dimanche 28 juin 2020

Leviathan première partie Hobbes Thomas




« Mais les hommes mauvais, sous prétexte que Dieu peut faire n'importe quoi, s'enhardissent à dire n'importe quoi, quand cela sert leur dessein 1, quoiqu'ils sachent que ce n'est pas vrai. C'est au sage de ne pas les croire au-delà de la droite raison 2 qui établit ce qui apparaît croyable dans ce qu'ils disent 3. Si cette crainte superstitieuse des esprits était ôtée, et avec elle les prédictions 4 tirées des rêves, les fausses prophéties, et de nombreuses autres choses qui en dépendent, par lesquelles des personnes artificieuses et ambitieuses 5 abusent les gens simples, les hommes seraient bien plus propres 6 à l'obéissance civile qu'ils ne le sont. »

« La crainte d'une puissance invisible feinte par l'esprit, ou imaginée à partir de contes  publiquement autorisés, est la RELIGION, et quand cette religion n'est pas autorisée, on la nomme SUPERSTITION. Quand la puissance imaginée est véritablement telle que nous l'imaginons, on la nomme vraie religion. »

« Et finalement, les hommes, passionnément amoureux des opinions nouvelles qu'ils trouvent en eux 2, si absurdes qu'elles soient, et opiniâtrement acharnés à les soutenir 3, ont donné à leurs opinions ce nom vénéré de conscience 4, comme pour faire paraître illégitime de les changer ou de parler contre elles 5, et ils feignent de les savoir vraies alors que, tout au plus, savent-ils qu'elles sont les leurs. »



Eugène Varlin ouvrier relieur




« Non content d’étouffer dans l’ouvrier la vie intellectuelle et la vie morale, les industriels lui ravissent encore la vie animale par l’excès de travail et les privations en maintenant une partie des travailleurs dans le chômage, et en surchargeant l’autre partie d’un travail excessif. On peut dire sans exagération qu’ils font lentement mourir les uns de faim et les autres d’épuisement. »
« 31 décembre 1869 Aux membres de l’Association internationale des travailleurs À tous les travailleurs Déclaration En présence de l’appel si légitime et presque désespéré des ouvriers houilleurs de Waldenbourg (Allemagne) adressé aux membres de l’Association internationale des travailleurs, et dans l’impossibilité où nous sommes d’intervenir matériellement dans la lutte qu’ils ont à soutenir en ce moment contre les chefs industriels, pour s’assurer une existence conforme à la dignité humaine. Nous faisons la déclaration suivante : La longue période de grèves que nous traversons et qui menace de se perpétuer épuise chaque jour les caisses des sociétés ouvrières sans amener d’autre résultat que de faire ressortir l’immoralité des moyens qu’emploient les détenteurs du capital pour se soustraire aux réclamations toujours modérées des prolétaires. La situation économique n’est pas changée elle est encore la même. Partout les détenteurs du capital se sont montrés indignes ; car partout s’appropriant arbitrairement le produit du travail des générations passées et de la génération présente, ils se servent des instruments que le hasard de la naissance, la spéculation ou l’exploitation ont mis entre leurs mains pour tenir le prolétariat en lisière. L’introduction dans l’industrie des machines et des procédés scientifiques qui aurait dû améliorer les conditions physiques, morales et intellectuelles des travailleurs, n’a contribué, au contraire, qu’à aggraver leur sort. Non content d’étouffer dans l’ouvrier la vie intellectuelle et la vie morale, les industriels lui ravissent encore la vie animale par l’excès de travail et les privations en maintenant une partie des travailleurs dans le chômage, et en surchargeant l’autre partie d’un travail excessif. On peut dire sans exagération qu’ils font lentement mourir les uns de faim et les autres d’épuisement. Ils ne tuent pas ils font mourir. Comme l’a dit le docteur Bridges : « Au sein de nos grandes et grandissantes cités il y a des plaies en comparaison desquelles les massacres féodaux semblent des combinaisons heureuses. Il est terrible que le sang soit versé, mais il est autrement terrible qu’il se dessèche et se consume. » En un mot, ils mettent constamment les travailleurs dans l’alternative de subir des conditions impossibles ou de tomber sous les balles fratricides comme à Lépine, Dour, Seraing, Frameries, La Ricamarie et Aubin. En présence de cette situation que pouvons-nous faire ? Les grèves se multiplient, révélant toujours des abus de même nature et sont successivement vaincues, l’obole de solidarité que l’ouvrier prélève sur son nécessaire, l’association même sont manifestement insuffisants, le mal est trop profond, il faut d’autres remèdes. Ce remède ne peut être que dans une transformation radicale de notre état social. Cette transformation radicale, objet de tous nos vœux, nous l’appelons de toute notre énergie. Paris, le 31 décembre 1869 A. Combault, rue de Vaugirard, 289. E. Varlin, rue Dauphine, 33. B. Malon, impasse Saint-Sébastien, 8, G. Mollin, impasse Saint-Sébastien »
« Quoique nous ne soyons pas disposés à suivre les libéraux de l’empire dans la voie des petites réformes et que nous n’attachions que peu d’importance à toutes ces petites mesures, à toutes ces libertés spéciales que l’on nous accorde avec tant de réticence, nous qui prétendons arriver au plus vite à la possession de tous nos droits, à la vraie liberté, celle qui les contient toutes, nous ne devons cependant pas laisser passer une occasion d’amoindrir l’obstacle qui nous gêne, en attendant que nous puissions l’anéantir complètement. Plus il sera ébranlé, plus il sera affaibli et moins nous aurons de peine lorsqu’il faudra donner la dernière secousse. D’ailleurs les institutions d’un peuple ne peuvent se changer qu’autant que ses mœurs se modifient. Pour préparer la République, il faut nous habituer à en pratiquer les usages autant que nous le pouvons, dans toutes les occasions… Voyez nos sociétés ouvrières de toutes sortes : Crédit mutuel, résistance, solidarité, chambre syndicale, etc., partout la présidence autoritaire, dernier vestige de l’idée monarchique, est bannie de nos organisations, partout nos statuts et règlements, nos lois à nous, sont discutés et votés directement par ceux qui doivent les respecter…Nous devons savoir par expérience que les lois ne sont ordinairement abrogées par les législateurs que quand les mœurs publiques les ont annulées de fait en en rendant l’application impossible. Agissons donc »



mercredi 24 juin 2020

BIBLIOTHÈQUE FAHRENHEIT 451: SOUS L’OEIL DES CAMÉRAS - Contre la vidéosurveillance à Grenoble

Longtemps épargnée par la vidéosurveillance, Grenoble est équipée à partir de janvier 2010 par la municipalité socialiste de dômes 360°. Cet ouvrage rassemble des textes critiques diffusés à cette époque, dans le but d’informer sur les avancées des « technologies de flicage » et de s’opposer au monde qui les produit. 


Dans une lettre ouverte pleine d’ironie féconde initialement publiée sur le site de Pièces et Main d’oeuvre, Sébastien Thomasson répond à Henri Chabert, serveur grenoblois interrogé par Le Dauphiné libéré en octobre 2005 et qui, n’ayant rien à se reprocher, ne se plaint pas des caméras. « La vidéosurveillance s’intègre dans un ensemble de dispositifs destinés à « révolutionner » le dispositif policier : la « prévention situationnelle », appelée également « sécurité passive ». » Il s’agit également de modifier l’environnement urbain pour générer un « contrôle social naturel » et éviter les situations d’insécurité, de renforcer les contrôles d’identité, d’encourager à la délation (articles 706-57 et 706-56 du code de procédure pénale sur l’encouragement aux « témoignages sous couvert d’anonymat »). « Dans la bouche de l’État le mot « prévention » signifie : répression préventive. » « Face à la délinquance, l’État dévoile son idéologie techno-policière : la technologie est censée répondre aux faillites sociales et politiques. »
Si les caméras du métro de Londres, par exemple, ont permis d’identifier les auteurs des attentats, Sébastien Roche, chercheur grenoblois au CNRS et spécialiste des questions de sécurité explique que « la vidéosurveillance n’empêchera pas les attentats ». Tandis que la Préfecture de police reconnaît que la vidéosurveillance « n’empêche pas les agissements des individus très résolus, mais s’avère toutefois très dissuasive pour les délinquants occasionnels ». À Lyon, ville la plus « vidéosurveillée de France », moins de 5% des délits commis dans les zones équipées seraient vus par les caméras et la délinquance se déplace avec la pose des appareils.
L’auteur présente les recherches dans les technologies de reconnaissances des comportements « anormaux ou suspects » et d’identification biométrique. « À quel moment peut-on s’opposer à ce contrôle total, alors que la mise en place de chaque élément paraît innocente ? » « La vidéosurveillance, comme la biométrie et autres dispositifs, a pour objet la construction d’une société carcérale. » Les fonds publics engloutis dans le développement de ces technologies sont volés à l’éducation, à la santé, au logement, aux associations. Un comité d’éthique et une charte de bon fonctionnement ne suffiront pas à entraver leur développement : désormais pour trois bricoles volées dans un supermarché, on risque un an de prison et 15 000 euros d’amende si on refuse de donner son ADN, le gouvernement s’assoit sur les avis de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) au nom de l’anti-terrorisme.
L’ « acceptabilité » de technologies de contrôle, souvent vécues comme une atteinte aux libertés publiques, est encouragée dès l’école par l’identification aux entrées ou à la cantine. Introduites dans les biens de consommation, de confort, les jeux, elles favorisent l’acceptation par un effort de convivialité et de fonctionnalités attrayantes.


Le groupe Schneider, par sa filiale grenobloise Merlin-Gerin, est le premier employeur de la ville et le leader mondial de la vidéosurveillance. Le Mouvement pour l’Abolition de la Carte d’Identité (MACI) revient sur l’histoire de cette entreprise. Un des auteurs se souvient d’une promenade en forêt près d’Hayange, en Moselle, au cours de laquelle un ami de ses parents lui montrant une cicatrice dans la forêt le mit en garde : « Souviens-toi : ces gens là sont prêts à tuer des milliers de gens pour maintenir des bénéfices. » C’était l’empreinte des rails permettant l’échange d’acier entre Schneider et Krupp pendant les guerres afin de pouvoir vendre des armes en continu. Désormais les activités du groupe sont réparties entre la distribution électrique et les automatismes et le contrôle, qui représente un tiers du chiffre d’affaire du groupe.
La loi Pasqua de janvier 1995 autorise l’implantation de caméras dans les lieux publics, puis la loi anti-terroriste de Sarkozy élargit leur champ aux abords des bâtiments privés et l’accès direct aux images pour les services de police et de gendarmerie, hors du contrôle de la Justice. Le président de la CNIL affirme que les citoyens devront perdent « une partie de leur liberté pour renforcer la sécurité collective ». Malgré les nombreux rapports qui dénoncent son inutilité, la vidéosurveillance ne cesse de s’étendre, rendant la société totalement contrôlable. « Habitués à vivre en liberté surveillée, notre état de suspects rend coupables celles et ceux qui refusent le contrôle, et la boucle est bouclée. » Dénoncer les caméras en raison de leur inefficacité, c’est se tromper d’argument. Le jour où les dispositifs de contrôles rempliront leur mission à 100%, nous serons dans un État littéralement totalitaire. Le 22 mars 1944, la Milice abat un responsable de la Résistance, Paul Vallier, dessinateur industriel chez Merlin-Gerin. Comment les Paul Vallier de demain pourront-ils résister face à une police infaillible, une vidéosurveillance efficace et une carte d’identité infalsifiable ?


Un tract signé Sébastien Thomasson et publié en juillet 2008 prolonge ces réflexions : « La vidéo-surveillance n’est pas un simple outil « neutre », dont les effets dépendraient des usages « bons » ou « mauvais ». Elle contient, comme toute technologie, un monde. En l’occurence le monde du contrôle et de la surveillance. Adjoindre des « commissions d’éthique », des « rapports annuels » ou des « conférences de citoyens », vouloir une vidéosurveillance démocratique, participative, conviviale ou de gauche, c’est comme vouloir des usines chimiques propres, des prisons humaines, un développement durable ou des roues carrées. Avec ou sans commissions d’éthique nous serons surveillés. » L’ambiguïté recherchée de la conclusion est admirable et efficace : « Fermons les yeux. »


Un article paru sur Indymédia Grenoble en mars 2009 explique comment certaines des 82 caméras installées dans et autour du stade de foot en 2008, sont déjà utilisées pour identifier les colleurs d’autocollants ou d’affiches. Les trams de l’agglomération sont équipés de 6 à 8 caméras et les bus de 3 ou 4, soit 1750 sur l’ensemble du réseau, sans compter les 69 installées à l’extérieur, régulièrement utilisées pour poursuivre les auteurs de tags.

En 2010, des caméras « dôme 360° », rotatives, motorisées, compatibles avec des logiciels de détections et équipées d’un zoom, sont installées en douce, sans même que le conseil municipal en soit informé, dans les rues piétonnes, de la gare au stade, au prétexte de surveiller les supporters après la montée en Ligue 1 de l’équipe locale. C’est également le parcours des manifestations.


La position de la Ligue des Droits de l’Homme, dont le maire de Grenoble, Michel Destot est d’ailleurs membre, sur le sujet est très claire : « Inefficace et coûteuse, l’inflation de la vidéosurveillance est surtout liberticide. Non seulement l’enregistrement de l’image d’une personne sans son consentement est une atteinte à la vie privée, protégée par la Convention européenne des droits de l’Homme et par l’article 9 du Code civil, mais le projet de suivre en permanence les allées et venues de chacun n’est pas compatible avec une société de libertés. » Communiqué du 25 mars 2009.

C’est au Comité Carrément Contre la Police (CCCP) qu’il convient de conclure : « Faire passer ces pratiques policières pour une réponse, même partielle, aux problème sociaux est une insulte à la population. Ceux qui veulent nous faire avaler caméras et flics de proximité en les emballant avec les mots « prévention », « proximité », « réalisme » et « pragmatisme » ne sont que des manipulateurs.
Répression et prévention de la délinquance sont les deux faces d’une même médaille, car elles répondent à la même question : comment assurer l’ordre public. La question que nous nous posons est : comment s’opposer à ce monde injuste, inégalitaire et triste. »


Ces articles et tracts souvent écrits à chaud constituent une excellente base de réflexion sur la vidéosurveillance.

BIBLIOTHÈQUE FAHRENHEIT 451: ÉDITOCRATES SOUS PERFUSION - Les aides publiques à la presse trente ans de gabegie

Alors que « la presse française dominante » publie régulièrement exhortations à « réduire la dépense publique » et anathèmes contre « la France des assistés », elle est depuis trente ans littéralement gavée de millions d’euros annuels d’aides publiques qui peuvent représenter jusqu’à 12% du chiffre d’affaire de certains titres. Sébastien Fontenelle a enquêté, notamment à partir des nombreux rapports parlementaires mettant en lumière cette « gabegie », et dénonce la « gigantesque hypocrisie des fabricants de consentement » : l’impôt finance la « confection d’une propagande journalistique dédiée à la stigmatisation maniaque d’une mauvaise gestion de l’impôt ».
 
Serge Dassault, sénateur UMP et patron de presse, n’a de cesse de réclamer la suppression de toutes les aides publiques, alors même que l’Etat lui a versé un milliard d’euros pour moderniser son Rafale en 2014 par exemple, année où le gouvernement cherchait à économiser 50 milliards.
La notion d’ « assistanat » a été introduite dans le débat public par le quotidien Libération en 1984, sous la plume de son directeur, Serge July, qui invite à « rendre positive » la crise, en transformant « les sujets passifs » qui la subissent en « sujets actifs », à « faire des citoyens assistés des citoyens entreprenants ». Il dénonce ceux qui vivent crochetés aux « provendes » de la Sécurité sociale, des allocations familiales, de l’assurance chômage et de l’assurance retraite, qui s’en remettent à la générosité de l’État-providence pour boucler leurs fins de mois.
En octobre 2012, Franz-Olivier Giesbert, directeur de l’hebdomadaire Le Point, fustige une France qui dépense plus qu’elle ne produit et qui « taxe aveuglément les sociétés et le travail pour remplir la panse d’un État-Gargantua qui n’est jamais rassasié ».

Sébastien Fontenelle détaille un certain nombre d’études et de rapport sur les mécanismes d’aide publique à la presse. En septembre 1985, la Cour des compte publie un document d’une vingtaine de pages qui décrit ces subventions et interroge leur cohérence et leur efficacité. Elle constate leur complexité, résultat de deux siècles d’évolution. Parmi les allégements fiscaux, l’exonération de la taxe professionnelle a été instaurée en 1844, a coûté à l’État 484 millions de francs en 1984. Le coût du taux de TVA ramené à 2,10% pour certaines publications représentait 920 millions cette même année, ; l’application de dispositions fiscales prises en 1945 et régulièrement prorogées depuis, permettant d’affecter en franchise d’impôt une partie de leurs profits, 370 millions de francs ; les tarifs postaux préférentiels consentis dès le début du XVIIIe siècle, 3,5 milliards de francs. Cette « perfusion » est complétée par d’autres dispositifs, gérées par différentes administrations et dont les effets concrets n’ont jamais été analysés. Ces aides représentent « une charge importante et croissante pour les finances publiques ». Leur coût est passé de 3,3 milliards de francs en 1970 à 5,2 milliards en 1981, puis 5,6 en 1984. La Cour estime que les critères devraient être révisés pour que les soutiens bénéficient prioritairement aux entreprises qui en ont besoin et pas nécessairement à des grands groupes industriels. La presse reste pratiquement muette sur ce que révèle ce rapport. « Le gouffre où l’État engloutit chaque année plusieurs milliards de francs dans un système dont l’efficacité reste à démontrer est donc soigneusement dissimulé par les bénéficiaires de cet assistanat. »
En 1995, un rapport parlementaire estime que la presse a échoué à fidéliser son lectorat et que les aides manquent leur objet puisqu’elles vont à des publications rachetées à la fin des années 1980 et au début de la décennie suivante par des « entreprises industrielles et commerciales étrangères à la profession », ainsi qu’à des catégories de publications qui ne sont pas celles que le législateur avait en vue en instituant ces dispositions tarifaires et postales. Les divers avantages fiscaux consentis à la presse sont donc très largement détournés de leur finalité première. Cependant le gouvernement consentira, en 1996, à un effort supplémentaire de 142 millions de francs dont 25 affectés au financement d’un plan social de la presse parisienne. Puis en 1998, un fonds de modernisation de la presse quotidienne est instauré qui permettra à 12 titres de toucher 60% de ces nouvelles aides : Le Monde, par exemple, touchera 7,65 millions d’euros en cinq ans. La commission de contrôle avouera n’avoir pas été en état de remplir sa mission. Non seulement les objectifs ont été dévoyés mais l’automaticité des aides a été banalisée.
En 2010, le consultant Aldo Cardoso remet un rapport accablant à Éric Woerth, ministre du Budget et Christine Albanel, ministre de la Culture, dénonçant les modalités d’examen des demandes de subventions qui « favorisent la cristallisation d’une logique de guichet ». Il considère que « c’est la valeur ajoutée des contenus éditoriaux qui dictera la survie et le développement d’une presse qui se veut prendre le temps de l’analyse pour transformer l’énoncé brut des faits en une information de qualité utile et rare, par conséquent notoire et recherchée ». L’année suivant, le député socialiste Michel Françaix rend, au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, un avis au vitriol sur ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2012 en matière d’aides publiques à la presse : « Alors que l’État consacre 1,2 milliards d’euros au soutien à la presse, la diffusion des titres les plus aidés est en recul ». « Les journaux ne se soucient pas assez du lecteur. On écrit trop souvent pour ses confrères, pour le pouvoir politique, économique, voire pour les publicitaires, et l’on a tendance à s’adresser à un lecteur qui présente la particularité d’être un homme blanc, de plus de 50 ans, ce qui exclut l’essentiel de la société française du lectorat potentiel. » Une part très conséquente des aides publiques va à des publications qui contribuent peu à l’instruction des français comme Télé 7 JoursTélé StarTélé Loisirs ou Télé Z, au lieu d’une « presse citoyenne de qualité ».
En 2013, la Cour des comptes publie un nouveau rapport qui confirme ce qui a été maintes et maintes fois formulé, et que rien n’a jamais été entrepris pour réformer ces dispositifs. Elle note que le « plan d’aide à la presse 2009-2011 », mis en place à l’issue des états généraux convoqués par Nicolas Sarkozy, « a entraîné un doublement des dépenses budgétaires », et révèle, pour la première fois, le montant précis de certaines aides perçues titre par titre. Dans un soucis de transparence, cette liste est mise en ligne par le Ministère de la Culture et de la Communication. Ainsi Le Monde a touché en 2012 18,6 millions d’euros, Le Figaro 18,2 millions, Le Nouvel Observateur 9,3 millions, Télé 7 Jours 38 fois plus que Le Monde Diplomatique. Les patrons de presse ont vigoureusement protesté contre ces révélations qui risquaient, selon eux, d’entretenir de regrettables « confusions » dans l’esprit des lecteurs et des contribuables. Ces informations furent tout de même parfois reprises mais en général dans les pages intérieures.

L’indépendance et le pluralisme de la presse sont en partie des fictions, et « l’éditocratie, quand elle devrait, pour regagner peut-être un peu de crédibilité, affronter enfin la double révélation de sa fragilité (financière) et de sa tartufferie (journalistique), reste plutôt confite dans son corporatisme prébendier –  et redouble même son arrogance. »

Enquête très complète sur un « assistanat » jamais dénoncé par ceux qui en profitent.

BIBLIOTHÈQUE FAHRENHEIT 451: L’ÉBLOUISSEMENT DE LA RÉVOLTE - Récit d’une Arménie en révolution


Posted: 22 Jun 2020 10:38 PM PDT
Jean-Luc Sahagian raconte de l’intérieur la révolution en Arménie au printemps 2018.
Aussi controversé que son élection, le Premier ministre et ancien président Serge Sarkissian doit faire face à des manifestations de « non-violence active ». Par contraste avec la politique qu’ils dénoncent et « la fascination malsaine pour la confrontation armée, héritée des années 1990 », les manifestants privilégient la désobéissance civile, l’humour et le dialogue, même en cas de répression. Ainsi les policiers sont-ils, par exemple, interpelé individuellement : « Ashot, ta grand-mère est avec nous. Tu ne vas pas venir la frapper ? » L’auteur raconte, jour après jour, son immersion dans la foule et les émotions qui le traversent : « Très vite, moi qui arrivais d’un pays où tout semblait bloqué, je me laissais gagner par la simplicité de ce mouvement et par son évidence qui emportait toute réserve et toute morosité. » Il est bouleversé par les gens qu’il rencontre, impressionné par leur enthousiasme et la sincérité de leur révolte qu’il attribue à leur appartenance à un mode encore préservé d’un certain nombre de nuisances de la « modernité capitaliste ». Il raconte la popularité du leader de l’opposition Nikol Pachinian qui affirme s’inspirer de Mandela et de Martin Luther King. Il raconte la corruption généralisée au point que beaucoup devaient reverser une partie de leur maigre salaire à leur chef pour conserver leur emploi. Il raconte la révolte des enfants, habitués à se taire mais qui renvoient désormais leurs professeurs coupables d’injustices ou de violences. « C’était vraiment un beau moment de retournement, ce moment où la peur change de camp. » Il raconte « une grande séance d’exorcisme collectif », lorsque tous les fonctionnaires et tous les étudiants, d’office adhérents au HHK, le parti gouvernemental, viennent accrocher leur carte à des fils tendus entre les lampadaires devant la mairie de Gumri.
Il doit rentrer en France alors que Nikol est élu Premier ministre, avec des voix de quelques député du HHK soucieux d’abréger la crise politique. « Durant ces journées d’agitation, un grand nombre de gens avaient entrevu un autre pays, un pays où il serait possible de vivre sans avoir à émigrer, un pays où serait mise en place une justice sociale, un pays où l’on pourrait se partager le peu de richesses que s’accaparait jusqu’à maintenant un petit groupe de parasites. » Nikol demande du temps aux protestataires qui continuent à manifester pour exiger la démission du maire d’Erevan, un des chefs du HHK. Jean-Luc Sahagian est convaincu que maintenir la pression populaire aurait pu « dégager toutes les crapules encore à des postes de pouvoir » et permettre au peuple de participer à la gestion des affaires. « Les modalités de ce type de démocratie directe devaient être discutées dans tout le pays. L’Arménie, petit pays pauvre (trois millions d’habitants) pouvait tenter une autre manière de s’organiser que la sempiternelle et déprimante démocratie représentative qui, à terme buterait sur les mêmes écueils. »

Il établit un parallèle avec le mouvement des Gilets jaunes qui surgit en France, fin novembre. « Soudain, quelque chose fait irruption : une parole, des actes, des manières d’apparaître que je n’avais encore jamais vues en France. Le peuple dans la rue redevient dangereux. Il manifeste là où on ne l’attend pas, il bloque les routes, les péages et les ronds-points. Et surtout, il ne respecte pas le protocole habituel, celui d’une gauche inoffensive qui n’en finissait plus de se décomposer. Il s’en moque même, insensible à cette mélancolie postmoderne qui avait fini par tous nous gagner. Ici, c’est le retour de la colère, ici, c’est le retour de la joie. » « Cette critique en acte des représentations politiques traditionnelles vient redonner du courage et de la force, alors que quelques mois auparavant tout semblait parti pour continuer à pourrir lentement. »

Au printemps suivant, il retourne en Arménie et se confronte à l’impatience et à la déception. Le décor, des flics aux publicités, n’a pas changé. Si l’on commence à discuter de la mise en place d’une sécurité sociale, si l’Église ne se mêle plus des questions d’éducation, la lenteur du processus suscite amertume et colère chez nombre de ses interlocuteurs.

Emporté par ses émotions, en empathie complète avec les manifestants, Jean-Luc Sahagian prend tout de même le temps de l’analyse et de l’écoute. Un témoignage inédit et enthousiaste.

dimanche 21 juin 2020

Genève ou Moscou Drieu la Rochelle




« Il semble donc qu’on retrouve dans une politique de gauche la même tendance que dans une politique de droite, toute l’Europe allant vers un même modèle d’Etat où dans la fusion des méthodes se concilient les groupements économiques hostiles. »
« Leur ignorance fait leur nationalisme et leur nationalisme fait leur pessimisme. »
« Maintenus dans une opposition théorique, socialisme et capitalisme exercent encore l’un sur l’autre un certain contrôle dont bénéficie quelque peu l’idée de la paix. »
« Leur ignorance fait leur nationalisme et leur nationalisme fait leur pessimisme. »
« Je songe à une France qui bientôt sera au ciel : sa leçon essentielle ne peut plus m’apprendre à être français, mais plus que jamais à être un homme. »
« Les bourgeois imbéciles reprochent aux socialistes de tuer l’intérêt, mais le fait est que les socialistes tuent beaucoup mieux que les bourgeois la gratuité. Quant aux nationalistes, ils montrent des chaines aussi lourdes : quand ils ont décrit un climat, ils ont atteint les limites de l’esprit. »
«« Etrange influence de l’histoire, inattendue. Les historiens devraient les hommes qui ont le sens le plus vif du mouvement que rien ne peut arrêter, de la transformation qui n’a de cesse. Ainsi sont les meilleurs et les plus grands, les Michelet, les Fustel, les Sorel, mais ce ne sont pas eux qui ont le plus d’influence sur nous, car ils sont les plus longs ; ce sont les petits, dont l’effort tourne court, en des pamphlets qui nous frappent. »
« Maurras nous a rendu encore plus séduisante cette nostalgie de la beauté déjà connue ; il en a fait un danger encore plus sournois pour des jeunes hommes qui sentent s’élancer en eux, encore emmêlés, le dévouement et le fanatisme, en nous proposant le renoncement au futur sous la forme d’un zèle acharné, d’un ascétisme héroïque, d’une action désespérée, d’un sacrifice violent. »
« Le dernier et le plus fatal des escès du nationalisme, c’est la multiplication des patries, comme il y a une démocratie des individus. Le traité de Versailles a fait de l’europe une mosaïque d’états moyens ou petits, une suisse nombreuse. Et la désagrégation de l’impérium russe a donné naissance à un innombrable prolétariat de petites patries asiatiques. »
« Renaud-Jean. Avec un solide accent du sud-ouest qui dissimulait mal l’inspiration trop vague du cœur et le flottement de l’esprit, il répétait sa leçon. Quelle leçon ? Certes, ce n’était pas la leçon de Marx, car Marx était plus intelligent que les Marxistes qui trottent par le monde ; j’ai entr’ouvert ses ouvrages et j’ai aperçu que les sottises ne viennent pas de lui ? La leçon de Lénine ? Lénine se moquait de ces vieux libéraux, de ces pseudos-pacifistes français qui croient entendre Moscou où n’a retenti qu’une parole aristocrate et cynique. Non, cette leçon, c’était peu de chose c’était simplement le classique mot d’ordre d’une opposition contre un gouvernement, d’une opposition seulement négative, qui n’est déterminée que parce qu’elle critique , et qui le suit pas à pas pour toujours le critiquer. Le communisme n’existe pas en Orient parce qu’il est le gouvernement ; il n’existe pas en Occident parce qu’il n’est que l’opposition. Le communisme n’est fait que de la défaillance de la bourgeoisie ; c’est une ombre qui s’allonge plus ou moins selon les heures. »
« Petit M Biré, on ne s’indigne pas contre ses adversaires, c’est s’avouer leur victime, on s’oppose cordialement à eux comme un fait. Tant que la bourgeoisie se fera représenter au parlement par de pseudo cercleux, elle méritera certes, le pessimisme méprisant des marxistes ».







Je n’aime pas la police de mon pays Par Maurice Rajsfus




« Quelques rencontres inopportunes, aussi bien au temps de l’occupation qu’en 1962 ou en 1968, me conseillaient cette indispensable réserve envers ces contemporains qui n’étaient pas de mon monde. Très simplement, les policiers faisaient partie de ceux d’en face, de cette catégorie d’humanoïdes dont il n’était pas souhaitable de rechercher la compagnie. »

« Pourtant, le 22 juillet 1977, en appel, les deux journalistes étaient relaxés à la suite d’une plaidoirie de leur défenseur, qui avait fait remarquer qu’il était « conforme à l’intérêt général que la police, chargée de protéger les citoyens et de faire respecter les lois, s’abstienne de toute irrégularité, et garde en toutes circonstances son sang-froid, que ces manquements répétés à ces règles d’action sont de nature à altérer les rapports de confiance qui doivent exister entre la population et les fonctionnaires de police* ».

« « Les brigades anticriminalité (BAC) représentent un trouble permanent à l’ordre public, dans les quartiers populaires et les banlieues. Par leurs interventions provocatrices violentes et fréquemment racistes, les BAC constituent un ferment de haine et créent régulièrement des situations de conflit. Alors qu’il est surtout question de médiation et de prévention dans le discours du ministre de l’Intérieur, l’intervention des BAC tend à exacerber la haine plutôt qu’à faciliter la paix sociale. C’est pourquoi nous demandons la dissolution de ce corps de police qui n’a pas sa place dans une société démocratique digne de ce nom. » »

La réalité peut dépasser la fiction ! Après avoir vu des gendarmes mobiles et des CRS défoncer à la hache les portes de l’église Saint Bernard, nous savons désormais que, dans un avenir proche, les forces de l’ordre n’hésiteront pas davantage, le cas échéant, à s’attaquer aux portes des locaux syndicaux ou des partis politiques. À ce stade, il ne s’agit que d’échelons à franchir dans l’escalade répressive. Lorsque de telles interventions paraissent naturelles à des hommes chargés d’assurer la sécurité des personnes et des biens – mission de base de la police –, il y a de quoi être inquiet. En effet, la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne stipule-t-elle pas dans son article 12 : « La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique. Cette force est donc instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de ceux à qui elle est confiée… » ? Un autre rappel nous paraît important : l’article 7 du code de déontologie de la police nationale, décrété le 18 mars 1986, est sans équivoque : « placé au service du public, le fonctionnaire de police se comporte envers celui-ci d’une manière exemplaire. Il a le respect absolu des personnes, quelles que soient leur nationalité ou leur origine, leur condition sociale ou leurs convictions politiques, religieuses ou philosophiques. » Encore une petite, pour la route ? dans le même code, il est dit, à l’article 10 : « toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police, elle ne doit subir, de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence, ni aucun traitement inhumain ou dégradant. » hélas, la réalité peut dépasser la fiction… octobre 1996. »

« Un exemple de brutalité ordinaire : après un passage dans les locaux de la 4e division de la police judiciaire, à paris, un détenu s’est retrouvé avec « une fracture des deux branches mandibulaires, des ecchymoses dorsales stellaires compatibles avec un coup ou un écrasement par une semelle de soulier… » En conclusion de son rapport, le Cpt rappelle que « rien ne saurait justifier que des membres des forces de l’ordre brutalisent une  personne, dès lors qu’elle est maîtrisée ». On ne saurait mieux dire… Juin-juillet 1998. »

« Peine de mort
Faudra-t-il, bientôt, constituer un comité pour l’abolition de la peine de mort ? En effet, il devient trop fréquent de lire dans la presse qu’un citoyen de ce pays est tombé sous les balles d’un policier ou d’un gendarme – lesquels n’étaient nullement en situation de légitime défense. Certes, il serait faux d’affirmer que les quelque 225 000 membres des forces de l’ordre sont tous animés par cet instinct de mort qui conditionne les mercenaires. Il nous faut pourtant constater que nombre de ces hommes se comportent bien plus en justiciers – ce qui n’est pas leur rôle – qu’en gardiens de l’ordre public chargés de la protection des personnes et des biens. D’où ces dérapages meurtriers qui nourrissent trop souvent la chronique. Pour un oui ou pour un non, sans raison, l’arme sort de son étui, se fait menaçante, et le coup part – accidentellement, nous dit-on. Ce n’est que par hasard, bien sûr, si la balle arrive à la tête ou dans un organe sensible. Jamais dans les jambes. Il serait plus que temps d’en finir avec cette idéologie sécuritaire qui alimente la hargne de trop nombreux policiers. Il serait temps de rejeter du corps policier les violents et les racistes, comme tous ceux qui ignorent tous des droits de l’homme à la peau colorée. Il serait temps, dans les écoles de police, d’apprendre aux futurs gardiens de la paix comment ne pas se servir de leur arme… Mars 1999. »

« Trop malpolis pour être honnêtes Monsieur Sarkozy, si vous appreniez la politesse à vos fonctionnaires, la banlieue serait peut-être plus calme. Outre le tutoiement, quasi habituel, destiné aux « individus » que nous sommes, de plus en plus de policiers s’attribuent le droit d’injurier ceux qu’ils interpellent. Il nous revient de sources multiples, chaque jour plus nombreuses, que le traitement verbal réservé aux immigrés colorés en général, et aux Maghrébins en particulier, atteint désormais un niveau insupportable pour les oreilles d’un citoyen élevé dans les principes de la République des droits de l’homme. Les « sale bougnoule » ou « sale raton » bien connus sont complétés par des mots tendres tels que « déchet » ou bien « ordure ». Les femmes sont également victimes, à l’occasion, d’un vocabulaire dont la galanterie est totalement exclue lorsqu’elles sont l’objet de la fureur des forces de l’ordre. Ainsi, « morue » ou « salope », voire « putain » ou « connasse », ou encore « pétasse », quand ce n’est pas plus suggestif : « va te faire sauter. » Quant au commun des mortels, même interpellé par erreur, il n’est pas rare qu’il puisse s’entendre qualifier de « fumier » ou de « salaud ». Si l’on se réfère au guide pratique de la déontologie de la police nationale édité en 1999, on y trouve à propos de « l’image de la fonction policière » ce rappel indispensable : « Comment conserver sa dignité aux yeux du public ? En prescrivant les excès de langage, les familiarités, les gestes déplacés. En faisant preuve de retenue dans les actes et propos. » nous ne trouvons rien d’autre à ajouter à cette leçon de morale. Novembre 2002. »




samedi 13 juin 2020

Eugène Varlin Ouvrieur-Relieur Partie 2




« « Chers camarades, « La chambre syndicale des ouvriers cordonniers de Paris, en présence de l’insuffisance et de la baisse continue des salaires, a pris les décisions suivantes : « Reconnaissant qu’une grève est devenue urgente et nécessaire, vu l’augmentation continuelle des prix de location et des premiers besoins de la vie, convoque les ouvriers de la profession pour statuer sur cette décision. « Quoique la grève ait été repoussée en principe dans le Syndicat, elle est acceptée comme moyen transitoire ; acceptons-la pour équilibrer nos façons, qui ne permettent plus à l’ouvrier cordonnier de vivre honorablement. « Nous sommes en droit d’exiger la juste répartition de nos salaires, c’est un droit que nul ne peut contester ; en conséquence, le devoir nous impose de nous servir de l’arme que nous possédons pour alléger notre triste situation… »

«9 avril 1869 Aux électeurs de 1869
Citoyens, Le moment est venu où le parti démocratique et socialiste doit s’affirmer. L’époque des élections approche ; nous allons être appelés de nouveau à élire les mandataires qui doivent nous représenter. Ne suivons plus les errements d’autrefois. Au lieu de se rallier à des candidats qui ne se recommandent à ses suffrages que par une notoriété plus ou moins établie, le peuple souverain doit lui-même faire son programme, dresser la liste des réformes dont il a besoin, et ensuite choisir parmi les citoyens ceux qui lui paraissent le plus aptes à exprimer sa volonté. En principe absolu, les mandataires devraient toujours être révocables, à tout instant, dès qu’ils ne remplissent pas leurs engagements ; mais, en présence des difficultés actuelles, nous devons demander, tout au moins, qu’ils se tiennent constamment en relation avec leurs mandants, et que, chaque année, ils viennent se retremper dans le suffrage universel. Il n’y a pas de temps à perdre.
 Il faut que tous les groupes de socialistes formulent leur programme au plus vite, et qu’ils se fassent les  concessions nécessaires, afin qu’une entente puisse s’établir pour arrêter un programme commun. Quant à nous, voici les réformes que nous croyons urgentes :
1. Suppression des armées permanentes : armement de tous les citoyens.
2. Suppression du budget des cultes ; séparation de l’Église et de l’État : liberté de discussion religieuse et philosophique.
3. Réforme générale de la législation ; élection de la magistrature, temporairement et par le suffrage universel ; établissement du jury pour les affaires civiles et criminelles.
4. Instruction laïque et intégrale, obligatoire pour tous, et à la charge de la nation ; indemnité alimentaire à tous les enfants pendant la durée des études.
5. Suppression des privilèges attachés aux grades universitaires.
6. Liberté d’association.
7. Liberté de réunion sans restriction.
8. Liberté de la presse, de l’imprimerie et de la librairie ; abolition du timbre et du cautionnement.
 9. La liberté individuelle garantie par la responsabilité effective et permanente de tous les fonctionnaires, quel que soit leur rang.
10. Établissement de l’impôt progressif ; suppression de tous les impôts indirects, octrois ou autres.
11. Liquidation de la dette publique.
12. Expropriation de toutes les compagnies financières et appropriation par la nation, pour les transformer en services publics, de la banque, des canaux, chemins de fer, roulages, assurances, mines.
13. Les communes, les départements et les colonies affranchis de toute tutelle pour ce qui concerne leurs intérêts locaux et administrés par des mandataires librement élus. »

«5 mai 1869 Paris, le 5 mai 1869 Mon cher Cluseret, Je vous envoie en quelques mots la pensée des signataires du programme sur la question de la liquidation de la dette publique et de l’établissement de l’impôt progressif. Nous voulons la liquidation de la dette ; nous ne voulons pas transmettre aux générations futures des intérêts à payer pour les uns et des rentes à recevoir pour les autres, c’est-à-dire l’inégalité sociale. Quant au moyen, cela est secondaire pour nous ; nous aurions pu en indiquer plusieurs, au besoin. Par exemple : on peut, en supprimant l’héritage, rendre la rente viagère, la payer aux porteurs actuels de titre, de cette façon on ne pour[r]ait pas nous reprocher de spolier les rares travailleurs qui se sont privés pour s’assurer l’existence de leurs vieux jours, et la dette s’éteindrait assez promptement. On peut encore, et c’est là le moyen auquel on paraît se rallier, reconnaissant que l’intérêt du capital est injuste, déclarer qu’à partir de ce jour, la rente sera considérée comme annuité de remboursement ; il nous faudrait dans ce cas 33 ans pour opérer la liquidation, c’est long. Un moyen qui me paraîtrait pour quant à moi plus équitable, plus expéditif et plus commode serait le remboursement immédiat au moyen de papier  monnaie ayant cours forcé ; les porteurs ne seraient nullement laisés [lésés] puisqu’ils seraient payés de juste. On pourraît [pourrait] amortir ce papier en un certain nombre d’années, ce qui reviendrait à peu près à la même chose, pour nous que le précédent moyen, avec cet avantage que les porteurs n’auraient rien à dire ; de plus cette mon[n] aie entre leurs mains serait une tentation perpétuelle à la dépense, à moins qu’ils n’essayent de prêter, ce qui, sur la grande abondance de monnaie ferait tomber à presque rien l’intérêt en même temps que la tendance à la dépense ferait augmenter le prix du travail, ce qui produirait pour les porteurs une véritable liquidation. Maintenant il est possible, il est probable même, que si la liquidation se fait à la suite d’une commotion violente, elle consistera en la suppression pure et simple du Grand Livre ; dans ce cas quelques indemnités pourront être accordées aux porteurs âgés, qui auraient réellement compté sur la rente pour vivre leurs derniers jours. Mais avant d’en arriver là, il est bon de prévenir les bourgeois que le peuple ne veut pas payer éternellement la rente, et qu’il y a lieu de liquider à l’amiable si l’on veut éviter une banqueroute. Pour l’impôt progressif, nous trouverions juste que chaque citoyen contribua [contribuât] pour une part égale dans les charges de l’État, frais généraux de la nation, si chaque citoyen possédait une part égale de la richesse naturelle ou de celles créées et accumulées par les générations antérieures et qui doivent constituer une propriété collective. Comme il n’en est point ainsi, nous devons tendre à égaliser les positions en faisant peser l’impôt très lourdement sur les citoyens trop bien partagés et en dégrevant ceux qui le sont mal. Voici par des chiffres comment nous comprenons l’établissement de l’impôt progressif :
Je suppose que la population de la France soit de 40 millions d’habitants, la richesse générale de 80 milliards et le budget à fournir chaque année de 2 milliards. L’impôt serait d’un quarantième du capital soit 2 ½ % et chaque individu devrait posséder 2 000 frs. Selon nous, chaque individu possédant sa part, soit 2 000 frs, devrait payer à raison de 2 ½ %. Tous ceux qui possèdent moins mais plus de 1 000 paieraient à raison de 1 % et ceux ayant moins de 1 000 frs ne paieraient rien. Pour combler le déficit, ceux possédant plus paieraient en augmentant progressivement, pour 10 000 fr, 3 %, 20 000 frs, 4 %, 50 000 frs, 5 %, 100 000 frs 6 % et ainsi de suite de telle sorte que tous les avantages des grosses propriétés soient absorbés par l’impôt et même qu’à un certain chiffre l’impôt dépasse le revenu fourni par la propriété et force le propriétaire à s’en débarrasser.
Tout à vous E. Varlin »

« Une violente répression par l’armée, le 16 juin, contre les mineurs du bassin de Saint-Étienne, a fait à La Ricamarie 13 morts, dont deux femmes et un bébé. »

« Je dois vous dire que, pour nous, la révolution politique et la révolution sociale s’enchaînent et ne peuvent pas aller l’une sans l’autre. Seule, la révolution politique ne serait rien ; mais nous sentons bien, par toutes les circonstances auxquelles nous nous heurtons, qu’il nous sera impossible d’organiser la révolution sociale tant que nous vivrons sous un gouvernement aussi arbitraire que celui sous lequel nous vivons. »

« L’association internationale soutient les grèves, parce que, actuellement, c’est le seul moyen pratique pour les travailleurs de défendre leur pain quotidien. L’association internationale n’a pas pour but d’organiser les travailleurs en vue de soutenir une lutte permanente contre les détenteurs des capitaux. Elle vise plus haut. Elle se propose de réaliser l’affranchissement complet du travail, en amenant les travailleurs à la possession de l’outillage social et des éléments naturels indispensables à la production. Loin de vouloir organiser la guerre, elle a la prétention d’établir la fraternité entre les hommes sans distinction de race, de couleur et de croyance ; et ce qui embête surtout nos gouvernants c’est de voir chaque jour ces tendances prendre corps et de penser que bientôt il ne leur sera plus possible de faire se ruer leurs peuples les uns contre les autres pour la satisfaction de leur orgueil et de leurs intérêts économiques. »

«  À ceux qui seraient désireux de quitter l’ancien monde, où les populations se sentent à l’étroit, pour venir au-delà des mers dans ce pays où un homme est un homme s’il veut travailler et où le plus pauvre peut jouir du fruit de son travail, je suis chargé d’adresser une cordiale invitation. Je leur dirai : Vous trouverez des frères prêts à vous tendre la main. Nous ne vous demandons qu’une chose : de venir à nous en amis pour nous aider dans la revendication de nos droits, et de ne pas vous associer aux projets de ces hommes qui, sous le spécieux prétexte de servir vos intérêts, combattent de toutes leurs forces vos meilleurs et vos plus vrais amis, les trade-unionistes d’Amérique. L’établissement d’un bureau d’émigration sous le double contrôle de American labor Union et de l’Association internationale des travailleurs, qui serait chargé de donner constamment des renseignements authentiques, pourrait produire, selon moi, le plus heureux résultat ; et je suis assuré que toute proposition venant de vous à cet effet serait cordialement appuyée par notre comité exécutif. » Le président Jung a remercié, au nom du Congrès, les sociétés américaines et le citoyen Cameron en particulier, de leur demande fraternelle et bienveillante, et leur a assuré qu’ils pouvaient compter désormais sur le concours des travailleurs européens. »

« 14 octobre 1869 Les délégués des Sociétés ouvrières, réunis pour conclure un pacte fédératif, protestent de toute leur énergie contre les actes sanglants commis sur les travailleurs des mines d’Aubin. En présence de pareils attentats contre la vie et le droit du peuple, nous déclarons qu’il nous est impossible de vivre sous un régime social où le capital répond à des manifestations parfois turbulentes, mais toujours justes, par la fusillade. Les travailleurs savent ce qu’ils ont à espérer de cette caste, qui n’a exterminé l’aristocratie que pour hériter de ses injustes prétentions. Était-ce pour arriver à ce résultat que le peuple scella de son sang la proclamation des droits de l’homme ? Les faits accomplis nous autorisent à affirmer de nouveau que le peuple ne peut attendre que de ses propres efforts le triomphe de la justice. »

« 31 octobre 1869 Grève et résistance La grève, la résistance du travail contre le capital, est la grande préoccupation du moment pour tous les travailleurs. De tous côtés, dans toutes les professions, dans tous les pays, les grèves surgissent dans des propositions démesurées. Que veut dire ce mouvement ? Où nous conduit-il ? Les travailleurs qui, depuis quelques années, se sont groupés, ont créé des sociétés de solidarité, de résistance, des chambres syndicales, et pour organiser la revendication du prolétariat moderne, font de suprêmes efforts pour conseiller, guider, et aider ceux qui actuellement se laissent entraîner comme par un courant irrésistible, sans s’être préparés, sans avoir calculé les chances de succès ni réfléchi aux conséquences de leur acte, parviendront-ils à maîtriser cette situation ? En tout cas, les efforts qu’ils y consacrent, prouvent l’importance qu’ils attachent à ce mouvement. Le peuple a soif d’une répartition plus juste de la production générale ; il veut participer aux avantages que la science ait [a] mis au service de l’industrie, et qu’une minorité de la population a accaparé[s] et prétend conserver pour elle seule. En un mot, c’est la question sociale qui s’impose et qui veut être résolue. Est-ce la grève qui doit la résoudre ? Non, tout au moins sous sa forme actuelle. Plus tard nous verrons. Aujourd’hui, en présence de l’acharnement que les détenteurs des capitaux mettent à défendre leurs privilèges, la grève n’est qu’un cercle vicieux, dans lequel nos efforts semblent tourner indéfiniment. Le travailleur demande une augmentation de salaires pour répondre à la cherté créée par la spéculation ; les spéculateurs répondent à l’augmentation du prix de la main-d’œuvre par une nouvelle élévation de la valeur des produits. Et ainsi de suite, les salaires et les produits s’élèvent sans cesse. Pourquoi des ouvriers dévoués, actifs et intelligents, consacrent-ils donc toute leur énergie, toute l’influence qu’ils sont susceptibles d’avoir sur leurs camarades à poursuivre ce mouvement qu’ils savent être sans issue ? C’est que pour eux la question préalable à toute réforme sociale, c’est l’organisation des forces révolutionnaires du travail. Ce n’est pas tant la légère augmentation de salaires, la petite amélioration des conditions du travail qui nous préoccupent dans toutes les grèves qui se produisent, tout cela n’est que secondaire : ce sont des palliatifs bons à obtenir en attendant mieux ; mais le but suprême de nos efforts, c’est le groupement, des travailleurs et leur solidarisation. Jusqu’alors, nous avons été malmenés, exploités à merci parce que nous étions divisés et sans force ; aujourd’hui, on commence à compter avec nous, nous pouvons déjà nous défendre ; c’est l’époque de la résistance. Bientôt quand nous serons tous unis, que nous pourrons nous appuyer les uns sur les autres, alors, comme nous serons les plus nombreux et comme après tout la production tout entière sera le résultat de notre labeur, nous pourrons exiger, en fait comme en droit, la jouissance de la totalité du produit de notre travail, et ce sera justice. Alors les parasites devront disparaître de la surface du globe ; ils devront s’ils veulent vivre, se transformer en producteurs, en hommes utiles… Ce qu’il importe avant tout et par-dessus tout, c’est que les travailleurs soient organisés… Le mouvement est en bonne voie ; dans toutes les branches de l’activité humaine on commence à s’unir. Les ouvriers industriels ne sont plus les seuls à ressentir ce besoin d’organisation. Les employés de commerce d’abord ont suivi notre exemple, que semblent vouloir suivre également les employés, d’administration : télégraphe, postes, chemin de fer, etc. Pour que nous puissions envisager sans crainte l’avenir gros d’orages, il faut que tous les travailleurs se sentent solidaires. »

« 12 décembre 1869 Les ouvriers mégissiers La grève des ouvriers mégissiers entre dans une nouvelle phase. Après avoir été maintenue pendant six semaines avec autant d’héroïsme de la part des grévistes que des sociétés ouvrières qui les ont soutenus, pour mettre fin à cette lutte désastreuse pour tous, la chambre fédérale et la société des ouvriers mégissiers ont décidé d’organiser un vaste atelier de production pour faire travailler le plus grand nombre possible d’ouvriers en attendant qu’on puisse les employer tous. Il n’est point rare d’entendre parler association dans les corporations en grève, et cela se comprend. L’ouvrier habitué à produire pour satisfaire à ses besoins, dès qu’il se trouve réduit à l’inaction par le mauvais vouloir des détenteurs de l’outillage, se révolte moralement contre cet interdit, qui pèse sur son courage et le rend impuissant. Alors, il songe aux moyens de se passer du patron pour travailler, et l’idée de l’association vient tout naturellement à son esprit. Les impossibilités matérielles font que souvent cette idée n’a pas de suite, surtout quand la grève se termine vite ; toutefois bien des associations ont pris leur germe dans la grève et même quelques-unes en sont sorties spontanément. Mais ce qui donne à l’association des ouvriers mégissiers toute l’importance d’un événement social, c’est que, cette fois, il ne s’agit plus d’une association de quelques personnes, comme dans toutes celles qui se sont produites jusqu’à ce jour, cette fois, c’est la corporation tout entière qu’il s’agit de soustraire à l’arbitraire du patronat. Et ce n’est plus par leurs seuls efforts et avec leurs faibles ressources que les mégissiers s’associent, c’est avec le concours de toutes les sociétés ouvrières. L’œuvre des mégissiers n’est pas leur œuvre propre, c’est notre œuvre à tous, à tous les travailleurs. Nous les avons soutenus dans leur grève, nous nous sommes engagés solidairement à ne pas les laisser succomber ; aujourd’hui nous voulons les affranchir et nous les affranchirons. La Chambre fédérale fait appel à tous les travailleurs pour qu’ils souscrivent des petites obligations de un franc afin de réaliser le capital nécessaire aux mégissiers. Nous sommes certains que tous répondront à cet appel et que les fonds seront promptement réalisés. Assez de temps perdu et de sacrifices improductifs ! Un atelier social pouvant contenir 150 ouvriers vient d’être loué, l’installation est commencée, dans quelques jours on pourra y travailler. Les clients visités par les délégués des mégissiers ont promis du travail de suite. Le chômage des autres maisons ou la défectuosité de leurs dernières livraisons assurent le succès de cette entreprise qui débute dans les meilleures conditions. Une des grandes difficultés, pour toutes les associations de production qui se fondent par l’initiative personnelle de quelques-uns, c’est l’insuffisance du capital avec lequel elles commencent leurs opérations, ou le taux exorbitant de l’intérêt qu’elles sont obligées de payer si elles ont recours à l’emprunt. Obligées d’entrer en concurrence avec des maisons bien outillées, bien achalandées, et jouissant d’un crédit sur la place, elles sont forcées souvent de faire des rabais pour obtenir des travaux qu’elles exécutent avec plus de peine, faute de posséder un outillage complet et perfectionné ; de plus elles doivent passer par les fourches caudines des usuriers, pour l’escompte de leurs effets. Ce n’est qu’à force d’énergie, de persévérance et de privations que des associations peuvent réussir dans ces conditions ; souvent, même, elles succombent, malgré tout le dévouement des associés. Ce n’est point ainsi qu’il faut procéder désormais. L’association des mégissiers est le premier jalon d’une voie nouvelle que nous ouvrons aujourd’hui ; que tous nos camarades veuillent bien y réfléchir un peu. Par un effort collectif, en nous privant de un, de deux, de cinq francs, chacun selon nos faibles revenus, nous réalisons immédiatement un capital qui va permettre aux mégissiers de produire dans des conditions supérieures à celles des autres maisons ; outillage aussi complet et aussi perfectionné que possible, et, avec cela, les meilleurs ouvriers de la profession. Et pour le capital, nous ne demandons pas de part dans les bénéfices, de même que les travailleurs n’en réclament pas non plus ; ils se contentent d’un salaire suffisamment rémunérateur. Tous les bénéfices serviront à augmenter l’outillage social jusqu’à ce que tous les membres de la corporation puissent travailler dans les ateliers sociaux. Il est facile de l’entrevoir, c’est toute une révolution dans le mouvement des associations ouvrières. Après les mégissiers, nous pourrons affranchir du patronat, par le même procédé, d’autres corporations, en commençant, bien entendu, par celles qui souffrent le plus de l’état économique actuel. La grève des ouvriers mégissiers, qui nous a coûté de si durs sacrifices aura, au moins, été féconde en résultats. Déjà, elle nous a forcés à constituer cette fédération que nous rêvions depuis si longtemps, et que des réticences mesquines nous avaient empêchés de réaliser jusqu’alors ; aujourd’hui, en nous révélant notre puissance collective, elle ouvre à nos yeux une nouvelle voie d’émancipation. Serrons les rangs ; plus nous serons unis, plus nous serons forts. E. Varlin »