samedi 21 juillet 2018

No Pasaran




Numéro Spécial Anti-Patriarcat

Christine Delphy

« Une des phrases qu'on entend répéter depuis des centaines d'années et à chaque fois qu'il y a une conférence du gouvernement sur la famille : « 'La famille est la cellule de base de la société. ». Avec cette analogie finalement biologique : le corps est constitué de cellules, la société est constitué de cellules, le parti communiste aussi est constitué » de cellules...En s'additionnant, toutes ces cellules forment des membres qui en les additionnant donnent aussi des corps. Or, cette vision par addition de petites cellules de base qui formeraient la société est complètement fausse. Il n'y a jamais eu de cellules de base composées de papa-maman-bébé qui parcouraient la savane et qui s'agglutinaient pour former de plus gros groupes qui eux-même se rassemblaient pour former des sociétés. »

« Quand on parle de la famille, ou des femmes ou de n'importe quelle autre catégorie, je pense qu'il faut renoncer à l'idée que l'on a un groupe préconstitué, et qu'ensuite des pratiques s'appliquent à lui. Par exemple, il y des règles qui s'appliquent aux enfants : on pourrait croire que les enfants sont un groupe qui préexiste à ces règles. Je dirais au contraire que les enfants sont d'abord des gens à qui s'appliquent ces règles-là, et que ces règles les rendent enfants. Qu''est ce qu'un enfant ? C'est, entre autres choses, quelqu'un qui va à l'école et qui appartient à des parents. Ensuite, on peut le rationaliser en disant : « il faut que ce soit comme ça, parce qu'un enfant n'a pas suffisamment de compétences, etc. » mais il est d'abord défini par toutes les interdictions et les contraintes qui s'appliquent à lui et par le fait qu'il est un mineur. Et si on regarde le sens de « mineur », cela signifie tout simplement : qui n'est pas un sujet de droit. Les enfants ne sont pas des citoyens, c'est la première chose qui les défini. Ils n'ont pas droit aux protections usuelles de la loi. »

« Par rapport aux violences conjugales, il est question du droit de la famille, ou plutôt du fait que l'entrée dans des relations familiales ( ce qui ne veut pas dire dans un lieu physique comme l'appartement familial) fait que les règles du public sont suspendues. Je donne un exemple très simple : si on voit dans la rue un homme gifler une femme, généralement, des gens vont s'interposer après un temps d'arrêt, le temps de savoir si il y a des relations de type marital entre eux. Et il suffit que l'homme dise « c'est ma femme » pour que tout le monde s'arrête comme s'il avait le droit de le faire. Donc, la question n'est pas l'endroit où cela se passe puisque cela peut se passer dans un endroit public, mais le type de relation. On s'aperçoit que la relation qu'ils ont est sanctionnée par la société, pas seulement par le droit mais aussi par les passants qui respectent d'habitude la règle de non violence entre les gens, mais qui appliquent une autre règle dès lors que les gens ont des relations conjugales. Au sens de lieu sociologique, la famille est un endroit où le droit commun qui régit les rapports de tout le monde avec tout le monde est suspendu et où un autre droit s'applique. »



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