L’Echo
du Nord reçoit d’un officier qui a pris une part active à la
défense de Bitche quelques détails intéressants sur les faits qui
ont suivi l’abandon de cette petite place forte, la seule qui ait
résisté jusqu’à la paix à l’armée prussienne. L’article 9
de la convention signée le 11 mars dernier, entre les autorités
françaises et allemandes, pour le retour des prisonniers en France,
portait :
«
La garnison de Bitche sortira immédiatement de cette place avec les
honneurs de la guerre. Elle emportera avec elle ses armes, bagages,
matériel, et les archives se rapportant à la forteresse même. La
garnison sera transportée en chemin de fer à Lunéville, et de
cette ville au-delà des districts occupés par l’armée allemande.
Le
15 mars, un ordre du colonel Tessier, commandant la place de Bitche,
était porté à la connaissance de la garnison. Le voici :
Officiers,
sous-officiers et soldats de la garnison, vous êtes appelés à vous
réunir aujourd’hui, à une heure de l’après-midi, au camp
retranché, pour recevoir des délégués de Bitche un drapeau qui
vous est offert par les habitants de la ville, et que leurs filles
ont voulu broder de leurs mains.
Ce
drapeau, glorieux témoignage de votre courage et de votre patience
pendant les sept mois de siège et de blocus de la place, sera
présenté au chef de l’Etat, auquel je demanderai qu’il soit
déposé au Musée d’artillerie, jusqu’au jour où il pourra être
rapporté ici, par une armée française valeureuse et triomphante.
C’est
un gage que la France voudra restituer un jour à une population si
malheureuse, aussi dévouée et si éminemment française de coeur et
d’âme, sur laquelle le joug de l’étranger va s’appesantir.
Conservons
tous le souvenir de cette cérémonie touchante, pour le faire passer
au besoin comme une tradition vivante et ineffaçable dans le coeur
de nos enfants. Après réception du drapeau, la garnison défilera
devant MM. les délégués de la ville et rentrera sans s’arrêter
dans ses logements.
Une
compagnie du 54e de marche, casernée au château, reconduira le
drapeau chez le commandant de la place, où il restera déposé en
attendant les dispositions à prendre pour le départ de la garnison.
Bitche,
le 15 mars 1871.
Le
lieutenant-colonel commandant la place.
TESSIER.
En
conformité de cet ordre, toute la garnison était sous les armes à
une heure. M. Lamberton, chef de la municipalité, arriva avec le
drapeau, suivi de la garde nationale, des mobilisés de la ville, et
le remit entre les mains du colonel Tessier. « Je vous offre ce
drapeau, dit M. Lamberton, travail de nos enfants. En vous serrant
les mains au nom de toute notre population si française par le
coeur, je ne vous dis adieu, mais au revoir. »
En
prononçant ces paroles, M. Lamberton sanglotait.
Le
colonel Tessier remercia chaleureusement au nom de la garnison ; puis
le défilé commença aux cris de « Vive la république ! Vive
Bitche ! » Toute la population était là et il pleurait.
Je
suis rentré chez moi le coeur navré, nous dit notre correspondant,
en admirant cette héroïque population qui ne craint pas, à la
veille de voir l’ennemi entrer dans ses murs pour la
dénationaliser, de manifester ses sentiments français d’une
manière aussi digne et aussi catégorique. »
Sur
le drapeau offert à la garnison de Bitche se lit cette simple
inscription : « La ville de Bitche à ses défenseurs, 5 août 1870,
12 mars 1871. » Voilà deux dates qui seront l’éternel honneur
des habitants de Bitche et de ses énergiques défenseurs. La ville
de Bitche, petite localité qui compte à peine 3 000 habitants, a eu
pendant le siège 103 maisons et 25 granges complètement détruites,
presque toutes les autres maisons ont été atteintes par les obus,
et tous les bâtiments du fort, y compris le château, ont été
brûlés ou détruits par les projectiles.
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