samedi 21 juillet 2018

Journal de la Commune


L’Echo du Nord reçoit d’un officier qui a pris une part active à la défense de Bitche quelques détails intéressants sur les faits qui ont suivi l’abandon de cette petite place forte, la seule qui ait résisté jusqu’à la paix à l’armée prussienne. L’article 9 de la convention signée le 11 mars dernier, entre les autorités françaises et allemandes, pour le retour des prisonniers en France, portait :
« La garnison de Bitche sortira immédiatement de cette place avec les honneurs de la guerre. Elle emportera avec elle ses armes, bagages, matériel, et les archives se rapportant à la forteresse même. La garnison sera transportée en chemin de fer à Lunéville, et de cette ville au-delà des districts occupés par l’armée allemande.
Le 15 mars, un ordre du colonel Tessier, commandant la place de Bitche, était porté à la connaissance de la garnison. Le voici :
Officiers, sous-officiers et soldats de la garnison, vous êtes appelés à vous réunir aujourd’hui, à une heure de l’après-midi, au camp retranché, pour recevoir des délégués de Bitche un drapeau qui vous est offert par les habitants de la ville, et que leurs filles ont voulu broder de leurs mains.
Ce drapeau, glorieux témoignage de votre courage et de votre patience pendant les sept mois de siège et de blocus de la place, sera présenté au chef de l’Etat, auquel je demanderai qu’il soit déposé au Musée d’artillerie, jusqu’au jour où il pourra être rapporté ici, par une armée française valeureuse et triomphante.
C’est un gage que la France voudra restituer un jour à une population si malheureuse, aussi dévouée et si éminemment française de coeur et d’âme, sur laquelle le joug de l’étranger va s’appesantir.
Conservons tous le souvenir de cette cérémonie touchante, pour le faire passer au besoin comme une tradition vivante et ineffaçable dans le coeur de nos enfants. Après réception du drapeau, la garnison défilera devant MM. les délégués de la ville et rentrera sans s’arrêter dans ses logements.
Une compagnie du 54e de marche, casernée au château, reconduira le drapeau chez le commandant de la place, où il restera déposé en attendant les dispositions à prendre pour le départ de la garnison.
Bitche, le 15 mars 1871.
Le lieutenant-colonel commandant la place.
TESSIER.


En conformité de cet ordre, toute la garnison était sous les armes à une heure. M. Lamberton, chef de la municipalité, arriva avec le drapeau, suivi de la garde nationale, des mobilisés de la ville, et le remit entre les mains du colonel Tessier. « Je vous offre ce drapeau, dit M. Lamberton, travail de nos enfants. En vous serrant les mains au nom de toute notre population si française par le coeur, je ne vous dis adieu, mais au revoir. »
En prononçant ces paroles, M. Lamberton sanglotait.
Le colonel Tessier remercia chaleureusement au nom de la garnison ; puis le défilé commença aux cris de « Vive la république ! Vive Bitche ! » Toute la population était là et il pleurait.
Je suis rentré chez moi le coeur navré, nous dit notre correspondant, en admirant cette héroïque population qui ne craint pas, à la veille de voir l’ennemi entrer dans ses murs pour la dénationaliser, de manifester ses sentiments français d’une manière aussi digne et aussi catégorique. »
Sur le drapeau offert à la garnison de Bitche se lit cette simple inscription : « La ville de Bitche à ses défenseurs, 5 août 1870, 12 mars 1871. » Voilà deux dates qui seront l’éternel honneur des habitants de Bitche et de ses énergiques défenseurs. La ville de Bitche, petite localité qui compte à peine 3 000 habitants, a eu pendant le siège 103 maisons et 25 granges complètement détruites, presque toutes les autres maisons ont été atteintes par les obus, et tous les bâtiments du fort, y compris le château, ont été brûlés ou détruits par les projectiles.

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