Théâtre français du XVIII° siècles Voltaire

François Marie Arouet, dit Voltaire, né le 21 novembre 1694 à Paris où il meurt le 30 mai 1778, est un écrivain et philosophe qui a marqué le XVIII° siècles et qui occupe une place particulière dans la mémoire collective des français. "On n'emprisonne pas Voltaire" dira de Gaulle en 1960 à ceux qui réclament l'inculpation de Sartre dans l'affaire du Manifeste des 121.

Symbole des lumières, chef de file du parti philosophique, son nom reste attaché à son combat contre "l'infâme" par lequel il termine ses lettres à ses intimes, nom qu'il donne au fanatisme religieux? Il n'en finit pas de dresser la liste des malheurs et des crimes qu'il engendre, et, pour lui, il ne peut y avoir de progrès de l'humanité et de la civilisation sans tolérance. Dans ce contexte, son grans ennemi est la religion chrétienne et l'Eglise catholique de son temps. Ses adversaires l'accuseront de saper les bases de la religion et par là même de la monarchie et de favoriser la dépravation des moeurs.


A près de 70 ans, exilé loin de Paris dans son château de Ferney, il prend seul la défense des victimes de l'intolérance religieuse et de l'arbitraire dans des affaires qu'il a rendues célèbres ( Calas, Sirven, chevalier de la Barre, comte de Lally) et met son immense notoriété auprès des élites éclairées de l'Europe des lumières à leur service. C'est ce Voltaire-là, "l'homme aux calas", le "don quichotte des malheureux" que le peuple de paris ovationne, à son retour dans la capitale en 1778. Il inaugure ainsi la figure de l'intellectuel engagé au service de la vérité, de la justice et de la liberté de penser.


De son oeuvre littéraire, on lit aujourd'hui essentiellement ses écrits philosophiques en prose: contes et romans (Candide est son ouvrage le plus célèbre), Lettres philosophiques, Dictionnaire philosophique) et sa correspondance ( 40000 lettres dont 15   retenues dans les 13 volumes de la Pléiades). Son théâtre ( René Pommeau a estimé à deux millions de personne l'affluence attirée par ses tragédies de son vivant), ses poésies épiques, ses oeuvres historiques, qui firent de lui l'un des écrivains français les plus célèbres du XVIII° siècles; sont aujourd'hui largement négligées ou ignorées. Peu d'écrivains ont écrit en français mieux que Voltaire: sa phrase est courte, simple, élégante, toujours précise. Son ironie - la fameuse ironie voltairienne- est mordante. L'audace, la verve, la causticité de sa prose donnent une idée de ce que devait être l'éclat de sa conversation.


Sa physionomie a souvent été dénaturé dans des intérêts de parti: Voltaire n'est pas, comme la majorité de ses contemporains, partisan de la République. Pour lui, le triomphe des Lumières passe par l'alliance avec la fraction éclairée des détenteurs du pouvoir. Son idéal reste celui d'une monarchie modérée et libérale. Il fréquente les grands et courtise les monarques, sans dissimuler son dédain pour le peuple. Il aime le luxe, les plaisirs de la table et de la conversation, qu'il considère, avec le théâtre comme l'une des formes les plus achevées de la vie en société. Il considère que l'aisance matérielle est pour l'écrivain la garantie de sa liberté et de son indépendance. Homme d'affaire doué, utilisant ses relations, il va acquérir une fortune considérable dans des opérations spéculatives, fortune qu'il investira ensuite en partie dans des rentes viagères sur de grands personnages. Chicanier, parfois féroce dans ses ressentiments, il s'entête dans des polémiques hargneuses mais il est aussi fidèle, dévoué et généreux avec ceux qu'il a choisi d'aimer: Thiérot, Cideville, Richelieu, d'Argental, Vauvenargues, Marmontel. De santé fragile, en proie à des affections et des malaises ( fortes fièvres, coliques, extrême faiblesse) sans doute largement psychosomatiques, il brilla toujours par son énergie et sa vivacité d'esprit et vivra jusqu'à 84 ans.


Considéré par la Révolution française - avec Rousseau, son ennemi - comme un précurseur  ( il entre au panthéon en 1791, le deuxième après Mirabeau), célébré par la III° république ( dès 1870 à Paris, un boulevard et une place portent son nom, puis un quai, une rue, un lycée, un métro...), il a nourri au XIX° siècles les passions antagonistes des adversaires et des défenseurs de la laïcité de l'Etat et de l'école publique, et au delà de l'esprit des lumières. Le mot "voltairianisme" apparaît dans le Littré de 1873 comme " esprit d'incrédulité railleuse à l'égard du christianisme". Depuis le ralliement progressif de la droite de gouvernement à l'idéal laique, il fait partie du patrimoine commun de la république.


Et aujourd'hui? "L'infâme n'est pas moins infâme qu'à la fin du XVIII siècle" écrit Pierre Lepape, "mais il a changé de costume et de masque (...) Le rire de Voltaire, pour peu qu'on fasse l'effort minime de mettre d'autres noms, d'autres superstitions sur ses victimes, n'a rien perdu de son formidable pouvoir prophylactique".


Origines: naissance et filiation contestée


François-Marie Arouet est né officiellement le 21 novembre 1694 à Paris et a été baptisé le lendemain à l'église de Saint-André des Arcs. Il est le deuxième fils de François Arouet ( 1647-1722), notaire au Châtelet depuis 1675, marié le 7 juin 1683 à Saint-Germain l'auxerrois avec marie-Marguerite Daumart ( 1661-1701), fille d'un greffier criminel au parlement qui lui donne cinq enfants ( dont trois atteignent l'âge adulte). Le père revend en 1696 sa charge de notaire pour acquérir celle de  conseiller du roi, receveur des épices à la chambre des comptes. Voltaire perd sa mère à l'âge de sept ans. Il a comme frère aîné, Armand Arouet (1685-1765), avocat du parlement, puis successeur de son père comme receveur des épices, personnalité très engagée dans le jansénisme parisien à l'époque de la fronde parlementaire et du diacre Paris. Sa sœur, marie Arouet ( 1686 - 1726), seule personne de sa famille qui ait inspiré de l'affection à Voltaire, épousera Pierre François Mignot, correcteur à la chambre des comptes et elle sera la mère de l'abbé Mignot qui jouera un rôle à la mort de Voltaire, et de Marie Louise, la future "Madame Denis" qui partagera une partie de la vie de l'écrivain.

Cependant, Voltaire a plusieurs fois affirmé qu'il était né le 20 février 1694 à Chatenay malabry où son père avait une propriété, le château de la petite roseraie. Ce fait semble confirmé par la personne devenue propriétaire du château, la comtesse de Boigne ainsi qu'elle l'écrit dans ses mémoires:"La naissance de Voltaire dans cette maison lui donne prétention à quelque célébrité". Il a contesté aussi sa filiation paternelle, persuadé que son vrai père était un certain Roquebrune:"Je crois aussi certain que d'Alembert est le fils de Fontenelle, comme il est sûr que je le suis de Roquebrune". Voltaire prétendit que l'honneur de sa mère consistait à avoir préféré un homme d'esprit comme était Roquebrune "mousquetaire, officier, auteur et homme d'esprit" à son père, le notaire Arouet dont Roquebrune était le client, car Arouet était, selon Voltaire, un homme très commun. Le baptême à Paris aura été retardé du fait de la naissance illégitime et d'un lien de sang avec la noblesse épée ne déplaisait pas à Voltaire.

Etudes chez les Jésuites

A la différence de son frère aîné chez les jansénistes, François-Marie entre à dix ans comme interne ( 400 plus 500 livres par an) au collège Louis-le-grand chez les jésuites. François-Marie y reste durant sept ans. Les jésuites enseignent le latin et la rhétorique, mais veulent avant tout former des hommes du monde et initient leurs élèves aux arts de société: joutes oratoires, plaidoyers, concours de versification, et théâtre. Un spectacle, le plus souvent en latin et d'où sont par principe exclues les scènes d'amour, et où les rôles de femmes sont joués par des hommes, est donné chaque fin d'année lors de la distribution des prix.

Arouet est un élève brillant, vite célèbre par sa ficilité à versifier, sa toute première publication est son Ode à Sainte Geneviève, imprimée par les pères, cette ode est répandue hors les murs de Louis-Le-grand à s'adresser d'égal à égal aux fils de puissants personnages, le tout jeune Arouet tisse de précieux liens d'amitié, très utiles toute sa vie: entre bien d'autres, les frères d'Argenson, René-Louis et Marc-Pierre, futurs ministres de Louis XV et le futur duc de Richelieu. Bien que très critique en ce qui concerne la religion en général et les écclésistiques en particulier. Il garde toute sa vie une grande vénération pour son professeur jésuite Charles Porée. Voltaire écrit en 1746 " Rien n'effacera dans mon coeur la mémoire du père Porée qui est également cher à tous ceux qui ont étudié sous lui. Jamais homme ne rendit létude et la vertu plus aimables. Les heures de ses leçons étaient pour nous des heures délicieuses et j'aurais voulu qu'il eut été établi dans Paris, comme dans Athènes, qu'on pût assister à de telles leçons, je serais revenu souvent les entendre."
Etudiant en droit ou homme de lettres?
Il quitte le collège à 17 ans et annonce à son père qu'il veut être homme de lettres, et non avocat ou titulaire d'une charge de conseiller au parlement, investissement pourtant considérable que ce dernier est prêt à faire pour lui. Devant l'opposition paternelle, il s'inscrit à l'école de droit et continue de fréquenter les libertins du temple, prenant des goûts de luxe et de débauche. Son père l'éloigne un moment en l'envoyant à caen, puis en le confiant au frère de son parrain, le marquis de Châteauneuf, qui vient d'être nommé ambassadeur à la Haye et accepte d'en faire son secrétaire privé. mais son éloignement ne dure pas. A Noel 1713, il est de retour, chassé de son poste et des pays bas pour cause de relations tapageuses avec une demoiselle. Furieux, son père veut l'envoyer en Amérique mais finit par le placer dans l'étude d'un magistrat parisien. Il est sauvé par un ancien client d'Arouet, lettré et fort riche, M. de Caumartin, marquis de Saint-Ange, qui le convainc de lui confier son fils pour tester le talent poétique du jeune rebelle. Arouet fils passe ces vacances forcées au château de Saint-Ange près de Fontainebleau à lire, à écrire et à écouter les récits de son hôte qui lui serviront.
En 1715, c'est la Régence. Arouet a 21 ans. Il est si brillant et si amusant que la haute société se dispute sa présence. il aurait pu devenir l'ami du régent mais se retrouve dans le camp de ses ennemis. Invité au château de Sceaux, foyer d'opposition, où la duchesse du Maine, mariée au duc du Maine, bâtard légitimé de Louis XIV, tient une cour brillante, il ne peut s'empêcher de faire des vers sur les relations amoureuses du Régent et de sa fille. Le 4 mai 1716, il est exilé à Tulle. Son père use de son influence auprès de ses anciens clients pour fléchir le Régent qui, bon prince, remplace Tulle par Sully-sur-Loire où il s'installe dans le château du jeune duc de Sully, une connaissance du Temple, qui vit avec son entourage dans une succession de bals, de festins et de spectacles divers. A l'approche de l'hiver, il sollicite la grâce du Régent qui, sans rancune, pardonne. Le jeune Arouet recommence sa vie turbulente à saint-Ange et à Sceaux, profitant de l'hospitalité des nantis et du confort de leurs châteaux. Mais, pris par l'ambiance, quelques semaines plus tard, il récidive. Le 16 mai 1717, il est envoyé à la Bastille par lettre de cachet. Il a 23 ans. Il y restera 11 mois.
Succès littéraires: Oedipe et la Henriade
A sa sortie, conscient d'avoir jusque là gaspille son temps et son talent, il veut donner un nouveau cours à sa vie, et devenir célèbre dans les genres les plus nobles de la littérature de son époque, la tragédie et la poésie épique. Il adopte le patronyme de Voltaire, anagramme selon l'hypothèse la plus couramment admise, d'Arouet ( le jeune) la calligraphie de l'époque autorisant la transformation du u en v et du j en i. Le 18 novembre 1718, sa pièce Oedipe, obtint un immense succès ( 45 représentations plus 4 au palais-Royal, nombre de spectateurs évalué à 25000). Le public, qui voit en lui un nouveau Racine, aime ses vers en forme de maximes et ses allusions impertinentes au roi défunt et à la religion. ( "Nos prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense/ notre crédulité fait toute leur science" acte IV, scène I.) Ses talents de poètes mondain triomphent dans les salons et les châteaux. Il devient l'intime des Villars qui le reçoivent dans leur château de Vaux et l'amant de m. de Bernières, épouse du président à portier du parlement de Rouen. Après l'échec d'une deuxième tragédie, écrite pendant un bref exil à Sully ( on lui reproche à nouveau, mais cette fois à tort, de faire circuler une nouvelle satire contre le Régent.), il connait un nouveau succès en 1723 avec la Henriade, poème épique ( 4300 alexandrins) dont le sujet est le siège de paris par Henri IV et qui trace le portrait d'un souverain idéal, ennemi de tous les fanatismes: 4000 exemplaires vendus en quelques semaines ( soixante éditions successives du vivant de l'auteur.)

La querelle avec le chevalier de Rohan


En janvier 1726, il subit une humiliation qui va le marquer toute sa vie. Le chevalier Rohan-Chabot, jeune gentilhomme arrogant, descendant d'une des plus anciennes familles du royaume, l'apostrophe à la Comédie Française: "Monsieur de Voltaire, Monsieur Arouet, comment vous appelez-vous?". Sa répliqueest cinglante: "Voltaire! Je commence mon nom et vous finissez le vôtre." Quelques jours plus tard, on le fait appeler alors qu'il dîne chez son ami le duc de Sully. Dans la rue, il est frappé à coups de gourdin par les laquais du chevalier qui surveille l'opération de son carrosse. Blessé, humilié, il veut obtenir réparation mais aucun de ses amis aristocrates ne prend son parti. Le duc de Sully refuse de l'accompagner chez le commissaire de police pour appuyer sa plainte. Il n'est pas question d'inquiéter un Rohan pour avoir fait rouer de coups un écrivain. "Nous serions bien malheureux si les poètes n'avaient pas d'épaules." dit un parent de Caumartin. Le prince de Conti fait un mot sur les coups de bâton:" ils ont été bien reçus mais mal donnés." Voltaire veut venger son honneur par les armes mais son ardeur à vouloir se faire rendre justice indispose tout le monde. Les Rohan obtiennent que l'on procède à l'arrestation de Voltaire qui est conduit à la Bastille le 17 avril. Il n'est libéré, deux semaines plus tard, qu'à la condition qu'il s'exile.


L'exil anglais


Il choisit la Grande-Bretagne de 1726 à 1729, où il découvre la philosophie de John Locke, les théories scientifiques d'Isaac newton et la caractéristique de la monarchie britannique, dont il assurera la vulgarisation en France quand les Lettres philosophiques.

En 1730, poursuivi pour certaines de ses œuvres, il va chercher refuge en Normandie chez son condisciple et ami, l'académicien le Cornier de Cideville.

Vie de cour


Voltaire partage la vie d'Emilie du Châtelet au château de Cirey, il fait quelques passages à la cour de Lunéville sous le règne de Stanislas Leszczynski, duc de Lorraine, puis rentre à Paris, où il mène une carrière de courtisan avant de tomber en disgrâce.


Ce n'est qu'en 1750 qu'il se rend à la cour de Frédéric II à Berlin, où l'attend une position brillante, la clef de chambellan et un traitement considérable. Le roi et le philosophe se lient d'amitié, le premier pratiquement parfaitement le français. Mais les deux amis ne peuvent dissimuler longtemps leurs traits principaux, l'un son humeur altière et son habitude d'être obéi, l'autre sa supériorité intellectuelle et son esprit piquant. La brouille est inévitable, et , en 1753, une querelle de Voltiare avec Maupertuis, que soutient le roi, précipité la rupture, et Voltaire quitte la Prusse. L'ouvrage le plus important qu'il publie pendant son séjour à Berlin est Le siècle de Louis XIV.


De Genève à Ferney


En 1755, il s'installe aux "délices", près de Genève. Enfin, en 1758, il achète un domaine à Ferney, dans le pays de Gex, et Tournay, en territoire français, mais sur la frontière franco-genevoise ( Genève est alors un état indépendant). Il va aménager la région, bâtir, planter, semer et développer l'élevage. En compagnie de M Denis, sa nièce, gouvernant et compagne, il fait vivre un millier de personnes, se fait agriculteur, architecte, fabricant de montres et de bas de soie. Avec son sens de la formule, il résume l'entreprise: "Un repaire de 40 sauvages est devenu une petite ville opulente habitée par 1200 personnes utiles". Voltaire n'est plus seulement l'homme le plus célèbre de son époque: il est devenu un mythe. De Saint-Pétersbourg à Philadelphie, on attend ses publications comme des oracles. Artistes, savants, princes, ambassadeurs ou simples curieux se rendent au pèlerinage à Ferney chez cet "aubergiste de l'Europe".


En 1778, il revient à paris: le peuple de la capitale l'accueille avec un tel enthousiasme que certains historiens voient dans cette journée du 30 mars "la première des journées révolutionnaires".


Deux mois avant sa mort, le 7 avril 1778, il devient franc-maçon dans la loge parisienne des "neuf soeurs". Il est possible que Voltaire ait été franc-maçon avant cette date, mais il n'en existe aucune preuve formelle.


Il meurt à Paris le 30 mai 1778. Le 28 février 1778, quatre mois avant sa mort, il déclarait dans une lettre à son secrétaire Vagnière, qui l'a pieusement conservée:" Je meurs en adorant Dieu, en aimant mes amis, en ne haïssant pas mes ennemis, en détestant la superstition."


Ses cendres sont transférées au Panthéon de paris le 11 juillet 1791 après une cérémonie grandiose. Par un hasard de l'histoire, sa tombe se trouve en face de celle de jean-Jacques Rousseau, qu'il n'appréciait guère.


Voltaire et les femmes


La vie et l'oeuvre de Voltaire dévoilent une place intéressante accordée aux femmmes. Plusieurs de ses pièces sont entièrement dédiées aux vies exceptionnelles des femmes ( de pouvoir) de civilisations orientales. Cette vision des femmes au pouvoir peut éclairer l'attachement de Voltaire à une femme savante comme Emilie du Châtelet.


Les femmes dans la vie de Voltaire: une seule femme, il l'a dit lui-même, lui avait fait perdre quelques heures dans sa jeunesse: c'était M de Villars. Son amitié avec M du Châtelet ne fit que le pousser au travail: elle avait le goût des mathématiques, il se livra avec elle à l'étude des sciences, de l'astronomie...Ils s'enfermèrent ensemble dans une charmante vallée entre Lorraine et Champagne, au château de Cirey et y restèrent treize ans, c'est-à-dire jusqu'à la mort de M du Châtelet. Mais il y eut pour Voltaire plus que la mort d'une compagne: il sut à ses derniers moments qu'elle aimait Jean-François de Saint-Lambert ( in Voltaire à Ferney de Eugène Noel- imprimé par Brière à Rouen - 1867).


Les différentes périodes de la vie de Voltaire étaient plus ou moins rythmées par la présence des femmes. Voltaire a été pendant de nombreuses années l'amant d'Emilie du Châtelet. Puis, c'est sa nièce Marie Louise Denis qui l'accompagnait à Ferney.


Oeuvre


Voltaire a mené une carrière d'homme de lettres que ce soit dans le domaine de la poésie ou dans celui du théâtre. C'est d'ailleurs pour ses pièces qu'il souhaitait être reconnu de la postérité. Si aujourd'hui elles sont tombées dans l'oubli, elles ont toutefois fait partie du répertoire théâtral durant presque deux siècles. Parmi la soixantaine de pièces qu'il écrivit, l'histoire littéraire a retennu notamment Zaire ( 1732), Adelaide du Guesclin ( 1734 ) , Alzire ou les Américains ( 1736 ), Mahomet ou le fanatisme ( 1741 ), La Mérope francaise ( 1743 ), Sémiramis ( 1748), Nanine ou le préjugé vaincu ( 1749), Le duc de foix ( 1752 ), l'Orphelin de la Chine ( 1755), le café ou l'écossaise (1760), Tancrède ( 1760), Les scythes (177) ou encore les lois de Minos (1774). Les aspects exotiques de certaines pièces sont inspirés des lettres édifiantes et curieuses dont il était un lecteur avide. Il fut du reste consideré, en son siècle, comme le successeur de Corneille et de Racine, parfois même leur triomphateur; ses pièces eurent un immense succès, et l'auteur connut la consécration en 1778 lorsque, sur scène de la comédie-française, son buste fut couronné de lauriers, devant un parterre enthousiaste.

Voltaire a collaboré quelquefois avec Rameau pour des oeuvres lyriques: le projet commun le plus ambitieux ( l'opéra sacré Samson) finit par être abandonné sans être représenté, condamné par la censure ( 1733- 1736). Il y eut ensuite (1745) une comédie ballet, La princesse de Navarre et un opéra-ballet, le temple de la gloire de l'époque où Voltaire était encore courtisan.

La correspondance de Voltaire constitue une partie importante et conséquente de sa production écrite. Sont recensées 23 000 lettres et il est considéré comme l'un des épistoliers les plus prolifiques de son siècle. Sa correspondance révèle plusieurs facettes peu connues de sa personnalité. il entretenait de longues correspondances avec des contemporains, telle la salonnière du Deffand.

Voltaire est surtout lu aujourd'hui pour ses contes. Candide, Zadig, entre autre font partie des textes incontournables du XVIII° siècles et occupent une place de choix au sein de la culture française.

Sa morale:

Le libéralisme:

Dans la pensée du philosophe anglais John Locke, Voltaire trouve une doctrine qui s'adpate parfaitement à son idéal positif  et utilitaire. John Locke apparait comme le défenseur du libéralisme en affirmant que le pacte social ne supprime pas les droits naturels des individus. En outre, c'est l'expérience seule qui nous instruit; tout ce qui la dépasse n'est qu'hypothèse; le champ du certain coincide avec celui de l'utile et du vérifiable. Voltaire tire de cette doctrine la ligne directrice de sa morale: la tâche de l'homme est de prendre en main sa destinée, d'améliorer sa condition, d'assurer, d'embellir sa vie par la science, l'industrie, les arts et par une bonne "police" des sociétés. Ainsi, la vie en commun ne serait pas possible sans une convention où chacun trouve son compte. Bien que s'exprimant par des lois particulières à chaque pays, la justice, qui assure cette convention, est universelle. Tous les hommes sont capables d'en concevoir l'idée, d'abord parce que tous sont des êtres plus ou moins raisonnaibles, ensuite parce qu'ils sont tous capables de comprendre que ce qui est utile à la société est utile à chacun. La vertu, "commerce de bienfaits", leur est dictée à la fois par le sentiment et par l'intérêt. Le rôle de la morale, selon Voltaire, est de nous enseigner les principes de cette "police" et de nous accoutumer à les respecter.

Le déisme:

Etranger à tout esprit religieux , Voltaire se refuse cependant à l'athéisme d'un Diderot ou d'un Holbach . Il ne cessa de répéter son fameux distique:

"L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer
Que cette horloge existe et n'ait point d'horloger."

Ainsi, selon Voltaire, l'ordre de l'univers peut-il nous faire croire à un éternel géomètre. Toutefois, s'il reste attaché au déisme, il dénonce comme dérisoire le providentialisme ( dans Candide par exemple) et repose cette question formulée dès saint Augustin et qu'il laisser sans réponse: " pourquoi existe-t-il tant de mal, tout étant formé par un Dieu que tous les théistes se sont accordés à nommer bon?"

On lui attribue par ailleurs aussi cette phrase: "Nous pouvons, si vous le désirez, parler de l'existence de Dieu, mais comme je n'ai pas envie d'être volé ni égorgé dans mon sommeil, souffrez que je donne au préalable congé à mes domestiques."

L'humanisme

Toute l'oeuvre de Voltaire est un combat contre le fanatisme et l'intolérance et cela dès la Henriade en 1723. "on entend par fanatisme une folie religieuse, sombre et cruelle. C'est une maladie qui se gagne comme la petite vérole." Dictionnaire philosophique, 1764, article fanatisme.

Il a en tout cas lutté contre le fanatisme, celui de l'église catholique comme celui du protestantisme, symboles à ses yeux d'intolérance et d'injustice. Tracts, pamphlets, tout fut bon pour mobiliser l'opinion publique européenne. Il a aussi misé sur le rire pour susciter l'indignation: l'humour, l'ironie deviennent des armes contre la folie meurtrière qui rend les hommes malheureux. Les ennemis de Voltaire avaient d'ailleurs tout à craindre de son persiflage, mais parfois les idées nouvelles aussi. Quand en 1755, il reçoit le "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes de Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, qui désapprouve l'ouvrage, répond en une lettre aussi habile qu'ironique:

"J'ai reçu, monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain, je vous remercie. [...] On n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous rendre bêtes; il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. Cependant, comme il y a plus de soixante ans que j'en ai perdu l'habitude, je sens malheureusement qu'il m'est impossible de la reprendre et je laisse cette allure naturelle à ceux qui en sont plus dignes que vous et moi.[...](" Lettre à Rousseau, 30 août 1755)

Le "patriarche de Ferney" représente éminemment l'humanisme militant du XVIII° siècles. Comme l'a écrit Sainte-Beuve: "[...]tant qu'un souffle de vie l'anima, il eut en lui ce que j'appelle le bon démon: l'indignation et l'ardeur. Apôtre de la raison jusqu'au bout, on peut dire que Voltaire est mort en combattant."

Sa correspondance compte plus de 23 000 lettres connues tandis qu'il laisse à la postérité un gigantesque Dictionnaire philosophique qui reprend les axes principaux de son oeuvre, une trentaine de contes philosophiques et des articles publiés dans l'encyclopedie de Diderot et d'Alembert. De nos jours, son théâtre, qui l'avait propulsé au premier rang de la scène littéraire (Mérope, Zaïre et d'autres), ainsi que sa poésie (La Henriade, considérée comme la seule épopée française au XVIII siècles) sont oubliés.

C'est à Voltaire, avant tout autre, que s'applique ce que Condorcet disait des philosophes du XVIII siècle, qu'ils avaient " pour cri de guerre: raison, tolérance, humanité".

La Justice

Voltaire s'est passionné pour plusieurs affaires et s'est démené afin que justice soit rendue.
L'affaire Calas 1762
L'affaire Sirven 1764
L'affaire du chevalier de la Barre 1766
L'affaire Lally-Tollendal 1776

Ce combat est illustré par cette citation fameuse et pourtant apocryphe en 1906: 

"Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez droit de le dire."

A croire certains commentateurs ( Nobert Guterman, A book of french quotations, 1963), cette citation reposerait sur une lettre du 6 février 1770 à un abbé Le Riche où Voltaire dirait :"Monsieur l'abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire." En fait, cette lettre existe mais la phrase n'y figure pas, ni même l'idée.

En revanche, cette pseudo citation a sa source dans le passage suivant:

"J'aimais l'auteur du livre de l'Esprit Helvétius. Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble; mais je n'ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu'il débite avec emphase. J'ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l'ont condamné pour ces vérités même." (Questions sur l'encyclopedie, article Homme).

Son esthétique

La conception du goût en termes de sentiments a pu mener à une conception relativiste de l'art, légitimant l'adage populaire "des goûts et des couleurs, on ne discute pas". Cet adage signifie qu'une chose n'est jamais belle absolument ou selon des critères objectifs ( comme la symétrie ou les autres critères fondés sur les mathématiques, suivant la conception grecque de l'art et du canon), mais qu'elle est belle suivant la subjectivité toute personnelle de l'observateur. Il n'y a donc pas de débat rationnel et argumenté possible pour déterminer si une oeuvre d'art est belle ou pas. En effet, une émotion ou une sensation est toujours quelque chose d'intime, qui sera différent de l'émotion qu'un autre ressent. Si le "beau" se résume à un sentiment éprouvé face à l'oeuvre d'art ( ou face à une chose naturelle), le "beau" est une notion toute subjective.

Voltaire développe ce relativisme esthétique dans son article "Beau" du dictionnaire philosophique" (1764). Il s'en prend notamment à la conception platonicienne du Beau ( en termes d'intellectualité quasi-mystique). Il lui oppose une conception toute empirique et subjectiviste:

"Demandez à un crapaud ce qu'est la beauté, le grand beau, le tp kalon. Il vous répondra que sa crapaude avec deux gros yeux ronds sortant de sa petite tête, une gueule large et plate, un ventre jaune, un dos brun. Interrogez le diable; il vous dira que le beau est une paire de cornes, quatre griffes et une queue. Consultez enfin les philosophes, ils vous répondront par du galimatias; il leur faut quelque chose de conforme à l'archétype du beau en essence, au to kalon."

Il n'ya pas de plaisir artistique désintéressé, puisque l'on trouve beau ce que produit en nous du plaisir, y compris l'excitation sexuelle ( suivant l'exemple voltarien de l'attirance sexuelle entre le crapaud et sa femelle).

Le beau est donc un sentiment de plaisir, et non un concept intellectuel d'harmonie:

"[...] pour donner à quelques chose le nom de beauté, il faut qu'elle vous cause de l'admiration et du plaisir. Il convint que cette tragédie lui avait inspiré ces deux sentiments, et que c'était là le to kalon, le beau."

En conclusion, il est inutile de théoriser le beau comme si cétait un concept mathématique ou purement intellectuel ( à l'instar du nombre ou du triangle par exemple, qui sont des entités objectives et indépendantes de l'expérience: le beau est relatif, et le philosophe "[...]s'épargna la peine de composer un long traité sur le beau".


Aspects divers

Voltaire et l'argent

Voltaire est mort à la tête d'une immense fortune " un des premiers revenus de France, dit-on"

Il n'a guère abordé le sujet, et l'on considère qu'il a gardé le secret dans deux domaines: ses affaires, et ses amours avec sa nièce.

Voltaire et l'esclavagisme

Certains auteurs modernes, cherchant parfois à écorner l'image d'un Voltaire philanthrope et apôtre" des droits de la personne humaine désignent parfois Voltaire comme "esclavagiste". Ils s'appuient notamment sur le fait que Voltaire écrive, de manière ironique, dans son Essai sur les moeurs et l'esprit des Nations  :" Nous n'achetons des esclaves domestiques que chez les nègres; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l'acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité; celui qui se donne un maître était né pour en avoir".

Cependant, Voltaire a fermement condamné l'esclavagisme. Le texte le plus célèbre est la dénonciation des mutilations de l'esclave de Surinam dans Candide mais son corpus comporte plusieurs autres passages intéressants. Dans le "Commentaire sur l'esprit des lois" en 1777, il félicite Montesquieu d'avoir jeté l'opprobre sur cette odieuse pratique.

Il s'est également enthousiasmé pour la libération de leurs esclaves par les quakers de Pennsylvanie en 1769. 

De la même manière le fait qu'il considère en 1771 que "de toutes les guerres, celle de Spartacus est la plus juste, et peut-être la seule juste", guerre que des esclaves ont mené contre les oppresseurs, plaide assurément  en faveur de la thèse d'un Voltaire antiesclavagiste.

Lors des dernières années de sa vie, en compagnie de son avocat et ami Christin, il a lutté pour la libération des "esclaves" du Jura qui constituaient les derniers serfs présents en France et qui, en vertu du privilège de la main-morte, étaient soumis aux moines du chapitre de Saint-Claude (Jura). C'est un des rares combats politiques qu'il ait perdu; les serfs ne furent affranchis que lors de la Révolution Française  , dont Voltaire inspira certains des principes.

A tort, on a souvent prétendu que Voltaire s'était enrichi en ayant participé à la traite des noirs. On invoque à l'appui de cette thèse une lettre qu'il aurait écrite à un négrier de Nantes pour le remercier de lui avoir fait gagner 600 000 livres par ce biais. En fait, cette prétendue est un faux.

Voltaire et l'Islam

Déiste, Voltaire était attiré par la rationalité apparente de l'Islam, "religion sans clergé, sans miracle et sans mystères". Reprenant la thèse déiste de Henri de Boulainvilliers, il apercevait dans le monothéisme musulman une conception plus rationnelle que celle de la trinité chrétienne.

Jusque dans le milieu des années 40, notamment dans sa tragédie, le Fanatisme ou Mahomet, Voltaire considère Mahomet comme "un imposteur", un "faux prophète" , un "fanatique" et un "hypocrite". Toutefois, selon Pierre Milza, la pièce a surtout été " un prétexte à dénoncer l'intolérance des chrétiens - catholiques de stricte observance, jansénistes, protestants- et les horreurs perpétrées au nom du Christ". Pour Voltaire, Mahomet "n'est ici autre chose que Tartuffe les armes à la main". Voltaire écrira aussi en 1742 dans une lettre de M de Missy: " Ma pièce représente, sous le nom de Mahomet, le prieur des Jacobins mettant le poignard à la main de Jacques Clément". Plus tard, après avoir lu Henri de Boulainvilliers et Georges Sale, il reparle de Mahomet et de l'islam dans un article " De l'alcoran et de Mahomet" publié en 1748 à la suite de sa tragédie. Dans cet article, Voltaire maintient que Mahomet fut un "charlatan" mais "sublime et hardi" et écrit qu'il n'était pas en outre un illettré.
Puisant aussi des "jugements assez favorable sur le Coran" ou il y trouve, malgré "les contradictions, les absurdités, les anachronismes", une "bonne morale" et "une idée juste de la puissance divine" et y "admire surtout la définition de Dieu". Ainsi il "concède désormais" que "si son livre est mauvais pour notre temps et pour nous, il était fort bon pour ses contemporains, et sa religion si simple et si sage, enseignée par un homme toujours victorieux, ne subjuguât pas une partie de la terre". Il considère que "ses lois civiles sont bonnes; son dogme est admirable en ce qu'il a de conforme avec le nôtre" mais que "les moyens sont affreux; c'est la fourberie et le meurtre".
Après avoir reconnu plus tard qu'il avait fait dans sa pièce Mahomet "un peu plus méchant qu'il n'était" , c'est dans la biographie de Mahomet rédigée par Henri de Boulainvilliers que Volteire puise et emprunte, selon René Pomeau, "les traits qui révèlent en Mahomet le grand homme". Ainsi, à partir des années 1750 st surtout dans l'islam, Voltaire "porte un jugement presque entièrement favorable" sur Mahomet qu'il qualifie de "poète" , de "grand homme" à l'image d'Alexandre le Grand qui a " changé la face d'une partie du monde" nuançant la sincérité du prophète qui imposa sa foi par "des fourberies nécessaires". Il considère que le législateur des musulmans, homme puissant et terrible, établit ses dogmes par son courage et par ses armes", sa religion devint cependant "indulgente et tolérante". La dernière phrase de Voltaire sur l'Islam se situe en 1772 dans "il faut prendre un parti" où il décrit la religion musulmane comme "sage", "sévère", "chaste", "humaine" et "tolérante".






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