samedi 14 juillet 2018

Journal de la Commune


ALLEMAGNE

Le projet d’adresse de M. de Beningsen, signé par des membres de toutes les fractions, excepté du parti catholique, a été adopté par 243 voix contre 63. Six Polonais se sont abstenus.
Le parti catholique a seul voté pour le projet d’adresse des catholiques, projet qui a été rejeté.
Le principe de non-intervention, que M. de Beningsen, s’appuyant sur le discours du trône, avait introduit dans son projet, a été le sujet principal de la discussion. La fraction catholique s’est prononcée pour l’intervention de l’Allemagne en faveur du pape.
Nous extrayons du Volkswille (Volonté du peuple) de Vienne, les réflexions suivantes :
« Autant que nous pouvons juger de la situation que les derniers événements ont amenée en France, nous croyons pouvoir affirmer que la consolidation de la République est chose certaine : il y a plus de trois semaines que nous avions prévu un tel résultat, d’après les tendances générales de la ville de Paris et l’attitude qu’elle a prise ; car elle a résolument assumé le rôle tant de fois joué par elle dans les moments les plus graves et les plus solennels ; elle est restée debout, malgré la guerre néfaste que la France a eu à subir, et elle a attiré sur elle l’attention, disons mieux, l’admiration de toute l’Europe.
« On ne peut se dissimuler que le développement social a fait depuis longtemps de grands progrès en France : aussi avons-nous facilement compris et bien apprécié la signification que le peuple de la métropole de l’esprit français a donnée à ses tendances, en envoyant à l’Assemblée les Greppo, les Cournet, les Delescluze, les Martin Bernard, les Tolain, etc. Bien mieux, les événements récents nous ont prouvé que le peuple parisien n’a pas seulement manifesté ses sentiments par les élections, mais qu’il peut leur donner l’expression énergique de l’action, quand sonne l’heure des grands dangers.
« Nous l’avons vu dans les derniers temps, la bourgeoisie française, même soutenue par une grande masse de paysans qui ne sont pas encore arrivés à l’intelligence de leurs vrais intérêts, n’avait pas obtenu une majorité compacte et bien d’accord sur un but commun, puisque trois courants distincts la divisent jusqu’à un certain point.
« Il y a cependant à l’Assemblée actuelle une majorité relative pour laquelle la République est un objet d’horreur. Toutefois, cette majorité a eu assez peu de tact politique pour se hâter de donner une expression positive à ses velléités monarchiques, en les étalant sans ambages ; elle a parlé sans respect de Paris, ce boulevard de la liberté française ; elle lui a même déversé l’injure avec tant de fiel et de verve passionnée que, même M. Thiers, cet organe de la bourgeoisie parisienne, a
cru devoir lui prêcher la modération. Nul n’ignore combien il s’est donné de peine afin que l’Assemblée que, personnellement, lui centralisateur forcené, il eût voulu à Paris, fût tout au moins convoquée à Versailles, au lieu de Fontainebleau, Bourges ou Tours. Peu s’en est même fallu qu’il n’échouât ; car les députés de la bourgeoisie française, des jésuites, des hobereaux de provenances diverses, et des paysans, se sentaient pris de peur à la seule pensée de siéger à Paris, même à Versailles, qui n’est guère que sa banlieue. Versailles leur semblait trop près : ils ont cédé pourtant. « Nous donnerons plus tard des détails sur les développements de l’histoire du jour ; en attendant, nous nous bornons à en signaler l’ensemble. « Quoique le pouvoir exécutif, ayant à sa tête la fine fleur des cauteleux et des finauds, ait recommandé tout d’abord aux monarchies beaucoup de modération, l’Assemblée nationale a eu tout de même la hardiesse d’entamer les conquêtes du 4 septembre, savoir : la liberté de la presse, le droit de réunion et l’armement du peuple ; de plus, elle a investi le général bonapartiste Vinoy des mêmes pouvoirs confédérés au général Cavaignac en juin 1848, et cela, sans aucun doute, pour arriver aux mêmes fins. Le système se complétait par la nomination de Paladines. « En Allemagne, on a regardé l’installation de ce dernier général, si malmené par Gambetta, comme une grande faute, une sorte de provocation à l’adresse de la garde nationale, qui se voyait menacée dans son droit de garder ses armes et ses canons.
« De là, la résistance de la grande masse des gardes nationaux, et le peu de zèle que devaient déployer plus tard, au service du plan Vinoy et Paladines, messieurs les gardes nationaux, dits hommes d’ordre, chez qui on a vainement battu la générale pendant la nuit qui a précédé la folle équipée des buttes Montmartre et Belleville.
« Cette résistance de la garde nationale a réveillé les colères de la presse rétrograde, afin de provoquer des scissions à Paris, et intimider la province ; elle a répandu des bruits d’assassinats, de pillages et de projets de partages communistes. « Ce n’est que lorsque tous ces bruits calomnieux n’ont pu aboutir, que les meneurs du coup d’Etat, traîneurs de sabre, se sont mis en campagne. Leur surprise nocturne, à laquelle les hommes d’ordre n’ont pas osé prêter l’appui physique de leurs baïonnettes, et l’appui moral de leur présence, n’a pas réussi ; les Montmartrains, à leur réveil, se sont élancés, au pas de course, vers leurs canons déjà pris ; la troupe de ligne, au lieu d’engager la lutte fratricide, a fraternisé avec le peuple, et les généraux Clément Thomas et Lecomte ont subi la loi de la guerre en ce qu’elle a de plus rigoureux.
« La leçon est grande : sera-t-elle profitable ? Quant à nous, Viennois de la bonne souche républicaine et démocratique, nous croyons être utiles à la cause générale de la France qui se relie intimement à toutes les bonnes causes, en donnant à l’Assemblée de Versailles le conseil de céder à la volonté populaire exprimée d’une façon si énergique, si unanime de la capitale.
« Il manquerait quelque chose aux considérations que nous venons de développer, si nous n’exprimions hautement notre profond dédain pour la tourbe des organes de la presse viennoise qui se sont acharnés contre les braves Parisiens avec la rage d’une meute courant à l’hallali, tant a été grande leur déconvenue et leur maîtres du terrain.
« Cette fois, quelques journaux populaires ont dépassé en impudeur les grands organes, de telle sorte que la Presse libre, notoirement achetée et soudoyée par Bismarck, discute plus convenablement sur les événements de Paris, que le Journal du jour démocratique. Les malheureux ! ils n’ont nullement compris la profonde signification d’un mouvement qui contraste avec l’ouverture du Reichstag de Berlin, tout conflit de promesses heureuses qui ne se réaliseront jamais. C’est une indignité de voir avec quel mépris le peuple français est traité par ces folliculaires gloutons et repus, qui ne comprennent ni les lois essentielles de la politique, ni la portée des mouvements qui peuvent donner une impulsion nouvelle aux événements généraux de l’Europe entière ; ils ne savent qu’étaler leur emphatique exagération sur les victoires que la Prusse a remportées par sa discipline et sa bravoure, mais bien plus encore par l’astuce et l’or payant les trahisons.

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