Théâtre français du XIX siècles: Jean-Paul Sartre partie II

 

Philosophie[modifier | modifier le code]

Sartre est considéré comme le père de l'existentialisme français et sa conférence de 1945, L'existentialisme est un humanisme, est considéré comme le manifeste de ce mouvement philosophique. Toutefois, la philosophie de Sartre, en 20 ans, a évolué entre existentialisme et marxisme. Ses œuvres philosophiques majeures sont L'être et le Néant (1943) et la Critique de la raison dialectique (1960).

Être en-soi et être pour-soi[modifier | modifier le code]

Dans L'Être et le Néant, Sartre s'interroge sur les modalités de l'être. Il en distingue trois : l'être en-soi, l'être pour-soi et l'être pour autrui.

– l'être en-soi, c'est la manière d'être de ce qui « est ce qu'il est », par exemple l'objet inanimé « est » par nature de manière absolue, sans nuance, un ;
– l'être pour-soi est l'être par lequel le néant vient au monde (de l'en soi). C'est l'être de la conscience, toujours ailleurs que là où on l'attend : c'est précisément cet ailleurs, ce qu'il n'est pas qui constitue son être, qui n'est d'ailleurs rien d'autre que ce non être ;
– l'être pour-autrui est lié au regard d'autrui qui, pour le dire vite, transforme le pour soi en en soi, me chosifie.

L'homme se distingue de l'objet en ce qu'il a conscience d'être (qu'il a conscience de sa propre existence). Cette conscience crée une distance entre l'homme qui est et l'homme qui prend conscience d'être. Or toute conscience est conscience de quelque chose (idée d'intentionnalité reprise de Brentano). L'homme est donc fondamentalement ouvert sur le monde, « incomplet », « tourné vers », existant (projeté hors de soi) : il y a en lui un néant, un « trou dans l'être » susceptible de recevoir les objets du monde.

« Le pour soi est ce qu'il n'est pas et n'est pas ce qu'il est »

— Sartre, L'Être et le Néant

« Il n'y a pour une conscience qu'une façon d'exister, c'est d'avoir conscience qu'elle existe »

— Sartre

« En fait, nous sommes une liberté qui choisit, mais nous ne choisissons pas d'être libres : nous sommes condamnés à la liberté. »

— Sartre

« Les objets sont ce qu'ils sont, l'homme n'est pas ce qu'il est, il est ce qu'il n'est pas. »

— Sartre

L'existence précède l'essence[modifier | modifier le code]

Dans la conférence intitulée L'existentialisme est un humanisme, du 29 octobre 1945, Sartre développe l'idée que l'homme n'ayant pas de nature définie a priori, il est libre de se définir lui-même par son projet. « Qu'est-ce que signifie ici que l'existence précède l'essence ? Cela signifie que l'homme existe d'abord, se rencontre, surgit dans le monde, et qu'il se définit après »158.

Sartre rattache la liberté de l'homme au fait que Dieu n'existe pas, reprenant en un sens positif la phrase de Dostoïevski« Si Dieu n'existe pas, tout est permis ». Il prend cette formule au sérieux : « il n'y a pas de nature humaine, puisqu'il n'y a pas de Dieu pour la concevoir ». L'homme n'est pas de toute éternité, dans l'esprit d'un Dieu créateur, comme l'idée d'un objet technique (tel un coupe-papier) dans l'esprit de l'artisan. Par conséquent, aucune norme transcendante n'indique à l'homme ce qu'il doit faire. L'homme est libre, « il est liberté », et n'est rien d'autre que ce qu'il se fait.

Sartre explique que cette liberté implique une responsabilité : en se choisissant lui-même, l'homme établit un modèle de ce qui vaut pour l'homme en général. « Ainsi, notre responsabilité est beaucoup plus grande que nous ne pourrions le supposer, car elle engage l'humanité entière »159. En faisant de chacun « un législateur qui choisit pour l'humanité entière », Sartre retrouve aussitôt l'universel, dont il semblait s'écarter en confrontant l'individu à la liberté absolue de son choix, sur fond d'« angoisse » et de « délaissement », deux concepts inspirés de la lecture de Kierkegaard et de Heidegger. On ne peut échapper ni à la liberté du choix de son existence et de ses actions, ni à leur caractère exemplaire pour tout homme : l'invocation de motifs pour ne pas exercer sa liberté est assimilée à de la « mauvaise foi ».

Certaines formules de L'existentialisme est un humanisme sont restées célèbres, comme « Nous sommes seuls, sans excuses », ou bien « L'homme est condamné à être libre », qui fait écho à son provocateur « nous n’avons jamais été aussi libres que sous l’Occupation », publié en septembre 1944 dans les Lettres françaises160.

Liberté et aliénation[modifier | modifier le code]

Selon Sartre, l'homme est ainsi libre de choisir son essence. Pour lui, contrairement à Hegel, il n'y a pas d'essence déterminée, l'essence est librement choisie par l'existant. L'homme est absolument libre, il n'est rien d'autre que ce qu'il fait de sa vie, il est un projet. Sartre nomme ce dépassement d'une situation présente par un projet à venir, la transcendance.

L'existentialisme de Sartre s'oppose ainsi au déterminisme qui stipule que l'homme est le jouet de circonstances dont il n'est pas maître. Sartre estime que l'homme choisit parmi les événements de sa vie, les circonstances qu'il décidera déterminantes. Autrement dit, il a le pouvoir de 'néantiser', c'est-à-dire de combattre les déterminismes qui s'opposent à lui.

Au milieu de sa vie intellectuelle, il réussit à concilier une part de mécanicisme marxiste avec sa doctrine de l'existentialisme, qui refuse le déterminisme fondé dans les conditions socio-économiques. Il développe ainsi une philosophie de l'histoire et une ontologie qu'il appelle méthode progressive-régressive. Cette pensée de l'influence de la société sur l'homme s'inscrit dans son concept d'extéro-conditionnement, qui décrit l'action de transmission d'informations d'un groupe sur un autre dans le but de les conditionner socialement. Il ne s'agit donc pas d'un pouvoir de contrainte mais de l'utilisation par un groupe déterminé d'outils d'influence.

Au nom de la liberté de la conscience, Sartre refuse le concept freudien d'inconscient remplacé par la notion de « mauvaise foi » de la conscience. L'homme ne serait pas le jouet de son inconscient mais choisirait librement de se laisser nouer par tel ou tel traumatisme. Ainsi, l'inconscient ne saurait amoindrir l'absolue liberté de l'Homme.

Selon Sartre, l'homme est condamné à être libre. L'engagement n'est pas une manière de se rendre indispensable mais responsable. Ne pas s'engager est encore une forme d'engagement.

L'existentialisme de Sartre est athée, c'est-à-dire que, pour lui, Dieu n'existe pas (ou en tout cas « s'Il existait cela ne changerait rien »), donc l'homme est seule source de valeur et de moralité ; il est condamné à inventer sa propre morale et libre de la définir. Le critère de la morale ne se trouve pas au niveau des « maximes » (Kant) mais des « actes ». La « mauvaise foi », sur un plan pratique, consiste à dire : « c'est l'intention qui compte ».

Selon Sartre, la seule aliénation à cette liberté de l'homme est la volonté d'autrui. Ainsi fait-il dire à Garcin dans Huis clos : « L'Enfer c'est les Autres ».

Marxisme[modifier | modifier le code]

Jean-Paul Sartre présente le marxisme comme « horizon philosophique indépassable de notre temps »161. Après avoir observé et analysé l'existence et la liberté de l'homme en tant qu'individu, Sartre s'est interrogé sur l'existence d'une conscience collective et son rapport avec la liberté individuelle. Dans sa Critique de la raison dialectique (1960), Sartre affirme que la liberté de l'homme est aliénée par les sociétés féodales ou capitalistes. Il analyse comment, dans les sociétés aliénées, les libertés individuelles peuvent conduire à un effet opposé à l'intention générale et à l'aliénation de la liberté collective. Il suggère alors d'inverser le processus : le groupe doit pouvoir décider de regrouper les libertés individuelles pour permettre le développement de l'intention générale. Sartre pense que cette sorte d'aliénation de la liberté individuelle doit être librement choisie et s'oppose ainsi à toute forme de totalitarisme.

L'espoir[modifier | modifier le code]

La question du respect d’autrui traverse toute l’œuvre de Sartre, mais avec une acuité particulière quand il revient sur la question juive. Dans L’Espoir maintenant, Sartre met toujours en jeu « le lien étroit de la morale à l’existence d’autrui », pour Yvan Salzmann162« Toute conscience me paraît actuellement, à la fois comme se constituant elle-même et dans le même temps comme conscience de l’autre et comme conscience pour l’autre, ayant un rapport avec l’autre que j’appelle conscience morale », écrit Sartre dans L’Espoir maintenant163.

La publication de ce texte fit scandale parce que ses détracteurs ont cru que Sartre se convertissait au judaïsme. En réalité, ce qui l’intéresse dans le judaïsme, c’est toujours la question du respect d’autrui et son lien avec la question de l’éthique et celle de l’histoire. « On a parlé d’aliénation et même de sénilité », remarque Bernard-Henri Lévy« parce qu’évidemment l’auteur de L’Être et le Néant, de La Critique de la raison dialectique, venant dire : le peuple métaphysique par excellence, c’est le peuple juif ; […] un Sartre qui dit que c’est l’existence du peuple juif, sa survie à travers les âges qui lui fait comprendre que le culte de l’Histoire est une infamie et que Hegel s’est finalement trompé, un Sartre qui dit qu’il retrouve le sens de la réciprocité qui n’a rien à voir avec le groupe en fusion ou la chaleur de la meute, et un Sartre qui trouve ce goût de la réciprocité dans les rapports très curieux qui unissent le Dieu juif et son peuple. Tout cela, évidemment, surprend »164.

Mais il ne s’agit nullement d’une conversion religieuse, pour Bernard-Henri Lévy. Au contraire, Sartre va jusqu’au bout de la logique athée, en contestant la vision hégélienne de l’histoire dans ce texte165. Sartre retient l’espoir, mais l’espoir va bien au-delà de la religion, pour Sartren 22.

Critique[modifier | modifier le code]

Certains philosophes défendent l'idée que la pensée de Sartre est contradictoire. Plus spécifiquement, ils pensent que Sartre présente des arguments métaphysiques en dépit de son affirmation que ses vues philosophiques ignorent la métaphysique. Herbert Marcuse critiqua le fait que l’Être et le néant projette une anxiété et une absence de sens sur la nature de l'existence elle-même : « Dans la mesure où l'Existentialisme est une doctrine philosophique, elle reste une doctrine idéaliste : elle utilise une hypostase fallacieuse pour associer à des conditions historiques spécifiques de l'existence humaine des caractéristiques ontologiques et métaphysiques. Ainsi, l'Existentialisme devient une partie de l'idéologie même qu'elle attaque, et sa radicalité est illusoire »167.

Dans Lettre sur l'HumanismeHeidegger critiquait l'existentialisme de Sartre168 :

« L'Existentialisme dit que l'existence précède l'essence. Dans cette déclaration, il utilise existence et essence selon leur sens métaphysique, qui, depuis l'époque de Platon, a dit que l’essence précède l’existence. Sartre inverse cet énoncé. Mais l'inverse d'un énoncé métaphysique reste un énoncé métaphysique. Avec lui, il reste dans la métaphysique, dans l'oubli de la vérité d'Être. »

Les philosophes Richard Wollheim et Thomas Baldwin (en) ont défendu l'idée que la tentative de Sartre de montrer que la théorie de l'inconscient de Sigmund Freud est une erreur était fondée sur une mésinterprétation de Freud169,170Richard Webster (en) considère que Sartre est l'un des penseurs modernes qui a reconstruit les orthodoxies judéo-chrétiennes sous une forme séculière171.

Brian C. Anderson a accusé Sartre d'être un apologiste de la tyrannie et de la terreur, et un partisan du stalinisme, du maoïsme, et du régime de Fidel Castro à Cuban 23.

Sartre, qui déclara dans sa préface des Damnés de la Terre de Frantz Fanon qu'« abattre un Européen c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre » a été critiqué par Anderson et Michael Walzer pour soutenir le meurtre de civils européens par le FLN pendant la guerre d'Algérie. Walzer suggère que Sartre, un Européen, était un hypocrite pour ne pas se porter volontaire pour aller se faire tuer173,174.

Clive James a condamné Sartre dans son livre de mini-biographies Cultural Amnesia (2007). James attaque la philosophie de Sartre comme étant « tout de la pose »175.

Écrits sur l'art et les artistes[modifier | modifier le code]

Au sein de son œuvre, les études esthétiques de Sartre forment, à côté des écrits philosophiques et des textes littéraires, un troisième ensemble, souvent négligé, voire passé sous silence. Dans les études qu'il consacre à des écrivains — BaudelaireFaulknerGenetMallarmé et Flaubert — ou à des artistes — Alberto GiacomettiAlexander Calder et au Tintoret —, Sartre s'attache à éclairer le rapport de ces créateurs à leurs œuvres. Leurs créations démontrent, selon lui, que la liberté est une condition préalable de l'art176.

Œuvres[modifier | modifier le code]

Romans et nouvelles[modifier | modifier le code]

Jean-Paul Sartre La Putain respectueuse Gallimard Titre.jpg

Théâtre[modifier | modifier le code]

Autobiographie, mémoires, entretiens et correspondance[modifier | modifier le code]

Essais[modifier | modifier le code]

Essais politiques[modifier | modifier le code]

Critique littéraire[modifier | modifier le code]

Ouvrages de critique littéraire posthumes[modifier | modifier le code]

Existantilisme sartre.jpg

Philosophie[modifier | modifier le code]

Ouvrages philosophiques posthumes[modifier | modifier le code]

Scénarios[modifier | modifier le code]

D'après son scénario Typhus, qui fut grandement remanié, Sartre refusa d'être crédité au générique177.

Adaptations au cinéma[modifier | modifier le code]

Sartre écrivit en 1958 un long scénario, publié en 1984 chez Gallimard, Huston en fut insatisfait et demanda un remaniement auprès de scénaristes professionnels. Sartre ne s'y reconnaît plus et refusa d'être crédité178,179.

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