vendredi 31 mars 2023

L entretien infini de Maurice Blanchot

 "* Le héros ne meurt pas non plus, mais il ne fait que se survivre, ce qui est la pire ruine pour ce qu’il prétend représenter. Déjà, dans l’œuvre cornélienne, il subit, nous l’avons vu, une mutation – parce qu’il veut s’intérioriser (la recherche héroïque d’un beau Moi qui deviendra la satisfaction souffreteuse de la belle âme) et cependant faire de l’héroïsme le mouvement de l’Histoire : atteindre à la démesure, d’un côté, par l’affirmation d’un « Je » vide qui sera un orgueilleux délire, de l’autre par l’avènement d’une nouvelle forme de domination politique. Dans les deux cas, il s’est déjà perdu. Si le mot héroïsme a un sens, il est tout entier dans une certaine majoration de l’acte considéré en lui-même, lorsque celui-ci, exploit éblouissant, s’affirme dans l’instant et semble être le rayonnement d’une lumière : cet éblouissement est la gloire, elle ne dure pas et elle ne peut s’incarner. De là, nous l’avons vu, que le héros apparaisse toujours plus ou moins comme l’exploiteur de l’acte héroïque : il le substantialise, il y fait carrière. En vérité, l’héroïsme représente à un certain moment et ne représente rien d’autre que l’émerveillement devant le pouvoir d’agir, émerveillement devant ce qui n’est plus la puissance magique accordée par la nature, mais le merveilleux humain donné impersonnellement dans l’action conquérante : comment ! on a pu faire cela ! Et, remarquons-le, le vrai héros, ce n’est pas toujours l’homme qui agit, c’est aussi bien l’instrument d’action, non pas seulement Achille, mais ses armes, non pas Roland, mais Durandal."

mercredi 29 mars 2023

Éloge de la démotivation de Guillaume Paoli

 "Nous imaginons aisément quel dialogue de sourds se tiendrait entre Diel et un contemporain connexioniste et déconstruit. Ce dernier, l'entendant invoquer une "vraie" motivation, monterai sur ses grands chevaux poste moderne, il crierait à la rigidité bourgeoise, au simulacre, et défendrai mordicus son droit à la differance. Le vieux psychologue, pour sa part, diagnostiquerait chez son interlocuteur un cas désespéré d'avilissement banal, de vanité coupable et de mort de l'âme. Nous arrivons ici à un point caractéristique ou le passé et le présent ne peuvent plus communiquer, les garde-fous d'alors étant vue, de ce côté-ci du temps, comme autant d'entraves arbitraires."

dimanche 26 mars 2023

Eloge de la démotivation de Guillaume Paoli






"Prenons un domaine où la dégénérescence est de notoriété publique: celui de la politique. Il est même possible d'en faire une mesure objective; il suffirait de comparer les débats de politiciens d'il y a un siècle, 50 ans, 30 ans avec ,par exemple, celui qui en 2007 opposa la Mère-de-quatre-enfants au Vrai-mec-qui-en-a-et-qui-s'en-sert pour en analyser, non pas le contenu, mais la forme: combien d'adjectifs, combien de verbes sont-ils utilisés, quel temps, quelles figures de style, etc. L'appauvrissement du langage de ces professionnels de la parole issus des meilleures écoles de la République est arithmétiquement démontrable, et il n'est que le signe de la pauvreté concomitante de leur pensée. La raison n'en est pas bien mystérieuse. Non seulement l'avilissement propre à l'exercice de leur fonction s'est trouvé multiplié par la grâce de l'audimat et des conseillers en communication, mais encore leur pouvoir effectif s'est réduit à peau de chagrin. Dès qu'une décision est d'importance, elle est externalisée, déléguée à des technocrates et représentants de lobbies, le pantin élu ayant pour seule charge de la "communiquer" dans le poste. Dans ces conditions, il est clair qu'une personne douée pour la rhétorique, mue par un idéal ou même avide de pouvoir réel évitera soigneusement d'entamer une carrière politique, laissant la place à ceux qui ne savent pas faire autre chose, ou, pire encore, ont une revanche à prendre sur l'existence"


"Certes, il est futile de dénigrer encore la cuistrerie politicienne, mais il n'en va pas autrement ailleurs, dans les médias par exemple: un journaliste soucieux d'enquêtes minutieuses, de longs reportages, d'indépendance d'idées et de style n'a aucune place dans le paysage médiatique actuel. refusant d'avilir ce à quoi il croit, il s'abstiendra d'y entrer, laissant aux jocrisses de troisième ordre le soin de nous désinformer. Lui se cherchera une autre source de revenus et fera usage de son talent, par exemple en publiant ses enquêtes sur un réseau électronique indépendant. on pourrait sans peine multiplier les exemples où l'exercice d'une profession est contrarié par une vocation véritable. il est de grands disparus tel Alexandre Grothendieck, le Rimbaud des mathématiques, qui avait radicalement rompu avec le milieu scientifique parce qu'il ne supportait pas la collusion de celui-ci avec l'état et l'industrie, et médite depuis trente ans à l'écart du siècle."

L'inespérée de Christian Bobin

Elle ne vous fait plus peur


Quand elle descend sur l'enfance, la peur s'évapore aussitôt. Quand elle descend sur les adultes, elle reste, elle s'entasse. On dirait de la neige, une neige qui ne tomberait pas sur le monde mais sur l'esprit. La peur qui entre dans un cœur adulte rejoint la peur qui y était déjà. Elle s'effondre en elle-même, elle s'ajoute à elle-même comme de la neige grise. Alors, tu ne bouges plus. Alors tu t'interdis de bouger sous la neige sale, tu ne sors plus de chez toi, de ton mariage, de ton travail, de tes soucis. En resserrant ta vie tu cherches à diminuer le champ de la peur, à ralentir l'avalanche grise."


"J'écris depuis que tu me lis, depuis cette première lettre dont j'ignorais ce qu'elle pouvait dire, qui ne pouvait trouver son sens que dans tes yeux. Je n'ai jamais rien écrit de plus que les trois premières phrases de cette lettre: ne rien croire. Ne rien attendre. Espérer que quelque chose, un jour, arrive. Les mots sont en retard sur nos vies. Tu as toujours été en avance sur ce que j'espérais de toi. Tu as depuis toujours été l'inespérée".

samedi 25 mars 2023

Pour entamer quoi que ce soit de nouveau de M.A. Partie IV

 

Chapitre IV

 

J’ai toujours aimé la solitude comme on aime la séparation aux autres par la peur la volonté acharnée de ne pas souffrir de ne pas vouloir souffrir d’avoir l’illusion que la souffrance ne passe que par les autres ils ne peuvent être nous ils sont ce qui nous entoure mais sans approche sans contact Je fuis la peur dans ce cercle intime dans lequel j’aime m’enfermer mais cette littérature que j’ai découverte elle est paradoxale elle ce lien qui se tisse et qui doit s’exprimer nous ne les entendons jamais alors que ce qu’ils défendent devrait être au premier plan

L’espace, cet espace qui est encombré par les futilités les inepties les égos mégalos ne les tolèrent pas la morale qui n’est plus visible mais qui est là qui impose censure. J’aimerais avoir la force de vous obliger à lire « L’outrage aux mots » de Bernard Noël ce cri de l’homme qui souffre parce que le plaisir d’écrire a été attaqué. Il est l’homme qui a été malmené criminalisé pour être libre pour avoir tenté d’être libre. « Le château de Cènes », ce texte attaqué, pourquoi le défendre ? Sa seule défense était son existence, sa seule existence et le partage le partage amicale d’un sentiment d’un ressenti. Et si je suis bousculé, choqué, étripé, fustigé, maltraité ne devrais-je pas alors me dire qu’il a atteint ce que je n’avais jamais vu en moi ? Il a été le révélateur d’une partie de moi que je taisais un endroit où la meurtrissure se terrait. Cette liberté qui fait peur qui effraie les courts en ailes, ceux qui n’ont la vision en rase motte à la mode des souris qui court apeurées.

Je ne l’ai pas lu encore mais il sera lu avant la fin de cet ouvrage je le dois je lui dois j’ai cette dette envers cet homme qui a tenté la liberté qui a voulu me l’offrir et que certains ont décidé de tenter de m’empêcher de connaitre. Je lui dois, je le dois à ses amis qui ont la douleur de sa perte et qui savent, eux, la valeur de ce qu’il a écrit offert. M.S. m’a affirmé que Bernard Noël était le plus grand poète français, il me l’a affirmé avec cette douleur de savoir qu’il ne le verra jamais plus qu’il ne l’entendra plus que tout ce qu’il a écrit il l’a lu il l’a aimé compris que plus rien de neuf ne sortira de cet esprit qui court mais qui ne peut plus transmettre. Bernard Noël est comme beaucoup d’autres que je découvre en ce moment, il fait partie de ces cadavres exquis que je découvre à la fin à la fin de leurs vies à l’automne de la mienne. Je suis cette période qui doit être douce aux couleurs or à la senteur des sous-bois, je devrais être la personne qui déambule dans les chemins en pensant en lisant en parlant en aimant et en pleurant car je chemine en paix avec celle qui m’a toujours accompagnée sans relâche sans lâcher sans rompre ce lien si ténu elle est là. J’ai tout pour être heureux je suis heureux je n’ai plus peur de le dire je suis heureux et maintenant à tous les niveaux je n’ai plus qu’à le prouver à celle que j’aime que j’ai toujours aimé. Mal désordonné fougueusement maladroitement si profondément si intensément.

Je l’aime comme j’aime cette littérature libre échevelée passionnée convaincue que rien ne peut ne pas arriver que nous allons franchir tous les obstacles.

Elle est la personne de la littérature qui vit elle est ce que je comprends de ce que je lis elle est ce que je lis et que j’ai envie de lire elle est ce qui ne peut m’être interdit et dont je vais prendre possession pour ne jamais la perdre. Ni elle ni la littérature ni CETTE littérature.

Pour entamer quoi que ce soit de nouveau de M.A. Partie III

 

Chapitre III

 

Ce matin, je suis devant mon café et je ne sais plus si je suis heureux ou malheureux. Plus exactement, pour le dire autrement, autrement ou mieux, je ne sais pas si je veux savoir si je suis heureux ou malheureux. Je ne souffre pas d’être dans ce sentiment indécis. C’est comme un bien-être doucement mélancolique et pour autant apaisant. Je suis en paix. Béatement en paix. Une paix dont je n’ai pas les contours car ceux-ci deviendraient terriblement contraignants si j’en avais la connaissance. Ne pas savoir comme un besoin rafraichissant après ces années de certitudes. Je ne sais plus donc je deviens.

Suis-je malheureux de ne plus rien savoir, n’avoir plus de certitudes à part celle de ne plus vouloir en avoir ? Je sens que j’ai une parfaite compréhension de ce que je veux chercher. Pas de la solution mais de la volupté de la recherche qui ne sera à jamais inachevée.

Heureux parce que, de nouveau, je me retrouve devant une étendue que je sais ne jamais arriver à parcourir. Dont je n’aperçois pas les horizons. Me plait-il de ne pas voir les limites ? Cette joie de parcourir en tous sens sans jamais me cogner à des barrières, à des murs. Pourtant, je ne sais pas où aller en premier, je ne sais par quoi commencer. De par notre éducation, où tu ne colories que dans les limites, tu n’es que plus limité par la peur de te déplacer. D’aller où tu n’as peut-être pas le droit d’aller. Mais peut-on limiter tes déplacements dans un espace qui n’existe pas ou que tu t’inventes ?

Par contre ce que je sais, mon double, ma vérité, c’est que je suis en phase boulimique incontrôlable. Je ne sais par où me tourner sans que j’aie la tête qui tourne. Cet air si pur m’étourdit. Je pense que j’y arriverais. Ou alors je suis déjà parvenu où je devais aboutir parce que le but n’est pas un point précis mais un long chemin.

Pour entamer quoi que ce soit de nouveau Par M.A. Partie II

 

Chapitre II

 

J’ai subi une autre naissance depuis maintenant deux ans. Elle fut douloureuse pour ceux qui tentèrent de me suivre, pour ceux qui ne comprennent pas que le bonheur d’écrire fait souffrir celui qui lit. Je ne souffre plus de ce que j’écris, je souffre de ce que les autres souffrent en pensant que je souffre. Ne plus être heureux d’écrire ce que les autres lisent dans la souffrance. Elle n’est donc pas la mienne, elle devient la leur. Mais dois-je y mettre un terme ? Suis-je donc libre d’être heureux d’écrire enfin, finalement pourrais-je dire, alors que le mal que je fais est quelque chose qu’ils ne peuvent concevoir ?

Comme pourrait le dire Blanchot, qui le dit mieux que moi, qui le dit définitivement dans les recherches qui furent les siennes, j’aspire à devenir « Le livre à venir ». Celui qui ne doit s’écrire que parce qu’il se doit d’exister comme une affirmation de l’utilité. J’erre dans « L’espace littéraire » depuis ce temps de la découverte de ce que c’est qu’écrire, que lire. En fait, « Le livre à venir » est l’espace qui se place entre ce qui n’existe pas mais se pense et le moment où ce qui ne se pense plus se transforme en un temps qui s’écrit définitivement. Il faut donc que cet espace soit le plus précis possible puisqu’il ne doit pas apporter plus de réponses qu’il ne pose de questions.

Mais, être le livre à venir c’est arriver au bout de l’écriture. C’est souffrir peut-être délicieusement de ne plus avoir à écrire, ce dire que tout fut fait. Mais, Georges Bataille le dit aussi, qui le dit toujours mieux que les autres, et de manière définitive : cette envie, nous ne devrions plus l’avoir en nous ? Il l’a inscrit dans le livre de Roger Laporte : « Lettre à personne ». D’ailleurs, celui-ci ne fut-il pas celui qui osa se sacrifier pour les autres ? Tous les autres ? Ceux qui pensent ce qu’il pense sans avoir le courage de le faire.  Satisfait de ce que l’on a écrit, satisfait d’être parvenu à une fin, une fin de soi véritablement. Comme une mort que l’on a maitrisée, domptée. De celle dont on peut revenir, dont je suis revenu, ou plutôt dont je tente de me dépêtrer.

Je tente de devenir ce que je tente de comprendre de la littérature.

Lorsque nous nous ne savons qu’écrire, nous parlons de la mort. Sujet facile qui ne nécessite aucune connaissance, qui ne nécessite que d’aligner des sensations ou des  sentiments que nous pourrions ressentir à ce moment-là de la vie, de la fin de vie. Ce temps d’avant qui, déjà, ne nous appartient plus en propre mais c’est la part que l’on donne à l’humanité, à la multitude.

Ou alors parler de soi, pareillement ne nécessitant aucune connaissance même pas celle de nous-même. Et là encore, à chacun de parler de soi comme un individu n’est pas non plus se confondre avec la multitude, ceux qui ne cessent de parler d’eux-mêmes ?

 

Lorsque M écrit qu’il veut mettre un terme à certaines activités et que je l’interroge sur ce fait, comme une inquiétude, ne me répond-il pas : « ne prends pas garde aux mots que je dis ». Alors, toi aussi, toi surtout, toi malheureusement, ce que tu écris n’est pas toi, n’est pas la vérité. N’est de cette vérité instantanée qui dès prononcée s’échappe dans le néant. Tu n’écris donc que le néant lorsque tu écris le quotidien, la vie qui te tient. Et moi, alors, je deviens la victime de cette vérité qui déjà est défunte depuis le temps de l’écriture et je subis ce jeu de ton écriture, je suis la victime consentante de ton plaisir. Donc je suis un lecteur lambda et non un confident.

 

Bataille écrit: « J’écris pour qui entrant dans mon livre, y tomberait comme dans un trou, n’en sortirait plus. »

Depuis peu, je sens que je suis dans un trou dans lequel je tourne en rond, retrouvant sans cesse les mêmes noms, les mêmes textes. J’aime les textures, j’aime le chant. J’aime les chants et je passe de l’un à l’autre parce que tellement envie de les lire que je me dois de les oublier. Je les oublie et les relis. Lire n’est pas réciter. Réciter, apprendre à réciter, ce n’est pas lire. Je lis comme un chant qui coule; réciter/apprendre est un travail c’est une souffrance de se forcer à ce texte qui coule de moi vers les autres. Je lis pour moi, je ne veux pas réciter pour les autres. Et je ne peux lire pour les autres. Je ne peux chanter dans ma lecture à haute voix comme je peux danser dans le texte que je lis pour moi en silence, en souriant, en pleurant, en chantant que je pleure parce que je lis. Je lis que je pleure quand je lis. Tout cela est une ronde, une ronde dans laquelle j’aime me laisser porter. Je ne suis plus ce poids. Je suis le poids des mots légers que je lis dans le creux de ma tête. Comme une couette que je me remets sur les épaules, comme ce monde que je ne veux pas fuir. Je lis pour ne pas fuir, je lis pour fuir la fuite.

Lire est une chose, lire est une partie de l’existence mais écrire. Ecrire. Porter au plus haut l’exigence de l’écriture. C’est un plein qui étouffe. Lorsque cette passion te prend, tu ne peux plus rien faire.

Tu sais que tu ne pourras jamais écrire la perfection que tu recherches. Tu as envie de dire « j’arrête d’écrire » et j’écris que je vais arrêter d’écrire. Tu le dis, d’autres l’ont déjà dit et mieux que toi, de manière plus dramatique que tu ne pourras le faire. Et tu ne t’y tiendras pas puisque tu continueras à écrire que tu veux arrêter d’écrire.

Blanchot l’écrit lui dans la postface de « Lettre à personne » de Roger Laporte. Cela donne « Il ne peut plus écrire (il n’a plus rien à dire), mais il s’aperçoit, avec horreur, avec terreur, que le désir d’écrire persiste en lui. Le désir d’écrire, désir personnel, et l’exigence d’écriture, postulation impersonnelle, ne coïncident pas. Réfléchissons sur ce problème. Il est peut-être insoluble, parce qu’il ne devrait pas se poser ».

 

Et c’est à ce moment que ce personnage passera devant moi. Il n’aurait jamais pu exister avant. Je le crée pour qu’il me réponde. Ou qu’il ne soit que le silence que je cherche dans la réponse. Pourquoi pas une femme ? Pourquoi pas un homme ? La question se pose. Ou plutôt elle n’a de réponse évidente que si je la pose. L’homme ne peut écouter sans comparer, hiérarchiser et se mettre en concurrence. Donc à partir du moment où il cherche à intervenir par sa propre expérience, il n’écoute plus. Il se peut aussi que ce soit un être éphémère, immatériel, qui n’aurait de consistance que dans une réponse hypothétique. Je ne peux l’apercevoir que depuis que je parle de littérature, que je pense écrire/lire comme la double face de l’existence. Elle sera celui/celle qui me renverra toutes mes questions. Il/Elle pourra n’avoir aucune réponse. Il/Elle ne portera que les questions. Il/Elle sera ma Nadja, celle qui m’opposera la vie à ma recherche. Il/Elle sera également Nina. Celle qui écoute et qui renvoie de façon muette les questions que je lui envoie. Il y a les questions que l’on pose et celles que l’on tait car elles n’ont que la force du silence.


 

Pour entamer quoi que ce soit de nouveau de M.A. (titre provisoire) Partie I

 

Chapitre I

 

 

 

Pour entamer quoi que ce soit de nouveau, d’innovant, dans ma volonté de créer quelque chose, je dois absolument partir d’une affirmation.

Une de celle qu’on ne peut jamais remettre en cause puisqu’elle sera la fondation immuable. Comme le point de départ  de l’éternel retour/ le monde des amants de M.S. dans lequel il affirme : «  je cherche à penser que penser peut décider de tout. Non pas peut-être tout toujours, mais toute une fois au moins. S’il y a rien que je puisse vouloir encore, c’est cela. Voilà pourquoi je suis ici. Voilà pourquoi j’ai, pour un moment au moins, tout arrêté. Parce que je veux croire que penser ne compte pas moins, pour celui qui pense, que croire pour celui qui croit. »

 

Si on peut partir d’une telle affirmation, je pense pouvoir partir d’une conversation qui n’a jamais existé, qui n’en est pas une. Même si elle n’existe pas, elle a la valeur de la construction, de la remise à zéro. Elle n’a d’existence que parce qu’elle a été envisagée, imaginée, fantasmée. Mais en a-t-elle moins de valeur ? Non, je ne le pense pas. Dans le temps, elle prendra la valeur d’une conversation qui aura été réelle. Ce n’est pas pour autant que je deviendrais fou ou que ma vie ne sera qu’une histoire inventée du début à la fin. Il existe des instants, posés dans le temps, dont on ne peut pas penser qu’il n’existe pas, qui ne peuvent pas ne pas être réels. Nous voulons tellement qu’ils existent que nous en construisons le scénario et, à force de se le répéter, ou de l’écrire, la vérité est celle que l’on aura inventée spécialement pour ce moment. Sommes-nous pour autant des menteurs ? Des affabulateurs ? Pas plus que tous ceux qui nous entourent. Pas plus que ceux qui fantasment l’histoire de notre pays et tentent de nous en imposer un souvenir qui n’a jamais été. Mais nous sommes certainement les moins dangereux.

Que représente alors la vérité dans tout cela ? C’est la vérité des instants que nous aimerions vivre. Nous sommes capables de le dire, d’en rire même. Mais ceux qui réécrivent l’histoire sont ceux qui mentent véritablement dans le but d’obtenir le monde qui vont décrire plus tard dans leur livre d’histoire. Ce monde qui n’est que le leur et qu’ils nous imposent car ils tiennent tous les leviers décisionnaires, sans nous laisser un seul espace dans lequel nous pourrions développer notre propre vérité. Pourquoi perdons-nous ? Car nous participons à ces moments organisés par les détenteurs du pouvoir et leurs acolytes asservis, nous participons à leurs règles, nous admettons leurs règles, nous acceptons leurs règles pour avouer ensuite que nous ne pouvons dire notre vérité. Nous le voyons bien actuellement, une manifestation, une contestation, cadrée, organisée, surveillée, téléguidée, n’indispose personne. Elle est systémique au fonctionnement de la machine à broyer, vous êtes là où l’on vous a prévu, vous ne surprenez pas. De plus, elle est festive, vous chantez, vous sautez, vous dansez ; vous offrez à ceux qui gouvernent et à leurs médias, le spectacle de votre vie moribonde, de vos douleurs, de vos souffrances. Souffrez dans le rang ! Souffrez mais offrez nous de belles images bien propres, bien lisses.  De la liesse dans la morosité !

Bref, je reviens au sujet de mon chapitre : je pars de cette vérité fantasmée de la conversation monologuée pour bâtir la suite. Celle que je veux, celle que j’aimerais.


 

 

Je ne parlerai plus qu’à toi qui part

 

Discussion imaginaire avec M.               Partie I

 

M., cette discussion, nous ne l’aurons jamais…Elle est née morte dans mon rêve de la tenir…Tu as disparu parce que je t’ai fait disparaitre, j’ai créé la disparition de ma curiosité…

Je voulais te dire, j’aurai voulu te dire, j’aurais souhaité avoir le courage de l’impudeur de te dire : je t’ai connu et je vais être obligé d’arrêter d’écrire. J’en suis obligé car j’ai atteint la fin d’une ligne droite.

Elle a été rapide, directe, intransigeante, éprouvante, exigeante…mais tellement joyeuse.

Elle a été joyeusement captivante, désolante, irritante mais je ne pourrais plus jamais écrire sans penser que tu l’as déjà dit, écrit et tellement mieux.

Je ne vais plus écrire non parce que je n’aime plus écrire, non, au contraire, je ne vais plus écrire puisque tu as écrit mieux ce que j’aurais pu écrire si j’avais eu ton talent.

Je ne vais plus écrire, justement parce que je ne lirais plus ce que j’aurais pu écrire si j’avais eu un jour une parcelle de ta clairvoyance.

Je vais arrêter d’écrire pour arrêter de ne plus lire ce que je cherche mais lire ce que je vais découvrir.

Cette discussion, nous ne l’aurons pas, car tu es déjà parti…

Parti, par ma faute, parti, en tentant de te retourner, honnêtement, peut-être, sincèrement, sans doute, mais parti.

Tu m’es parti car je n’ai pas su te dire de ne pas partir.

Et pour te paraphraser : « Je ne vais plus écrire, non parce que je t’ai rencontré, mais parce que je n’ai plus à écrire que je t’ai rencontré ». 

 

 

Discussion imaginaire avec M.    Partie II

 

M., tu dis, je le dis aussi parfois, dans ton dernier roman de pensées, lorsque je ne vais pas bien, que la révolution, quelle qu’elle soit, est toujours trahie. Comme une conséquence évidente de son destin, la trahison est le destin de toute révolution. Mais je peux dire aussi, tu ne le dis pas, ou pas vraiment, ou peut-être le penses-tu sans le dire, sans l’écrire, seules les révolutions messianiques sont amenées à être victorieuses.

Pour le malheur de ceux qui n’en veulent pas de celles-là, pour ceux, à long terme, qui n’en veulent plus après les avoir amenées à gouverner.

Alors, peut-on encore en vouloir une ?  Cela reste un rêve que l’on peut avoir. Comme quelque chose qui peut nous aider à tenir, une sorte de béquille. Qui peut encore rêver d’une révolution alors qu’ils en craignent la trahison, qu’ils savent assurément que de toute façon la trahison en sera la conclusion ? Tu dis également, je le pense et je peux l’écrire dorénavant, « la politique est une malédiction et n’est que malédiction ». Je ne le pense pas parce que tu le penses, que tu l’écris ; je le pense également parce que je ne l’ai pas encore écrit mais que je le pense depuis bien longtemps.

M., tu dis que l’on ne peut être que déçu de la révolution car elle n’est jamais ce qu’on espère. Mais toute une population peut-elle vouloir la même révolution, sans croire au messianisme, sans ne plus croire au messianisme religieux ? Peut-on plus croire au messie de la politique qui est une malédiction ? Le messie de la malédiction, peut-il être le guide d’un peuple qui ne rêve plus que du malheur de peur de prendre en main son potentiel bonheur ?

M., tu dis, tu ne le dis jamais assez fort pour que quelqu’un puisse le croire, tu dis que tu fuis la politique, que la politique c’est fini pour toi. Pour ne pas le dire suffisamment fort, elle est dans ton métier, elle traverse tes écrits que tu ne veux plus écrire parce que tu dis ne plus croire en la politique, elle est dans tes relations, celles-là même que tu fuis sans les fuir puisqu’ils sont invités à écrire dans ta collection.

M., cette conversation ne pourra jamais existée, pour n’être que virtuelle. Je suis mon Dargerman, je suis mon M ;, je suis celui qui lis et que tu écris ; tu es celui qui écrit pour celui qui lis mais qui n’écrira plus.

 

Discussion imaginaire avec M. partie III



Cher M.,



Tu me l’as écrit personnellement, et je le lis dans ton roman à penser.
A penser l’avenir ? A penser que la police est partout, même dans des relations qui sont nées, mortes, nées/mortes, sans conséquences, me laisser pantois de bêtise, seule avec ma bêtise.

« J’avais noté ceci à ton attention : le nom n’a rien d’intime puisque sa fonction est sociale. Mais le vérifier relève en principe de la police. »

Tu es tous ceux qui ont fui quelque chose ou quelqu’un.

Peut-être t’ai-je posé cette question parce que moi aussi je fuis ? Je fuis quoi ? Mais moi…Je me fuis depuis que je sais que je ne suis pas celui que je devrais être…Je suis devenu celui que les autres ont fait de moi, ont pensé que je devais être…

M., tu sais, tu le sais toi, que jamais tu n’arriveras à te fuir indéfiniment…Mais tu le sais…C’est pour ça que tu ne peux plus t’arrêter, te poser, et tu regardes tous ces chemins que tu as parcouru…sans te poser…avec la crainte de te poser…de poser tout ça…de te dire : « C’est bon, c’est fini…Je ne peux plus aller plus loin »

Et qu’est-ce qu’il adviendra ce jour-là ? M., feras-tu l’irrémédiable, l’as-tu déjà fait ? L’as-tu déjà préparé ? Tu n’as pas encore donné la date mais ce chemin, c’est celui que connaissent tous ceux qui fuient..

C’est pour cela M. que tu aimes l’horizon de la mer à F., parce qu’un horizon, on ne peut jamais l’atteindre. Alors, on peut le regarder, le scruter et se rassurer car, pour le rejoindre, on sait que la route est longue, inatteignable, comme le but de la fuite..

M., un nom, une histoire, celle de EUX, celle que l’on t’a obligé à porter, alors que c'est mort qu'il te "voulait".

Mais M., cher M., ta dernière fuite sera peut-être ton dernier choix...le plus dur…Le plus terrifiant…

Tu ne pourras jamais fuir ceux qui t’aiment, jamais.



Discussion imaginaire avec M. partie IV



M. comme il est curieux, je me dis, que tu veilles à tel point disparaitre que tu ne veuilles que connaitre la vie de ceux qui t’interroge.

Qui interroge ta fuite, nos fuites, et nous les aimons mystère, curiosité non révélée, accrue, ardente, frénésie…

M., ton nom comme une trace indélébile de ton passé. Tu connais les anecdotes des uns et des autres, tu es l’inspecteur de leurs morts, le biographe de leur disparition, tu l’exposes, tu expliques que toi tu ne veux pas que l’on connaisse, que tu refuses que l’on cherche.

M., tu portes fascination à la disparition brutale, comme celle que tu n’as pas faite, que tu n’as pas brutalement infligée, à toi, à ceux qui t’aiment, à ceux qui se posent question.

Tu as choisi la disparition lente de la fuite.

Tu dois l’entendre, je te l’écris, je te le dis, ta disparition est violence pour ceux qui t’aime, que tu n’aimes pas, pas forcément, pas forcément puisque pas de volonté d’attache, ou que tu t'efforces de ne pas aimer.

Tu fuis les attaches, toutes, les familiales, les amicales, celles que tu as choisi, à un moment, qui, aujourd’hui t’encombrent.

M., ta fuite est la vision, la trace, l’absence de ton égotisme. Et, de fait, M. , je te le dis, je te l’écris plus que je ne te le dis, puisque tu as fui ma question de par ma faute, tu m’as fui par mon propre choix de ne plus te voir, de te croiser, tu nous exposes à ce que tu détestes qui n’est pas toi, proche ou lointain.

Autre paradoxe M., pourquoi m’as-tu approché, parlé, jusqu’à la sympathie apparente, réelle ou feinte ? Toi qui fuis toute relation, toute relation amicale, et surtout familiale ?

Tu voulais te prouver (m’infliger) que tu étais encore en capacité de fuir de nouveau…Tu l’as dit, écrit, tu me l’as dit, tu me l’as écrit…

M., j’ai été, vis-à-vis de toi, le Dagerman de M., comme Dagerman réel ou double fut celui de Nietzsche. Tu es Nietzsche et je suis ta Lou ?

Quelle est donc cette construction de l’approche qui n’en était pas une, pas une réelle, une feinte, une approche esquive ?

Je te l’ai écrit, faute de te le dire, je ne connais ni légèreté, ni paix.

Je suis moi qui ait rencontré M., aimé M. et qui, déjà, depuis même le début, même peut-être avant que je te connaisse (reconnaisse ?) regrette M., la disparition de M., le regret peut-être même de t’attendre sans que tu viennes, sans que tu viennes, vraiment. Ou, que tu viennes mais que tu ne me reconnaisses pas, comme un qui aurait pu, qui aurait dû…

Peut-être celui qui aurait pu te faire douter, te faire remettre en cause la fuite, les fuites, toutes les fuites.

M., permets-moi d’avoir cette immodestie puisque nous ne l’avons jamais évoquée, nous ne l’avons jamais espérée, nous n’en avons peut-être jamais eu l’idée.

Je suis celui aussi qui fuit, qui ne veut s’attacher, qui ne s’attache pas, mais à quel prix ?

 

Discussion imaginaire avec M. partie V

M., tu n’es que ce que tu écris ? Tu n’existes que parce que tu penses ? Par ce que tu penses ? Une pensée plus haute que la vie, plus haute que l’existence.

 

Mais M., tu existes déjà par tes fuites constantes, tu existes par tes absences auprès de ceux que tu as fuis, ceux qui, peut-être, espèrent un retour, et même ceux qui ne l’espèrent plus mais le souhaitent. Tu existes par ceux que tu vas bientôt fuir de nouveau, ceux qui désespèrent de t’aimer sans retour, ou alors, faussement, ou alors, ceux que tu aimes mais que tu vas fuir quand même car ton existence est la fuite. Tu l’écris, tu le dis, tu fuis, tu fuis, en désespoir de cause. Tu ne te fuiras jamais assez.

 

Il fut un temps où je ne pouvais plus te parler. Le monde dans lequel tu t’es enfermé pendant ces quelques pages m’asphyxiait. Je ne pouvais articuler une pensée et j’ai même eu le culot de penser que tu te trompais. Il ne pouvait pas être question dans un monde que j’avais désormais décidé de quitter, de fuir, pour le coup, de fuir définitivement pour justement penser te rejoindre mais hélas, te rejoindre, aller vers toi, semble me ramener vers mes démons. M., puis la fenêtre, l’ouverture, la lumière, il y a l’amour, toi qui ne croit plus en rien, qui semble ne plus croire en rien, dis-tu, écris-tu, mais toi qui aime l’amour, qui veut croire en l’amour, qui croit en l’amour mais, écris-tu, pas l’amour vulgaire, non, seulement celui qui rejoint l’universel. M. je pense que tu l’as trouvé, tu sais que tu l’as trouvé, ne l’écris tu pas comme pour conjurer un sort, l’écrire serait le perdre, pour le moins le montrer, le dévoiler, pour le mettre en péril, en lumière qui se ferait agressé. Tout cela se cache, se tait, tu l’écris pour un autre, celui que tu caches être, celui qui est ton double, celui à qui tu dis « tu »…Sans doute le dernier recours après la révolution, après la politique, ces désillusions, dis-tu, écris-tu, jusqu’à dire, sans hésiter, des malédictions, de réelles malédictions, que ce ne sont que ça…au nom de ceux qui en sont morts, ou mortellement affectés en ont-ils fait leurs raisons de suicides ? Ceux que tu as suivis, pas à pas, dans leur déliquescence, jusqu’à disparaitre de leurs vivants dans leurs morts, dans leurs inexistences de morts, ceux que l’on ne découvre que tard, par hasard, ou par erreur, de celles que l’on doit élucider…Cette limite en lame de rasoir que tu sembles enjamber comme pour une marelle endiablée jusqu’au soleil ? Ton soleil vers lequel tu sembles revenir à chaque fois, comme pour te ramener vers la vie, vers la lumière…celle qui te permet d’en apercevoir encore en toi.

M., je t’ai aperçu aujourd’hui, je le devais, c’était écrit, quelque part entre nous, un pacte silencieux et secret et j’ai souri, cet après-midi je souriais en te voyant, vivant, heureux parce que deux, heureux parce deux sans eux, ces ombres, ces nuages, ces obscurités jamais assez lointaines…

Discussion imaginaire avec M. partie VI

 

Ma mère ne s’est jamais absentée de rien, jusqu’à ce qu’elle existe. Qu’elle existe dans le monde qu’elle traverse, le monde dans lequel je ne suis pas, pas plus qu’elle n’est mère.

 

Ma mère, à jamais ne la voir vraiment, elle n’a jamais perçu que la peur de ne pas comprendre ce que je suis et ce que je pense.

 

Ma mère, de ne pas vouloir aimer avant de comprendre, n’a jamais eu la force, la volonté, la force de la volonté, ou la volonté d’avoir la force d’aimer avant de comprendre, aimer pour comprendre.

 

Tu peux le comprendre, M., dans le monde des « Morts nés/eux », ce que tu décris est ce refus d’amour sans qu’il n’ait besoin de raison. Peut-on nommer ce qui ne ressemble à rien de ce peut ressentir un être humain pour un autre, étranger de par la volonté, étranger car sans volonté de chercher à aimer, aimer c’est s’encombrer, c’est alourdir le voyage auquel nous n’avons jamais eu le droit de participer. Nous ne faisions même pas office de bagages encombrants.

 

M. nous imitons si bien la vie qu’on arrive à se prendre au jeu.

 

 

Discussion imaginaire avec M. partie VII

 

Si nous pouvions revenir à la première discussion qui n’aura pas lieu, qui n’a jamais eu lieu, que jamais je ne pensais que tu aurais pu être celui qui m’écoutera, comme tu écoutes, physiquement, complétement, dont il ne sera plus possible qu’elle existât un jour ou l’autre, je te lis. Je te lis comme si rien d’autre ne pourra être lu par moi, comme s’il m’était dorénavant interdit de lire, d’écrire, de penser même. Je te lis, M., comme la fin de la recherche, de ma recherche, sans vraiment chercher mais en l’espérant, le souhaitant. Je n’ai plus à rechercher, j’ai trouvé. Sans savoir qu’on le cherchait, on sait, on sent qu’on l’a trouvé, comme une plénitude. Mais y ai-je trouvé la paix ? Un apaisement même momentané ? Et de savoir que je ne devrais plus avoir à écrire, allait-ce être l’enfer ? Un désespoir insurmontable ? Comme une mission que je m’étais imposé que je n’aurais plus à subir, à m’imposer, comme l’on s’impose parfois des plaisirs malsains, sains, heureux, perturbants, savamment perturbants.

Non, j’étais apaisé, heureux que cela existât même si je n’en étais pas l’auteur, heureux peut-être parce que je n’en étais justement pas l’auteur.

Mais vas-tu aussi disparaitre M. ? Vas-tu aussi vouloir tout détruire comme Kafka ou ou ce fameux mystérieux Adler, qui a disparu au point de ne pas avoir existé, vraiment existé, que l’on doute qu’il existât tellement il disparut, comme le prétexte de ce que tu cherches à nous imposer, un jour, à un moment que tu choisiras ? Car tu es, malheureusement pour ceux qui veulent t’aimer en toute indiscrétion, comme un artiste qui peut penser, qui a le droit de penser, que rien ne doit lui survivre au-delà de notre affligeante présence. Comme tu dis, mourir entièrement, complétement, plus qu’assez, en tout cas. Rien ne fut, tout passe qui ne laisse pas d’empreinte.

Il y a des livres que l’on n’a pas envie de finir, pas le droit de finir, qui sont pleins, libres, aérés, denses. Des livres qui nous complètent, qui nous enveloppent, qui parcourent nos vies sans nous lâcher.

Discussion imaginaire avec M.       Partie VIII

 

 

Tu sais M., cet après-midi, j’ai pleuré.

 

J’ai pleuré en passant devant le rideau fermé.

 

Définitivement fermé ? En tout cas pour moi, il l’est. De par ma seule volonté, de par ma seule erreur. De cette insurmontable erreur que j’endosse comme un costume trop serré qui m’étouffe, qui bloque mes mouvements, mes déplacements ; qui laissent des empreintes sur mes pensées, mes errances littéraires, poétiques ou insomniaques.

 

M., tu es parti, sans me laisser l’espoir de te revoir. Je pense que je ne te reverrais même plus.

Ne plus t’apercevoir marchant à côté de celle qui te côtoie, qui ne te pose plus de questions, (T’en a –t-elle déjà posé ?), de ne pas te connaitre, de ne pas chercher à te connaitre pour être encore à tes côtés, pour prévenir une fuite, la dernière avec elle, donc elle marche, en silence, non dans la confidence, elle t’aime donc elle n’ose plus te connaitre, ne te questionne pas, elle, elle aime dans l’ignorance comme tout être qui aime vraiment sincèrement.

 

Ne t’ai-je pas aimé ?

 

Non, je t’ai admiré, comme un fan, comme un groupie qui voulait faire croire à de l’intimité. Mais non M., ce rideau, ne s’ouvre pas, même ouvert.

 

Alors, simplement, sans m’y attendre, sans que l’instant soit issue d’une réflexion ou d’un chemin de réflexions dont la destination était cette pensée ; non, elle s’est imposée, une évidence, une fulgurance : et que vais-je devenir de ne plus te voir ? Que vais-je devenir de ne plus t’apercevoir dans cette petite ville F., devenue selon tes dires : « qui change trop et devient de plus en plus une sorte de parc d’attractions pour une population de touristes infantilisés ».

 

Et puis, l’instant d’après, lors d’un moment de paix et de silence, j’ai repris la lecture d’un de tes ouvrages qui ne parle que de disparition, mais pas forcément la mort, la disparition dans sa globalité : œuvre, histoire, nom et physique. La mort assez. On ne meurt jamais assez.

 

 

J’ai aussi cette envie que rien ne subsiste de moi, rien.

Mais, doit-on l’imposer à une famille que l’on s’est construite ? Doit-on ? Si cette famille l’accepte, peut-être. Mais encore faut-il avoir la vraie conscience d’un être qui disparait totalement, ce qu’il laisse comme empreinte de sa plus d’existence. Je vis, personnellement, depuis ma naissance, presque, avec un être qui a disparu, avec la construction matérielle de sa disparition : dans le langage, dans les preuves de son existence. De ne pas vouloir imposer les questions de la non existence, je m’en suis imposé un traumatisme, celui que je n’ai pas voulu imposer à ceux qui ont vécu cette disparition.

 

Pour conclure M., cet échange, que j’écris, car, de le dire, je n’en aurais pas le courage, ou le temps de trouver le courage de te le lire, de te l’imposer comme aujourd’hui, tu t’es imposé à moi, comme une partie de ma vie. De mon esprit.

 

M. , tu n’aurais jamais eu à parler de toi, puisque, de toi, je ressens ce que je veux de toi, et surement pas la vérité

 

 

Discussion imaginaire avec M.       Partie IX

 

Mon cher M., que fut cette scène que nous vécûmes cet après-midi ? Cette étrange gêne de deux individus qui veulent s’éviter ; l’un peut être véritablement comme parce qu’il a accepté la décision de l’autre tout en tentant vainement de la contrer, d’y mettre un terme, de rassurer, d’exhorter à surseoir à cette décision, qui n’en n’était peut-être pas une, juste l’erreur d’un instant de tristesse infinie de s’être senti comme les autres personnes, celles que l’on méprise, qui jugent, qui enquêtent, ceux qui ne cessent de mettre des étiquettes, qui perforent les individualités, et qui s’immiscent dans les intimités.

Oui, tu fus celui-là, le temps d’une question. Mais tu l’as rejetée, sans attendre une réponse, sans attendre la sentence de ta punition, sans attendre un instant plus propice pour tenter de t’excuser, t’excuser de toi-même, cherchant dans quelques réponses celle qui te permettra de croire qu’il ne s’est rien passé. Mais il s’était passé cette chose étrange lors de laquelle tu t’es cru autorisé à poser cette question en forme de couperet.

Et l’autre, l’autre, qui a tenté vainement de marcher vers lui, ne sachant plus, n’espérant plus, n’y croyant plus et prenant de pleine face cette décision qui fut la tienne : celle de changer de route. N’as-tu pas profité que nos yeux se sont perdus pour faire ce choix, qui n’en était peut-être pas un à ce moment-là mais plus une instinctive décision, celle de respecter, de ne pas laisser de chance, de ne pas être celui qui revient, peut-être à tort en passant au-dessus de la décision de l’autre de ne plus se voir.

Mais tout s’est joué en quelques secondes, les seules secondes nécessaires pour faire ce choix, qui n’en fut peut-être même pas un puisque cette situation n’avait sans doute jamais été évoquée ni par l’un ni par l’autre : que ferais-je si nos chemins devaient se croiser dans cette ville ? Sans doute n’y avons-nous pas réfléchi car nous savions que nous déciderions sur l’instant. Ce fut ta décision, tu as été le seul à la prendre.

Mais qu’en a pensé C. ? Soumise, complice, elle t’a suivie. T’a-t-elle conseillée de ne pas faire ça et cette décision fut l’objet de la discussion qui suivie cette rencontre. Sans doute, M. as-tu su lui expliquer pourquoi il ne fallait jamais laisser de chance lorsqu’une personne blesse, se croit blesser, se sent rejeter. Ne l’as-tu pas été tant et tant qu’aujourd’hui, il est hors de question, ne serait-ce qu’une seconde, que ce soit toi qui soit rejeté une nouvelle fois. Chaque fois maintenant, tu rejetteras, ou tu fuiras. Mais le rejet est en soi une fuite.

 

M., lorsque je t’ai vu venir vers moi, j’ai reçu un double choc. Tu étais encore présent dans cette ville que tu voulais fuir de ne plus t’apporter le confort de l’anonymat, la sécurité de l’inexistence. Car, en fait, M., tu fuis la vie. Tu fuis tout ce qui constitue la vie. Tu marches, errance sans but, tu devises, face à un silence docile, tu ne peux pas t’arrêter, ne jamais s’arrêter.

Puis, moi, qui ne savait que faire, qui était presque à accepter de te reparler, c’est-à-dire, revenir lâchement sur ma décision, sans me préoccuper de ce que tu voulais toi, sans penser à ce que tu pourrais penser de moi, de ma lâcheté, de ma volonté de bafouer une décision prise. Presque heureux de ne pas tenir parole, cet engagement que j’ai pris avec moi-même, en t’excluant comme celui qui sollicite. Tu ne sollicites jamais, M., ou alors, si peu de temps, que tu ne laisses à l’autre aucune possibilité de revenir sur ce qui fut un mouvement d’humeur, de honte.

 

Tu as tourné dans la rue la plus proche pour que nos chemins ne se croisent pas. Ne se croisent plus.

M., cette fois-là, j’ai véritablement pris ma punition en pleine face. Avant, ce n’était moi-même qui me l’étais infligée, sans t’inclure. Mais, aujourd’hui, c’est toi qui me l’as infligé, en m’excluant.

Ce détour, me l’as-tu infligé car tu voulais respecter ce que je t’avais dit ? Te heurtant, tout en me heurtant ? As-tu fait ce choix car tu ne veux plus toi me voir ?
M., finalement, aujourd’hui, je sais que te voir me voir sans te parler, sans me parler, est une douleur que je ne peux que difficilement supporter. T’apercevoir à la dérobée, est une petite joie toute sensible mais te voir m’éviter volontairement m’est une agression que j’ai moi-même orchestrée sans vraiment en avoir conscience, au moment de la décision, de toutes les conséquences.

Peut-être que toi partant, toi parti, ces rues vont-elles redevenir ce qu’elles sont en vérité, des artères vides, ou presque vides puisque sans humanité.

Mais toi partant, parti, c’est savoir concrètement que, à ce moment-là, à ces instants où je ne t’apercevrais plus, ce sera ce définitif qui fait mal.

 

 

Discussion imaginaire avec M.       Partie X

 

Je suis toujours dans la déshérence.

Je cherche à t’apercevoir sur les artères que je suppose que tu serais apte à arpenter. Celles qui te procureraient le moindre mal, qui t’éviteraient de croiser ces êtres qui t’insignifient. Qui te heurtent. Qui nous heurtent ; dont l’existence nous insupporte.

Pas leurs discours, pas leurs regards, non, plus ample, plus amplifié : leur simple existence, leur simple encombrement des espaces. De tous les espaces. Ils insupportent l’air, les paysages.

M., en te cherchant, je me disais, je l’écris, reconnaitrais-je C. si elle était seule à se promener ?

D’ailleurs, la laisses-tu seule dans ses rues, croiser ces personnes qui t’insupportent de par leur simple existence, l’occupation de quelque espace qu’ils utilisent de leurs présences ? Je ne te vois pas la laisser seule traverser cette ville quand tu penses ce que tu penses de l’amour.

Elle aime parler, elle veut être celle que l’on écoute, enfin, définitivement. Elle veut être celle qui sera au centre des discours, des pensées, elle veut être C..

Comment je peux la définir ?

Comment je me la représente ?

Comment je veux qu’elle soit ?

Comment elle peut être pour pouvoir vivre à tes côtés ?

Comment je pense qu’elle devrait être pour être un minimum heureuse à tes côtés, dans ton ombre, dans tes pas ?

La vie près de toi, dans ton espace, dans celui que tu peux lui accorder pour qu’elle ne bloque pas une fuite, qu’elle ne puisse bloquer une pensée ? Sans qu’elle puisse te déranger ?

Peut-elle exister hors de ce que tu as envie qu’elle représente pour toi ?

N’existe-t-elle que lorsque tu as besoin d’elle, de son amour, de son oreille ? Qu’elle acquiesce à ce que tu dis. Qu’elle ne soit plus que celle qui t’admire, qui te comprenne.

Mais est-elle d’accord avec tout ce que tu dis ? Tout ce que tu penses ?

Tout ce que tu lui imposes. Et ces fuites, va-t-elle toutes les subir ? Va-t-elle être toujours à tes côtés ou cherches-tu à la dégoûter afin qu’elle parte, qu’elle te quitte pour te permettre enfin de dire : « elle ne m’aimait pas », pour qu’elle te justifie dans ce que tu penses être la vérité ?.

Et si un jour, elle te disait ce qu’elle pense réellement ?

M., as-tu toujours raison ?

Penses-tu toujours avoir raison ?

Veux-tu toujours avoir raison ?

As-tu toujours envie d’avoir raison ?

Pourtant peux-tu avoir toujours envie d’avoir raison ?

M., cette question que je ne te pose pas, que je ne te poserais pas, pas comme celle que je t’ai posée qui pourrait être plus importante que celle qui nous a séparé : aimes-tu C. ?

Je veux dire sincèrement, franchement, indéfiniment, comme je pense qu’elle t’aime, comme elle te prouve qu’elle t’aime.

Pourrais-tu lui prouver, si elle te demandait d’arrêter, de vivre, de ne plus fuir. Es-tu prêt à t’arrêter, à écouter, à l’écouter ?

 

 

Discussion imaginaire avec M.       Partie XI

 

Il est étrange, je l’écris, il est étrange que tu ne sois plus que cet inconnu qui s’éloigne, celui que j’aperçois brièvement de dos. Aujourd’hui, comme pour me contredire, comme pour me rejeter, une fois de plus, tu tiens la main de C.. Et puis, tu ne la lâches pas malgré les embuches du quai.


Je me suis dit, cet après-midi, vais-je être l’accélérateur de ton départ ? Jusqu’à quel point, je peux en être le prétexte ?


Si oui, aurais-je été si important que ce soit, de quelque importance ai-je été. Qu’est-ce que mon contact aura déclenché en toi que la fuite ne soit plus non une décision, mais une opportunité ?

Ces instants, si courts, si fugaces, sont des traces indélébiles pour moi, uniquement pour moi. Pour toi, je n’ai été qu’un encombrement que tu peux contourner aisément, mentalement, physiquement, dorénavant. Ce que je n’arrive pas à me dire, à me convaincre, et pourtant je sais que je suis le seul responsable, que je ne suis pas que le seul responsable. Que tu étais en attente d’une opportunité, d’une faille qui te permette de te glisser dedans, un interstice dans lequel tu peux encore te faufiler pour t’extraire de ma vue, de ma vie, de toutes celles qui pourraient chercher à croiser la tienne, de toutes celles qui t’empêcheraient de marcher seul, toujours seul.

Et, encore, une fois, je me pose la question de savoir si C. partage toutes tes idées, toutes tes envies ? Et cette main que tu tiens, il me semble que c’est la première fois que je te vois ainsi, est-ce pour la retenir car elle veut s’éloigner, un peu, ou se retourner, ou prendre un élan ?

Parce que cette main tenue était de celle qui fait mal, qui ne semble pas une volonté mais une nécessité. Tu n’en a pas le choix. L’empêcher de pouvoir faire une fuite de tes fuites.

 

Discussion imaginaire avec M.       Partie XII

 

Part !  Part M. !!

Je t’exhorte à partir le plus vite possible, ne reste pas là. A chaque moment si court, si limité, si fugace, la plaie s’ouvre, celle qui ne se ferme pas car le scalpel n’est jamais très loin, à portée de plaie sanguinolente.

Ce matin, je t’ai vu la regarder et dans tes yeux, il y avait l’amour, il y avait un sourire, il y avait la joie de la regarder sans rien espérer, sans rien attendre, juste la regarder car elle est regardable, aimable, belle encore, peut-être. Donc, de fait, tu étais beau également, fatigue partie, visage reposé. Je le dis autrement : la beauté que tu continues à voir chez elle se reflétait nécessairement, inévitablement sur ton visage.

Enfin, elle était l’intérêt, le centre de ton intérêt, à ce moment précis, puisqu’elle venait de souffrir, puisqu’elle sortait des mains d’un autre, de l’attention d’un autre qui aurait pu voir cette beauté, reconnaitre celle-ci, que peut-être tu vois moins car proche, si proche, que tu ne la regarde pas.

Tu la regardais pour la récupérer, pour la reprendre, si elle avait cette envie de partir, de s’éloigner, de déplacer son centre d’intérêt, mais peux-tu comprendre qu’elle n’en avait pas nécessairement envie.

Ce visage souriant, ce sourire sur un visage qui ne sourit jamais, jamais.

 

Je te demande de partir, M.

Aujourd’hui, je mets fin à ce monologue, je ne te chercherais plus, je ne te verrais plus. Tu es parti. J’attends que tu partes, je veux que tu partes. Mais il a fallu un moment que tu sois là pour que je te rencontre, que je te découvre, que tu m’influences.

Je te souffrirais loin mieux que si je t’aperçois de loin en loin, de savoir que tu es là, ta présence invisible m’oppresse, me stresse. Peut-être est-elle cette source vive nécessaire à mes inspirations. Ta disparition va-t-elle la tarir ?

Je te dis adieu physiquement alors qu’intellectuellement, tu es en moi, ancré viscéralement. Tu es, pour le moment, l’ancrage de mes inspirations, de mes circonvolutions, je ne peux plus t’échapper. Je ne le cherche pas forcément.

Mais écrire, souffrir et ne plus respirer ; ne plus écrire, ne plus souffrir et respirer. De tout cela, qu’est ce qui m’est le plus vital ?

 

 

Post-scriptum

Je me disais cet après-midi, cette histoire qui n’est pas fini qui est interrompue qui est suspendue plutôt ce temps que l’on s’est accordé ou plutôt que l’un a imposé à l’autre mais que celui-ci a accepté comme une évidence sans vraiment rechigner cette histoire qui est in-fini va se poursuivre dans la non existence de la rencontre de cette parole qui s’échange de l’un a l’autre de l’un descendant vers l’autre

En fait c’est ce temps suspendu qui crée ce lien invisible entre nous qui fait que cette histoire n’est pas fini et peut-être ne se finira jamais et restera suspendu comme un acte non fini peut-être que nous avons souhaité tous les deux peut-être que nous avons exigé ce lien invisible non fini suspendu jusqu’à peut-être un jour se retrouver et mettre un terme à tout cela mais en a-t-on envie de mettre un terme de créer une nouvelle relation dans l’espace et dans le temps sans contact sans mot sans écriture sans parole un lien de rien un lien de presque rien un lien d’infiniment rien c’est ce rien qui est ce lien qui n’a pas fini qui n’a pas réellement une existence nécessaire pour exister cela existe parce que ce n’est la volonté que d’un on n’a pas besoin d’un autre

Ce n’est qu’un jeu intellectuel qui me permet de tenir la souffrance éloigné de la plaie avec lequel je joue pour me sentir plus fort avec lequel je joue pour avoir la force de ne pas venir frapper chez lui et de lui demander pardon et de lui dire parlons-nous encore longtemps oublie oublie tout ce que je t’ai dit ce que je ne t’ai pas dit ce que je ne t’ai pas écrit que je ne t’écrirai jamais car pleurer n’est pas un effort inhumain ni une exigence de ce que je ne connais pas jusqu’à que tu partes partiras partiras pas nécessairement tu devras partir

Et je me dis qu’elle serait ta réaction devant cette attitude serait-il déçu de se dire encore un qui ne tient pas ce qu’il dit désillusion qui vient surenchérir les autres comme une déception qui n’en serait pas une puisqu’elle serait attendue souhaitée même pour justifier ou alors serait- il heureux pour sa propre gloriole de se dire que quelqu’un ne peut se passer de sa présence mais il a C pour se le dire il a C. comme prétexte comme excuse comme personne qui résonne ses réflexions a-t-il besoin de quelqu’un d’autre mais en est-il là

 

 

 

Voilà, je pars de ce constat violent mais exact que cette conversation n’a pas existé. Qu’elle n’a aucune chance d’exister.

Elle n’a de valeur que parce qu’elle apaise des absences, plus ou moins longues. Plus ou moins tenaces. Elle a cette évidente utilité de pallier à une disparition. Elle m’invite à sourire sur un souvenir. Elle est le présage de ce que va désormais être ma conscience littéraire.

Comme je le dis, dans cette conversation, ce lien de rien qui nous unit dans la non-existence de cette relation. On ne peut fuir finalement que ce qui existe. On ne construit pas ce qui peut nous apporter nuisance. Seule la peur peut construire une fuite irrationnelle. Il est évident que la peur de cette disparition a construit ce lien si ténu mais si prégnant. Cette disparition sera brutale, rapide mais silencieuse. Je retomberais dans ce qui n’a pas existé sur ma ville, sur ce qui ne pourra jamais existé sur cette ville.

Je suis celui qui parle avec celui qui part et qui ne va pas se retourner. Je suis définitivement celui qui continuera à tourner dans cette ville à la recherche d’une silhouette.

Le mot silhouette est beau. Il est cette traine blanche et nébuleuse qui se déplace dans les courants d’air. Sans poids, sans réelle existence, elle est ce que l’œil voit quand rien n’existe. Voilà, je suis celui qui se rappelle des souvenirs de ce que le rien peut produire de plus efficace.

Il n’existera rien d’autre que le souvenir de cette silhouette que j’ai aperçu parfois et qui m’a donné un sourire. Un bien-être. Cette impression de vivre quelque chose que personne ne connait. Je suis celui qui a rencontré celui qui se terre. Qui se cache. Celui que peu connaisse et qui fuit la notoriété. J’ai rencontré le passager clandestin.