jeudi 31 août 2017

Amnesty International Troisième Partie 2016/2017




Chypre :

DISPARITIONS FORCÉES
Le Comité des personnes disparues à Chypre (CMP) a exhumé les dépouilles de 96 personnes au cours de l’année, ce qui porte à 1 192 le nombre total de corps exhumés depuis 2006. Depuis 2007, les restes de 740 personnes portées disparues (556 Chypriotes grecs et 184 Chypriotes turcs) ont été identifiés. Les informations provenant de particuliers se faisant de plus en plus rares et l’accès du CMP aux dossiers militaires turcs étant toujours entravé, les processus d’exhumation et d’identification ont commencé à ralentir.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
En mai, un tribunal de Paphos a reconnu deux policiers coupables d’avoir infligé des coups et blessures et un traitement inhumain et dégradant à un détenu au poste de police de Polis Chrysochous en février 2014. Une vidéo de ces actes, filmée par une caméra de vidéosurveillance, avait été découverte en août 2015. À l’issue du procès, la commissaire à l’administration et aux droits humains s’est dite préoccupée par le soutien apporté par des policiers aux agissements de leurs confrères.
En août, une policière a été filmée en train de proférer des insultes à caractère raciste à l’encontre d’un migrant détenu dans le centre de détention pour migrants de Mennogeia. Une enquête disciplinaire a été ouverte sur cette affaire.

DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
En septembre, un tribunal de Nicosie a mis fin aux poursuites contre Doros Polykarpou, directeur de l’ONG KISA, qui était accusé d’avoir agressé un policier en avril 2013. Plus tôt dans l’année, ce policier avait été reconnu coupable d’avoir insulté Doros Polykarpou.

Colombie

CONFLIT ARMÉ INTERNE
Au 1er décembre 2016, l’Unité gouvernementale d’aide aux victimes avait recensé près de huit millions de victimes du conflit depuis 1985, parmi lesquelles près de 268 000 avaient été tuées (essentiellement des civils), plus de sept millions déplacées de force, environ 46 000 soumises à une disparition forcée, au moins 30 000 prises en otage, plus de 10 000 soumises à la torture et quelque 10 800 victimes de mines antipersonnel ou de munitions non explosées. Ces crimes étaient imputables aux forces de sécurité, aux groupes paramilitaires et aux mouvements de guérilla.
L’apaisement des tensions entre les forces de sécurité et les FARC durant l’année a entraîné pour les civils une réduction importante des violences liées aux affrontements. Cependant, les communautés indigènes, afro-colombiennes et paysannes ont continué de subir des violations des droits humains et d’autres violences, en particulier dans les régions suscitant l’intérêt du secteur agro-industriel ou de l’industrie extractive, ou dans les zones concernées par des projets d’infrastructures. En août, quatre indigènes awás ont été abattus par des hommes non identifiés lors de trois attaques distinctes dans le département de Nariňo. Parmi les victimes se trouvait Camilo Roberto Taicús Bisbicús, responsable de la réserve indigène awá de Hojal La Turbia, dans la municipalité de Tumaco.
En mars, plus de 6 000 personnes, pour la plupart issues de communautés indigènes et afro-colombiennes, ont été déplacées de force de trois vallées fluviales du département de Chocó à cause d’affrontements entre groupes armés.

FORCES DE SÉCURITÉ
Cette année encore, des cas d’homicides illégaux imputables aux forces de sécurité ont été signalés, et des allégations de recours excessif à la force au cours de manifestations, en particulier par l’unité antiémeute de la police, ont été formulées.
Le 29 février, des militaires ont tué Gilberto de Jesús Quintero, un paysan du hameau de Tesorito, dans la municipalité de Tarazá (département d’Antioquia). L’armée a dans un premier temps affirmé qu’il était membre de l’ELN et qu’il avait été tué au cours d’affrontements. Cependant, des témoins ont raconté avoir vu des soldats tenter de rhabiller son cadavre avec une tenue militaire, et l’armée a ensuite reconnu l’avoir tué par erreur.
Les enquêtes pénales sur les exécutions extrajudiciaires impliquant des membres des forces de sécurité progressaient lentement. Un rapport du Bureau du procureur de la Cour pénale internationale rendu public en novembre a indiqué que, en juillet, le parquet colombien enquêtait sur 4 190 cas d’exécutions extrajudiciaires. En février, 961 condamnations avaient été prononcées, dont très peu concernaient des officiers supérieurs. Selon un rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme [ONU] paru en mars, 7 773 membres des forces de sécurité faisaient l’objet d’une enquête concernant des exécutions extrajudiciaires à la fin de 2015. En novembre, un juge a déclaré plus d’une douzaine de militaires coupables des homicides illégaux de cinq jeunes hommes de Soacha, dans le département de Cundinamarca, en 2008.

EXACTIONS PERPÉTRÉES PAR DES GROUPES ARMÉS

Groupes de guérilla
L’ELN et les FARC ont continué de perpétrer des violations des droits humains, bien que le nombre de cas imputables aux FARC ait diminué au fur et à mesure que le processus de paix progressait. Des dirigeants indigènes et des journalistes ont été menacés de mort. Par exemple, en juin, un homme prétendant appartenir à l’ELN a téléphoné à María Beatriz Vivas Yacuechime, dirigeante du Conseil régional indigène de Huila, la menaçant de la tuer et de faire subir le même sort à ses proches. En juillet, le journaliste Diego D’Pablos et le caméraman Carlos Melo ont reçu des menaces de mort par SMS provenant d’une personne qui se revendiquait de l’ELN. Les deux hommes et leur collègue journaliste Salud Hernández-Mora avaient été retenus en otages plus tôt dans l’année par l’ELN dans la région de Catatumbo, dans le nord du pays6.
Le 24 mars, deux hommes se revendiquant des FARC ont téléphoné au domicile du dirigeant indigène Andrés Almendras, dans le hameau de Laguna-Siberia (municipalité de Caldono, département du Cauca). Andrés Almendras n’étant pas chez lui, les deux hommes ont demandé à sa fille où se trouvait son « mouchard de père » car ils voulaient qu’il quitte la région.

Groupes paramilitaires
Les groupes paramilitaires restaient actifs dans le pays, malgré leur démobilisation supposée il y a 10 ans. Agissant seuls ou avec la complicité d’agents de l’État, ces groupes se sont rendus coupables de nombreuses violations des droits humains, notamment d’homicides et de menaces de mort.
En avril, des ONG locales ont signalé qu’un groupe armé composé d’environ 150 paramilitaires du groupe Autodefensas Gaitanistas de Colombia (AGC) était entré dans la communauté afro-colombienne de Teguerré, située sur le territoire afrocolombien de Cacarica (département du Chocó). D’autres intrusions de l’AGC dans la région de Cacarica ont été signalées tout au long de l’année. Certains dirigeants communautaires ont été menacés par l’AGC, qui les a désignés comme des « cibles militaires ».
Des informations de plus en plus nombreuses ont fait état d’incursions paramilitaires dans la communauté de paix de San José de Apartadó (département d’Antioquia), dont certains membres ont été menacés.
Au 30 septembre, seuls 180 des plus de 30 000 paramilitaires censés avoir déposé les armes dans le cadre du processus de démobilisation lancé par le gouvernement avaient été condamnés pour des violations des droits humains au titre de la Loi de 2005 pour la justice et la paix ; la plupart d’entre eux ont fait appel de leur condamnation. Une majorité de paramilitaires ne s’étaient pas soumis au processus Justice et paix et bénéficiaient d’une amnistie de fait.

IMPUNITÉ
Rares sont les auteurs présumés de crimes de droit international commis au cours du conflit qui ont été traduits en justice. Cependant, dans le cadre du processus de paix, le gouvernement et les FARC ont présenté des excuses officielles pour leur rôle dans plusieurs cas emblématiques de violations des droits humains.
Le 30 septembre, à La Chinita, dans la municipalité d’Apartadó (département d’Antioquia), les FARC se sont excusées d’avoir tué 35 habitants de ce village le 23 janvier 1994.
Le 15 septembre, le président Santos a présenté des excuses officielles pour le rôle joué par l’État, dans les années 1980 et 1990, dans le meurtre de quelque 3 000 membres de l’Union patriotique, une formation fondée par le Parti communiste colombien et les FARC dans le cadre du processus de paix avorté sous le gouvernement de Belisario Betancur. En février, la Cour constitutionnelle a confirmé la constitutionnalité de la réforme adoptée en 2015 (Acte législatif n° 1) conférant aux tribunaux militaires la compétence à l’égard des affaires liées au service militaire et aux crimes commis en service actif. Cette réforme prévoyait également que le droit international humanitaire, plutôt que le droit international relatif aux droits humains, s’appliquerait dans les enquêtes sur les membres des forces armées impliqués dans des crimes liés au conflit, bien que nombre de ces crimes n’aient pas été perpétrés au cours des affrontements et que les victimes soient en grande majorité des civils. Toutefois, la Cour a estimé que le droit international relatif aux droits humains devait également être appliqué au cours des enquêtes. On craignait cependant que la décision de la Cour n’aide guère à mettre fin à l’impunité, étant donné le bilan désastreux du système de justice militaire en termes de poursuites à l’encontre des membres des forces armées impliqués dans des atteintes aux droits humains.

DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
Cette année encore, de nombreux cas de menaces et d’homicides visant des défenseurs des droits humains, en particulier des dirigeants communautaires, des militants des droits à la terre et des défenseurs de l’environnement, de la paix et de la justice, ont été signalés. Si la plupart des menaces ont été attribuées aux paramilitaires, il était difficile, dans la majorité des cas, d’identifier les groupes responsables des homicides. Selon l’ONG Somos Defensores, au moins 75 défenseurs des droits humains ont été tués entre le début de l’année et le 8 décembre, contre 63 durant toute l’année 2015. En général, ces homicides ont été commis en dehors des affrontements entre belligérants et constituaient des assassinats ciblés. Plusieurs organisations de défense des droits humains se sont par ailleurs fait voler des informations sensibles dans leurs bureaux. Au 20 décembre, l’École nationale syndicale, une ONG, avait recensé 17 homicides de syndicalistes. Le 29 août, trois responsables de l’ONG Comité d’intégration du massif colombien (CIMA), Joel Meneses, Nereo Meneses Guzmán et Ariel Sotelo, ont été abattus par un groupe d’hommes armés dans la municipalité d’Almaguer (département du Cauca).
En août, Ingrid Vergara, porte-parole du Mouvement national des victimes de crimes d’État (MOVICE), a reçu des menaces téléphoniques après avoir assisté à une réunion publique sur les droits humains au Congrès, dans la capitale Bogotá. Depuis des années, Ingrid Vergara et d’autres membres du MOVICE sont régulièrement menacés et harcelés en raison de leur action en faveur des droits humains.

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES ET
AUX FILLES
Cette année encore, des allégations de violences sexuelles ont été formulées à l’encontre de toutes les parties au conflit. Au 1er décembre, l’Unité d’aide aux victimes avait recensé plus de 17 500 victimes de crimes contre l’intégrité sexuelle commis dans le cadre du conflit depuis 1985.
En mars, l’ONG Groupe de suivi des arrêts n° 092 de 2008 et n° 009 de 2015 de la Cour constitutionnelle a publié un rapport sur l’application de ces deux arrêts par les autorités. Ceux-ci soulignaient le nombre important de violences sexuelles infligées aux femmes dans le cadre du conflit et ordonnaient à l’État de lutter contre ces crimes et d’en traduire les responsables présumés en justice. Le rapport concluait que, malgré certains progrès dans les
enquêtes menées sur ces actes, l’État n’avait pas pris de mesures concrètes pour garantir le droit des victimes à la vérité, à la justice et à des réparations. La grande majorité des responsables présumés de ces crimes n’avaient toujours pas été traduits en justice à la fin de l’année.
En août, le gouvernement a publié le décret n° 1314 portant création d’une commission chargée de développer un programme exhaustif de garantie pour les femmes dirigeantes et défenseures des droits humains, qui inclurait notamment des mécanismes de prévention et de protection. En juin, le ministère public a rendu publique une résolution instaurant un protocole pour les enquêtes sur les crimes de violences sexuelles.

Congo

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE
Le 5 avril, les forces de sécurité ont procédé à des frappes aériennes sur des zones résidentielles du département du Pool, dans le sud-est du pays. Des hélicoptères ont largué au moins 30 bombes sur des quartiers d'habitations. Une école a été touchée dans la localité de Vindza alors que la cible était l’ancien domicile du pasteur Frédéric Bitsangou (alias Ntoumi), chef du groupe armé des « Ninjas ». Selon des représentants du département du Pool, jusqu’à 5 000 personnes ont été déplacées. Ces frappes aériennes faisaient suite à une flambée de violence survenue à Brazzaville après que la Cour constitutionnelle a validé les résultats de l’élection présidentielle, le 4 avril. Des tirs ont été échangés dans les rues ; des jeunes gens ont dressé des barricades à Makélékélé, un quartier du sud de la ville ; le bureau d’un maire et deux postes de police ont été incendiés et des hommes armés ont attaqué une caserne militaire. Les pouvoirs publics ont imputé ces violences aux « Ninjas ». Le 29 avril, une mission composée de policiers, de journalistes et de représentants d’organisations de la société civile et chargée d’évaluer les conditions de sécurité dans le département du Pool et d’enquêter sur les bombardements a été mise en place. Elle n’avait pas encore publié de rapport officiel à la fin de l’année. D’autres frappes aériennes ont été menées dans le Pool en septembre. Les informations à ce sujet étaient limitées compte tenu des difficultés extrêmes d’accès à la zone, notamment en raison de restrictions imposées par l’État.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Le 29 septembre, Augustin Kala Kala, coordinateur national adjoint de la CADD, a été enlevé par des membres des forces de sécurité chargées de la protection présidentielle dans le quartier Sadelmy, à Brazzaville. Il a indiqué qu’il avait été menotté aux poignets et aux chevilles et qu’on lui avait administré des décharges électriques et provoqué des brûlures à plusieurs reprises en lui plaçant des sacs en plastique sur le dos et les mains. Il a également dit avoir été frappé avec des bâtons et une ceinture, et avoir passé neuf jours dans un conteneur. Il a été libéré le 13 octobre et déposé près de la morgue d’un hôpital de Brazzaville. Ses allégations n’ont fait l’objet d’aucune enquête.

Corée du nord

120000 personnes sont enfermées dans les 4 camps du pays

Corée du sud

Des restrictions ont continué de peser sur les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Des demandeurs d’asile ont été maintenus en détention et des objecteurs de conscience ont été emprisonnés pour avoir exercé leurs droits fondamentaux. La détention, dans un centre géré par l’État, de 13 employés du secteur de la restauration originaires de République démocratique de Corée (Corée du Nord) a remis en question la légalité du dispositif de soutien à l’installation des ressortissants nord-coréens arrivant dans le pays. Les autorités n’ont pas empêché des entreprises privées d’entraver les activités légales des syndicats, et elles n’ont réagi que tardivement aux effets sanitaires néfastes et aux morts causés par l’utilisation de produits dangereux. La décision du gouvernement de poursuivre le déploiement du système de défense antimissile à haute altitude Terminal High Altitude Area Defence (THAAD), fabriqué par les États-Unis, a suscité une vive opposition de la part d’associations nationales et a été condamnée par la Chine et la Corée du Nord. Le Parlement a voté la destitution de la présidente Park Geun-hye le 9 décembre ;
pour prendre effet, cette motion doit être validée par la Cour constitutionnelle

LIBERTÉ DE RÉUNION
Les autorités ont continué de restreindre le droit à la liberté de réunion pacifique, souvent sous prétexte de protéger l’ordre public. À la fin de l’année, les autorités n’avaient pas terminé l’enquête sur l’utilisation excessive de la force par la police lors du « Rassemblement populaire », une manifestation antigouvernementale qui s’était déroulée de façon largement pacifique en novembre 2015, ni amené les agents concernés ou leurs responsables à rendre des comptes. Baek Nam-gi, agriculteur et militant expérimenté qui avait été grièvement blessé par un canon à eau lors de la manifestation, est mort le 25 septembre, après avoir passé 10 mois dans le coma1. Si l’enquête sur les blessures de Baek Nam-gi a pris du retard, Han Sang-gyun, président de la Confédération coréenne des syndicats, coorganisateur de plusieurs manifestations et en charge de la participation des syndicats aux Rassemblement populaire, a en revanche été condamné à cinq ans de prison le 4 juillet, notamment pour avoir incité un petit nombre de manifestants à commettre des actes illégaux lors de ces rassemblements largement pacifiques. Sa peine a été ramenée à trois ans de prison le 13 décembre, à l’issue de la procédure en appel2. Les détracteurs du gouvernement ont également considéré comme une tentative de restreindre la liberté de réunion le fait que la marine coréenne ait porté plainte au civil contre 116 personnes et cinq associations qui s’opposaient à la construction d’une base navale sur l’île de Jeju. En mars, la marine a demandé 3,4 milliards de wons (2,9 millions de dollars des États-Unis) à titre de compensation pour les pertes dues aux retards de construction qui auraient été causés par des manifestations incessantes qui avaient lieu depuis huit ans.

DROITS DES TRAVAILLEURS
Des entreprises, en particulier dans le secteur du bâtiment, ont continué de faire obstacle aux activités syndicales de leurs employés et des ouvriers travaillant pour le compte de sous-traitants, sans être sanctionnées par le gouvernement. D’après un rapport publié en juin par le groupe de travail des Nations unies sur la question des droits humains et des sociétés transnationales et autres entreprises, certaines sociétés auraient mis en place des « syndicats jaunes » qui n’étaient pas indépendants et ne répondaient pas aux normes pour les négociations collectives. D’autres ont engagé des consultants juridiques pour développer des mesures « anti-syndicats », ainsi que des agences de sécurité privées pour harceler les syndicalistes.

Egypte

Les relations entre l’Égypte et l’Italie se sont dégradées après la mort dans des circonstances non élucidées de Giulio Regeni, un doctorant italien qui effectuait des recherches sur les syndicats égyptiens. Lorsque le corps de cet étudiant a été retrouvé le 3 février, un policier a affirmé aux médias égyptiens qu’il était mort dans un accident de la circulation, mais des autopsies ont conclu qu’il avait été torturé. Le 24 mars, 15 jours après que le Parlement européen eut condamné fermement ce crime, le ministre égyptien de l’Intérieur a annoncé que les forces de sécurité avaient tué des membres d’une bande criminelle responsable de la mort de Giulio Regeni. L’Italie a rappelé son ambassadeur en Égypte le 8 avril. Le procureur général a déclaré, le 9 septembre, que les forces de sécurité avaient brièvement enquêté sur cet étudiant avant sa disparition et son meurtre.
Après avoir passé plus de deux ans en détention sans procès, Mahmoud Mohamed Ahmed Hussein a été libéré sous caution le 25 mars sur ordre d’un tribunal. Il avait été arrêté parce qu’il portait un tee-shirt sur lequel figurait le slogan « Nation sans torture », ainsi qu’une écharpe portant le logo de la « révolution du 25 Janvier ».

Aser Mohamed, 14 ans, a été arrêté le 12 janvier par des agents de l’ASN, qui l’ont soumis à une disparition forcée pendant 34 jours. Cet adolescent a déclaré qu’on l’avait torturé pour le contraindre à « avouer » des faits liés au « terrorisme » et qu’un procureur l’avait menacé de nouveaux sévices s’il rétractait ses « aveux ». Son procès n’était pas terminé à la fin de l’année.

Une jeune fille de 17 ans est morte le 29 mai, semble-t-il des suites d’une hémorragie, après avoir subi des mutilations génitales féminines dans un hôpital privé du gouvernorat de Suez. Quatre personnes – la mère de la jeune fille et des membres du personnel médical – ont été déférées en justice pour avoir causé une blessure ayant entraîné la mort et pratiqué des mutilations génitales féminines.


Vingt-six civils qui travaillaient pour les chantiers navals d’Alexandrie et s’étaient mis en grève ont été traduits devant un tribunal militaire appliquant une procédure inéquitable. 

Débats sur le parlementarisme

Pour conclure cette série d'articles sur le parlementarisme, paru dans la revue "Invariance, anthologie", j'y ajoute les deux dernières contributions: celle qui provient du parti communiste Belge et du parti communiste Hollandais.

De cette façon, vous aurez des arguments pour défendre telle ou telle opinion. Nous pouvons, si nous ne sommes pas communistes, mettre de côté les éléments rhétoriques concernant cette direction politique. Malgré cela, ça ne remet aucunement en cause la réflexion qui, je le pense, est centrale. Pour parvenir à nos fins, devons-nous utiliser les instruments de ce qui nous opprime déjà ou devons-nous en crée d'autres afin de vider de sa substance les autres? 

Pour ma part, je suis de plus en plus convaincu par la nécessité de mettre en place dans tous les lieux où existent le travail salarial, des groupes de réflexion et d'action afin de contrer les méfaits locaux de nos patrons. Mettre ce travail là dans les mains de certains qui se disent prêts à assumer cette tâche, tels les syndicalistes professionnels, nous met dans la position de spectateurs et non d'acteurs et de tomber entre les mains d'opportunistes.

Voici la contribution Belge dans son intégralité: 

"1 Le parlement est l'organe central de l'état bourgeois. Il est donc, comme tous les organes de la démocratie bourgeoise moderne issus de l'ordre économique capitaliste actuel , totalement assujetti à la puissance financière et bancaires des classes possédantes.
Les représentants de la social-démocratie se firent, au parlement, les défenseurs des réformes sociales et démocratiques dont la bourgeoisie avait besoin pour son propre développement. Le programme de réformes des partis sociaux-démocrates se réalisa dans la mesure des intérêts de la bourgeoisie.

2 Durant les 25 dernières années, on crut pouvoir se servir de la tribune parlementaire pour affirmer publiquement les revendications révolutionnaires des travailleurs. Depuis déjà longtemps cette propagande est inefficace . Elle engendre seulement une atténuation et une déformation constante de l'esprit révolutionnaire.

3 Au stade actuel du développement capitaliste, de la grande industrie et du commerce mondial la social-démocratie est devenue impuissante à réaliser de véritables réformes par l'intermédiaire du parlement. Celui-ci est devenu une entrave à la lutte de classe des ouvriers. 
Expression exclusive d'un droit de lutte,le parlement empêche toute égalisation du droit. Organe politique des forces capitalistes , le parlement ne peut apporter aucune amélioration véritable à la classe ouvrière.

4 Le parlementarisme éloigne les travailleurs de leurs vrais moyens de lutte . Il entretient la passivité des masses qui s'en remettent  à la capacité des chefs. Le parlementarisme est un moyen hypocrite par lequel on tente de suggérer aux travailleurs que la transformation de la société peut s'opérer en leur faveur sur les bases de la société capitaliste.

Les dangers et les désavantages que présente le parlementarisme en vue de l'intensification de la lutte sont énormes. Ses avantages sont nuls.

5 Nous pensons donc que le parlementarisme doit disparaître en tant que moyen de lutte des travailleurs , même avant que ceux-ci n'aient pris le pouvoir et instauré leur dictature. Il est devenu un obstacle et un moyen de confusion dans la période où toute lutte repose sur le mouvement direct des masses.

6 Si nous renonçons à l'emploi des organes de l'état bourgeois, cela implique qu'ils doivent être abandonnés au moment même où le prolétariat commence à faire fonctionner les siens.

Avec la naissance des conseils, avec la nécessité de leur formation comme organe de lutte prolétarienne et cellule du futur organisme du pouvoir des travailleurs disparaît l'usage de l'organe bourgeois : le parlement."


Pour conclure la contribution des Pays-Bas:

"1 En période capitaliste, le parlement est, aux mains de la bourgeoisie, un instrument pour domination de l'état et le contrôle de la puissance de celui-ci. Il n'est pas pour le prolétariat , malgré la constitution démocratique , un moyen de supprimer, grâce à la puissance publique , la domination sur la masse populaire. Il est seulement un moyen pour la bourgeoisie de masquer sa domination. La prolétariat a pour tâche de détruire la puissance de l'état en s'emparant du pouvoir politique. Ceci n'est possible qu'au moyen de l'édification du système des soviets en tant qu'organes de la dictature du prolétariat. Le parlement ne peut pas être un organe assurant la victoire du prolétariat. On doit lui substituer le système des soviets en tant qu'organisation de gestion autonome de la totalité de la classe travailleuse.

2 Mais tant que le capitalisme en tant que système économique est fort et que la puissance de l'état n'est pas ébranlé , l'utilisation du parlementarisme  ( lutte pour le suffrage universel, pour des institutions démocratiques, pour des droits politiques, pour la participation aux élections) est un puissant moyen pour élever la classe travailleuse à la conscience de classe et pour l'organiser.

3 Ceci est également valable quand, sous l'impérialisme, le parlement devient le théâtre de la tromperie populaire , quand les affaires particulières sont réglées derrière les coulisses et quand le soutien des masses ainsi que la liberté de parole au parlement devient plus difficile . La lutte parlementaire , sous sa forme la plus aiguie de protestation contre les violences impérialistes et en liaison avant tout avec des actions en dehors du parlement peut être un puissant moyen d'éveiller les masses et de les appeler à la résistance.

4 Lorsque le système de production capitaliste est brisé et que la société entre en état de révolution, l'action parlementaire perd peu à peu de sa signification , en comparaison avec l'action des masses elle-mêmes. Lorsque, dans ces conditions, le parlement devient le centre et l'organe de la contre-révolution, et que, d'autre part, la classe ouvrière construit les organes de son pouvoir sous forme de soviets, il peut s'avérer même indispensable de répudier toute participation, quelle quelle soit, à l'activité parlementaire.

5 Comme ce procès de la révolution sociale n'est pas simultanée, n'a pas le même rythme  et ne se déroule pas dans les mêmes conditions , on doit laisser libre la classe ouvrière de chaque pays de décider quand et de quelle façon elle utilisera, dans sa lutte, le parlement."


Voilà le cycle des premiers articles sur le parlementarisme terminé. Ces questions étaient des questions que les personnes citées se posaient dans les années 1920.
Elles n'ont en rien perdu de leur vigueur lorsque l'on constate à quel point de perte d'acquis alors que la gauche, le parti socialiste, le parti ouvrier par excellence,est passé aux commandes du pays.

Avons-nous pu constater des améliorations dans nos conditions de travail ou de vie?
Vous avez pu constater, à la lecture de l'article de Médiapart sur la casse régulière du code du travail, que les "socialistes", peut-être devrions-nous les appeler "sociaux- démocrates" comme les militants anarchistes ou socialistes nommaient les traîtres à la classe ouvrière, ont participé activement à la dégradation des conditions de vie et de la perte de tous les conquis sociaux pour lesquels certains de nos ancêtres ont perdu la vie.

Invariance

Qu'est ce que Invariance? Invariance est un organe de réflexion de la gauche sur différents sujets. Des discussions ont lieu entre les différentes tendances de la gauche afin de permettre de réfléchir à ce qui est le mieux pour l'amélioration des conditions de vie de la classe la plus défavorisée.



Invariance N 0 :

« De même qu'un petit parti radical ne peut faire une révolution, de même ne pas plus la faire un grand parti de masse ou une coalition de partis divers. Elle jaillit spontanément des masses , les actions décidées par un parti révolutionnaire peuvent parfois donner l'impulsion (toutefois cela arrive rarement) mais les forces décisives se trouvent ailleurs, dans les facteurs psychiques, au fond du subconscient des masses et au fond des grands événements de la politique mondiale. La tâche d'un parti révolutionnaire consiste à répandre à l'avance des notions claires de façon que, partout dans la masse, des éléments qui sachent ce qu'ils doivent faire dans de tels moments , et sachent juger par eux-mêmes de la situation. Et pendant la révolution , le parti doit arrêter les programmes, les solutions, les directives qui soient reconnus justes par la masse agissant spontanément parce qu’elle y retrouve en forme parfaite ses propres objectifs et s'élève vers eux par une plus grande clarté ; c'est ainsi que le parti devient un guide dans la lutte. Tant que les masses restent amorphes il peut sembler qu'un tel travail soit inefficace ; mais, la clarté des principes agit intérieurement sur de nombreuses personnes qui se tiennent d'abord éloignées de la révolution et montre sa force active en leur donnant une directive sûre. Si au contraire on cherche à former un grand parti en édulcorant les principes , en faisant des coalitions et des concessions, on donne la possibilité , lorsque survient la révolution, à des éléments douteux d'acquérir de l'influence sans que les masses puissent s'apercevoir de leur insuffisance. L'adaptation aux vues traditionnelles est un essai d'acquérir le pouvoir sans qu'en soit vérifiée la condition préalable, le bouleversement des idées. Cela agit donc dans le sens de retenir les cours de la révolution . De plus, c'est une illusion, car les masses, quand elles se mettent en révolution, ne peuvent que saisir les idées les plus radicales ; au contraire, tant que la révolution tarde, elles ne saisissent que les idées modérées. Une révolution est, en même temps, une période de bouleversement profond des idées des masses ; elle crée les conditions d'une tel bouleversement et est à son tour conditionnée, et c'est pour cela, par la force des principes clairs de bouleversement du monde entier, que la direction de la révolution revient au parti communiste ».

« Aucune minorité résolue ne peut résoudre les problèmes qui ne peuvent l'être que par l'activité de la classe toute entière , et lorsque la population laisse s'accomplir avec une indifférence apparente une telle prise de pouvoir , elle n'est pas en fait une masse réellement passive , mais, dans la mesure où elle n'est pas acquise au communisme, elle est capable à tout instant de retourner contre la révolution , en tant que suite active de la réaction. Même une « coalition avec le gibet tout de suite après » ne serait qu'un palliatif insuffisant pour une telle dictature de parti. Si le prolétariat par un soulèvement violent détruit le pouvoir bourgeois en banqueroute, et que son avant-garde la plus consciente, le parti communiste, assume la direction politique , il n'a alors qu'un devoir : mettre en œuvre tous les moyens pour extirper les causes de la faiblesse du prolétariat et en accroître les forces afin de la rendre apte au plus haut degré aux luttes révolutionnaires de l'avenir. Il faut alors pousser les masses à l'activité la plus grande, stimuler leurs initiatives, renforcer en leur confiance en elle-même, afin qu'elle se rendent compte par elles-mêmes des tâches qui leur reviennent, car c'est seulement ainsi qu'elles pourront s'en acquitter. Pour atteindre un tel objectif, il est nécessaire de briser la prépondérance des formes traditionnelles d'organisation et des vieux chefs – et donc en aucun cas former avec eux une coalition gouvernementale, qui ne peut qu'affaiblir le prolétariat- il est nécessaire de construire les formes nouvelles, de renforcer les défenses matérielles des masses, c'est ainsi seulement qu'il sera possible de donner une nouvelle organisation à la production , de défendre véritablement la révolution contre les assauts du capitalisme venant de l'extérieur , et ceci est la première condition pour empêcher la contre-révolution ».

« La puissance que la bourgeoisie possède encore à l'heure actuelle est constituée par la servitude spirituelle et l'absence d'indépendance du prolétariat. Le développement de la révolution correspond au processus d'auto-libération du prolétariat d'une telle dépendance et de la tradition des temps passés, et ceci n'est possible que par le moyen de leur propre expérience dans la lutte. Là où le capitalisme est déjà ancien et là où la lutte du prolétariat contre lui dure déjà depuis quelques générations, le prolétariat dut créer à chaque période , les méthodes, les formes et les instruments de lutte qui fussent à chaque fois adaptés au degré précis de l'évolution du capitalisme ; mais ces méthodes, forme et instruments, bien vite, ne furent plus considérés dans leur réalité de nécessités limitées dans le temps ; mais au contraire furent sur-évalués comme des formes éternelles , absolument bonnes, divisées idéologiquement, et devinrent donc plus tard des obstacles à l'évolution qu'il est nécessaire de briser. Tandis la classe est enchaînée dans un bouleversement , dans une évolution toujours plus rapide, les chefs s'arrêtent à un stade déterminé, en représentant qu'une phase déterminée, et leur influence impportante peut entraver le mouvement, les formes d'action sont élevés au rang de dogmes, et les organisations deviennent des fins en elles-mêmes, ce qui rend difficile une orientation nouvelle et l'adaptation à de nouvelles conditions de lutte. Ceci vaut aussi pour maintenant, chaque phase évolutive de la lutte de classe doit dépasser la tradition des phases précédentes afin de pouvoir reconnaître clairement ses objectifs propres et les atteindre ; seulement, à l'heure présente , l'évolution progresse à un rythme bien plus accéléré. C'est ainsi que la révolution se développe dans le processus de la lutte interne. Au sein du prolétariat lui-même croissent les résistances qu'il doit surmonter. En les surmontant, le prolétariat surmonte sa propre limitation et croît vers le communisme ».
De la théorie du prolétariat

« Le mouvement syndical, dans la mesure où il luttait contre le capital,contre les tendances absolutistes et génératrices de misère du capital, en le contenant et en rendant ainsi possible une existence limitée à sa fonction dans les cadres du capitalisme , le syndicat, donc, était lui-même un membre de la société capitaliste. Mais avec l'avènement de la révolution , lorsque le prolétariat , de membre de la société capitaliste devient le destructeur de cette société , le syndicat entre en conflit avec le prolétariat. Le syndicat devient légalitaire, soutien déclaré de l'état et reconnu par lui , ou bien avance comme mot d'ordre la «  reconstruction de l'économie avant la révolution «  c'est à dire le maintien du capitalisme. En Allemagne, des millions de prolétaires, qui n'avaient pas jusqu'alors osé le faire, à cause du terrorisme exercé par le haut, affluent maintenant dans les syndicats, avec un mélange de vénération timorée et de désir de lutte. Maintenant, la parenté entre les ligues syndicales , embrassant la quasi totalité de la classe ouvrière, et l'organisme d'état, est devenue encore plus étroite. Les fonctionnaires syndicaux sont en accord avec les fonctionnaires d'état, non seulement dans la mesure où, par leur puissance , ils tiennent en mains au profit du capital mais aussi parce que leur « politique » tend toujours plus à tromper les masses par les moyens pédagogiques et à les gagner uniquement en vue de leur accord avec les capitalistes.
De plus, la méthode change selon les circonstances, grossière et brutale, en Allemagne, où les chefs des syndicats, par la force et le mensonge habile, imposent aux ouvriers le travail aux pièce et l'allongement du temps de travail, astucieusement raffinée en Angleterre , où cette bureaucratie syndicale – de la même manière que le gouvernement- donne l'apparence de se laisser mener à contre-coeur par les travailleurs , tandis qu'en réalité elle sabote leurs revendications.
Par conséquent, ce que Marx et Lénine ont précisé au sujet de l'état, doit également valoir pour les organisations syndicales c'est à dire que, malgré la démocratie formelle, son organisation rend impossible d'en faire un instrument de la révolution. La force contre-révolutionnaire des syndicats ne peut être affaiblie et détruite par un changement de personnes, par la substitution de dirigeants syndicaux ou « révolutionnaires » aux chefs réactionnaires. C'est justement la forme de cette organisation qui rend les masses à peu près impuissantes et les empêche de faire des syndicats les organes de leur volonté. »


-----------------------------------------------------

Révoltes des prolétaires en Inde

Les ouvriers textiles, les plus pauvres salariés d'Inde, se sont mis en grève, une grève générale massive.

« Toutes les armes destructives de la guerre moderne ont été dirigées contre les grévistes désarmés.Lors des meetings des soldats tiraient sur la masse, même dans le dos. Les manifestations pacifiques des ouvriers furent écrasées par des mitrailleuses , les tanks, les autos blindées, et les avions. Comment le prolétariat britannique répondit-il à cette révolte ? Quelle a été sa conduite envers la manière dont fut faite la répression ?
En dépit de toutes les preuves contraires, le prolétariat Britannique croit apparemment que la grève générale hindoue a été une simple démonstration nationaliste. Trompé par ses chefs nationalistes, il s'abstint de toute action précise nécessitées par la solidarité de classe. Une grève générale simultanée en Grande-Bretagne aurait porté un coup mortel à l'impérialisme capitaliste de la métropole et de la colonie. Malheureusement, le prolétariat ne profita pas de l'occasion. Un geste fut accompli, trop faible , et de caractère petit-bourgeois. Ce fut une protestation publiée , au nom de la classe ouvrière anglaise, et signée par R. Smillie, R. Williams, G. Landsburry et J.H. Thomas où l'on ne pouvait pas reconnaître la voie du prolétariat révolutionnaire insurgé pour défendre ses intérêts de classe. Les leaders du mouvement ouvrier anglais ont condamné la façon dont fut vaincue la révolte de l'Inde. Ils soutiennent qu'avec ces mesures , le gouvernement de l'Inde expose à de graves périls la «  vie et les biens des femmes et des enfants anglais dans ce pays ». En tant que vrais disciples du libéralisme anglais , croyant en la Société des Nations, ils admettent le droit du peuple Hindou à l'autodétermination et demandent pour lui un gouvernement autonome. Ils écrivaient que l'impérialisme anglais était devenu fou, voulant dire par là qu'il devait agir plus raisonnablement afin d'accomplir sa mission de démocratiser les peuples arriérés qui sont mis sous sa dépendance et sa responsabilité ».

«Tant que le capitalisme britannique sera certain de conserver la maîtrise absolue sur les millions et les millions de bêtes de somme de ses colonies, il sera capable de satisfaire les exigences conservatrices des trade-unionistes anglais et avec cela retarder la révolution prolétarienne qui finalement l'abattra. Pour un penny accordé aux travailleurs de la métropole, une livre sterling sera volée à leurs camarades des colonies. »


---------------------------------------------------

Problème de la crise Algérienne :

« L'histoire de la société algérienne se caractérise par la persistance de la forme communiste primitif. Les diverses invasions , romaine, arabe, turque se détruisirent point cette forme de production. Il fallut la conquête française pour que la propriété commune du sol disparaisse , et , néanmoins , 130 ans furent nécessaires pour arriver à ce résultat ( les dernières terres régies par cette forme furent, en effet, expropriés par l'intermédiaire des camps de regroupement). »

« Le reflux de la vague révolutionnaire fut suivi du triomphe, au sein de l'organisation internationale, de l'idéologie frontiste puis de celle du front populaire. Il fallait lutter contre le fascisme. Au nom de cette lutte, le P.C.F. Refusa de soutenir le mouvement algérien (l'E.N.A. «  Etoile Nord Africaine » rompra avec le P.C.F. En 1935) puis le sabota en traitant
ses chefs de fascistes. C'est au nom de l'anti-fascisme que les staliniens réclamèrent et justifièrent les massacres du Constantinois en 1945. Sous prétexte que l'Algérie était une nation en formation, et pour ne pas gêner le développement de la grandeur française, ils n'apportèrent jamais d'aide décisive au mouvement algérien. Ils ne firent rien en 1954, au moment de la révolte, rien au moment des manifestations des rappelés, en revanche ils permirent le vote des pouvoirs spéciaux en 1956 ».

« Le compromis qui ne saurait tarder ne sera pas la fin des antagonismes. L'Algérie restera une poudrière de l'Afrique puisque le problème agraire ne sera pas résolu par le F.L.N. Et parce que le nouveau pouvoir ne pourra pas donner du travail aux millions de sans-travail. Elle le sera aussi pour la France chez qui la perte de la grande propriété foncière en Algérie amènera une concentration importante, chez qui les problèmes du plein emploi se feront terriblement sentir. Le prolétariat français aura à soutenir une dure lutte pour le maintien de son niveau de vie ; seulement, il aura devant lui un pouvoir renforcé, fascisé ( il n'a qu'à rappelé l'ordonnance sur la défense). Il aura devant lui un état plus puissant, ce qui est la caractéristique de la société française : toute crise tend à renforcer le pouvoir de l'état. Le prolétariat devra toute cette situation à la lutte politique des partis soi-disant ouvriers, P.C.F. en tête, qui depuis 35 ans ne fait que trahir les intérêts de la classe ouvrière même les plus immédiats ».


C Lukacs Pour la question du parlementarisme

   Si je peux me permettre quelques commentaires: nous voyons là toutes les limites que vont pouvoir avoir les interventions de la France Insoumise  dans le cas où elle serait la forme de contestation la plus proche de la gauche prolétarienne.  D'ailleurs, il serait bon de savoir les raisons de la non formation d'un front commun de contestation France Insoumise-Parti Communiste dans cette assemblée.
Le pouvoir de ces deux formations va être le pouvoir de l'éducation. Comme l'a fait lors des trois dernières campagne de Jean-Luc Mélenchon. Une éducation qui va permettre d'aller chercher les inconscients - ce que je veux dire précisément de ceux qui n'ont pas la conscience politique de leur positionnement dans la société. Car il est évident qu'un ouvrier qui vote pour Macron simplement parce qu'il est jeune n'est pas de la conscience politique. La conscience politique veut que l'on ne s'intéresse pas aux hommes politiques mais au programme qu'ils nous vendent. Hors Macron tout en étant jeune d'âge ne nous fait pas d'autres propositions que de nous enfoncer de plus en plus dans un libéralisme forcené, dans une précarité généralisée et nous enfonce dans une misère de plus en plus endémique, structurelle et pérenne. En fait, il va oser mettre en place que tous les autres libéraux n'ont jamais osé faire- , les non éduqués et les écœurés des opportunistes.        

D'ailleurs, on peut se poser la question de savoir pourquoi France 3 nous enlève les séances publiques de l'assemblée nationale. Serait-ce parce que, pour une fois depuis bien longtemps, il y a des députés qui vont parler autrement, sans fard, sans peur, tels que Ruffin, Mélenchon mais aussi Quatennens.

Pour ce qui me concerne, je n'ai pas d'idole, aucune, réelle ou supposée, ni présente, ni passé; j'écoute, je regarde et je compare et je vous invite à vous abonner à toutes les chaines disponibles des députés de la France insoumise. Il y a des discours, des propositions dont nous devons nous emparer. Après les personnes, nous saurons voir sur le long terme.

                                                             1

"En général, on admet aujourd'hui que la question du parlementarisme n'est pas une question de principe mais seulement de tactique. Bien qu'indubitablement juste, cette proposition pâtit,néanmoins, de beaucoup d'obscurité. Abstraction faite qu'elle est énoncée presque exclusivement par ceux qui sont en pratique pour le parlementarisme - de telle sorte que leur acceptation de cette proposition signifie presque toujours, pour eux, une prise de position favorable au parlementarisme - on n'a rien dit d'essentiel lorsqu'on a fait la constatation qu'une question n'est pas une question de principe mais seulement de tactique. Ceci particulièrement parce que, par suite de l'absence d'une effective théorie de la connaissance du socialisme , le rapport d'une question tactique aux principe est tout à fait obscur.

On doit cependant insister sans pouvoir traiter , ici, même sommairement , ce problème, sur ce qui suit : tactique signifie application pratique des principes théoriques établis. La tactique est donc le trait d'union entre le but posé et la réalité immédiate donnée. Elle est donc déterminée de deux côtés: les principes et les buts solidement fixés dans le communisme, la réalité historique constamment changeante. Quand on insiste sur la grande souplesse de la tactique communiste ( au moins en rapport avec ce qu'elle devrait être) , il ne faut pas oublier , pour la compréhension rigoureuse de cette phrase, que la souplesse de la tactique communiste est une conséquence directe de la rigidité des principes communistes. En effet, les principes immuables du communisme peuvent conserver cette souplesse seulement parce qu'ils sont appelés à transformer de façon vitale et fructueuse la réalité changeant sans cesse . Toute "politique réaliste", toute action non guidée par des principes, devient rigide et schématique. Elle le devient d'autant plus qu'elle sera affirmée par des principes arbitraires ( par exemple la politique impérialiste allemande). En effet, l'immanent dans le changeant, l'élément directeur au sein de la profusion des directions, ne peuvent être éliminés aucune "real-politique". Si l'action politique n'est pas guidée par une théorie féconde , capable d'influer fructueusement sur les événements et de leur devenir féconde, l'habitude, le poncif, la routine, prendront sa place , incapables de s'adapter aux besoins du moment.

Justement par sa cohésion avec la théorie et les principes, la tactique communiste se différencie de toute tactique selon la "real-politik" des bourgeois ou des sociaux-démocrates petits bourgeois. Si donc - pour le parti communiste- un problème se pose en tant que problème tactique , il faut se demander : 1° de quels principes dépend le problème en question?  2° Comment doit-on concevoir le lien d'une question tactique particulière avec les autres questions particulières, conformément, encore, à la liaison avec les questions de principe?

                                                                                  2

Pour une compréhension plus adéquate du parlementarisme en tant que problème tactique du communisme,  il faut partir du principe de la lutte de classe et de l'analyse concrète de la situation actuelle réelle  des rapports de force , matériels et idéologiques entre les classes en lutte. De là découlent les deux modes décisifs de poser la question: 1 Quand le parlementarisme intervient-il comme arme, comme moyen tactique du prolétariat en général? 2 Comment cette arme peut-elle être utilisée dans l'intérêt de la lutte de la classe prolétarienne?

De par son essence, la lutte de classe prolétarienne nie la société bourgeoise . Ceci n'implique en aucune façon l'indifférence politique vis à vis de l'état critiqué, déjà, avec raison par Marx. Cela implique, au contraire, un type de lutte où le prolétariat ne se laisse pas assujettir aux formes et  aux moyens que la société bourgeoise a érigé à ses propres fins., un type de lutte où l'initiative soit , dans tous les cas, du côté du prolétariat. Mais il ne faut pas oublier que ce type absolument pur de lutte de classe du prolétariat ne peut que rarement se déployer dans sa pureté.  Avant tout parce que, dans des situations historiques données, le prolétariat se trouve dans une position de défensive vis à vis de la bourgeoisie, bien qu'il soit d'après sa mission historico-philosophique en lutte continuelle  contre l'existence de la société bourgeoise . L'idée de la lutte de classe prolétarienne est celle d'une grande offensive contre le capitalisme. L'histoire fait apparaître cette offensive comme imposée au prolétariat.  La position tactique où le prolétariat se trouve parfois , peut, en conséquence, se définir d'une façon très simple:, par son caractère défensif ou offensif. Par suite, sur la base de ce que nous avons dit, on en déduit  que dans les situations défensives on est contraint d'utiliser des moyens tactiques qui, par leur essence la plus intime, sont en contradiction avec l'idée de la lutte de classe du prolétariat.

Le parlement qui l'instrument le plus caractéristique de la bourgeoisie peut donc représenter une arme défensive du prolétariat. Le problème du "quand" de son usage s'éclaircit maintenant de lui-même: il s'agit d'une phase de la lutte de classe où le prolétariat, à cause des rapports de force externes comme à cause de ses propres immaturités idéologiques, ne peut pas combattre la bourgeoisie avec ses propres moyens d'attaque. L'acceptation de l'activité parlementaire comporte donc pour tout parti communiste la conscience et l'admission que la révolution est impensable dans un proche avenir.  Le prolétariat contraint à la défensive , peut se servir de la tribune parlementaire , il peut utiliser les possibilités que la "liberté" que la bourgeoisie accorde aux membres du parlement, comme substituts aux formes externes de lutte, provisoirement impossibles. Le prolétariat peut se servir des luttes parlementaires contre la bourgeoisie afin de rassembler ses propres forces , pour une préparation  à la lutte effective, authentique contre la bourgeoisie. Qu'une telle phase puisse éventuellement durer un laps de temps passablement considérable, cela se comprend de soi-même, mais cela ne change en rien au fait que, pour un parti communiste, l'activité parlementaire ne peut rien être de plus qu'une préparation à la lutte vraie et propre, jamais l'authentique lutte du prolétariat.


                                                                                     3


C'est encore plus difficile d'établir comment doit se comporter une fraction communiste au parlement quand la tactique parlementaire est applicable ( les deux problèmes sont étroitement liés) . On se réfère presque toujours l'exemple de Liebknecht  et à la fraction bolchévique à la Douma (Radek en est le dernier exemple, cf : " le développement de la révolution mondiale") Mais justement ces deux exemples montrent à quel point il est difficile pour un communiste de trouver le comportement parlementaire adéquat. Cela présuppose des capacités exceptionnelles de la part du parlementaire communiste. En bref, la difficulté est celle-ci : le député communiste doit combattre le parlement au parlement et ceci doit être fait avec une tactique qui ne se place pas, même un instant,sur le terrain de la bourgeoisie, du parlementarisme. Nous ne nous réferons, pas ici, à la "protestation" durant les "débats" ( tout ceci reste parlementariste, légal, de la phrase révolutionnaire.), mais à la lutte contre le parlementarisme , contre la domination de la bourgeoisie au travers de l'action au sein du parlement même.

Cette action révolutionnaire ne peut tendre qu'à préparer le passage du prolétariat de la phase défensive à la phase offensive. Ce qui veut dire que, moyennant cette action, la bourgeoisie et ses complices sociaux-démocrates seront contraints à mettre à nu leur dictature de classe de telle façon que la continuité de celle-ci pourra être mise en péril. Il s'agit donc, avec cette tactique communiste, du démasquage de la bourgeoisie au parlement, non par une critique en paroles (qui est , dans beaucoup de cas, une phraséologie révolutionnaire tolérée par la bourgeoisie) mais une provocation pour qu'elle se mette ouvertement en avant, pour qu'elle se découvre elle-même par des actions qui peuvent, à un moment donné, lui être défavorables. Le parlementarisme étant une tactique défensive du prolétariat , il s'agit de ce fait, de préparer la défensive de telle sorte que l'initiative tactique reste toujours du côté du prolétariat  et que les attaques de la bourgeoisie  deviennent néfastes à celle-ci.

Cette brève et hâtive exposition montre avec suffisamment de clarté les énormes difficultés de cette tactique. La première difficulté à laquelle tous les groupes parlementaires succombent, presque sans exception, est la suivante: parvenir dans le parlement même à un dépassement effectif du parlementarisme. En fait, même la critique la plus aigue à l'action des classes dominantes reste pur verbiage, phrase révolutionnaire , si on n'arrive pas à percer, d'une façon ou d'une autre, le milieu strictement parlementaire; si son effet immédiat n'est pas d'allumer la lutte de classe , afin de mettre à nu les contradictions de classe, d'accélérer la réapparition de l'idéologie du prolétariat. L'opportunisme - le plus grand danger de la tactique parlementaire - a sa raison principale en ceci: toute activité parlementaire qui, par sa nature et effet, ne va pas au delà du parlement, qui n'a pas au moins la tendance à la destruction de la structure parlementaire, est opportuniste. Dans ce cas la critique la plus décisive à l'intérieur du parlement ne peut rien changer. Au contraire. Justement à cause de ceci : qu'une critique acérée de la société bourgeoise apparaisse possible, contribuera à la désorientation , souhaitée par la bourgeoisie, de la conscience de classe du prolétariat. La fiction de la démocratie parlementaire bourgeoise se base sur le fait que le parlement apparait non comme un organe d'oppression de classe, mais comme un organe de "tout le peuple". Tout radicalisme verbal  - du fait même qu'il a la possibilité de se manifester au parlement - est opportuniste et répréhensible car il renforce les illusions des couches les moins conscientes du prolétariat au sujet de cette fiction. 

Il faut donc saboter le parlement en tant que parlement et l'activité parlementaire  doit être poussée au delà du parlementarisme. Par une telle attitude , cependant, la représentation parlementaire communiste va à l'encontre d'une difficulté tactique ultérieure  qui, alors que le péril d'opportuniste semble dépassé , risque de mettre sérieusement en danger ce travail.  Ce danger réside dans le fait que l'initiative et la supériorité tactique restent aux mains de la bourgeoisie , nonobstant tous les efforts que peut faire la fraction parlementaire communiste. Cette supériorité tactique se vérifie quand l'une des deux parties réussit à imposer à l'autre des conditions de lutte qui lui sont plus favorables. Mais on a dejà noté que tout lutte qui reste confinée au parlement est une victoire tactique de la bourgeoisie. Le prolétariat est donc, dans de nombreux cas, placé devant ce choix : éviter la lutte décisive ( mais arrêt au stade parlementaire = danger d'opportunisme) ou aller au delà du parlementarisme, recourir à l'appel aux masses , à un moment qui est favorable à la bourgeoisie. L'exemple le plus clair de l'insolubilité de ce problème nous est offert par la situation actuelle du prolétariat italien. Les élections qui, sous la bannière communiste, se sont déroulées en tant que grandioses "agitations" , ont fait gagner un grand nombre de mandats au parti. Et après? Où l'on prend part  au "travail" parlementaire "positif" ( chose que souhaitent Turati et ses acolytes ) avec cette conséquence : victoire de l'opportunisme , avilissement du mouvement révolutionnaire, ou bien on opère un sabotage ouvert du parlement avec cette conséquence: avant ou après adviendra le heurt avec la bourgeoisie, quand le prolétariat ne sera pas en mesure de choisir le moment de ce heurt. Qu'on ne se méprenne pas, nous ne partons de la présupposition ridicule que l'on puisse "choisir le moment" de la révolution. Au contraire, nous croyons que les explosions révolutionnaires sont des actions spontanées des masses , à l'occasion desquelles la tâche du parti est de rendre le but conscient , d'indiquer la direction. Mais du fait même que le point de départ de ce heurt puisse être le parlement , la spontanéité des masses court un sérieux danger. L'action parlementaire se change en de vides démonstrations ( dont l'effet avec le temps conduit les masses à la prostration et les endort) ou porte aux provocations heureuses de la bourgeoisie. La fraction italienne craignant cette dernière éventualité , oscille sans arrêt entre les démonstrations vides et l'opportunisme larvé de la rhétorique parlementaire ( à côté de ces erreurs tactiques de méthode, d'autres erreurs tactiques portent sur le contenu, par exemple, la manifestation petite-bourgeoise pour la république).

                                                                        4

A l'aide de cet exemple, la théorie affirmant qu'une victoire électorale peut devenir dangereuse apparait tout à fait clairement. Car pour le parti italien le plus grand péril réside dans le fait que son activité parlementaire au parlement peut porter très facilement à la destruction du parlement même, sans que le prolétariat italien possède , sur le plan idéologique et organisationnel, la maturité nécessaire pour la lutte décisive. La contradiction entre la victoire électorale et la non-préparation éclaire vivement l'inconsistance de cet argument favorable au parlementarisme : celui ci serait une espèce de "revue" des forces prolétariennes. Si les voix obtenues signifiaient réellement des voix communistes , ces objections ne se poseraient pas , car la préparation idéologique existerait déjà. Ceci montre aussi que l'agitation électorale , en tant que simple moyen de propagande, n'est pas sans inconvénient. La propagande du parti communiste doit servir à la clarification de la conscience de classe des masses prolétariennes , à leur éveil à la lutte de classe.Conformément à cela, elle doit viser à accélérer le processus de différenciation au sein du prolétariat. C'est seulement de cette façon qu'on obtenir que d'un côté le noyau solide et conscient du prolétariat révolutionnaire ( le parti communiste) se développe en quantité et en qualité, que de l'autre côté, le parti, au moyen de l'enseignement pratique de l'action révolutionnaire , attire à lui les couches semi-conscientes et les porte à la conscience révolutionnaire de leur situation. L'agitation électorale se révèle, dans ce but, comme un moyen douteux. Car, voter n'est pas une action mais, ce qui est bien pire, une apparence d'action, l'illusion d'une action. Elle n'agit donc pas dans le sens de promouvoir la conscience mais de l'obscurcir. Il se produit, en apparence, une grande armée qui disparaît totalement même où une résistance sérieuse est nécessaire ( la sociale démocratie allemande en 1914 ).

Les partis parlementaires bourgeois , au même titre que toute l'organisation de la société bourgeoise tentent, en dernières analyses - à obscurcir la conscience de classe. Minorité négligeable de la population, la bourgeoisie réussit à maintenir sa domination seulement parce qu'elle attire à sa suite toutes les couches sociales matériellement et idéologiquement incertaines et non définies. En conséquence, le parti parlementaire bourgeois est une résultante des intérêts de classe des plus variés (sans doute du point de vue du capitalisme, le compromis apparent est-il important que celui réel).Mais cette structure de parti est presque toujours imposée au prolétariat quand il participe à la lutte électorale. La vie propre d'un tel d'un tel mécanisme électoral qui travaille pour la plus grande "victoire" possible influe presque toujours sur les slogans, de façon à gagner les "sympathisants". Même quand ceci n'advient pas consciemment, il y a, dans toute la technique du vote, une séduction du "sympathisant" qui recèle en elle le plus grand danger : séparer le sentiment de l'action, et faire naître, ainsi, un penchant à l'embourgeoisement et à l'opportunisme. L'oeuvre d'éducation des partis communistes sur les couches confuses et indécises du prolétariat peut devenir réellement fructueuse, seulement si, au moyen de l'enseignement de la pratique révolutionnaire, on renforce en elles la conviction révolutionnaire. Toute campagne électorale -en liaison à son essence bourgeoise - prend une direction complètement opposée qu'on peut éviter dans de très rares cas seulement. Même le parti italien court ce danger. L'aile droite a considéré l'adhésion à la III°internationale, la revendication de la république des conseils, comme de purs mots d'ordre électoraux. Le processus de différenciation, la conquête effective des masses à l'action commune, peut commencer plus tard ( et vraisemblablement dans des conditions défavorables). En général les slogans électoraux, justement parce qu'ils n'ont aucune relation immédiate avec l'action, révèlent une surprenante tendance à l'élimination des contradictions , à l'unification des courants dissidents. Ce sont ces particularités qui sont très préoccupantes , spécialement à l'heure actuelle où il s'agit de l'unité effective et opérante du prolétariat, et non l'unité apparente des vieux partis.

Parmi les difficultés quasi insurmontables d'une action communiste au parlement, nous avons l'indépendance excessive et le pouvoir de décision, dans la vie politique, qu'on a l'habitude d'attribuer au groupe parlementaire. Que cela représente un avantage pour les partis bourgeois est indubitable. Nous ne pouvons pas analyser, ici, la question de plus près. Mais, ce qui est utile pour la bourgeoisie est presque toujours dangereux pour le prolétariat. Ainsi dans ce cas, on ne pourrait, avec quelque chance, éviter les dangers sus-indiqués, dérivant de la tactique parlementaire, que si l'activité parlementaire était inconditionnellement soumise à la direction centrale extra-parlementaire. Théoriquement la chose est évidente mais l'expérience nous enseigne que les rapports entre parti et fraction parlementaire se renversent presque constamment et que le parti est mis à la remorque de la fraction parlementaire.Ainsi, par exemple, dans le cas de Liebknecht durant la guerre quand, en face de la fraction parlementaire, il invoqua, naturellement en vain, les obligations du programme du parti.

Plus ardu encore que le rapport entre la fraction parlementaire et le parti, est le rapport entre la première et le conseil ouvrier. La difficulté de poser le problème de façon théorique rigoureuse, jette la plus vive lumière sur la nature problématique du parlementarisme dans la lutte de classe du prolétariat : les conseils ouvriers en tant qu'organisations de la totalité du prolétariat ( de celui conscient, comme de celui inconscient) dépassent, par leur simple existence, la société bourgeoise. De par leur nature , ils sont des organisations révolutionnaires de l'extension, de la capacité d'action et de la puissance du prolétariat et, en tant que tels, les véritables thermomètres de la révolution. Car tout ce qui se fait et s'obtient, dans les conseils ouvriers, est arraché à la résistance de la bourgeoisie.Cela a donc une grande valeur non seulement comme résultat, mais principalement comme moyen éducatif pour une action de classe consciente. Les tentatives ( telles celles de l'USPD -parti socialiste indépendant d'Allemagne) "pour ancrer" "les conseils ouvriers" "dans la constitution" afin de leur assurer une activité légale déterminée, apparaît donc comme le comble du "crétinisme parlementaire". La légalité tue le conseil ouvrier. Le conseil ouvrier existe en tant qu'organisation offensive du prolétariat révolutionnaire seulement dans la mesure où il menace l'existence de la société bourgeoise et combat, pas à pas, pour préparer la destruction de celle-ci et la construction de la société prolétarienne. Toute légalité , c'est à dire, tout insertion dans la société bourgeoise à l'aide de limitations déterminées de compétence transforme son existence en apparence. Le conseil ouvrier devient une mixture de club de débats , de comité - une caricature du parlement.

Est-il donc possible que le conseil ouvrier et la fraction parlementaire coexistent l'un à côté de l'autrecomme armes tactiques du prolétariat en général? Il serait facile de déduire , du caractère offensif du premier et défensif du second, la théorie qu'ils se complètent mutuellement. De telles tentatives de conciliation négligent cependant que l'offensive et de la défensive dans la lutte de classe sont des concepts dialectiques, chacun desquels contient tout un monde d'actions (dans les deux cas: offensives et défensives singulières ) , et peut être utilisé dans une phase déterminée de la lutte de classe , mais alors il exclut l'autre. On peut définir la différence entre les deux phases - de façon brève et en même temps la plus claire possible , pour la question dont il s'agit ici- en disant que le prolétariat se trouve dans la défensive tant que le procès de dissolution du capital n'a pas commencé, le prolétariat est contraint à l'offensive et il est indifférent que cette transformation soit déterminée consciemment ou non , qu'elle apparaisse ou n'apparaisse pas justifiable et fondée scientifiquement. Mais comme le procès évolutif de l'idéologie ne coincide pas facilement avec celui de l'économie, et ne se déroule jamais parallèlement à celui-ci , la possibilité objective et la nécessité de la phase offensive de la lutte de classe trouvent rarement le prolétariat préparé idéologiquement pour cette dernière. Sous l'effet de la situation économique l'action des masses prend évidemment une direction révolutionnaire. Elle est cependant toujours déviée sur de fausses voies par les dirigeants opportunistes qui ne veulent ou ne peuvent pas se libérer des habitudes propres à la phase défensive. Ou bien, elle est totalement sabotée. En conséquence, dans la phase offensive de la lutte de classe, il n'y a pas que la bourgeoisie et les couches sociales guidées par elle qui s'alignent contre le prolétariat mais ses propres dirigeants d'autrefois. On doit donc porter la critique non plus en premier lieu contre la bourgeoisie ( elle est déjà jugée par l'histoire ) mais contre l'aile droite et le centre du mouvement ouvrier, la social-démocratie sans l'aide de laquelle le capitalisme n'aurait dans aucun pays la moindre chance de surmonter - même temporairement - la crise actuelle.

La critique du prolétariat est en même temps une critique de l'action, une oeuvre éducative de l'action révolutionnaire, un enseignement par le fait. Dans ce but, les conseils ouvriers sont les instruments les plus favorables que l'on puisse imaginer. Leur fonction éducative est plus importante que toutes les conquêtes singulières qu'ils sont en mesure d'obtenir en faveur du prolétariat. Le conseil ouvrier est la mort de la social-démocratie. Tandis qu'il est possible, au sein du parlement, de cacher l'opportunisme sous des phrases révolutionnaires, le conseil ouvrier est contraint à l'action ou bien il cesse d'exister. Cette action, dont le guide conscient doit être le parti communiste, conduit à la dissolution de l'opportunisme et permet d'exercer la critique aujourd'hui nécessaire. Ce n'est donc pas si étonnant que la social-démocratie soit épouvantée devant l'auto-critique qui lui est imposée dans le conseil ouvrier. Le développement des conseils ouvriers en Russie de la première à la seconde révolution montre clairement où doit conduire ce développement.

La position du conseil ouvrier par rapport à celle du parlement pourrait être déterminée , théoriquement et tactiquement ainsi: là où un conseil ouvrier est possible (même dans un espace très limité) le parlementarisme est superflu. Même ceci est dangereux car il est dans la nature de ce dernier de permettre en son sein une critique de la bourgeoisie , non l'auto-critique du prolétariat. Mais le prolétariat, avant d'atteindre la terre promise, doit passer par l'épreuve de feu de cette auto-critique, par laquelle il se dépouille de la figure qu'il a , à l'époque capitaliste antérieure, et qui se manifeste de la façon la plus prégnante dans la social-démocratie, il parvient alors à la purification."


mercredi 30 août 2017

Discours de Amadeo Bordiga (1889-1970) sur le parlementarisme 2°congrès de l'Internationale Communiste

Dans les deux textes que je vais mettre ici nous fait penser à l'attitude de ceux qui se disent l'opposition de Macron: les communistes, dénomination qu'ils se donnent encore, et le France Insoumise, qui ne souhaite qu'une "révolution citoyenne". 

D'ailleurs deux questions se posent:

1/ Les communistes d'aujourd'hui sont-ils des marxistes?

2/ Peut-on faire ne faire qu'une "révolution citoyenne" lorsque l'on se rend compte de cette immense machine à broyer les idéologies que le libéralisme?

Ici c'est Amadeo Bordiga qui nous donne son idée:


"La fraction de gauche du parti socialiste italien est antiparlementaire pour des raisons qui ne regardent pas seulement l'Italie mais ont un caractère général.

S'agit-il d'une question de principe? Certainement pas. En principe nous sommes tous antiparlementaires parce que nous répudions le parlementarisme comme moyen d'émancipation du prolétariat et comme forme politique de l'état prolétarien.

Les anarchistes sont antiparlementaires par principe , parce qu'ils se déclarent contre toute délégation de pouvoir d'un individu à un autre, le sont également les syndicalistes, adversaires de l'action politique du parti et concevant d'une façon toute différente le processus de l'émancipation prolétarienne. Quand à nous, notre antiparlementarisme se rattache à la critique marxiste de la démocratie bourgeoise. Je ne répéterai pas ici les arguments du communisme critique démasquant le mensonge bourgeois de l'égalité politique  placé au-dessus de l'égalité économique et de la lutte de classe.

Cette conception part de l'idée d'un processus historique au cours duquel la lutte de classe se termine par la libération du prolétariat après une lutte violente, soutenue par la dictature prolétarienne . Exposée dans le Manifeste des communistes, elle a trouvé dans la révolution russe sa première réalisation historique. Une longue période s'est écoulée entre ces deux faits et le développement du monde capitaliste a été très complexe.

Le mouvement marxiste a dégénéré en mouvement social-démocrate et a créé un terrain d'action commun aux petits intérêts corporatifs de certains groupes ouvriers et à la démocratie bourgeoise.

Cette dégénérescence s'est manifestée simultanément dans les syndicats et dans les partis socialistes. On oublia presque la tâche marxiste du parti de classe qui aurait du parler au nom de la classe ouvrière dans son ensemble et la rappeler à sa tâche historique révolutionnaire; il se créa une idéologie différente , qui écartait la violence et abandonnait la dictature du prolétariat pour lui substituer l'illusion d'une transformation sociale pacifique et démocratique. La révolution russe a confirmé une manière évidente la théorie démontrant la nécessité d'employer la méthode de la lutte de la lutte violente et d'instituer la dictature du prolétariat. Mais les conditions historiques dans lesquelles la révolution prolétarienne se développera dans les pays démocratique de l'Europe occidentale et de l'Amérique. La situation russe rappelle plutôt celle de l'Allemagne  de 1849 parce qu'il s'est déroulé deux révolutions, l'une après l'autre: la révolution démocratique et la révolution prolétarienne. L'expérience tactique de la révolution russe ne peut donc être appliqué intégralement à d'autres pays, dans lesquels la démocratie bourgeoise fonctionne depuis longtemps et ou la crise prolétarienne ne sera que le passage direct de ce régime politique à la dictature du prolétariat.

L'importance marxiste de la révolution russe est que sa phase finale ( dissolution de l'assemblée constituante et prise du pouvoir par les Soviets) ne pouvait être comprise et défendue que sur les bases du marxisme et donnait vie au développement d'un nouveau mouvement international: celui de l'Internationale Communiste , qui rompait définitivement les ponts avec la social-démocratie, honteusement faillie pendant la guerre . Pour l'Europe occidentale, le problème révolutionnaire impose avant tout la nécessité de sortir des limites de la démocratie bourgeoise, de démontrer que l'affirmation bourgeoise selon laquelle toute lutte politique doit se dérouler dans le cadre du mécanisme parlementaire est mensongère et que la lutte doit être portée sur un autre terrain, celui de l'action directe, révolutionnaire, pour la conquête du pouvoir.Il faut une nouvelle organisation technique du parti , c'est à dire une organisation historiquement nouvelle. Cette nouvelle organisation historique est réalisée par le parti communiste qui, comme le précisent les thèses du Comité exécutif sur les tâches du parti, est suscité par l'époque des luttes directes en vue de la dictature du prolétariat. ( Thèse N°04)

Maintenant, la première machine bourgeoise qu'il faut détruire avant de passer à l'édification économique du communisme, avant même de construire le nouveau mécanisme de l'état prolétarien qui doit remplacer l'appareil gouvernemental, c'est le parlement.

La démocratie bourgeoise agit parmi les masses comme un moyen de défense indirecte, alors que l'appareil exécutif de l'état est prêt à faire usage des moyens violents et directs dès les premières tentatives pour attirer le prolétariat sur le terrain démocratique auront échoué. Il est donc d'une importance capitale de démasquer ce jeu de la bourgeoisie. La pratique des partis socialistes traditionnels avait, déjà avant la guerre mondiale, déterminé une révision et une réaction antiparlementaire dans les rangs du prolétariat, la réaction syndicaliste anarchiste, qui nia toute valeur à l'action politique pour concentrer l'activité du prolétariat sur le terrain des organisations économiques , répandant la fausse idée qu'il ne peut exister d'action politique hors de l'activité électorale et parlementaire.

Contre cette illusion, pas moins que contre l'illusion social-démocrate, il est nécessaire de réagir, cette conception est bien éloignée de la vraie méthode révolutionnaire et mène le prolétariat sur une fausse voie au cours de sa lutte pour l'émancipation.

La plus grande clarté est indispensable dans la propagande : il faut donner aux masses des mots d'ordre simples et efficaces. En partant des principes marxistes, nous proposons donc que l'agitation pour la dictature du prolétariat dans les pays où le régime démocratique est depuis longtemps développé , se base sur le boycottage des élections et des organes démocratiques bourgeois.La grande importance qu'on donne en pratique à l'action électorale comporte un double danger: d'une part , elle donne l'impression que telle est l'action essentielle, d'autre part, elle absorbe  toutes les ressources du parti et accepte l'abandon presque complet de l'action de préparation dans les autres domaines du mouvement. 

Les sociaux-démocrates ne sont pas les seuls à accorder une grande importance aux élections:  les mêmes thèses proposées par le C.E. nous disent qu'il est utile de se servir dans les campagnes électorales de tous les moyens d'agitation (Thèse N°4). L'organisation du parti qui exerce l'activité électorale revêt un caractère tout-à-fait particulier qui contraste violemment avec le caractère d'organisation répondant à la nécessité de l'action révolutionnaire légale et illégale.

Le parti devient ( reste ) un engrenage de comités électoraux qui se charge seulement de la préparation et de la mobilisation des électeurs. Surtout lorsqu'il s'agit d'un vieux parti social démocrate qui passe au mouvement communiste, c'est un grand danger que de poursuivre l'action parlementaire comme par le passé. Il y a de nombreux exemples de cette situation. 

Pour ce qui concerne les thèses proposées et soutenues par les rapporteurs, je ferai observer qu'elles sont précédées d'une introduction historique avec la première partie de laquelle je concorde presque entièrement. Il est dit que la première internationale se servait du parlement à des fins d'agitation , de propagande et de critique.

Plus tard, dans la seconde internationale, on vérifia l'action corruptrice  du parlementarisme qui conduisait au réformisme et à la collaboration de classe. L'introduction en conclut qu'avec la troisième internationale on doit revenir à la tactique parlementaire de la première, afin de détruire le parlementarisme de l'intérieur. Mais la troisième internationale , si elle accepte la même doctrine que la première, étant donné la grande différence des conditions historiques, doit se servir d'une toute autre tactique et ne pas participer à la démocratie bourgeoise.

Ainsi, dans les thèses qui suivent, il y a une première partie qui n'est pas du tout en contradiction avec les idées que je soutiens. C'est seulement lorsque l'on parle de l'utilisation de la campagne électorale et de la tribune parlementaire pour l'action des masses que commence la divergence.

Nous répudions le parlementarisme, non parce qu'il s'agit d'un moyen légal. On ne peut en proposer l'emploi au même titre que la presse, la liberté de réunion, etc...Ici, il s'agit de moyen d'action , là d'une institution bourgeoise qui doit être remplacée par les institutions prolétariennes des conseils ouvriers. Nous ne pensons pas su tout ne pas usage après la révolution de la presse, de la propagande, etc...mais nous comptons briser l'appareil parlementaire et la remplacer par la dictature du prolétariat.

Nous ne soutenons plus l'argument habituel des "chefs". Nous savons fort bien, et nous l'avons toujours dit aux anarchistes avant la guerre, qu'il n'est suffisant de renoncer au parlementarisme pour se passer des chefs. On aura toujours besoin de propagandistes, de journalistes etc...Il faut à la révolution un parti centralisé qui dirige l'action prolétarienne et il est évident qu'à ce parti, il faut des leaders. Mais la fonction de ces chefs a une valeur tout à fait différente de la traditionnelle pratique social-démocrate. Le parti dirige l'action prolétarienne en ce sens qu'il prend sur lui le travail dangereux et qui exige les plus grands sacrifices. Les chefs du parti ne sont pas seulement les chefs de la révolution victorieuse. Ce seront eux, qui, en cas de défaite tomberont les premiers sous les coups de l'ennemi. Leur situation est tout à fait différente de celle des chefs parlementaires  qui prennent les places les plus avantageuses dans la société bourgeoise.

On nous dit: de la tribune parlementaire on peut faire de la propagande. Je répondrai avec un argument tout à fait...infantile. Ce que l'on dit à la tribune parlementaire est répété par la presse. S'il s'agit de notre presse, alors il est inutile de passer par la tribune pour devoir ensuite imprimer ce que l'on a dit. Les exemples donnés par les rapporteurs ne touchent pas notre thèse. Liebknecht a agi au Reichstag à une époque où nous reconnaissions la possibilité de l'action parlementaire d'autant plus qu'il s'agissait non pas de sanctionner le parlementarisme, mais de se consacrer à la critique du pouvoir bourgeois. Si par ailleurs on mettait sur un plateau de la balance Liebknecht, Roeglund, et les autres cas peu nombreux d'action révolutionnaire au parlement, et dans l'autre toute la série de trahisons de la social-démocratie , le bilan serait très défavorable au "parlementarisme révolutionnaire". La question des bolchévicks dans la Douma, dans le parlement de Kerensky, dans l'assemblée constituante ne se posait pas du tout dans les conditions dans lesquelles nous posons l'abandon  de la tactique parlementaire  et je ne reviendrai pas ici sur la différence entre le développement de la révolution russe et le développement que présenteront les révolutions dans les autres pays bourgeois. Je n'accepte pas plus l'idée de la conquête électorale des institutions communales bourgeoises. Il y a là un problème très important qui ne doit pas être passé sous silence. Je pense profiter des campagnes électorales pour l'agitation et la propagande de la Révolution Communiste , mais cette agitation sera d'autant plus efficace que nous soutenons devant les masses le boycottage des élections bourgeoises.

Et maintenant deux mots sur les arguments présentés par Lénine dans la brochure sur le "Communisme de gauche". Je crois que l'on ne peut pas juger notre tactique antiparlementaire de la même manière que celle qui préconise les syndicats. Le syndicat, même si il est corrompu, est toujours un centre ouvrier. Sortir du syndicat social-démocrate correspond à la conception de certains syndicalistes qui voudraient constituer des organes de lutte révolutionnaire de type non-politique, mais syndical. Du point de vue marxiste ceci est une erreur qui n'a rien de commun avec les arguments sur lesquels s'appuie notre antiparlementarisme. Les thèses du rapporteur déclarent du reste que si la question parlementaire est secondaire pour le mouvement communiste , celle des syndicats ne l'est pas autant.

Je crois que l'opposition à l'action parlementaire on ne doit définir des jugements décisifs sur des camarades ou des partis communistes. Le camarade Lénine dans son intéressante étude expose la tactique communiste en défendant une action très souple correspondant fort bien à l'analyse attentive et rigoureuse du monde bourgeois, et propose d'appliquer à cette analyse dans les pays capitalistes les données de l'expérience de la révolution russe. Il soutient aussi la nécessité de tenir compte au plus haut degré des différences entre les divers pays. Je ne discuterai pas ici de cette méthode . Je ferai seulement observer qu'un mouvement marxiste dans les pays démocratiques occidentaux exige une tactique beaucoup plus directe que celle qui a été nécessaire à la révolution russe.

Le camarade Lénine nous accuse de vouloir écarter le problème de l'action communiste au parlement parce que la solution apparaît trop difficile et de préconiser la tactique antiparlementariste parce qu'elle implique un effort moindre. Nous sommes parfaitement convaincus qu'après avoir résolu comme on nous le propose le problème de l'action parlementaire, les autres problèmes, beaucoup plus importants nous resteront sur les bras et leur solution ne sera pas aussi facile , mais c'est justement pour cette raison que nous pensons porter la plus grande part des efforts du parti communiste sur un terrain d'action bien plus important que celui du parlement. Et cela non parce que les difficultés nous épouvantent. Nous observons seulement que les parlementaires opportunistes qui adoptent une tactique d'application plus commode n'en sont pas moins complètement absorbés dans leur action par l'activité parlementaire et nous concluons que pour résoudre le problème du parlementarisme communiste selon les thèses du rapporteur (en admettant cette solution), il faut des efforts décuplés et il restera moins de ressources et d'énergies au mouvement pour l'action révolutionnaire.

Dans l'évolution du monde bourgeois les étapes que l'on doit nécessairement parcourir même après la révolution dans le passage économique du capitalisme au communisme ne se transposent pas sur le terrain politique. Le passage du pouvoirs des exploiteurs aux exploités  porte avec lui le changement instantané de l'appareil représentatif.

Ce vieux masque qui tend à cacher la lutte de classe doit donc être arraché pour que l'on puisse passer à l'action directe et révolutionnaire. C'est ainsi que nous résumons notre point de vue qui se rattache entièrement à la méthode révolutionnaire marxiste. Je peux conclure par une considération qui nous est commune avec le camarade Boukharine. Cette question ne peut et ne doit donner lieu à une scission dans le mouvement communiste. Si l'internationale Communiste décide de prendre sur elle la création d'un parlementarisme communiste , nous nous soumettrons à sa résolution. Nous ne croyons pas que l'on puisse réussir , mais nous déclarons que nous ne ferons rien pour faire échouer cette oeuvre et je souhaite que le prochain congrès de l'Internationale Communiste n'ait pas à discuter les résultats de l'action parlementaire, mais plutôt à enregistrer les victoires que la révolution communiste aura obtenue dans un grand nombre de pays. Si cela n'est pas possible, je souhaite au camarade Boukharine de pouvoir nous présenter un bilan moins triste du parlementarisme communiste que celui par lequel il a dû commencer aujourd'hui."



Par rapport à ce texte, nous constatons que Bordiga est sur la même ligne que Proudhon sur le travail parlementaire qui pousse les parlementaires à s'éloigner de plus en plus de la vie quotidienne, c'est à dire de ce dont ils doivent s'occuper et légiférer.