Théâtre français du XVIII°siècles Claude Prosper Jolyot de Crébillon

Claude Prosper Jolyot de Crébillon, dit Crébillon fils, né à Paris le 14 février 1707 et mort dans la même ville le 12 avril 1777, est un écrivain français.

Claude Prosper Jolyot de Crébillon est Crébillon fils pour le distinguer de son père Prosper Jolyot de Crébillon ("Crébillon père") , célèbre auteur dramatique, membre de l'académie française. Les deux hommes étaient fort différents: alors que le père écrivait de sombres tragédies, le fils se spécialisa dans les contes et romans licencieux; le père était un géant au large torse et à la figure rubiconde, tandis que le fils, selon son ami Louis-Sébastien Mercier (Tableau de Paris) "était taillé en peuplier, haut, long, menu".

Claude Prosper fait ses études chez les Jésuites du lycée Louis-le-grand. Le supérieur du collège, le R.P. Tournemine, tente vainement de l'attirer dans cet ordre. Dès 1729, il collabore à un recueil satirique, l'académie de ces messieurs et à quelques pièces et parodies d'opéras: Arlequin, toujours Arlequin, le sultan poli par l'amour, l'amour à la mode etc...Toujours en 1729, Crébillon est parmi les fondateurs de la Société du caveau, compagnie de chansonniers parisiens. Il y rencontre notamment le peintre François Boucher, le musicien Jean-Philippe Rameau. Ces réunions durent jusqu'en 1739. Son premier conte, approuvé par la censure, Le Sylphe, est publié en 1730 et connait un succès public. En 1732, Crébillon publie les Lettres de la marquise de M. au comte de R, une monodie épistolaire.

En 1734, il publie Tanzai et Néadarné, un conte licencieux qui remporte un vif succès mais dans lequel certains voient une satire de la bulle Unigenitus, du cardinal de Rohan et de la duchesse du Maine. l'auteur est emprisonné quelques semaines à la prison de Vincennes. La duchesse du Maine a l'esprit non seulement de l'en tirer mais de l'admettre à Sceaux, ce qui lui ouvre les portes des salons parisiens.

Il fréquente ceux de Mme de Sainte-Maure, où il rencontre celle qui deviendra sa maîtresse puis sa femme, Marie Henriette de Stafford, et de Mme de Margy, qui est longtemps sa maîtresse et sert de modèle à la marquise de Lursay dans Les égarements du coeur et de l'esprit. Jusqu'en 1743, il est également un habitué des lundi de Melle Quinault où il rencontre Marivaux et melle de Graffigny. Dès cette époque, il écrit avec réticence, révisant sans ses ouvrages, hésitant à publier. Sa parole était lente et sa conversation conventionnelle et sans charme, hors quelques rares fulgurances. D'ailleurs, M de Beauvoisin, citée dans les prétendus Souvenirs de la marquise de Créqui, l'interpelle en ces termes peu amènes: "Pédant, vilain pédant, tu es si pédant, si sérieux, si sec, si gourmé, si composé, si empesé et si ennuyeux que je ne veux pas que tu viennes souper avec moi chez Monticour. les demoiselles Avrillet ont dit à Collé que tu n'avais pas trouvé autre chose à leur dire que j'ai l'honneur de vous présenter mon très-humble hommage, ou bien mes devoirs les plus respectueux, pour changer. Va donc ! tu n'es qu'un manche à balai galonné ! Tu ne fais pas autre chose que des révérences à la vieille mode etc."

En 1736, il publie Les égarements du coeur et de l'esprit ou Mémoires de M; de Mailcour, roman dont l'un des protagonistes, M de Versac, annonce le Valmont des Laisons dangereuses . Après la publication du Sopha ( 1742 ), il est exilé à 30 lieues de Paris le 7 avril 1742. On lui reproche officiellement quelques audaces morales - certains croient reconnaitre Louis XV dans le personnage ridicule et amusant du sultan Schah-Baham- mais son tort est surtout de laisser circuler ce conte pendant la période d'interdiction des romans. Il parvient à rentrer dans la capitale le 22 juillet en faisant valoir pour sa défense que l'ouvrage aurait été commandé par Frédéric II de Prusse et n'aurait été publié qu'à la suite d'une indiscrétion et contre sa volonté. Il récidive en 1746 avec Les amours de Zeokinisul, roi des Kofirans, dans lequel l'allusion au roi est transparente. Ce roman parut sous le pseudonyme de Krinelbol.

En 1744, il a une liaison avec Marie Henriette de Stafford, fille de Jean de Stafford, chambellan de Jacques II d'Angleterre, jeune fille de haute naissance, douce, dévote, mais aussi, selon Charles Collé (Journal janvier 1750 ), "louche et d'une laideur choquante". Il l'épouse à Arcueil le 23 avril 1748, après la naissance d'un fils en 1746. Il se montre un époux irréprochable, d'une parfaite fidélité. Son fils meurt en 1750, et il connait au même moment des difficultés financières.

Il obtient en 1753 une pension de 2000 livres et un appartement de la part du duc Orléans qui devient en quelque sorte son mécène. Sa femme décède en 1755 et il n'hérite rien d'elle: ruiné, il est obligé de vendre sa bibliothèque. En 1758, il devient secrétaire du marquis de Richelieu pendant quelques semaines. En 1759, grâce à la protection de madame de Pompadour, Crébillon est nommé censeur royal de la Librairie, fonctions que son père ( qui meurt en 1762) avait également occupées et qu'il exerce honorablement, sort ironique pour un auteur libertin. En 1762, madame de Pompadour lui accorde une pension de 2000 livres sur sa cassette personnelle.

En 1768, il publie lesLettres de la Duchesse, roman espitolaire qui ne rencontre pas de succès de France. Après la publication des Lettres athéniennes en 1771, il cesse d'écrire, estimant qu'il a " perdu le fil de son siècle". En 1772, de son vivant, une collection complète en 7 volumes de ses oeuvres est publiée, signe de sa reconnaissance en tant qu'écrivain. En 1774, il devient censeur de théâtre, pendant 2 ans. Il meurt à paris le 12 avril 1777 et La Place compose pour lui cette épitaphe:

Dans ce tombeau git Crébillon.
Qui? Le fameux tragique? Non!
Celui qui le mieux peignit l'âme
Du petit-maître et de la femme.

Les romans et les contes de Crébillon fils ont longtemps été décriés pour leur immoralité et pour un style souvent jugé languissant et obscur. Pourtant, on pense qu'Alfred de Musset se serait inspiré, dans Un Caprice, du Hasard du coin du feu, et Henri Heine confiait: "Avant d'écrire, j'ai relu Rabelais et Crébillon fils".


L'oeuvre de Crébillon fils a été considérablement réévaluée au XX siècle, Kléber Haedens affirme que "si l'on estime que la littérature licencieuse est plus divertissante que beaucoup d'autres et si l'on constate que Crébillon écrit dans une très bonne langue, qu'il est spirituel et fin, on ne peut s'empêcher de ranger ses contes parmi les oeuvres les plus agréables du XVIII siècles."

Crébillon fils peint avec brio le relâchement des moeurs de son temps.  Cynique, il ne croit ni à la vertu, ni à l'amour et leur préfère le plaisir.

Il est le peintre du libertinage, d'un monde d'hypocrisie, de duperie et de perfidie où perce à l'occasion un sentiment d'insatisfaction.


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