Nous
n'avons que des notions rudimentaires sur la préhistoire de
l'humanité. Les recherches à ce sujet semblent conclure, ― d'où
évidemment la légende du paradis, ― que pendant des siècles et
des siècles les hommes primitifs vivaient relativement heureux dans
la promiscuité sexuelle et la communauté de la cueillette et de la
pêche.
Mais
on ne socialise pas la misère et comme nos ancêtres étaient
constamment exposés aux intempéries et aux attaques des bêtes
sauvages, l'insécurité et la pénurie créèrent les dieux et la
notion anti-sociale du mien et du tien, qui enfantèrent la ruse et
la spoliation, le prêtre, le guerrier et le trafiquant et l'homme,
tombant plus bas que les bêtes féroces qui le guettaient, se fit
anthropophage.
Notre
humanité, qui a mis des centaines de milliers d'années pour se
dégager lentement et péniblement de l'animalité a à peine
soixante siècles d'existence consciente derrière elle. Son histoire
positive ne remonte guère qu'à la première Olympiade qui date de
l'an 776 av. J.-C.
Depuis
cette période, dite historique, trois phases caractérisent, à
travers d'innombrables déchirements et des cruautés inouïes, la
marche ascendante de notre espèce :
1°
L'esclavage ou la libre et absolue possession du producteur par
celui qui l'emploie.
2°
Le servage. Il n'est qu'une légère atténuation de l'esclavage
antique car il consacre encore la possession conditionnelle du
producteur, agricole surtout, par son maître. Le servage, forme
économique de la féodalité, n'a cédé la place qu'après quatre
ou cinq siècles de luttes au salariat.
3°
Le salariat. Ce dernier date seulement d'une centaine d'années et
est la liberté théorique du producteur de disposer de sa
personne. Mais pratiquement cette liberté se réduit pour
l'immense majorité des travailleurs à mourir de misère et
d'inanition si les détenteurs des instruments de
production
n'ont pas besoin de la force cérébrale et musculaire du salarié et
nonpossédant.
Ce
qui distingue le travailleur moderne de son aîné, le serf du
moyen-âge et l'esclave de l'antiquité, c'est que sa liberté
personnelle a accru son sentiment de dignité et sa capacité de
révolte. Mais matériellement et par suite sous bien des rapports
moralement l'ouvrier de nos jours est et restera esclave de fait
aussi longtemps que subsistera le divorce entre le producteur et
l'instrument de production, c'est-à-dire aussi longtemps que la
matière première, sol, sous-sol et les forces productrices, usines,
ateliers, fabriques, etc., etc., au lieu d'être la propriété
indivise du genre humain, continueront à être possédés par une
minorité de parasites et de maîtres.
Nous
constatons qu'aussi bien dans les périodes cosmogoniques et
géologiques, qui ont précédé l'apparition de l'homme sur la
terre, que dans celles qui marquent les différentes étapes que
l'humanité a parcourues depuis qu'elle est arrivée à la conscience
d'elle-même, l'évolution progressive s'accentue, ― comme les
corps qui tombent vers un centre qui les attire, ― et devient plus
rapide au fur et à mesure qu'elle s'approche du but qu'elle est
susceptible d'atteindre. L'esclavage a mis plus de temps à se
transformer en servage que le servage à se transformer en salariat.
Nous concluons de là, que le salariat est appelé à disparaître
plus vite que les formes économiques et sociales qui lui ont été
antérieures.
Déjà
les prodromes de sa fin prochaine se multiplient en laissant
apercevoir à l'état embryonnaire, les contours que revêtira la
société future. Le capitalisme est son propre fossoyeur. En
centuplant les forces productives, il a de plus en plus dépossédé
de leurs champs et exproprié de leurs outils les cultivateurs et les
artisans devenus à leur tour des prolétaires. Les petites
exploitations privées se trouvent pour la plupart entre les mains de
quelques bailleurs de fonds et ne sont, en somme, que des
intermédiaires chargés de la distribution des produits de la grande
industrie.
Les
petits propriétaires fonciers ne sont possesseurs que de nom et le
lendemain de la Grand Guerre impérialiste de 1914-1919, qui n'a pas
encore dit son dernier mot, sonne partout le glas de la petite
bourgeoisie et des classes moyennes. La lutte des classes, guerre
constante des pauvres contre les riches, des possédés contre leurs
possesseurs, des gouvernés contre les gouvernants, les maîtres,
pour plus d'égalité et de liberté, pour plus de bien-être et
moins d'autorité est la trame de l'histoire qui explique l'horrible
cauchemar au milieu duquel nous nous débattons.
La
légende des vaches maigres et des vaches grasses de l'Égypte des
Pharaons et des pyramides, l'âpre lutte entre les Plébéiens et les
Patriciens et la guerre servile des esclaves conduit par l'impavide
Spartacus de la grande mais farouche et cruelle Rome antique, les
sinistres bûchers qui éclairaient seuls la nuit opaque du moyen-âge
sont les étapes glorieuses et lumineuses parcourues par la Pensée
humaine et la Révolte sainte du passé !
Les
communes du second moyen-âge étaient des associations formées par
les habitants d'une même ville pour se gouverner eux-mêmes et se
défendre contre les violences et les exactions des seigneurs
féodaux. C'est là que la Révolution de 1789 prit ses racines. Les
tentatives de soulèvement qui eurent lieu dans les campagnes furent
promptement réprimées. Mais un grand nombre de villes, surtout dans
le midi de la France, avaient conservé l'organisation municipale
qu'elles avaient eu sous la domination romaine où elles
s'administraient elles-mêmes et ne subirent point la de la
servitude. Les autres se lassèrent bien vite de l'oppression et
opposèrent à leurs maîtres une résistance d'abord passive,
ensuite armée. Tel fut le cas, en 1070, pour la commune du Mans.
Généralement
les Communiers se réunissaient dans l'église ou sur la place
publique et se prêtaient le serment, sur des choses saintes, de se
donner les uns aux autres foi, aide et force. Par cet engagement la
commune était établie et les communiers se formaient en milices et
devaient, au signal du beffroi, se rendre en armes sur la place pour
défendre leur ville ; ils nommaient des magistrats pour administrer
les affaires et les revenus de la cité. Aussitôt la conjuration
formée, si le seigneur ne l'acceptait pas, la guerre commençait
entre lui et les communiers. Ceux ci étaient-ils vainqueurs ? Ils
forçaient le baron à leur octroyer une charte qui contenait surtout
des règlements relatifs à la vie civile, aux libertés de
l'industrie, à la sécurité des biens et des personnes.
Dans
cette lutte entre les communiers et la féodalité, la royauté
seconde, pendant un. certain temps, la bourgeoisie ― ou plus
exactement la classe moyenne, car la bourgeoisie au sens que les
socialistes donnent à ce mot n'existe que depuis l'ère capitaliste
― pour contre balancer la puissance des hauts barons. Mais
lorsque les rois furent vainqueurs de la féodalité ils reprirent un
à un tous les privilèges, une à une toutes les franchises
accordées aux villes. Richelieu et Louis XIV achevèrent de
confisquer, au profit du despotisme, toutes les libertés.
Du
14 juillet 1789 au 9 Thermidor an II (27 juillet 1794), la Commune de
Paris absorba presque toute la puissance politique. Son histoire est
un miroir fidèle de l'histoire de la Révolution, dont elle fut, la
crête de la gigantesque vague révolutionnaire qui déferla sur la
France, le Sinaï, pour parler avec Victor Hugo, bien plus que la
Convention de la pensée et de l'action iconoclaste de l'époque, de
cette époque unique, qui après avoir proclamé les Droits de
l'Homme et du Citoyen, nous a laissé par le Manifeste des
Égaux son testament : la réalisation de l'égalité de fait.
D'abord
constitutionnelle, sous l'administration de Bailly, l'homme de la
Constituante, ensuite franchement démocratique avec Danton pour
substitut, la Commune se fit, le 10 août 1792, montagnarde et,
dominée ensuite de plus en plus par les sections révolutionnaires
de la capitale elle devint, après la grande lessive de septembre,
l'âme même de la République et de la Révolution en inscrivant
dans l'histoire universelle la plus belle page qui ait jamais
illuminé la marche ascendante de l'humanité depuis ses origines. Sa
défaite fut la mort de la République et ouvrit toute grande la voie
aux saturnales sanglantes du premier Empire et aux monstrueuses
ignominies de la terreur blanche.
Mais
le temps « ténébreuse abeille, qui fait du bonheur avec nos maux »
conspire pour nous et le capitalisme naissant ressuscita le
prolétariat, toujours abattu et jamais vaincu. Le voici, en 1831, à
Lyon de nouveau debout et le fusil à la main demandant « à
mourir en combattant ou à vivre en travaillant », réclamant,
en juin 1848, le Droit au Travail et préludant ainsi, par ces
deux insurrections, à ce que Malon a appelé la troisième défaite
du prolétariat, qui fut, en réalité sa première victoire par son
lendemain dont l'aurore prometteuse se lève partout. De toutes les
dates qui marquent un effort du peuple pour secouer ses chaînes, une
étape du prolétariat dans son long et dur calvaire pour arriver à
l'Égalité et à la Justice, le 18 mars 1871 est, sans contredit,
une des plus belles et des plus fécondes.
L'héroïque
peuple de Paris, en balayant l'ignoble tourbe des traîtres, des
capitulards et des assassins monarchistes, ne s'était pas soulevé
dans un but égoïste de conquête municipale ou départementale. Il
ne s'agissait pas seulement pour lui, comme l'ont prétendu depuis
des politiciens aux abois, exploiteurs du mouvement de la Commune,
d'obtenir des franchises municipales plus ou moins étendues et de
déjouer le complot monarchiste qui se tramait à Versailles.
Relevant
l'étendard des Canuts de Lyon de 1831 et des combattants de juin
1848, le prolétariat parisien lutta pendant 70 jours pour
l'affranchissement complet, définitif de tous, pour la République
égalitaire et sociale.
Comme
Fernand Cortez brûlant ses vaisseaux, les fédérés portèrent une
main hardie sur l'édifice séculaire de la servitude et de la
faim, rompant d'une façon irrémédiable avec l'odieux passé
monarchique, clérical et bourgeois. L'abolition de la conscription
et la suppression de l'armée permanente, la guerre à mort déclarée
à l'Église, la guillotine brûlée en place publique, le retour au
calendrier républicain de 93 et un commencement de justice rendu au
monde du travail, attestent la victoire du prolétariat contre la
bourgeoisie, du peuple contre ses maîtres.
Certes
les réformes opérées sur le terrain économique par la Révolution
du 18 mars étaient absolument insuffisantes, tout à fait au-dessous
de ce qu'il était permis d'attendre d'elle.
Au
lieu de s'emparer révolutionnairement des millions entassés dans la
Banque de France qui auraient suffi, à eux seuls, pour assurer la
victoire, au lieu de procéder à l'expropriation générale des
patrons et des propriétaires au profit de la Commune, le pouvoir
révolutionnaire se contenta de prélever une somme dérisoire sur la
Banque pour rémunérer les gardes nationaux, d'interdire les amendes
et les retenues dans les ateliers et les administrations ; de
décréter la suppression du travail de nuit dans les boulangeries et
d'ordonner que les ateliers abandonnés, par les patrons, soient,
après enquête et réserve faite des « droits » des dits patrons,
attribués aux associations ouvrières pour en continuer
l'exploitation.
Néanmoins,
nous ne croyons pas qu'il faille trop tenir rigueur à la Commune de
ses fautes et de ses faiblesses. Abandonnée à ses propres
ressources, séparée du reste de la France par deux armées
ennemies, la situation dans laquelle elle se débattait, était
désespérée, sans issue.
Contraint
à une lutte qu'il n'avait pas cherchée sitôt, le parti socialiste
proprement dit qui ne formait que le quart des membres de la Commune,
n'avait pas eu le temps d'organiser les forces populaires et de
donner au mouvement parisien une impulsion consciente. De là ses
tâtonnements, ce vague dans les aspirations économiques. Tous
les combattants voulaient l'Égalité par l'universalisation du
pouvoir et de la propriété (proclamation de Pascal Grousset),
mais on recula devant la mise en pratique.
Certaines
mesures de la Commune étaient cependant empreintes d'un véritable
esprit socialiste. De ce nombre il faut notamment citer le décret
accordant une pension de 600 francs à la femme légitime ou non
du fédéré tué devant l'ennemi et une pension de 365 fr. à
chaque enfant reconnu ou non jusqu'à l'âge de 18 ans. La
Commune, en mettant sur un pied d'égalité la concubine et l'épouse,
l'enfant légitime et l'enfant naturel, portait un coup mortel à
l'institution religiosomonarchique du mariage et jetait ainsi le
premier jalon d'une modification profonde de la constitution
oppressive de la famille actuelle. En rompant en visière avec les
pratiques de la vieille morale spiritualiste faite de souffrances et
d'iniquités, la Révolution du 18 mars donnait à la femme les mêmes
droits civils et moraux qu'à l'homme et effaçait à jamais la
flétrissure infligée aux enfants nés en dehors du mariage. Le
déboulonnement de la colonne Vendôme fait aussi foi du même esprit
socialiste. Cette mesure, tant reprochée aux fédérés par la
bourgeoisie européenne, est une des plus pures gloires de cette
sublime révolte populaire dont elle atteste le caractère
véritablement démocratique et humanitaire.
En
renversant la colonne impériale, symbole de prostitution monarchique
et de conquête guerrière, la Commune affirmait, en face des armées
versaillaise et allemande, son amour de la paix, la solidarité et la
fraternité de tous les peuples ; sa haine des rois et des tyrans.
Aussi,
les victimes de l'exploitation capitaliste et de la tyrannie
gouvernementale de partout, comprirent-elles la portée
internationale de la Révolution du 18 mars. L'idée qu'elle a semée
a germé et muri. Pendant les deux mois que la Commune avait été
maîtresse absolue de Paris, pas un viol, pas un vol, pas un meurtre
n'avaient souillé la vie publique de la métropole. La prostitution
et le crime s'étaient enfuis à Versailles avec le gouvernement et
les représentants de l'aristocratie, leurs protecteurs et complices
naturels.
La
Commune ne procéda à l'exécution d'aucun représentant de
l'ordre capitaliste et le décret sur les otages, qui lui a été si
niaisement reproché par des sentimentalistes imbéciles ne doit être
envisagé que comme une mesure de légitime défense. Venant après
le double assassinat de Duval et de Flourens, il eut le mérite de
mettre un frein à l'égorgement systématique des prisonniers faits
par Versailles. Les Versaillais, une fois entrés dans Paris, ne
tinrent aucun compte de la modération excessive avec laquelle le
peuple vainqueur avait traité ses ennemis. Jamais ville conquise
n'eut un sort aussi terrible que la capitale. Dans la semaine qui
suivit le 21 mai et que le peuple a si justement nommé la Semaine
sanglante, les massacres de Scylla et les atrocités de la Saint
Barthélemy furent surpassées. Tous les crimes, toutes les horreurs
et toutes les monstruosités du moyen-âge reparurent à la surface.
Le triomphe du peuple avait fait peur à la bourgeoisie, et la
bourgeoisie se vengeait d'avoir eu peur dans le sang des
prolétaires.
Durant
sept jours, une soldatesque ivre d'absinthe et grisée par la poudre,
massacra tout ce qui lui tomba sous la main. Les maisons furent
fouillées depuis la cave jusqu'au grenier. Le moindre soupçon de
sympathie pour la Commune entraînait une mort certaine. Le port
d'une blouse pouvait devenir un arrêt fatal. Quant aux membres de la
Commune qui tombèrent entre les mains des vainqueurs, leur affaire
était réglée
d'avance
: on les tuait sans autre procédé. Tel fut le sort de Raoul Rigault
et de Varlin.
Il
suffisait même d'une vague ressemblance avec un personnage qui avait
joué un rôle plus ou moins important dans l'insurrection pour
être aussitôt passé par les armes.
C'est
ainsi que périrent plusieurs citoyens pour avoir eu un faux air de
Vallès ou de Billoray.
Le
docteur Tony Moilin, qui n'avait jamais pactisé avec la Commune, fut
exécuté uniquement pour ses opinions socialistes et pour avoir
fondé une bibliothèque populaire.
Sur
sa demande ― pourquoi m'arrêtez-vous ? ― L'officier qui
conduisait les soldats chargés de l'arrêter, lui répondit
sèchement : « Vous êtes un socialiste, il faut se débarrasser des
socialistes lorsque l'occasion s'en présente ». Millière qui, lui
non plus, n'avait jamais fait partie de la Commune, fut aussi
fusillé
sommairement pour l'excellente raison que ses écrits avaient déplu
au général
Cissey
et avaient fait couler des larmes de rage au faussaire Jules Favre.
Le titre de
représentant
du peuple, qui rendait Millière inviolable aux yeux de la loi
bourgeoise, ne put le sauver de cette fin tragique. Son assassinat
sur les marches du Panthéon prouve une fois de plus que la classe
dirigeante et dévorante, si respectueuse de la légalité lorsque
cette légalité sert à combattre ses ennemis, n'hésite pas un
instant à la fouler aux pieds quand son intérêt le commande. Le
chassepot n'allant pas assez vite en besogne, les Mac-Mahon, les
Vinoy et les Gallifet installèrent des mitrailleuses dans les
principaux quartiers de Paris pour procéder à l'exécution en masse
des fédérés. Les femmes et les enfants ne furent pas plus épargnés
que les hommes, et le hideux marquis de Gallifet acquit une sanglante
célébrité par le massacre des vieillards au quel il présida à la
caserne Lobau. Le vieux républicain Delescluze, la droiture faite
homme, tomba place du Château-d'Eau face à l'ennemi. Paris était
littéralement à feu et à sang, plus de 25 000 fédérés
jonchaient le sol, la mitrailleuse régnait en souveraine... Ce n'est
qu'après ces assassinats innombrables, perpétrés sur les
défenseurs de la République Sociale, que quelques citoyens suivis
par une foule exaspérée, se saisirent des otages. Quatre-vingt
capucins, agents des moeurs, mouchards et autres bandits, tombèrent
sous le feu des balles révolutionnaires. La responsabilité de ces
exécutions incombe toute entière à Thiers, qui avait refusé de
livrer Blanqui en échange des otages.
Néanmoins,
nous sommes, pour des raisons de défense humaine, loin de répudier
la tardive explosion de colère populaire qui se fit jour à cette
époque, et nous considérons, comme hautement symbolique la fin
tragique de Darboy, Jecker et Boujean, ces trois représentants d'un
régime de boue et de sang. Nous estimons en outre que le peuple a
bien fait de renverser la colonne impériale, de brûler les palais
de ses rois et de détruire les tabernacles de la prostitution
monarchique. Les révolutions ne se font pas en gants glacés et avec
l'eau de rose. Une société qui ne vit que par des moyens répressifs
et l'exploitation éhontée du prolétariat, ne peut être, hélas !
changée que par la force mise au service du Peuple et de
l'Égalité sociale. Si la Commune de Paris avait eu davantage
conscience de cette vérité, elle aurait pris au collet la
bourgeoisie par la main-mise sur la Banque de France et l'humanité
n'aurait, peut-être, pas eu à enregistrer la plus épouvantable
hécatombe de Républicains et de Communeux qui fut jamais :
30
000 fusillés, 42 000 arrestations, 13.700 condamnations, dont la
plupart à vie, tel fut le bilan de la vengeance bourgeoise contre le
Peuple de Paris, qui avait voulu poser les premiers jalons d'une
société égalitaire assurant à tous, par le travail affranchi, le
droit au bien-être et au savoir...
Plus
d'un demi-siècle a passé sur ces événements tragiques. D'autres
plus tragiques et angoissants ont inondé l'Europe de boue et de
sang.
La
Guerre Mondiale, LA SCÉLÉRATE GUERRE IMPÉRIALISTE POUR TUER LE
RENOUVEAU SOCIAL, a désaxé notre planète par ses 12 millions
d'hommes fauchés à la fleur de l'âge et ses 40 millions de
victimes. La formidable Révolution Russe a allumé dans le coeur des
spoliés et des sacrifiés une immense lueur et une grande
espérance... mais la reculée du temps ne s'est pas faite sur elle
d'une façon suffisante pour dire notre dernier mot et nous craignons
d'être injustes en clamant nos déceptions... et nos craintes.
Partout la contre-révolution, qui veut nous ramener au moyen-âge,
s'arme pour le combat décisif, car elle sent que la Révolution de
demain, la plus profonde depuis les temps historiques, ne peut
plus se contenter de demi-mesures. Elle devra faire table rase du
passé et labourer profond afin de mettre tout à
sa
place. La planète et ses forces productives à ceux qui les font
valoir, c'est-à-dire à l'universalité des êtres humains. Les
produits fécondés par la science et d'une abondance presque
illimités à la libre disposition des consommateurs.
Elle
libèrera aussi l'amour des tyrannies polygamiques et monogamiques en
faisant de la femme l'égale de l'homme et de la mère le pivot du
groupe affectif. Elle répartira le travail, devenu attrayant, entre
les adultes des deux sexes, majeurs dès la puberté et travailleurs
jusqu'au retour d'âge. Et elle réconciliera enfin l'homme avec la
nature et avec lui-même et nos destinées seront accomplies.
Les
hommes seront devenus des dieux et Dieu et le Diable seront morts et
enterrés.
―
Frédéric
STACKELBERG.
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