samedi 30 septembre 2017

Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (14)




URBAIN. Je ne permets pas qu’on dise qu’il a jugé des lâches.

VALLÈS parle contre la clôture. «Je crois que l’on va prendre une décision trop rapidement et dangereuse. Je suis contre la Cour martiale, mais je voudrais que l’on s’y prît d’une autre façon pour la supprimer. Je voudrais que l’on pût trouver un biais, en disant par exemple: «Les conseils de guerre étant établis, la Cour martiale est abolie.»

ALLIX dit que sa proposition est précisément conçue dans ce sens et en réclame la lecture.

DEREURE. Nous sommes allés ce matin au ministère de la Guerre. Nous avons parlé à Cluseret du jugement relatif au 105e et nous lui avons dit que l’on ne doit pas traiter des gardes nationaux comme des soldats; mais, cependant, je crois qu’il faut éviter de jeter des entraves dans les affaires du genre de celle-ci. Je demande que l’on institue, ce soir même, un Conseil de révision, qui reverra toutes les affaires, et que l’on procède de suite à la formation des conseils de guerre.

CHARDON. Si vous ne faites pas marcher la Garde nationale, en prenant certaines mesures, Dombrowski donnera sa démission.

(Bruit.)

PARISEL. C’est vous qui empêcherez de marcher la Garde nationale.

(La clôture!)

UN MEMBRE. On a toujours le droit de réviser un jugement de Cour martiale et voici comment conclut la Commission: «La Commission est d’avis… [manque].» Telles sont les conclusions. On peut trouver le moyen de rester dans la légalité, en évitant un conflit.

LE PRÉSIDENT. J’invite le rapporteur à relire les conclusions du rapport.

CLÉMENCE. Les voici: «En conséquence nous vous proposons... [manque (la création de conseils de guerre dans ?)] 20 arrondissements.»

(Appuyé! Aux voix!)

SICARD. Des amendements sont proposés; je demande que, selon l’usage, on les mette aux voix avant l’adoption des conclusions du rapport.

UN MEMBRE. Si l’on obtenait de la Commission quelques changements à ses conclusions, on pourrait satisfaire tout le monde: le 105e bataillon, le peuple de Paris et la Garde nationale.

LE PRÉSIDENT. Voici l’amendement Parisel et Sicard: «Une Commission nommée par la Commune aura à statuer immédiatement sur les jugements prononcés par la Cour martiale.»

Les conclusions de la Commission, amendées par le projet Parisel, sont mises aux voix.

VALLÈS croit que les porteurs de propositions se rallieront à ceci: « La Commission aura à statuer sur les jugements rendus et la Cour martiale sera abolie.»

Les conclusions de la Commission, avec l’amendement Parisel, sont adoptées.

CHARDON demande qu’il n’y ait pas d’habitants du VIIe arrondissement [dans la commission de révision].

JOHANNARD. J’entends une allusion très vive contre Rossel. Je viens de le voir. Il nous a dit: «J’ai considéré la Cour martiale comme un tribunal exclusivement militaire. Du moment qu’il prend un caractère politique, je me retire.» Il a jugé en soldat et il a condamné des lâches en militaire.

URBAIN. Je ne permets pas qu’on dise qu’il a jugé des lâches.

JOHANNARD. Je vous rapporte ce qu’il m’a dit.

RASTOUL. Je demande la parole pour une motion d’ordre.

VALLÈS. La Commission de justice sera là dans son rôle.

LANGEVIN. Je demande la parole, comme faisant partie de la Commission de Justice. J’ai voté contre la proposition: je ne reconnais pas à la Commune le droit de se faire juge, la Commune n’est pas un tribunal.

VALLÈS. Elle n’est que cela.

RASTOUL. C’est un conflit entre la Commune et la Guerre.

Discussion sur les noms des membres qui doivent faire partie de la Commission.

RASTOUL demande la parole pour un rappel au règlement:
« Avant de voter sur une proposition, on doit d’abord statuer sur les conclusions du rapport.»

LE PRÉSIDENT répond qu’il n’y a pas eu violation de règlement.

les conclusions du rapport ayant été votées, avec un amendement du citoyen Parisel.

On procède à la nomination de la Commission des cinq membres, qui devront réviser les jugements de la Cour martiale. Sont nommés les citoyens : V. CLÉMENT, DEREURE, LONGUET, Léo MEILLET et Jules VALLÈS.

VÉSINIER ne prend pas part au vote parce qu’il ne reconnaît pas à la Commune le pouvoir législatif.




Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (13)




RASTOUL. J’en demande la dissolution immédiate et aussi la mise en liberté des condamnés.

CHARDON. Non seulement les officiers n’ont pas engagé leurs hommes à sortir, mais ils les ont empêchés de sortir, ont mis la baïonnette au canon et sont venus conduire leur Chef de légion à la Mairie. Ce n’est pas tout: le lendemain, on bat le rappel dans l’arrondissement; les hommes se présentent, on leur fait la distribution, puis ils retournent chez eux. Je vous pose cette seule question: «Étaient-ils coupables, oui ou non?» Le jour où la Cour martiale a été formée, on a dit qu’elle fonctionnerait jusqu’à ce que les conseils de guerre soient formés dans cette légion; on ne m’a pas consulté pour en faire partie. Je déclare que, dans ces conditions, je donne ma démission. Si j’ai accepté de faire partie de la Cour martiale, c’est parce que j’ai pensé que ma conscience m’y autorisait. Je maintiens ma démission de membre de cette Cour.

RASTOUL. J’en demande la dissolution immédiate et aussi la mise en liberté des condamnés.

(Non! Si! Bruit.)

RASTOUL. Voici les motifs qui me poussent à faire cette demande. La Cour martiale s’est nommée elle-même; c’est Cluseret qui en a choisi les membres.

UN MEMBRE. La Commune l’a su.

RASTOUL. Elle a eu tort d’accepter une institution non créée par elle. Ensuite, la Cour martiale a arrêté, jugé et condamné, après s’être nommée elle-même. Il y a là une accumulation de pouvoir monstrueuse. Si de son côté, l’Administration de la Guerre était bien organisée et qu’on ne pût pas lui reprocher des faits scandaleux, tels que l’envoi de ce bataillon au feu sans vivres et sans munitions, je comprendrais qu’elle fût très sévère pour des coupables; mais le plus coupable ici, c’est peut-être le délégué à la Guerre.

(Mouvements divers.)

CLÉMENCE. La question est excessivement grave, parce que, si d’un côté, on a à prendre en considération que nous sommes en face de la Garde nationale, de pères de famille, pour lesquels il faut montrer de l’indulgence, d’un autre côté, il y a la discipline militaire à sauvegarder. Mais enfin! La Commune a institué la Cour martiale…

PLUSIEURS VOIX. Ce n’est pas la Commune! Elle a subi la nécessité.

RASTOUL. Je proteste.
CLÉMENCE. Enfin, Cluseret a nommé la Cour martiale, et la Commune a ratifié cette institution par son silence. Vous aviez donc là un tribunal suprême, chargé de juger, en attendant la formation des conseils de guerre d’arrondissement. Si la Cour martiale a fonctionné si longtemps, c’est peut-être la faute des membres de la Commune, qui font partie des municipalités. Si vous dissolvez la Cour martiale, vous portez une grave atteinte à l’autorité militaire; il y a lieu de réviser les procès de la Cour martiale, où fonctionnent certains membres que je ne voudrais pas y voir. Il faut en arriver à la conciliation. Nommez des conseils de guerre dans vos arrondissements, et, dans trois jours, il n’y aura plus de Cour martiale.

SICARD reprend sa discussion d’hier, mais au préalable il tient à établir ceci. «Le 105ebataillon était à Châtillon, et les officiers, que vous avez condamnés, étaient les seuls à retenir leurs hommes, quand les autres voulaient les faire retirer. »

URBAIN. Citoyens, j’avais renoncé à mon tour de parole; dans le commencement, je craignais d’aller trop loin. Le citoyen Chardon vous a raconté ce qui s’est passé dans ce procès; comme j’ai été acteur dans la chose, je puis en dire quelques mots. Le 105e bataillon partait avec son chef. La question personnelle a été soulevée par le citoyen Chardon, qui vient de faire un rappel à mon témoignage devant la Cour martiale. Devant la justice, j’ai témoigné de ce que j’avais vu et, devant vous, je témoigne du fait tout entier. Si les témoignages qui se sont produits à la Cour ne sont pas le résultat d’une vaste conspiration contre le colonel, je dis que les gardes nationaux n’étaient pas coupables; j’ajouterai que ce bataillon s’est battu le 14 avril avec bravoure, qu’il s’est encore battu le 15 et le 16, et puis que, ce jour-là; c’est moi-même qui l’ai conduit.

VOIX. Signalez seulement les illégalités.

URBAIN. Je m’en tiendrai à ce point. Notez bien que les juges n’étaient pas en nombre pour rendre leur jugement. Le président de la Cour était dans une situation qui ne lui permettait pas de siéger.

LONGUET. Je n’ai qu’un mot à dire. On m’apporte tous les jours les comptes rendus de la Cour martiale, Il m’est impossible de les insérer tels quels, et je vais vous signaler une phrase que j’ai changée. Notez bien que les journaux réactionnaires publient les comptes rendus de cette Cour in extenso, se contentant de les faire suivre de quelques réflexions significatives, voici la phrase. Le citoyen Rossel posait une question:
«Pourquoi vouliez-vous que vos hommes ne marchassent pas?
— R. Ils n’avaient pas de vivres.
« — D. Ainsi c’est toujours la même chose; les hommes ne veulent pas marcher, parce qu’ils n’ont pas de vivres, non seulement pour le présent, mais pour l’avenir. La Fédération aurait de grandes choses à faire.»
C’est la Fédération tout entière qui a été mise en cause: on en a fusillé pour avoir dit beaucoup moins que cela. Rossel est, je pense, un très honnête homme, mais il manque entièrement d’esprit politique.

On demande la clôture.

URBAIN déclare se rattacher à la proposition Sicard.

CLÉMENCE insiste pour que la parole soit donnée au citoyen Dereure.

(La clôture ! La clôture !)
(À suivre.)






Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (12)




URBAIN. Il n’y en a qu’un qui méritait la peine capitale…

LANGEVIN. Je maintiens les conclusions du rapport. On a parlé tout à l’heure contre ces conclusions à cause de la portée politique qu’elles pourraient avoir; c’est précisément à cause de cette portée politique que je les adopte. La Commission n’avait pas à réformer le jugement qui a été rendu, mais bien à rechercher si ce jugement ne pouvait pas être entaché d’illégalité. Eh! bien, nous avons remarqué que la Cour, qui se compose de six membres, n’en avait que cinq, quand elle a siégé dans l’affaire qui nous occupe. Quant à la condamnation en elle-même, le citoyen Chardon nous dit que plusieurs accusés ont été acquittés; c’est vrai, mais le jugement contient des considérants qui sont un blâme et une flétrissure que l’on ne doit pas infliger à des innocents.

CHARDON. Si on avait jugé selon la loi militaire, tous les accusés auraient dû subir la peine capitale.

URBAIN. Il n’y en a qu’un qui méritait la peine capitale; c’est justement celui qui a été protégé d’une façon aussi scandaleuse par le président de la cour; c’est le colonel Witt [Vicq]; dont l’ivrognerie a été constatée.

UN MEMBRE. Il est impossible que la Cour martiale continue d’exister.

LANGEVIN (continuant son discours). La question du nombre des juges est une question de majorité pour ou contre l’accusé, et, par conséquent, une atteinte portée aux garanties qui lui sont dues. Si donc je me rallie aux conclusions du rapport, c’est simplement au point de vue politique. Si vous adoptiez les conclusions Parisel et Urbain, cela produirait un très mauvais effet.

PARISEL ET URBAIN. Très bon au contraire!

LANGEVIN. Les arrondissements auraient dû constituer leurs conseils de guerre; cela aurait rendu inutile la création de la Cour martiale. Je demande que l’on nomme un Conseil de révision pour revoir les affaires.

CHARDON. Je comprends que les citoyens Parisel et Urbain défendent le 105e bataillon: c’est là un point d’honneur. Mais, comme je vous le disais tout-à-l’heure, si on avait jugé militairement, tous auraient encouru la peine capitale. Et pourquoi? parce que ce bataillon avait formellement refusé de marcher au feu. Comment! un commandant arrive sur la place, demandant du renfort par ordre de Dombrowski; le 105e était sur la place; on lui distribuait des vivres; on cesse la distribution; il part; arrivé aux portes, ce bataillon refuse de marcher en avant, il n’y a qu’un seul homme qui soit sorti…

VOIX. Et vous l’avez fait arrêter!
(À suivre.)




Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (11)



ALLIX. La Cour martiale est supprimée, voilà la décision à prendre.

CLÉMENT. Je me rallie à l’opinion du citoyen Parisel. Certainement, la pensée qui a inspiré la création d’une Cour martiale est une pensée de salut, son but est honorable, il est même louable. Mais je ne pense pas que la Cour puisse agir comme si elle avait devant elle des militaires. La Garde nationale demande, par la nature même de sa constitution, à être traitée d’une toute autre façon. Si la Cour martiale, en usant de sévérité, a cru remplir un but utile, elle s’est trompée. Je trouve même qu’elle a commis une imprudence. J’ai, en sortant de la Cour martiale, entendu dire: «Mais si on traite ainsi des républicains éprouvés, que fera-t-on donc aux réactionnaires?» Je ne veux mettre de passion nulle part dans la discussion; cependant, je ne puis m’empêcher de dire que la Cour martiale va contre le but que vous désirez atteindre. Depuis 60 ans, l’armée était organisée de façon qu’elle ne contenait que des célibataires, loin de leur famille et de leur département; mais il n’en est pas de même de la Garde nationale. Je suis certain qu’il suffirait de quatre à cinq jugements semblables pour que vous ne trouviez plus un seul garde national pour défendre Paris. Voudriez-vous les contraindre à vous défendre malgré eux? Ce serait un très mauvais moyen. J’ajoute que la Cour martiale ne peut exister qu’en état de siège; or, vous avez levé l’état de siège. La Cour martiale n’a donc plus de raison d’être.

CHARDON. Dissolvez-la.

CLÉMENT. Je ne savais pas que la Commune eût été consultée pour les Cours martiales. J’ai fait constituer, dans mon arrondissement, un Conseil de guerre. J’ai voulu me rendre compte de l’attitude de la Cour martiale, et, je vous le répète, votre jugement est impolitique, excessivement malheureux. J’ai entendu ces mêmes hommes dire: «Quoi, c’est ainsi qu’on traite les républicains! on nous fusillera, si l’on veut, mais nous ne voulons pas être ainsi traités.»

LE PRÉSIDENT lit le document suivant, signé Rossel: [manque]

URBAIN. Il est charmant.

VALLÈS demande qu’il soit statué sur cette affaire immédiatement.

LE PRÉSIDENT propose l’envoi de deux délégués.

GERESME. Je demande que la Commune nomme cinq membres. Il faut savoir s’il n’y a pas eu abus de pouvoir de Cluseret.

PLUSIEURS MEMBRES. Non, non, deux membres suffisent.

BABICK propose d’envoyer cette lettre à la Sûreté.

BILLIORAY demande que deux membres de la Commission militaire se transportent au ministère de la Guerre et tranchent la question.

RÉGÈRE. Delescluze vous les a dits, les motifs: il vous a dit que des désordres, des dilapidations s’étaient produits.

AVRIAL. Je regrette, citoyens, comme vous tous, qu’il se produise un acte arbitraire, mais le savez-vous? Éclairez-vous au préalable.

LE PRÉSIDENT. Les termes de la lettre me font supposer qu’il y a là un cas très grave.

LONGUET. Il ne faut pas discuter, il faut envoyer des délégués.

BILLIORAY propose la réponse par le télégraphe.

On vote.

Les citoyens JOHANNARD et HENRY FORTUNÉ sont nommés.

LE PRÉSIDENT. Le citoyen Avrial a la parole sur le rapport de la Commission de Justice.

AVRIAL. Il faut bien vous persuader que pas un seul jugement ne sera rendu par la Cour martiale sans qu’il soit suivi de protestations. Vous auriez la preuve évidente qu’un officier, condamné, a abandonné sa compagnie, que vous recevriez encore des protestations contre cette condamnation. De deux choses l’une: ou la Cour martiale a le droit d’exister, ou elle ne l’a pas. Si vous ne voulez pas juger militairement la Garde nationale, il faut supprimer la Cour martiale.

(Interruptions en sens divers.)

ALLIX. La Cour martiale est supprimée, voilà la décision à prendre.

(N’interrompez pas!)

AVRIAL. La Cour martiale étant instituée, elle a des peines à prononcer et elle juge militairement les délits ou les crimes, sans qu’il puisse y avoir de circonstances atténuantes, parce qu’en cette matière il ne peut pas y en avoir. Si vous voulez juger civilement ces crimes ou délits, alors supprimez la Cour martiale.

BRUNEL. Citoyens, j’ai présenté hier les faits relatifs au 105e, et je ne m’aperçois pas du tout que la Commission a fait un rapport sur le jugement. C’est à nous de le valider ou de l’invalider. Quels sont les faits qui ont motivé ce jugement? Ce bataillon devait partir, manquant de cartouches. Si nous étions dans une situation régulière et si on trouvait des cartouches partout, je dirais: oui, il avait tort; mais dans la situation actuelle, il avait raison. Puis, le Chef de légion n’avait peut-être pas pris toutes les dispositions nécessaires. Enfin, le président de la Cour martiale est le fils du commandant Rossel, qui avait commandé le 105eet avait été obligé de quitter ce commandement pour raison politique. Eh! bien, la plus simple délicatesse voulait que le président de la Cour martiale se récusât. Je le dis en terminant, la situation est très grave, tellement grave que le VIIe arrondissement est complètement en désarroi.
(À suivre.)

Dans le Cri du Peuple du 24 avril 1871 (extraits).

LE CRI DU PEUPLE
Journal politique quotidien
Rédacteur en chef: JULES VALLÈS
Lundi 24 avril 1871. Numéro 54.
Le numéro: Paris, 5 centimes – Départements, 10 centimes
Rédaction et administration 9, rue d’Aboukir
Bureaux de vente 9, rue d’Aboukir et 13, rue du Croissant

LA BATAILLE (suite)
Vers sept heures, la canonnade recommence sur toute la ligne. Ce soir les députés ruraux auront sur la conscience quelques victimes de plus. Vers onze heures, l’ennemi a été repoussé: les bataillons fédérés ont montré le plus grand courage. Leurs chefs ont dû les retenir et les ramener sur leurs positions.
LES DÉPARTEMENTS
Voici ce que raconte la Province au sujet des troubles de Bordeaux:
Le 17 avril, vers six heures et demie, des groupes bruyants et surexcités stationnaient sur le cours des Fossés, devant la caserne.
Le chef de poste ordonna à la sentinelle devant les armes, de dégager la porte. Cet ordre fut accueilli par des cris et des huées. Le capitaine adjudant-major ayant rassemblé le piquet dans la cour, les cris redoublèrent: cris sauvages poussés par des bandits ou des fous furieux. Des pierres et des pavés sont jetés contre les murs de la caserne et les fenêtres du premier étage; il ne reste pas une vitre à ces dernières. les hurlements: Mort aux officiers! Mort aux assassins! redoublent, émaillés des vociférations habituelles: Vive la ligne! à bas les chefs! vive la crosse en l’air!



Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (10)



Urbain. Ce bataillon a été flétri, outragé de la manière la plus indigne, j’ajouterai même de la façon la plus infâme, pour exprimer toute ma pensée, par le citoyen Rossel…

L’ordre du jour appelle le rapport de la Commission de justice sur les jugements rendus par la Cour martiale.
LE PRÉSIDENT. La parole est au rapporteur de la Commission de Justice.

Le citoyen CLÉMENCE donne lecture du rapport sur la Cour martiale concluant à la nomination d’un tribunal de révision, composé de 7 membres, chargé de réviser les jugements rendus par ladite cour, et demandant en outre à ce que la Cour martiale cesse de fonctionner sitôt après l’organisation faite des conseils de guerre.

URBAIN. Je demande la parole pour combattre les conclusions du rapport. Ce rapport nous fait voir, beaucoup mieux que nous ne le savions hier, quels ont été les agissements de la Cour martiale. On ne connaît pas quels sont les juges qui ont rendu les arrêts, et il en a été rendu de monstrueux. La Cour martiale a été présidée par le citoyen Rossel, dont je me réserve de demander l’arrestation…

(Interruptions.)

… et l’un des jugements qu’elle a rendus, depuis bientôt 48 heures, atteint le bataillon le plus républicain, le seul peut-être qui soit républicain dans le VIIe arrondissement. Ce bataillon a été flétri, outragé de la manière la plus indigne, j’ajouterai même de la façon la plus infâme, pour exprimer toute ma pensée, par le citoyen Rossel, qui a frappé l’un des officiers les plus patriotes, les plus ardents de la Garde nationale; il a été qualifié de la manière la plus indigne, parce que ce procédé a jeté le désarroi le plus complet dans le VIIe arrondissement. Actuellement, par suite des agissements du citoyen Rossel, il serait impossible de réunir, dans le VIIe arrondissement, dix hommes pour aller au feu. Je propose:
«La Commune décrète:
«L’exécution des arrêts de la Cour martiale est suspendue. Les détenus seront relâchés immédiatement et les conseils de légion statueront à nouveau.»

CHARDON pose sa démission.

URBAIN. Si j’avais ici à refaire le procès qui a été jugé depuis 48 heures… Je ne veux pas passionner le débat et je me borne à la proposition que je fais.

LE PRÉSIDENT. Je demande au citoyen Chardon de réserver sa démission.

PARISEL. Citoyens, sans passionner le débat, je veux examiner la question au point de vue politique. Je ne disconviens pas que la Cour martiale ait pu être induite en erreur. Elle a jugé nos pauvres gardes nationaux, comme elle aurait jugé d’anciens soldats. Ainsi, je me rappelle ce que disait l’autre jour le président: «Vous rappelez-vous, à Magenta, ce bataillon de chasseurs qui, croyant trouver des munitions dans un fourgon, n’y trouva que des chaussures. Eh! bien, il marcha à la baïonnette.» Cela est très beau, mais si l’arrêt avait été rendu par un conseil de guerre de l’arrondissement, ce conseil de guerre aurait pu apprécier à sa juste valeur les accusations; il aurait rendu une justice plus entière et plus vraie. Pour moi, je déclare, si ce jugement est maintenu, que la position n’est plus tenable pour nous dans l’arrondissement. On a condamné les officiers du 105e bataillon qui étaient vraiment socialistes, qui nous ont soutenus jusqu’ici. Nous n’avons plus besoin que de deux jours pour réorganiser tout-à-fait nos bataillons de gardes nationaux; mais, dans ces conditions, il nous est impossible de le faire, si le jugement est seulement maintenu quarante-huit heures. C’est à ce point de vue politique que je me place, et non au point de vue judiciaire. J’appelle sur cette question toute l’attention de l’assemblée.

URBAIN dit que le citoyen Chardon a eu tort d’offrir sa démission.
(À suivre.)

Dans le Cri du Peuple du 24 avril 1871 (extraits).

LE CRI DU PEUPLE
Journal politique quotidien
Rédacteur en chef: JULES VALLÈS
Lundi 24 avril 1871. Numéro 54.
Le numéro: Paris, 5 centimes – Départements, 10 centimes
Rédaction et administration 9, rue d’Aboukir
Bureaux de vente 9, rue d’Aboukir et 13, rue du Croissant

LA BATAILLE (suite)
À droite et à gauche de la route du chemin de fer, sur la route qui conduit d’Asnières à Courbevoie, il y avait aussi des troupes ennemies: 51e, 72e et 91e de ligne, ainsi qu’une compagnie de 120 hommes composée d’officiers volontaires.
Le parc d’Asnières était fortement occupé par différents régiments de ligne, massés en colonne serrée, derrière le mur crénelé qui fait face à la rue du Réservoir, appartenant à Clichy.
Nos batteries blindées et celles du bord de l’eau reçurent l’ordre de diriger leurs feux sur Colombes et de maintenir ces divisions.
Pour nous donner le change l’ennemi simula une attaque sur la porte Clichy, attaque repoussée vigoureusement.
Ces colonnes, qui, dans l’esprit de l’état-major versaillais, devaient nous faire beaucoup de mal, virent leur action neutralisée par la fermeté de notre défense, et peu après elles furent forcées de se replier.
Ce n’est donc pas encore pour aujourd’hui qu’aura lieu l’entrée triomphale de M. Thiers, et, du train dont vont les choses, il est plus que probable qu’il se passera un certain temps avant qu’il descende à la place Saint-Georges.
À quatre du matin, après une vive fusillade du côté de Clichy, un silence uniforme se fait des deux côtés.
[…]



Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (9)



RIGAULT. Je veux bien rester un ou deux jours, huit jours s’il le faut; mais, si on ne me remplace pas, je m’en irai à 8 heures.

BABICK. Je demande à faire une proposition: Je demande que le citoyen Arthur Arnould [«qui a si vivement combattu l’opinion contraire à celle du citoyen Rigault» Journal Officiel de la Commune] soit nommé à la Sûreté générale.

VALLÈS. C’est la Commune qui nommera.

LE PRÉSIDENT. La Commune veut-elle passer à l’ordre du jour?

CHARDON. Je demande à ce qu’on remplace Rigault.

RIGAULT. Je veux bien rester un ou deux jours, huit jours s’il le faut; mais, si on ne me remplace pas, je m’en irai à 8 heures.
URBAIN. Eh! bien, la première chose que devra faire votre successeur…

ANDRIEU. Je demande la parole pour répondre à la proposition du citoyen Babick, qui nous entraînerait sur une pente dangereuse. [«Si chacun était obligé d’accepter les fonctions dont il aurait chez un autre, critiqué l’exercice» Journal Officiel de la Commune.] Si tout le monde…

(Bruit.)

ANDRIEU. Je vois que tout le monde est de mon avis… je n’insiste pas.

MEILLET. Toutes les fois qu’il s’agit d’un vote aussi sérieux que celui-là, je demande qu’on emploie le vote par bulletin, plutôt que de voter à main levée.

On décide que la majorité absolue sera nécessaire pour le remplaçant du citoyen Rigault.

QUELQUES MEMBRES demandent que le second sur la liste qui sera votée remplace le citoyen Ferré. Cette proposition n’est pas appuyée.

On passe au vote.
Sur 55 votants, le citoyen Gournet ayant réuni 35 voix (Dupont 17, Gambon 2, Arnaud 2, Vermorel 1, Chalain 1, Rigault 9), est nommé en remplacement du citoyen Rigault.

LE PRÉSIDENT dit qu’il reste deux membres à nommer à la Sûreté générale, en remplacement des citoyens Gournet et Ferré.

VALLÈS désirerait voir le citoyen Bergeret à la Sûreté et lui demande s’il accepterait.

PLUSIEURS MEMBRES proposent les citoyens Ferré et Rigault.

D’AUTRES MEMBRES font observer que ces membres, ayant donné leur démission, ne peuvent être renommés.

DELESCLUZE. Quel que soit le zèle du citoyen Cournet, il est indispensable de lui adjoindre des hommes d’aptitude spéciale. Je ne vois pas, dans ce qui a été dit, de motif suffisant pour que le citoyen Rigault donne sa démission. Le citoyen Rigault est jeune: c’est un joli défaut; mais, enfin, comme conciliation, je demande donc que Rigault et Ferré soient renommés membres de la Sûreté générale.

RIGAULT. J’entends proposer un autre nom que celui du citoyen Ferré. Ferré vient de donner sa démission avec moi, et vous comprendrez très bien que je ne puis pas accepter, si l’on ne le nomme pas.

On procède au vote. Les citoyens RIGAULT et FERRÉ sont nommés membres de la Commission de Sûreté.
(À suivre.)

Dans le Cri du Peuple du 24 avril 1871 (extraits).

LE CRI DU PEUPLE
Journal politique quotidien
Rédacteur en chef: JULES VALLÈS
Lundi 24 avril 1871. Numéro 54.
Le numéro: Paris, 5 centimes – Départements, 10 centimes
Rédaction et administration 9, rue d’Aboukir
Bureaux de vente 9, rue d’Aboukir et 13, rue du Croissant

LA BATAILLE (suite)
Aujourd’hui, les batteries de nos remparts ont dirigé leurs feux sur ce coin du parc de Neuilly encore occupé par l’ennemi. Nos artilleurs réussirent à allumer un commencement d’incendie dans ce parc, et les Versaillais furent forcés de reculer. Dans l’après-midi, on fut prévenu que les gendarmes occupaient Colombes; on dirigea le tir sur ce point et sur la caserne de gendarmerie.
[…]
LES DÉPARTEMENTS
Privés de toute communication avec Paris, les départements n’en continuent pas moins d’affirmer toutes leurs sympathies pour l’affermissement de la République et leurs revendications pour les franchises municipales.
***
On écrit de Limoges à la Gironde, à la date du 8 avril:
Une tentative de pronunciamiento en faveur de la Commune de Paris a eu lieu hier à Montluçon (Allier); elle a été réprimée par l’armée, et des arrestations ont été opérées.
***
À Montereau, les villageois prennent parti pour la Commune contre l’Assemblée de Versailles; à Auxerre, le mouvement révolutionnaire, nous affirme-t-on, s’accentue d’une façon énergique.
[…]



Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (8)



Théophile Ferré.
LE PRÉSIDENT lit une lettre du citoyen Ferré, qui donne également sa démission de membre de la Sûreté générale.

ARNOULD. Je voudrais répondre au citoyen Vermorel. Je dirai que ses deux arguments sont absolument les mêmes que ceux qu’on présentait en faveur de la torture. «Mais, sans la torture, disaient les juges, nous ne pourrons jamais obtenir l’aveu du coupable.» On a aboli la torture et ou a obtenu l’aveu des accusés. Le citoyen Vermorel vous dit qu’il faut des garanties, mais vous serez obligés de vous en rapporter au juge qui sera chargé de l’instruction. C’est toujours l’arbitraire. Il n’y a qu’une façon juste de résoudre les questions, c’est d’en revenir aux principes. Il y a quelque chose de bien fâcheux; c’est, quand on a tenu un drapeau toute sa vie, de changer la couleur de ce drapeau en arrivant au pouvoir. Il en est toujours de même, dit-on, dans le public. Eh! bien, nous, républicains démocrates socialistes, nous ne devons pas nous servir des moyens dont se servaient les despotes.

V. CLÉMENT. Je voudrais qu’on revînt à la question et que l’Assemblée décidât si ses membres pourront ou non visiter les prisons?

VALLÈS. Comme la question du secret est très importante, je demande qu’on la mette à un prochain ordre du jour.

ARNOULD. J’accepte l’ajournement, à condition qu’on fixe un jour rapproché.

BILLIORAY demande que la Commission d’enquête sur les détenus ait seule le droit de visiter les prisons.

MEILLET. Soyons logiques! Nos décrets ne peuvent être violés; il ne faut pas le permettre, ni laisser de place à l’arbitraire.

PLUSIEURS MEMBRES. L’ordre du jour!

RIGAULT. Je demande qu’on mette aux voix la proposition Billioray.

BILLIORAY. La question est mal posée. Il y a un vote acquis mais il est dangereux; nous ne pouvons donner à tous les membres de la Commune le droit de visiter les prisonniers.

LONGUET. On peut se mettre d’accord en prenant les garanties suffisantes, lorsque les membres de la Commune visiteront les prisonniers au secret.

(L’ordre du jour!)

JOURDE. Si l’ordre du jour, qui est demandé, n’est pas adopté, je proposerai qu’on mette aux voix la proposition Billioray.

L’ordre du jour est mis aux voix et adopté par 24 voix contre 17.

Le citoyen Raoul RIGAULT donne sa démission de délégué à la Sûreté générale. «Je demande qu’on lise ma proposition, ou je me retirerai de la Sûreté générale, parce que je suis responsable de mes prisonniers.»

(Interruptions diverses.)

Le citoyen RIGAULT prononce des paroles vives.

Le citoyen FERRÉ donne sa démission de membre de cette Commission.

ANDRIEU. Je ne reconnais à aucun citoyen le droit de se servir de paroles inconvenantes à l’égard de la Commune, et je proteste contre les expressions du citoyen Rigault.

(Bruit. Interruptions diverses.)

LE PRÉSIDENT. Par sa proposition, Rigault dit que, sa situation n’étant pas possible, si l’on maintenait la mesure proposée, il donnera sa démission.

(Bruit.)

ARNOULD. C’est son droit de donner sa démission.

RIGAULT demande que l’on vote sur la proposition qu’il a déposée.

LONGUET. Avant de passer au vote pour un nouveau délégué, je demande à poser une question au citoyen Rigault: Entend-il qu’il est impossible de concilier les vœux de ceux qui ont voté l’ordre du jour et les nécessités de son service? Si c’est là ce qui le décide, je considère qu’il faut accepter sa démission. Autrement, il ne saurait être question ici de personnalités.

RIGAULT. Je déclare que c’est par suite de l’impossibilité, que je trouve à concilier la position qui nous est faite avec les nécessités du service, que je maintiens ma démission. Je demande que l’on vote de suite sur mon remplacement.

LE PRÉSIDENT lit une lettre du citoyen Ferré, qui donne également sa démission de membre de la Sûreté générale.

PLUSIEURS MEMBRES. Eh! bien, cela fera deux à remplacer.

Une discussion tumultueuse s’engage sur certaines personnalités.

RASTOUL s’étonne qu’on prenne des discussions de principes pour des personnalités.
(À suivre.)



Dans le Cri du Peuple du 24 avril 1871 (extraits).

LE CRI DU PEUPLE
Journal politique quotidien
Rédacteur en chef: JULES VALLÈS
Lundi 24 avril 1871. Numéro 54.
Le numéro: Paris, 5 centimes – Départements, 10 centimes
Rédaction et administration 9, rue d’Aboukir
Bureaux de vente 9, rue d’Aboukir et 13, rue du Croissant

Réunie hier, vendredi, la Franc-Maçonnerie parisienne a défini exactement le mandat à donner à ses délégués qui, ont dû partir aujourd’hui pour Versailles.
Ces mandats se divisent en deux parties:
1° Obtenir un armistice pour l’évacuation des villages bombardés;
2° Demander énergiquement la paix à Versailles, basée sur le programme de la Commune, le seul qui puisse amener la paix définitive.
Ce mandat a été voté à l’unanimité. Il a été décidé ensuite qu’un appel serait fait à tous les francs-maçons de Paris pour entendre le résultat de cette délégation, lundi, à deux heures, salle des Arts-et Métiers, et prendre telle décision qu’il conviendra suivant le résultat.

LA BATAILLE
Malgré les infamies des journaux de Versailles, et malgré les mensonges des journaux réactionnaires de Paris, nos ennemis n’avancent guère, et nous ne perdons pas une pouce de terrain. Si la lutte est défensive de notre côté, c’est que la Commune est avare du sang de ses défenseurs, et qu’elle ne veut avoir aucun reproche à se faire à cet égard.
Quant à l’assemblée de Versailles, c’est autre chose. Elle sent que sa fin approche, et, pour retarder sa perte, elle essaye de tous les moyens, sans se préoccuper s’ils sont vils ou loyaux. C’est pourquoi chaque jour leur attaque augmente en furie.
Chaque fois aussi tous leurs efforts se brisent contre l’inébranlable sang-froid des fédérés.
[…]



Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (7)



Delscluze. Si jamais peine sévère peut être portée, c’est contre ces maltôtiers qui mangent le pain de nos soldats…

VIARD demande la parole pour une communication très urgente. Il donne lecture d’une note qui lui est remise par l’intendance, qui lui demande 50.000 kilos de sucre et 2.000 hectolitres de vin. «L’Intendance est un véritable chaos; et je me demande si on ne doit pas réunir la Commission exécutive pour ces 50.000 kilos de sucre et 2.000 hectolitres de vin, qu’on demande pour aujourd’hui même. Il faut forcément, et de suite, remettre de l’ordre dans cette partie du service.»

QUELQUES MEMBRES disent que l’Intendance va bientôt être dissoute.

OSTYN. Je propose de placer l’Intendance sous le contrôle absolu de la Commission des subsistances.

VIARD. Il y a urgence à prendre une mesure.

JOURDE. Il faut que chaque chef de service soit responsable de ce qui se passe dans son administration. Lorsqu’aux Finances, on me demande 200.000 francs, je me renseigne sur leur emploi, et je tâche de n’en donner que 50.000, s’ils peuvent suffire. Nous ne pouvons pas, lorsqu’il y a lieu de prendre une mesure, lorsqu’une demande nous est faite, venir consulter l’assemblée. Chacun a son rôle et celui de l’assemblée n’est pas de se préoccuper de la solution de questions sur lesquelles elle n’est pas compétente.

VIARD. L’Intendance militaire nous a déclaré vingt fois qu’elle nous était supérieure comme organisation et approvisionnement; mais, en présence de cette demande de 50.000 kilos de sucre, il faut aviser.

MEILLET. Je demande qu’on supprime immédiatement l’Intendance.

VIARD. J’ai le droit de dire, je le répète, que je puis m’étonner de ce qui se passe, et il faut prendre des mesures. Si l’on a fait demander de l’argent à Jourde, c’était en prévision d’un marché. C’est une simple mesure de prudence.
JOURDE. On m’a aussi proposé d’acheter à bon prix 1.000 chevaux prussiens et pour la somme de 400.000 francs. J’ai répondu qu’on pouvait les réquisitionner; mais que je ne ferais pas une pareille affaire.

DELESCLUZE. La Commission militaire s’était préoccupée de cette situation. Ce matin, nous avons eu une assez longue conversation avec le général Cluseret. Il a été décidé que tous les services de la Guerre seraient soumis au contrôle absolu d’un des membres de la Commission militaire. On s’est partagé les services. Demain, on doit visiter les magasins, s’assurer de l’habillement, des munitions, de l’effectif, des chevaux. Je dois dire que le citoyen Cluseret a montré la plus grande bonne volonté pour nous mettre à même de remplir notre mandat dans toute son intégrité. Ce qui s’est passé hier dans l’Assemblée l’a ramené à des idées qu’il n’avait pas. À partir d’aujourd’hui, les services doivent être ramenés à des mesures sérieuses. Moi, je suis chargé de l’habillement, et je prétends qu’avec l’habillement renouvelé, nous rendrons à la Garde nationale son esprit et sa bonne volonté. Quand les soldats auront des pantalons et des souliers, qu’ils ne seront plus in naturalibus, comme on dit, ils viendront. Savez-vous ce qu’on a dit aux soldats de Versailles pour les faire battre? «Les gens que vous avez devant vous sont des repris de justice: voyez comme ils sont habillés.» Le citoyen Arnold restera à la Garde nationale, en sorte que, tous les jours; nous aurons le résultat des opérations de la journée précédente. Notre mission ne sera pas une sinécure; nous tiendrons la main à ce que la défense prenne le caractère qu’elle aurait dû avoir depuis longtemps et qu’elle n’a peut-être perdu que par suite de la réorganisation. J’ai vu moi-même aujourd’hui le colonel chargé de la réorganisation, et il m’a donné les numéros des 2 bataillons de marche nouveaux. Ils seront casernés au Champ-de-Mars. Sous peu de jours, nous pensons en avoir 75 ou 80, ce qui nous permettra d’envoyer à ce malheureux Dombrowski des forces suffisantes. Il n’a en ce moment que 1.906 hommes. Nous en avons reçu les états ce matin. C’est certainement mieux que précédemment, puisqu’il n’en avait que onze à douze cents; mais ce n’est pas assez. Nous avons dit à Cluseret qu’il ne fallait pas en rester là et qu’il nous fallait une défense présentable, depuis Saint-Denis jusqu’à Issy. La Commission militaire n’a aucune plainte à former sur la manière dont elle a été reçue par Cluseret. Je lui ai dit ce que je croyais être la vérité et j’ajoute que, loin d’avoir rencontré chez lui des faux-fuyants, il s’est mis entièrement à notre disposition. Le Directeur de l’habillement est changé. Quant à l’ancienne administration, sa comptabilité sera contrôlée de très près, car il nous est revenu qu’il y avait du gaspillage. Si jamais peine sévère peut être portée, c’est contre ces maltôtiers qui mangent le pain de nos soldats; et je dirai que, si la Cour martiale prononçait jamais la peine de mort, je serais le premier à dire : «Fusillez!»
(À suivre.)



Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (6)



LEFRANÇAIS. Comment! un membre de la Commune serait soumis à la surveillance d’un gardien! C’est une insulte.

THEISZ. Depuis bien des années, on nous répète ces paroles: «plus tard». Quand les événements seront accomplis, alors, vous aurez la Liberté, l’Égalité, etc. Nous protestons contre de pareils mots, ce sont toujours les mêmes moyens. Non! nous avons protesté contre le secret, et nous devons l’abolir. Nous, qui avons la responsabilité, nous devons surveiller les actes de la police. C’est un droit pour nous, un devoir. Je ne veux pas qu’on admette qu’un membre de l’assemblée puisse servir jamais de porte-lettres à un prisonnier. Eh! Croyez-vous que celui que vous aurez mis au secret ne pourra pas, quand il le voudra communiquer au dehors? Croyez-vous que ceux qui lui apporteront des fruits, qui lui apporteront du pain, ne pourront pas lui faire passer tel papier qu’ils voudront? En maintenant le secret, nous aurions tout l’odieux de la mesure sans en avoir même le profit.

BILLIORAY. Je suis, en principe, pour la suppression, non seulement du secret, mais de toute prison préventive. Tous ici, nous avons pu goûter du secret sous l’Empire. Nous n’avons donc pas à faire ici profession de libéralisme; mais il serait étrange que nous n’ayons rien de plus pressé que de briser les armes que nous avons. Nous sommes à un poste de combat. Eh! bien, de deux choses l’une: ou vous serez vainqueurs, et vous pourrez alors abolir le secret et toutes les mesures arbitraires; ou vous serez vaincus, pour manque de précaution, et on se servira contre vous de ce secret que vous aurez aboli.

VERMOREL. Citoyens, je crois qu’au point de vue de la question de principe, le secret ne peut être maintenu. Mais, d’un autre côté, si vous arrêtez quelqu’un au point de vue politique, il est évident que c’est un ennemi que vous arrêtez. Or, si vous supprimez le secret, comment voulez-vous retrouver ses complices? Quand j’ai protesté contre le secret, sous l’Empire, c’est que j’étais détenu arbitrairement; mais je ne crois pas que quelqu’un ait jamais demandé la suppression absolue du secret; car, alors, l’instruction devient impossible. D’un autre côté, je crois que vous devez à l’accusé, mis au secret, une instruction immédiate, un contrôle. On ne doit pas laisser cette mesure à la discrétion arbitraire du délégué à la Sûreté générale. Je soutiens donc, le secret étant maintenu, que les membres de la Commune doivent aller visiter les prisons; ce sera un moyen de contrôle.

MIOT. Citoyens, nous nous égarons dans la discussion. Il ne s’agit pas en effet de l’abolition du secret, mais de savoir si vous maintenez votre droit d’aller, à votre volonté, visiter les prisonniers. Je crois qu’il n’est pas besoin qu’un membre de la Sûreté générale accompagne les membres de la Commune. Un directeur ne vous laissera pas visiter un prisonnier sans vous faire accompagner d’un gardien. Ce sera pour le délégué à la Sûreté une garantie suffisante.

(Réclamations.)

LEFRANÇAIS. Comment! un membre de la Commune serait soumis à la surveillance d’un gardien! C’est une insulte.
(À suivre.)



Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (5)



RIGAULT. Je répondrai au citoyen Arnould que la guerre aussi est immorale, et cependant nous nous battons.

ARNOULD. Je ne comprends pas que des hommes qui ont passé toute leur vie à combattre les errements du despotisme, je ne comprends pas, dis-je, que ces mêmes hommes, quand ils sont au pouvoir, s’empressent de tomber dans les mêmes fautes. De deux choses l’une: ou le secret est une chose indispensable et bonne, ou elle est odieuse. Si elle est bonne, il ne fallait pas la combattre, et si elle est odieuse et immorale, nous ne devons pas la maintenir.

RIGAULT. Je répondrai au citoyen Arnould que la guerre aussi est immorale, et cependant nous nous battons.
ARNOULD. Ce n’est pas la même chose, nous la subissons.

RIGAULT déclare que si quelqu’un croit qu’une instruction puisse se faire sans le secret, il est tout disposé à lui céder la place, car, pour lui, il reconnaît l’impossibilité de procéder actuellement autrement qu’on ne fait.

JOURDE. Nous sommes en état de guerre: il nous faut user de procédés exceptionnels. Certainement, sous l’Empire, je blâmais le secret;  cependant, tout en le blâmant, je n’en reconnaissais pas moins l’utilité. Il ne faut pas faire de la théorie platonique. Je voudrais toutes les libertés: liberté de la presse, liberté de réunion, liberté de transaction, liberté d’être, au grand jour, légitimiste, bonapartiste même; mais, cependant, les circonstances imposent souvent des nécessités et nous devons y obéir. Je demande donc que le secret continue à être maintenu.

(Réclamations diverses.)

DELESCLUZE. Il me semble que, dans cette affaire, le secret n’est pas en question. Il s’agit de savoir si, par suite du décret d’hier, les membres de la Commune ont le droit d’entrer dans les cellules, où les prisonniers sont au secret. Je ne crois pas que le citoyen Rigault pense que les membres de la Commune, en visitant les prisonniers, viennent là pour leur servir de truchement, et au besoin de commissionnaires. Je ne trouverais pas mauvais qu’un membre de la Commune pût pénétrer dans la cellule d’un prisonnier au secret et lui demander depuis combien de temps il est arrêté et s’il a été interrogé dans le délai légal. Je ne comprends pas comment l’intervention d’un membre de la Commune, qui remplit les fonctions de magistrat municipal, pourrait compromettre la Sûreté publique et l’instruction d’une affaire, et je ne m’explique pas ici la susceptibilité du citoyen Rigault. J’ai fait, sous l’Empire, quatre mois et demi de secret à Mazas. Eh! bien, croyez-vous qu’en définitive, un magistrat municipal, même sous l’Empire, qui aurait appris cette détention, eût osé la maintenir? Non. Eh! bien, que de lenteurs évitées! Prenons toutes les précautions pour notre sécurité, mais tant qu’un individu n’est pas condamné, il est supposé innocent. Évitons surtout les défiances dans le sein de la Commune. Je déclare, ne pas voir, dans la mesure résolue hier, les inconvénients que signale le citoyen Raoul Rigault.

AMOUROUX. Nous sommes en Révolution, nous devons agir révolutionnairement et prendre nos précautions.

RIGAULT. J’ai, en ce moment, trois à quatre personnes telles que, si tout membre de la Commune peut venir les voir, j’avoue qu’il est absolument inutile que je les garde au secret. Quand on n’a pas vu le dossier d’un homme emprisonné, on peut se laisser attendrir par ses paroles, par des questions de famille, d’humanité et l’aider à communiquer au dehors.

(Mais non, nous protestons!)

RAOUL RIGAULT. On peut avoir affaire à des gens très malins, et il s’en trouve parmi ceux que je détiens.

PARISEL. Je crois qu’un membre de la Commune pourra toujours entrer dans une cellule, mais à condition qu’il soit accompagné d’un membre de la Sûreté.

CLÉMENT. Si la Commune accepte cette restriction, je donne ma démission. C’est nous mettre en suspicion.

PARISEL. Ce membre de la Sûreté donnera des explications et fera connaître à son collègue toutes les charges établies contre le prévenu. Aujourd’hui, nous sommes en état de guerre, il nous faut prendre des précautions; plus tard…

ARNOULD. Oui! le couronnement de l’édifice, comme sous Napoléon III. C’est le raisonnement de tous les despotes!
(À suivre.)



Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (4)



ARNOULD.
«La Commune de Paris,
«Décrète:
«Art. unique. Le secret est aboli.»

LE PRÉSIDENT. Une proposition a été faite; il faut la mettre aux voix. Elle consiste à demander qu’on prenne des mesures pour veiller à ce que des Parisiens ne quittent pas Paris demain, pendant l’armistice, et que les habitants de Neuilly, seuls, rentrent dans nos murs. Voici la proposition Andrieu : «Une Commission de cinq membres est nommée pour présider à la rentrée des habitants de Neuilly et pour prendre les mesures nécessaires pour sauvegarder tous les intérêts de la défense de Paris.»

LE PRÉSIDENT. Une autre proposition voulait, je crois, que la Commission militaire fût désignée pour prendre les mesures nécessaires.

TRIDON. La Commission militaire enverra des bataillons.

OUDET. À propos de mesures de surveillance à prendre, je vais vous apprendre qu’il n’y avait, ces jours-ci, de la porte Maillot à la Seine, que 13 bataillons; ces bataillons au complet auraient dû fournir un effectif de 6.000 hommes, mais ils n’en comptaient que 3.000 réellement) et, la nuit, 1.500 seulement, à cause des hommes qui dormaient. Il faut que des mesures soient prises pour renforcer ces bataillons.

CHALAIN. Qu’il ne soit pas fait mention de ces renseignements au procès-verbal. (C’est entendu!)

LE PRÉSIDENT. L’ordre du jour appelle la délibération sur une proposition du citoyen Andrieu, relative à la formation d’une Commission de cinq membres, qui serait adjointe à la Commission militaire, pour présider à la rentrée des habitants de Neuilly.

ANDRIEU. Je demande à expliquer pourquoi je demande une commission de cinq membres. La Commission militaire peut nous rendre et nous rend en effet de grands services; mais, malgré son bon vouloir, pourra-t-elle se multiplier? Il s’agit de faire rentrer une quantité de malheureux qui pourront devenir un embarras. Il me paraît donc nécessaire que la Commission soit composée de cinq membres au moins.

Après quelques observations des citoyens VAILLANT, BLANCHET, TRIDON, RIGAULT, RÉGÈRE, JOHANNARD, FORTUNÉ OUDET et CHALAIN, le PRÉSIDENT met aux voix la proposition, qui est adoptée.

On passe ensuite à la nomination des cinq membres qui doivent la composer: on nomme les citoyens OUDET, BERGERET, JOHANNARD, FORTUNÉ et EUDES.

RIGAULT. Tout à l’heure, à l’occasion du procès-verbal, j’ai dit quelques mots, et vous avez jugé à propos de renvoyer à une séance ultérieure. Hier, en mon absence, vous avez déclaré que tous les membres de la Commune auraient le droit de visiter tous les détenus. D’accord en cela avec le Comité de contrôle, que vous m’avez adjoint, je demande à ce que vous reveniez sur le vote d’hier, au moins en ce qui concerne les individus au secret.

Au milieu du bruit, RIGAULT donne sa démission, sort, et peu après revient, disant que, si on ne veut pas l’entendre, il maintiendra sa démission. «Tous les successeurs que vous pourrez me donner en feront autant. Si vous mainteniez votre vote je serais dans la nécessité de donner ma démission, et je ne pense pas qu’un autre puisse, dans une pareille situation, accepter une telle responsabilité.»

ARNOULD. Je tiens à retenir ce fait; c’est que, des paroles du citoyen Rigault, il ressort que le secret a été maintenu. Je proteste énergiquement. Le secret est quelque chose d’immoral. C’est la torture physique. Eh! bien, au nom de notre honneur, il faut décider immédiatement qu’en aucun cas, le secret ne sera maintenu. Même au point de vue de la sûreté, le secret est inutile; on trouve toujours moyen de communiquer. Nous avons tous été mis au secret sous l’Empire, et pourtant nous sommes parvenus, non seulement à communiquer avec le dehors, mais nous avons même fait insérer des articles dans les journaux, et j’ai été témoin de faits étranges à cet égard. Il y a là une question de moralité, je le répète. Nous ne pouvons, ni ne devons maintenir le secret; non seulement le secret, mais l’instruction même doit être publique. J’insiste à ce sujet et j’en fais l’objet d’une proposition formelle:
«La Commune de Paris,
«Décrète:
«Art. unique. Le secret est aboli.»
(À Suivre.)



Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (3)



VALLÈS. Mais il y a des détails sur cette question d’armistice?

Lecture du projet Malon.

TRIDON. Il faut ajouter au projet que l’on mettra les scellés sur les armoires. (Bruit.)

TRIDON. Mais, il faut mettre les points sur les i.

CLÉMENCE. J’ai déposé un projet analogue, dans lequel je demandais d’abord qu’on disposât des logements de ceux qui ont été décrétés d’accusation.

MALON. C’est l’affaire des municipalités.

Le décret, proposé par le citoyen Malon est amendé dans le sens indiqué par les citoyens Arnould et Tridon, est adopté.

VAILLANT. Il y a aussi beaucoup de gardes nationaux qui se trouvent sans asile, par suite de la loi sur les loyers. Il faut qu’on en fasse mention. Le citoyen Malon demande la réquisition des logements de tous ceux qui ont quitté Paris depuis le 18 mars; il faut réquisitionner tous les logements vacants quels qu’ils soient. (Appuyé.)

LE PRÉSIDENT invite le citoyen Vaillant à formuler sa proposition.

VALLÈS. Mais il y a des détails sur cette question d’armistice?

TRIDON. Si l’armistice a été rompu, c’est évidemment qu’il y a une nouvelle trahison des Versaillais. Le citoyen Bonvalet nous a déclaré que, si nous cessions le feu de notre côté, les Versaillais le cesseraient également, pour permettre aux gens de Neuilly de sortir de leurs caves. C’était donc plutôt une suspension d’armes qu’un armistice, et, dans ces conditions, nous ne pouvions pas refuser. Il était convenu que deux citoyens, dont je ne me rappelle plus les noms, se rendraient à Neuilly pour régulariser cette suspension d’armes. S’il y a combat en ce moment, c’est donc une trahison de Versailles.

VALLÈS. Le citoyen Malon et moi nous avons rencontré le citoyen Bonvalet, qui nous a dit avoir déclaré au citoyen Vaillant qu’il manquait la signature du citoyen Cluseret et qu’on s’occupait de l’obtenir.

MALON fait observer que l’armistice ne devait commencer que demain à neuf heures et non aujourd’hui.

PLUSIEURS MEMBRES s’étonnent de cette confusion de dates. D’autres répondent que c’est une erreur des journaux.

VAILLANT donne quelques explications et déclare qu’avant de donner le bon pour tirer les affiches, il a pu s’assurer que l’heure donnée pour l’armistice était bien celle de demain 9 heures.

ANDRIEU confirme cette déclaration et ajoute que le citoyen Cluseret avait déclaré à l’Exécutive que l’armistice ne commencerait que demain, à neuf heures. Il ne faudrait pas que la foule s’accumulât dans les Champs-Elysées. Il y a une raison morale et une raison matérielle, car il pourrait y avoir une trahison. «Voilà pourquoi j’approuve la proposition, qui vous a été faite, d’envoyer des membres qui président eux-mêmes à cet armistice.»

LE PRÉSIDENT. Je crois que cette proposition est sérieuse; il faudrait nommer une Commission.

RIGAULT. La Commission militaire pourrait s’en charger.

TRIDON. Mais elle est trop occupée!

BLANCHET. Voilà mon avis sur l’armistice. Je ne me suis pas expliqué cet armistice hier, je ne me l’explique pas davantage aujourd’hui. Quand j’ai été à Neuilly, j’ai entendu siffler à mes oreilles des balles envoyées à l’aide de fulmi-coton et qui partaient des maisons de Neuilly; la Guerre devait le savoir, et je ne m’explique pas cet armistice en faveur de gens qui nous trahissent peut-être.

ANDRIEU. Mais, dans une même cave, il y a des femmes enceintes, des enfants et des cadavres.

MALON. Mais il y a 20.000 femmes et enfants.

UN MEMBRE. On a bien laissé sortir les femmes de Strasbourg.

JOHANNARD. Il y a quelque chose de très grave là-dedans. C’est la Ligue de l’Union républicaine qui est venue dire qu’il ne faut pas suspendre le bombardement. Je demande que l’Assemblée nomme une Commission pour ce fait, et que nous nous entendions dans cette question d’humanité pure.

RÉGÈRE. Lorsqu’une commission exécutive a pris sur elle de recevoir des propositions d’armistice, elle a excédé ses pouvoirs. Je demande qu’on reconnaisse que la Commune seule est compétente. Nul ne pouvait entrer dans cette voie sans l’assentiment des membres de la Commune. Il fallait saisir la Commune seule, qui décide chaque jour de questions moins importantes. On a choisi un prétexte adroit, humain, généreux, je le reconnais, – je suis très sympathique à la malheureuse population de Neuilly – mais c’était à la Commune à statuer.

JOHANNARD. J’ajoute qu’un des membres les plus influents de cette société a dit: «Dans quinze jours, nous tiendrons la corde.» Il faut qu’à tout prix, ils ne la tiennent pas.

FORTUNÉ. Devant l’urgence de mesures très sérieuses à prendre, je viens demander ce que fait le délégué à la Guerre. On parle de l’occupation de Saint-Denis.

MALON. C’est absurde!

FORTUNÉ. Je demande qu’on dise si le délégué à la Guerre a fait quelque chose; il me faut des faits et non des phrases; je demande à être éclairé.

TRIDON. Depuis un mois, on nous dit : «Les Versaillais sont à Nogent. Ils sont à Saint-Denis. » Je les ai vus, et il n’y a rien de vrai dans tous ces dires.

FORTUNÉ. J’en appelle à la Sûreté publique!

TRIDON. À Saint-Denis même, les Prussiens ont donné l’ordre d’évacuer dans les 48 heures aux personnes des deux partis.

FORTUNÉ. Voici un antre fait. Au bout du pont de Charenton, un gendarme monte la garde avec son sabre-baïonnette, ce qui prouve que les Prussiens tolèrent les Versaillais.
(À suivre.)



Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (2)



JOHANNARD. Il y aura certainement beaucoup de victimes. Le public se pressait, croyant à l’armistice. Il y avait une quantité de voitures de déménagement. Je le répète, les victimes seront nombreuses; jamais il n’est tant tombé d’obus.

URBAIN demande la lecture du rapport de la Commission de justice.

ARNAUD. Je n’ai que deux mots à dire. J’ai des nouvelles de province; 1,500 programmes de la Commune ont été distribués à Lyon; j’ai des nouvelles de ce matin. L’agitation règne dans cette ville; des groupes nombreux se forment; les élections communales vont avoir lieu dans deux ou trois jours. Le mouvement paraît bien accentué, il est de bon augure. Les nouvelles sont sûres, je le répète.

RÉGÈRE donne les mêmes nouvelles au sujet de Bordeaux.

ARNAUD. J’ajouterai que l’artillerie de la Garde nationale était allée au fort de la Vitriolerie pour faire la manœuvre, elle n’a pu entrer, on a tourné contre elle deux mitrailleuses. Ces faits vous montrent dans quelles dispositions d’esprit se trouve la Garde nationale.

VERMOREL. Nous avons nommé il y a huit jours une Commission chargée de publier les papiers des hommes du Quatre-Septembre. On n’a rien fait. Je demande que la Commune adjoigne trois membres de la Commune à cette Commission. Le citoyen Fortuné, qui connaît des documents sur les marchés scandaleux faits par M. Ferry et autres, devrait faire partie de cette Commission.

RIGAULT. Je demande aussi à en faire partie.

La proposition Vermorel est adoptée.

Les citoyens VERMOREL, RIGAULT, FORTUNÉ, font partie de la Commission.

AMOUROUX. Je demande à adresser une interpellation sur la manière dont l’armistice est exécuté. Je viens de Neuilly, et jamais on ne s’est battu d’une manière aussi violente qu’on le fait actuellement.

LEFRANÇAIS. J’avais demandé la parole pour faire la même observation.

JOHANNARD. Il y aura certainement beaucoup de victimes. Le public se pressait, croyant à l’armistice. Il y avait une quantité de voitures de déménagement. Je le répète, les victimes seront nombreuses; jamais il n’est tant tombé d’obus.

MALON. Citoyens, vous savez que le bombardement s’étend de plus en plus. À Clichy, à Levallois, il y a des victimes tous les jours.
Citoyens, nous avons tous les jours, aux différentes mairies, une foule de gens, qui viennent nous demander des logements. Nous ne pouvons satisfaire à toutes ces demandes. Je crois qu’il faudrait un décret d’urgence, autorisant les mairies à réquisitionner les logements inhabités pour les mettre à la disposition des nécessiteux. Les municipalités se trouvent très embarrassées; elles ne peuvent faire ce qu’elles désireraient pour le bien de tous; il faut donc leur donner formellement l’autorisation indispensable pour qu’elles puissent procéder comme je l’indique. Je demande donc un décret d’urgence. Ainsi, pour moi, comme adjoint de mairie, j’ai dû, pendant le Siège, loger dans des hôtels une foule de réfugiés. Depuis, je suis assailli de réclamations incessantes. On m’accuse de violation de domicile, etc., etc. Je le répète, cette position est intolérable; il faut absolument un décret d’urgence. (Approbations.)

TRINQUET. J’ai déposé, il y a trois jours, une proposition relative aux maisons abandonnées; j’en demande la lecture.

LE PRÉSIDENT. Voici le texte du projet de décret présenté par le citoyen Malon:
«La Commune de Paris,
«Considérant qu’il est indispensable de fournir le logement aux victimes du second bombardement de Paris, et considérant qu’il y a urgence,
«Décrète:
«Art. 1er. Réquisition est faite de tous les appartements abandonnés depuis le 18 mars.
«Art. 2. Les logements seront mis à la disposition des habitants des quartiers bombardés au fur et à mesure des demandes.
«Art. 3. La prise en possession devra être précédée d’un état des lieux, dont copie sera délivrée aux représentants des possesseurs en fuite.
«Art. 4. Les municipalités sont chargées de l’exécution immédiate du présent décret. Elles devront, en outre, dans la mesure du possible, faciliter les moyens de déménagement des citoyens qui en feront la demande.»

ARNOULD. Il y a une lacune dans la proposition Malon. Le citoyen Malon demande la réquisition des logements de tous ceux qui ont quitté Paris depuis le 18 mars; il faut réquisitionner tous les logements vacants quels qu’ils soient. (Appuyé.)

LE PRÉSIDENT. Le citoyen Amouroux propose un amendement qui n’a pas trait directement au projet Malon, mais qui peut s’y rattacher. En voici le texte: «Chaque arrondissement sera tenu…»

UN MEMBRE. C’est là une question de réglementation et non pas de décret.

MALON. Je crois, en effet, qu’il n’est pas possible d’obliger les municipalités à fournir chacune un nombre de 50 voitures; les unes le pourront, et ce sera impossible pour d’autres. Qu’on les invite seulement à faire ce qu’elles pourront. Aujourd’hui, à Batignolles, nous avons plus de 50 voitures toutes prêtes, mais, je le répète, beaucoup de mairies ne pourront en faire autant.

AMOUROUX. Ma proposition est plutôt une invitation urgente à faire aux municipalités; qu’un amendement; elle n’aurait d’effet que pour l’armistice.

BABICK. On parle d’armistice ici. Je ne sache pas cependant que la Commune ait voté un armistice.

LE PRÉSIDENT. Si tout le monde parle ici, nous ne ferons rien de sérieux.
(À suivre.)





Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (1)



RÉGÈRE. À la fin de la séance d’hier, j’ai demandé que l’on usât d’indulgence à l’égard du citoyen Pilotell, coupable seulement de négligence ; je voudrais que cette demande soit insérée à l’Officiel.

Président BERGERET.
Assesseurs MALON et AVRIAL.
La séance est ouverte à 3h. 1/2.

La parole est au secrétaire pour donner lecture du procès-verbal.

RÉGÈRE. À la fin de la séance d’hier, j’ai demandé que l’on usât d’indulgence à l’égard du citoyen Pilotell, coupable seulement de négligence; je voudrais que cette demande soit insérée à l’Officiel. Selon moi, le compte rendu de nos séances ne devrait être publié qu’après avoir passé sous nos yeux. Il nous échappe souvent, dans la chaleur de la discussion, des expressions vives que nous retirerions nous-mêmes, si elles paraissaient sous nos yeux avant la publication du compte rendu. Il serait bon que nous puissions voir les épreuves de l’Officiel.

VAILLANT. J’appuie absolument la proposition du citoyen Régère. On ne devrait publier le compte rendu qu’après son adoption. Si on veut qu’il paraisse le lendemain de la séance, il faudrait au moins le faire réviser par une commission de rédacteurs nommée à cet effet.

LEFRANÇAIS. Hier, j’ai lu dans l’Officiel que le citoyen Amouroux s’était étonné que les citoyens Gambon et Lefrançais n’eussent pas donné de leurs nouvelles depuis trois jours. Il y a là une inexactitude de fait. Le citoyen Amouroux, mieux renseigné, se fût dispensé de demander des explications. Les renseignements avaient été donnés à la Guerre. Au sujet du compte rendu, je dirai que je trouve qu’il renferme des détails oiseux. Il était, dans les commencements, trop synthétique; aujourd’hui il est trop prolixe.

AMOUROUX. Comme on nommait le citoyen Gambon membre d’une commission, j’ai simplement fait observer que ce citoyen était déjà, ainsi que vous, chargé d’une mission, mission dont on ne nous avait pas rendu compte. S’il y avait eu ici les délégués de la Commission exécutive, ils auraient répondu à ma demande, puisque les renseignements avaient été donnés. Quant au compte rendu analytique, la séance commençant à 3h. 1/2 du soir au lieu de commencer à 2 heures précises, il en résulte que nous sommes encore en séance à 8 heures du soir et qu’à minuit, devant l’envoyer à l’Officiel, on n’a pas le temps de le réviser.

ARNOULD. Tout à l’heure, le citoyen Lefrançais trouvait le compte rendu trop prolixe ; je ne suis pas de son avis. Je voudrais la publicité aussi complète que possible. Seulement, le compte rendu est mal fait: il laisse de côté des parties importantes de nos discussions et en laisse subsister que l’on pourrait parfaitement négliger.

RIGAULT. Je demande qu’on adjoigne le citoyen Arnould à l’Officiel.

Le citoyen ARNOULD, retenu à son arrondissement, se récuse.

LE PRÉSIDENT. Je mets aux voix le procès-verbal de la séance d’hier.

Le procès-verbal est mis aux voix et adopté.

SICARD. Je demande le dépôt du rapport relatif à la Cour martiale.

BABICK. Je demanderai ensuite la parole pour rendre compte de notre mission au fort d’Issy.

LE PRÉSIDENT. Je donne lecture de lettres qui sont déposées sur le bureau de la Commune (Lettre Protot. Lettre Rossel. Lettre colonel Fallot.)

LE PRÉSIDENT donne lecture d’une lettre du citoyen Protot s’excusant de ne pouvoir assister à la séance. Lecture est également faite de lettres du citoyen Rossel donnant sa démission de président de la Cour martiale et du citoyen Fallot demandant d’urgence à être entendu par la Commune.

CHALAIN. Je demande à vous faire une communication que vous entendrez, je crois, avec plaisir ; communication dont j’atteste la véracité. La Commune a été proclamée dans la ville du Mans; le fait est certain, je vous le répète. (Très bien!)

CHALAIN. Pendant le peu de temps que j’ai passé à la Commission de Sûreté générale, je me suis surtout occupé des relations extérieures. Avec le peu de fonds dont je disposais, j’ai pu envoyer un certain nombre de citoyens en province et, aujourd’hui encore , il est parti un délégué en Bretagne, pour afficher au Mans, à Rennes, à Brest et sur tout le littoral le manifeste de la Commune; j’ai envoyé des citoyens aussi dans l’Est, dans le Midi, un peu partout. (Approbations.)

CHALAIN. Je n’ai dépensé que 1.500 francs pour ces diverses délégations. J’ai vu un citoyen dévoué qui m’a donné les renseignements les plus précis sur la situation qui se dessine en province. Aussi, je vous demanderai de me permettre de demeurer, pendant huit jours encore, à la Sûreté générale, pour continuer l’œuvre entreprise. Voici comment la Commune a été proclamée au Mans. En apprenant la proclamation de la Commune à Paris, la ville du Mans s’est mise en révolution. La troupe, en garnison dans la ville, a fait cause commune avec les habitants. On a envoyé de Rennes deux régiments de ligne, qui se sont joints aussi à la population. On a alors envoyé des cuirassiers, qui se sont trouvés cernés, et qui, menacés d’être massacrés s’ils voulaient aller contre le mouvement, ont mis bas les armes. Voilà quinze jours que la Commune existe, et vous remarquerez que ce fait a d’autant plus de signification que la ville du Mans n’est pas une ville révolutionnaire. Je vous dirai aussi que, dans le Loiret, on se soulève. Dans toutes les villes importantes, on se prononce pour la Commune. Le mouvement est assuré. Je demande que l’Assemblée, par un vote, remercie la province de ce qu’elle fait. J’insiste en outre pour être délégué à la Sûreté durant quelques jours.

AMOUROUX. Il vaudrait mieux que Chalain fût adjoint à la Commission des relations extérieures, pour ne pas faire double emploi.

La proposition Chalain est mise aux voix et adoptée.
(À suivre.)


Quelques précisions

L'autre jour, je devais faire un exposé.

Alors, j'ai voulu dans un premier temps parler de l'Anarchisme. Hors, je n'avais que 5 minutes et résumer tout les mouvements Anarchistes depuis les débuts c'est à dire dans l'antiquité comme l'a décrit Jean Préposiet dans son livre "Histoire de l'Anarchisme"

Pour faire un bref résumé du livre, ce qui peut paraître bien prétentieux, on s'aperçoit que la société Anarchiste se pratique depuis l’origine de l'homme comme un élément naturel constitutif de la de la vie de l'homme. Très vite, il s'est aperçu que pour vivre, pour se nourrir, pour se protéger, pour se loger etc etc, il a besoin de tous. C'est naturel.

La société actuelle n'est pas naturelle. Pour le prouver, il suffit de constater le niveau de violence de cette société pour se rendre compte qu'elle n'est pas naturelle. De plus, il n'est pas un instant où l'on ne nous assène pas ce message: "le capitalisme est le système de société qui est le meilleur pour l'homme".

Comment ne pas se poser la question de savoir pourquoi, alors que cette société est la meilleure pour l'"homme, pourquoi, partout de par le monde, on s’entre-tue?
Pourquoi des individus dorment dans la rue? Meurent dans la rue?
Pourquoi, alors que nous sommes dans une société d'abondance, certains meurent de faim et de soif?
Etc...

Pour que les gens ne se posent plus de questions et ne se parlent même plus que n'avons nous pas découvert comme merveille de technologie.

Les walk-mans puis les MP3 afin que chacun au milieu des autres soit isolé. Que la rue, univers où les gens se croisent et se côtoient, ne se parlent plus. Le fait de s'isoler au milieu des autres développent inconsciemment chez l'isolé, le sentiment qu'il est vulnérable puisqu'il n'entend plus ce qu'il se passe autour de lui.

Dans l'abri bus pendant qu'on attend, les gens sont l'un contre l'autre mais ne se parlent plus car ils écoutent leur musique, ils tapent sur leurs portables.

Et puis, dans des discours insidieux, on nous apprend à désaimer l'autre, à l'envié. Il me parait ahurissant que l'on puisse rejeter toutes les tares de la société sur les Roms qui ne possèdent rien, à peine le statut d'être humain et encore,  et qu'on ne pense même pas à détester celui qui nous exploite et touche des milliers d'euros sans rien faire.

Comment cracher à la face des retraités qu'ils sont des enfants gâtés quand un jour de foot touche des millions d'euros pour pousser un ballon dans un sport qui n'est qu'un jeu à l'origine?

Comment arriver à faire penser les citoyens que les fonctionnaires sont des privilégiés quand les députés qui dorment sur les bancs de l'assemblée sont filmés en toute impunité alors que celui sur lequel on crache serait licencié si il lui arrivait de s'endormir.?

Comment en sommes-nous arrivé là? Comment en sommes nous arrivé là?

Comment en sommes-nous arrivés à faire en sorte que ceux qui envient ceux qui ont plus ne rêvent pas devenir comme eux mais ne cherchent qu'à une chose les faire descendre au niveau de leur propre misère?

Comment on peut insulter des chômeurs ou des personnes en très grande fragilité qui peuvent frauder pour survivre, survivre  pas vivre, et ne rien dire, ne rien dire quand Florent Pagny, millionnaire part au Portugal pour payer moins d'impôts?

Et bien je reprends la phrase de Elisée Reclus:



                             "Tout abandon de principes aboutit forcément à une défaite".

La première des guerres gagnée par le libéralisme fut la guerre de la sémantique, c'est à dire la guerre des mots.

la privatisation de la première chaine française ne fut pas une simple opération commerciale, elle fut la base de la construction d'une nouvelle manière de communiquer et de faire de la propagande. Bernard Tapie était déjà sur l'affaire. C'est lui qui a entraîné l'acheteur afin qu'il puisse passer devant la commission parlementaire. Tout ce que ce personnage a dit était faux. Amener le public vers la culture... "Secret story"?

On devait effacer ce qui a constitué le passé des ouvriers.

On commence par démolir les vieux bâtiments. Les sites des entreprises les plus revendicatives vendus et dépecés, comme Boulogne Billancourt et pour la Poste le centre de tri de Sotteville.

Partout en France, on enleva du paysage les souvenirs de lutte des ouvriers de France.

Puis, les ouvriers ne sont plus appelés "ouvriers" mais "collaborateurs", avec tout ce que ce mot peut avoir comme passé sulfureux.

Il n'y a plus de lutte de classe, puisqu'il n'y a plus de classe. Les noms changent "femmes de ménage", connotation de servitude, donc on passe à quelque chose de plus valorisant "technicienne de surface". Est ce que le changement de dénomination enlève la part de servitude que contient ce métier?

Les "chômeurs" sont des "chercheurs d'emplois" ou des "privés d'emploi".

Les "syndicats" trop connotés revendicatifs, combatifs, deviennent des "partenaires sociaux" ce que certains ne rejettent pas puisqu'ils ont adopté ce que l'on appelle le réformisme. Cela fera l'affaire d'un autre article.

Les "usagers" deviennent des "clients"...

Les "cotisations patronales" sont des "charges sociales"...etc etc

Que s'est-il passé?  Ceux que l'on croyait à gauche; les socialistes, les communistes; et qui auraient du réagir à chaque fois, à chaque fois, ont laissé les mots passé, sans contredire. Alors, ce vocabulaire a pris sa place, comme une place naturelle alors qu'elle a été faite à force de répétition.

                             "Tout abandon de principes aboutit forcément à une défaite".

Je reviens au début de mon propos après cette digression.

Donc la société anarchique est une société "naturelle": égalitaire, solidaire, libertaire...

Puis je me suis aperçu que déjà je dépassais largement mes 5 minutes.

Alors, je me suis dit je vais parler des personnes qui m'ont aidé à me construire intellectuellement.

Alors, j'ai commencé avec Errico Malatesta:




Lorsqu'on lit son histoire, on tombe sur "la propagande par le fait". Pour pour ne pas affoler le quidam, je me dis je vais en prendre un autre.

Emile Pouget, employé des ponts et chaussée, je me dis ,"je ne crains rien". Faux, j'arrive sur "la propagande par le fait".










Bon, je me dis, je vais essayer le dernier. Je prends Fernand Pelloutier, le secrétaire des bourses du travail. Je ne cours pas de risque.







Et, non, pareil, je me dis "Il faut que je parle de cette période pour calmer ceux qui pourraient avoir peur de l'Anarchie.

Et puis, pourquoi plus parler de l'un ou de l'autre, chacun ayant eu son importance dans ma construction.

Premièrement, que représente l'Anarchie dans l'esprit de n'importe qui?

C'est l'apocalypse, le chaos, le bordel, en un mot.

On va commencer avec un peu de sémantique. Anarchie vient du grec. Cela signifie société sans hiérarchie et comme le dit Norman Baillargeon :"L'Anarchie c'est l'ordre moins le pouvoir".



C'est lors du congrès de Berne en 1876 que fut envisagé la "propagande par le fait", c'est à dire tous actes pouvant être considérés comme insurrectionnel. Cela pouvait aller des attentats, comme ceux de Vaillant et Henry, être des actes d'individus isolés que l'on appelait des illégalistes, tels que Ravachol ou Alexandre Marius Jacob, des journaux, des grèves générales, des sabotages.

Une première chose, sans vouloir les excuser ou les justifier, les attentats des anarchistes, à la différence des attentats fascistes dans l'Italie des années de plomb par exemple, les années 1970, ont fait très peu de victimes. Seuls les bâtiments, comme l'assemblée nationale, des établissements de la finance ou de l'état étaient visés. Et lorsque cela visait des individus, ceux ci représentaient l'état, la justice dite bourgeoise, ou la religion. Les attentats fascistes sont aveugles, sans aucune visée politiques autre que de déclarer des guerres civiles pouvant justifier l'arrivée d'une dictature qu'il prendrait en mains. L'exemple de la gare de Bologne en est un exemple frappant et terrible. 89 morts en 1 seul attentat. Attentant que l'on attribua aux anarchistes avant que l'enquête n'aboutisse à un mélange explosif: armée, services secrets, policiers et une fameuse loge maçonnique dite loge P2 dont Monsieur Berlusconi fut un des membres.

Donc les anarchistes, sur une période de 30 ans environ firent la plus grosse connerie de leur vie en se lançant dans ce mouvement. Cette connerie fut la meilleure arme des bourgeois qui n'ont de cesse de l'agiter devant les yeux des citoyens afin qu'ils n'aient même pas la curiosité d'aller plus loin.

Les Anarchistes ont payé, pourtant, le prix fort pour défendre leurs idées. A chacun de leur procès, que la mort dut au bout du verdict ou que ce soit de la prison, ou le bagne, ils ont crié haut et forts qu'ils étaient anarchistes.

Maintenant, en dehors de cette funeste  période, qu'est ce que l'Anarchisme?

Cette philosophie est la liberté absolue et lorsque l'on commence à lire tous ces grands personnages qui ont donné leurs vies pour cette philosophie, on est heureux d'être libre. On est même impressionné de se dire que l'on peut réfléchir de la manière dont on souhaite sans jamais se limiter. Que l'on est capable de parler de tout su tout de la manière la plus débridée.

L'Anarchisme, on devrait parler d'Anarchismes puisque je dirais qu'il y a autant d'anarchisme qu'il y a d'anarchistes. Je ne peux les citer tous mais en vrac:

Michel Bakounine, Pierre Kropotkine, Errico Malatesta, Pierre Monatte, Fernand Pelloutier, Buenaventura Durruti, Norman Baillargeon, Emile Pouget, Nestor Makhno, etc  etc...

Maintenant que vous avez compris que l'Anarchisme n'est pas une pensée de mort mais de vie et de liberté, je vous invite à lire ce qu'ils veulent construire comme société et alors, vous comprendrez pourquoi tous ceux qui veulent le pouvoir pour le pouvoir: des bourgeois capitalistes aux bolchéviques dictateurs, ils n'aiment pas ceux qui prônent la liberté.