empire ou république, trône ou fauteuil, sauveur de l'ordre ou comité de salut public, qu'elle existe aujourd'hui sous le nom de Bonaparte ou demain sous le nom de Blanqui ; qu'elle sorte de Ham ou de Belle-Isle, qu'elle ait dans ses insignes un aigle ou un lion empaillé... la dictature n'est que le viol de la liberté par la virilité corrompue, par les syphilitiques ; c'est le mal césarien inoculé avec des semences de reproduction dans les organes intellectuel de la génération populaire. Ce n'est pas le baiser d'émancipation, une naturelle et féconde manifestation de la puberté, c'est une fornication de la virginité avec la décrépitude, un attentat aux mœurs, un crime comme d'abus du tuteur envers sa pupille... c'est un humanicide ! Il n'y a qu'une dictature révolutionnaire, qu'une dictature humanitaire: c'est la dictature intellectuelle et morale. Tout le monde n'est-il pas libre d'y participer ? Il suffit de le vouloir pour le pouvoir. Point n'est besoin autour d'elle, et pour la faire reconnaître, de bataillons de licteurs ni de trophées de baïonnettes; elle ne marche escortée que de ses libres pensées elle n'a pour sceptre que son faisceau de lumières. Elle ne fait pas la loi, elle la découvre ; elle n'est pas autorité, elle fait autorité. Elle n'existe que par la volonté du travail et de droit de la science. Qui la nie aujourd'hui l'affirmera demain. Car elle ne commande pas la manœuvre en se boutonnant dans son inertie, comme un colonel de régiment, mais elle ordonne le mouvement en prêchant d'exemple, elle démontre le progrès par le progrès. —Tout le monde au même pas ! dit l'une, et c'est la dictature de la force brute, la dictature animale. — Qui m'aime me suive ! dit l'autre, et c'est la dictature de la force intellectualisée, la dictature hominale. L'une a pour appui tous les hommes bergers, tous les hommes à troupeaux, tout ce qui commande et obéit au bercail, tout ce qui est domicilié dans la civilisation.
L'autre a pour elle les individualités faites hommes, les intelligences décivilisées. L'une est la dernière représentation du paganisme moderne, le soir de clôture définitive, ses adieux au public. L'autre est le début d'une ère nouvelle, son entrée en scène, le triomphe du socialisme. L'une est si vieille qu'elle touche à la tombe ; l'autre si jeune qu'elle touche au berceau.




Joseph Dejacque A Bas Les chefs ! Part 1

Nous ne sommes plus au temps fabuleux de Saturne où le père dévorait ses enfants, ni au temps judaïque d'Hérode où l'on massacrait toute une génération de frêles innocents ; ce qui, après tout, n'a pas empêché Jésus d'échapper au massacre et Jupiter à la dévoration. Nous vivons à une époque où l'on ne tue plus guère les enfants par le glaive ou la dent, et où il paraît assez naturel que les jeunes enterrent les vieux. Enterrons donc tout ce qui a fait son temps. Hercule est mort, pourquoi chercher à le ressusciter ? on ne pourrait tout au plus que le galvaniser. La massue est moins forte que l'idée. A toute idée présente et à venir, salut !

L'autorité a régné si longtemps sur les hommes, elle a tellement pris possession de l'humanité, qu'elle a laissé partout garnison dans son esprit. Aujourd'hui encore, il est difficile, autrement qu'en idée, de la saper de fond en comble. Chacun des civilisés est pour elle une forteresse qui, sous la garde des préjugés, se dresse en ennemie sur le passage de la liberté, cette envahissante amazone. Ainsi, tels qui se croient révolutionnaires et ne jurent que par la liberté, proclament néanmoins la nécessité de la dictature ; comme si la dictature n'excluait pas la liberté, et la liberté la dictature. Que de grands enfants, à vrai dire, parmi les révolutionnaires ! et de grands enfants qui tiennent à leur dada ; à qui il faut la République démocratique et sociale, sans doute, mais avec un empereur ou un dictateur, ce qui est tout un, pour la gouverner ; gens montés à califourchon, et la face tournée vers la croupe, sur leur carcasse d'âne, et qui, les yeux fixés sur la perspective du progrès, s'en éloignent d'autant plus qu'ils font plus de chemin pour s'en rapprocher, les pieds, dans cette position, galopant du côté opposé au devant de la bête. Ces révolutionnaires-là, politiqueurs au cou pelé, ont conservé, avec l'empreinte du collier, la tache morale de la servitude, le torticolis du despotisme. Hélas ! ils ne sont que trop nombreux parmi nous. Ils se disent républicains, démocrates et socialistes, et ils n'ont de penchant et d'amour que pour l'autorité au bras de fer, au front de fer, au cœur de fer ; plus monarchistes en réalité que les monarchistes, qui à côté d'eux pourraient presque passer pour des an... archistes.
La dictature, qu'elle soit une hydre à cent têtes ou à cent queues, qu'elle soit démocratique ou démagogique, ne peut assurément rien pour la liberté ; elle ne peut que perpétuer l'esclavage, au moral comme au physique. Ce n'est pas en enrégimentant un peuple d'hilotes sous un joug de fer, puisque fer il y a, en l'emprisonnant dans un uniforme de volontés proconsulaires, qu'il peut en résulter des hommes intelligents et libres. Tout ce qui n'est pas la liberté est contre la liberté. La liberté n'est pas chose qui puisse s'octroyer. il n'appartient pas au bon plaisir de quelque personnage ou comité de salut public que ce soit de la décréter, d'en faire largesses. La dictature peut couper des têtes d'hommes, elle ne saurait les faire croître et multiplier ; elle peut transformer les intelligences en cadavres ; elle peut faire ramper et grouiller sous sa botte de verges les esclaves, comme des vers ou des chenilles, les aplatir sous son pas pesant, mais seule la liberté peut leur donner des ailes. Ce n'est que par le travail libre, le travail intellectuel et moral que notre génération, civilisation ou chrysalide, se métamorphosera en vif et brillant papillon, revêtira le type humain et prendra son essor dans l'harmonie. Bien des gens, je le sais, parlent de la liberté sans la comprendre, ils n'en ont ni la science ni même le sentiment. Ils ne voient jamais dans la démolition de l'autorité régnante qu'une substitution de nom ou de personne ; ils n'imaginent pas qu'une société puisse fonctionner sans maîtres ni valets, sans chefs ni soldats ; ils sont pareils, en cela, à ces réacteurs qui disent : «Il y a toujours eu des riches et des pauvres. Il y en aura toujours. Que deviendrait le pauvre sans le riche ? Il mourrait de faim.» Les démagogues ne disent pas tout à fait cela, mais ils disent : «Il y a toujours eu des gouvernants et des gouvernés, il y en aura toujours. Que deviendrait le peuple sans gouvernement ? Il croupirait dans l'esclavage.» Tous ces antiquaires-là, les rouges et les blancs, sont un peu compères et compagnons ; l'anarchie, le libertarisme, bouleverse leur misérable entendement, entendement encombré de préjugés ignares, de niaises vérités, de crétinisme. Plagiaires du passé, les révolutionnaires rétrospectifs et rétroactifs, les dictaturistes, les inféodés à la force brutale, tous ces autoritaires cramoisis qui réclament un pouvoir sauveur, croasseront toute leur vie sans trouver ce qu'ils désirent. Semblables aux grenouilles qui demandent un roi, on les voit et on les verra toujours changer leur soliveau pour une grue, le gouvernement de Juillet ¹ pour un gouvernement de Février², les massacreurs de Rouen pour les massacreurs de Juin², Cavaignac pour Bonaparte, et demain, Bonaparte pour Blanqui... S'ils crient un jour : "A bas la garde municipale!" c'est pour crier l'instant d'après : «Vive la garde mobile!» Ou bien ils troquent la garde mobile contre la garde impériale, comme ils troqueraient la garde impériale contre les bataillons révolutionnaires.
Sujets ils étaient, sujets ils sont, sujets ils seront. Ils ne savent ni ce qu'ils veulent ni ce qu'ils font. Ils se plaignent la veille de n'avoir pas l'homme de leur choix, ils se plaignent le lendemain de l'avoir trop. Enfin, à tout moment et à tout propos, ils invoquent l'autorité «au long bec emmanché d'un long cou», et ils trouvent surprenant qu'elle les croque, qu'elle les tue ! Qui se dit révolutionnaire et parle de dictature n'est qu'un dupe ou un fripon, un imbécile ou un traître ; imbécile et dupe, s'il la préconise comme auxiliaire de la Révolution sociale, comme un mode de transition du passé au futur, car c'est toujours conjuguer l'autorité à l'indicatif présent ; fripon et traître, s'il ne l'envisage que comme un moyen de prendre place au budget et de jouer au mandataire sur tous les modes et dans tous les temps. Combien de nains qui ne demanderaient pas mieux que d'avoir des échasses officielles, un titre, des appointements, une représentation quelconque pour se tirer de la fondrière où patauge le commun des mortels et se donner des airs de géants ! Le commun des mortels sera-t-il toujours assez sot pour fournir un piédestal à ces pygmées ? Faudra-t-il toujours s'entendre dire : «Mais vous parlez de supprimer les élus du suffrage universel, de jeter par les fenêtres la représentation nationale et démocratique, que mettrez-vous à sa place ? Car enfin, il faut bien quelque chose. Il faut bien que quelqu'un commande... un comité de salut public, alors ? Vous ne voulez plus d'un empereur, d'un tyran, cela se comprend ; mais qui le remplacera... un dictateur ? car tout le monde ne peut pas se conduire, et il en faut bien un qui se dévoue à gouverner les autres...» Eh! messieurs ou citoyens, à quoi bon le supprimer, si c'est pour le remplacer ? Ce qu'il faut, c'est détruire le mal et non le déplacer. Que m'importe à moi qu'il porte tel nom ou tel autre, qu'il soit ici ou là, si, sous ce masque et sous cette allure, il est encore et toujours en travers de mon chemin ? On supprime un ennemi, on ne le remplace pas. La dictature, la magistrature souveraine, la monarchie, pour bien dire ~car reconnaître que l'autorité, qui est le mal, peut faire le bien, n'est-ce pas se déclarer monarchiste, sanctionner le despotisme, apostasier la Révolution ?~ Si on leur demande, à ces partisans absolus de la force brutale, à ces prôneurs de l'autorité démagogique et obligatoire, comment ils l'exerceront, de quelle manière ils organiseront ce pouvoir fort, les uns vous répondent, comme feu Marat, qu'ils veulent un dictateur avec des boulets aux pieds et condamné par le peuple à travailler pour le peuple.


D'abord distinguons : ou ce dictateur agira par la volonté du peuple, et alors il ne sera pas réellement dictateur, ce ne sera qu'une cinquième roue à un carrosse, ou bien il sera réellement dictateur, il aura en main guides et fouet, et il n'agira que d'après son bon plaisir, c'est-à-dire au profit exclusif de sa divine personne. Agir au nom du peuple c'est agir au nom de tout le monde, n'est-ce pas ? Et tout le monde n'est pas scientifiquement, harmoniquement, intelligemment révolutionnaire. Mais j'admets, pour me conformer à la pensée des blanquistes, par exemple, (cette queue du carbonarisme, cette franc-maçonnerie ba-bé-bou-viste, ces invisibles d'une nouvelle espèce, cette société d'intelligences... secrètes) qu'il y a peuple et peuple, le peuple des frères initiés, les disciples du grand architecte populaire, et le peuple ou tourbe des profanes. Ces affiliés, ces conspirateurs émérites s'entendront-ils toujours entre eux ? Seront-ils toujours d'accord sur toutes les questions et dans toutes leurs sections ? Qu'un décret soit lancé sur la propriété ou sur la famille ou sur quoi que ce soit, les uns le trouveront trop radical, les autres pas assez. Mille poignards, pour lors, se lèveront mille fois par jour contre le forçat dictatorial. Il n'aurait pas deux minutes à vivre celui qui accepterait un pareil rôle. Mais il ne l'acceptera pas sérieusement, il aura sa coterie, tous les hommes de curée qui se serreront autour de lui, et lui feront un bataillon sacré de valets pour avoir les restes de son autorité, les miettes du pouvoir. Alors il pourra peut-être bien ordonner au nom du peuple, je ne dis pas le contraire, mais, à coup sûr, contre le peuple. Il fera fusiller ou déporter tout ce qui aura des velléités libertaires. Comme Charlemagne, ou je ne sais plus quel roi, qui mesurait les hommes à la hauteur de son épée, il fera décapiter toutes les intelligences qui dépasseront son niveau. il proscrira tous les progrès qui tendront plus loin que lui. Il fera comme tous les hommes de salut public, comme les politiques de 93, émules des jésuites de l'Inquisition, il propagera l'abêtissement général, il anéantira l'Initiative particulière, il fera la nuit sur le jour naissant, les ténèbres sur l'idée sociale, il nous replongera, mort ou vif, dans le charnier de la civilisation, il fera du peuple, au lieu d'une autonomie intellectuelle et morale, une autonomie de chair et d'os, un corps de brutes. Car, pour un dictateur politique comme pour un directeur Jésuite, ce qu'il y a de meilleur dans l'homme, ce qu'il y a de bon, c'est le cadavre !... D'autres, dans leur rêve de dictature, diffèrent quelque peu de ceux-ci, en ce sens qu'ils ne veulent pas de la dictature d'un seul, d'un Samson uni-tête, mais à mille ou à cent mâchoires de baudet, de la dictature des petites merveilles du prolétariat, réputées par elles intelligentes parce qu'elles ont débité un jour ou l'autre quelques banalités en prose ou en vers, qu'elles ont barbouillé leurs noms sur les listes du scrutin ou les registres de quelque petite chapelle politico-révolutionnaire; la dictature enfin des têtes et des bras à poils pour faire concurrence aux Ratapoils et avec mission, comme de juste, d'exterminer les aristocrates ou les philistins. Ils pensent comme les premiers, que le mal n'est pas tant dans les institutions liberticides que dans le choix des hommes tyranniques. Égalitaires de nom, ils sont pour les castes en principe. Et en mettant au pouvoir des ouvriers à la place des bourgeois, ils ne doutent pas que tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Mettre les ouvriers au pouvoir ! En vérité, il faut ne plus se souvenir. N'avons-nous pas eu Albert au gouvernement provisoire²? Est-il possible de voir rien de plus crétin ? Qu'a-t-il été, sinon un plastron ? A l'assemblée constituante ou législative, nous avons eu les délégués lyonnais; s'il fallait juger des représentés par les représentants, ce serait un triste échantillon de l'intelligence des ouvriers de Lyon. Paris nous a gratifiés de Nadaud, nature épaisse, intelligence de mortier, qui rêvait la transformation de sa truelle en sceptre présidentiel ~l'imbécile!~ Puis aussi Corbon, le révérend de l'Atelier, et peut-être bien le moins jésuite, car lui, du moins, n'a pas tardé à jeter le masque et à prendre place au milieu et à côté des réacteurs. Tels sur les marches du trône les courtisans sont plus royalistes que le roi, tels sur les degrés de l'autorité officielle ou légale les ouvriers républicains sont plus bourgeois que les bourgeois. Et cela se comprend : l'esclave affranchi et devenu maître exagère toujours les vices du planteur qui l'a éduqué. Il est d'autant plus disposé à abuser du commandement qu'il a été enclin ou forcé à plus de soumission et à plus de bassesse envers ses commandeurs. Un comité dictatorial composé d'ouvriers est certainement ce que l'on pourrait trouver de plus gonflé de suffisance et de nullité et, par conséquent, de plus antirévolutionnaire. Si l'on veut prendre au sérieux le mot de salut public, c'est d'abord, et en toute occasion, d'évincer les ouvriers de toute autorité gouvernementale et ensuite, et toujours, d'évincer le plus possible de la société l'autorité gouvernementale elle-même. (Mieux vaut au pouvoir des ennemis suspects que des amis douteux.) 

jeudi 6 avril 2017

Emile Pouget "L'Action Directe"

L'excès du mal n'est ferment de Révolution

Parallèlement à cette croyance néfaste en l'impossibilité de briser le cercle de fer de la "loi des salaires" , et comme une déduction excessive, tant de cette loi que de la confiance en la venue fatale de la révolution, par le jeu des événements, sans intervention de l'effort des travailleurs, certains se réjouissaient s'ils constataient le grandissement de la "paupérisation", l'accroissement de la misère, de l'arbitraire patronal, de l'oppression gouvernementale, etc...A entendre ces pauvres raisonneurs, de l'excès de mal devait jaillir la révolution! Donc toute recrudescence de misères, de calamités,etc..., leur semblait un bien, -rapprochait de l'heure fatidique.
Erreur folle! Absurdité! L'abondance des maux, - quelle que soit leur espèce-, n'a d'autre résultat que de déprimer ceux qui en pâtissent. Il est d'ailleurs facile de s'en rendre compte. Au lieu de se payer de phrases, il suffit de regarder et d' observer autour de soi.
Quelles sont les corporations où l'activité syndicale  est la plus accentuée? Ce sont celles où la durée du travail n'étant pas exagérée, les camarades peuvent, leur besogne finie, vivre une vie de relation , aller aux réunions, s'occuper des affaires communes; ce sont celles où le salaire n'est pas réduit à une modicité tel que tout prélèvement pour une cotisation, un abonnement à un journal, l'achat d'un livre équivaut à la suppression d'une miche sur la table. 
Au contraire, dans les métiers où la durée et l'intensité du travail  sont excessives, quand l'ouvrier sort du bagne patronal, il est tué physiquement et cérébralement; alors il n'a que le désir,-avant de rentrer chez lui manger et dormir-, d'avaler quelques gorgées d'alcool, afin de se secouer, se remonter, se donner un coup de fouet. Il ne songe pas à aller au syndicat, à fréquenter les réunions, il n'y peut pas songer! - tant son corps est moulu de fatigue, tant son cerveau déprimé est inapte à fonctionner.
De même, de quel effort est capable le malheureux dégringolé dans la misère endémique, le loqueteux que le manque de travail et les privations ont élimé? Peut-être, dans un soubresaut de rage esquissera-t-il un geste de révolte...mais ce sera un geste sans récidive! La misère l'a vidé de toute volonté, de tout esprit de révolte.
Ces constatations - qu'il est loisible à chacun de vérifier et de multiplier- sont l'infirmation  de cette étrange théorie que l'excès de misère et d'oppression  est un ferment de révolution. Le contraire est seul exact, seul vrai! L'être faible , dont le sort est précaire, qui a une vie restreinte, qui est matériellement et moralement esclave, n'osera regimber sous l'exploitation; par crainte du pire, il se recroquevillera , ne tentera aucun mouvement, aucun effort et croupira dans sa situation douloureuse. Il en va autrement de celui qui par la lutte s'est fait homme, qui, ayant une vie moins étroite, a l'esprit plus ouvert, et qui, ayant regardé son exploiteur en face, se sait son égal.

Emile Pouget "L'Action Directe"

Mais pour que cette floraison sociale soit possible, il faut qu'un travail préparatoire ait, au sein de la société actuelle, coordonné les éléments qui auront fonction de la réaliser.C'est à cela que s'emploie la Classe Ouvrière. De même que c'est par la base que se construit un édifice, de même que c'est par la base que s'accomplit cette besogne interne qui est, simultanément, oeuvre de désagrégation des éléments du vieux monde  et oeuvre de gestation de la réédification nouvelle. Il ne s'agit plus de s'emparer de l'état, non plus que de modifier ses rouages  ou changer son personnel; il s'agit de transformer le mécanisme de la production, en éliminant le patron de l'atelier, de l'usine, et en substituant  à la production à son profit , la production  en commun et au bénéfice de tous ce qui a pour conséquence logique, la ruine de l'état.

Emile Pouget 1860-1931

« Moins nous nous laisserons mater par les patrons, moins intense sera notre exploitation, plus forte sera notre résistance révolutionnaire, plus grande sera la conscience de notre dignité et plus vigoureux nos désirs de liberté et de bien-être ; »

« Quand l'un des deux l'emporte sur l'autre, la rupture d'équilibre qui en résulte ne donne rien de
chouette : ou bien, quand on est tout au présent, on s'encroûte dans des couillonnades et des mesquineries ; ou bien, si c'est dans le bleu qu'on s'envole, on arrive à se cristalliser dans l'idéal. »

Les bons bougres comprendront qu’ils ont mieux à faire qu’à s’enfermer dans leurs piaules, ou à se balader en rangs d’oignon, en gueulant des chansons pacifiques

« Ainsi, au sein de L’Internationale, se manifestait le phénomène signalé plus haut : le groupement économique des travailleurs favorisait l’éclosion de l’idée de grève générale, à laquelle était attribuée son but précis et définitif : l’expropriation capitaliste. »


« Deux cas spéciaux peuvent entraîner la grève générale des métiers. Le premier, c’est pour l’émancipation complète des travailleurs en abolissant la salariat. Le deuxième, c’est pour empêcher une guerre fratricide entre peuples. Dans ce dernier cas, elle ne peut être qu’internationale... »