dimanche 1 juillet 2018

Journal de la Commune


Paris, le 1er avril 1871.

DISCOURS DU CITOYEN CH. BESLAY doyen de la commune


La séance d’installation de la Commune à l’Hôtel-de-Ville a été, ainsi que nous l’avons rapporté, présidée par le citoyen Charles Beslay. Voici le discours qu’a prononcé le doyen de la commune, en prenant possession du fauteuil présidentiel :
CITOYENS,
« Votre présence ici atteste à Paris et à la France que la Commune est faite, et l’affranchissement de la Commune de Paris, c’est, nous n’en doutons pas, l’affranchissement de toutes les communes de la République.
« Depuis cinquante ans, les routiniers de la vieille politique nous bernaient avec de grands mots de décentralisation et de gouvernement du pays par le pays.
Grandes phrases qui ne nous ont rien donné !
« Plus vaillants que vos devanciers, vous avez fait comme le sage qui marchait pour prouver le mouvement, vous avez marché, et l’on peut compter que la République marchera avec vous !
« C’est là, en effet, le couronnement de votre victoire pacifique. Vos adversaires ont dit que vous frappiez la République ; nous répondons, nous, que si nous l’avons frappée, c’est comme le pieu que l’on enfonce plus profondément en terre.
« Oui, c’est par la liberté complète de la Commune que la République va s’enraciner chez nous. La République n’est plus aujourd’hui ce qu’elle était aux grands jours de notre Révolution. La République de 93n était un soldat qui, pour combattre au dehors et au dedans, avait besoin de centraliser sous sa main toutes les forces de la patrie ; la République de 1871 est un travailleur qui a surtout besoin de liberté pour féconder la paix.
« Paix et travail ! Voilà notre avenir ! Voilà la certitude de notre revanche et de notre régénération sociale, et ainsi comprise la République peut encore faire de la France le soutien des faibles, la protectrice des travailleurs, l’espérance des opprimés dans le monde, et le fondement de la République universelle.
« L’affranchissement de la Commune est donc, je le répète, l’affranchissement de la république elle-même, chacun des groupes sociaux va retrouver sa pleine indépendance et sa complète liberté d’action.
« La Commune s’occupera de ce qui est local.
« Le département s’occupera de ce qui est national.
« Et, disons-le hautement : la Commune que nous fondons sera la Commune modèle. Qui dit travail dit ordre, économie, honnêteté, contrôle sévère, et ce n’est pas dans la Commune républicaine que Paris trouvera des fraudes de 400 millions.
« De son côté, ainsi réduit de moitié, le gouvernement ne pourra plus être que le mandataire docile du suffrage universel et le gardien de la République.
« Voilà, à mon avis, citoyens, la route à suivre ; entrez-y hardiment et résolument. Ne dépassons pas cette limite fixée par notre programme, et le pays et le gouvernement seront heureux et fiers d’applaudir à cette révolution, si grande et si simple, et qui sera la plus féconde révolution de notre histoire.
« Pour moi, citoyens, je garde comme le plus beau jour de ma vie d’avoir pu assister à cette grande journée, qui est pour nous la journée du salut. Mon âge ne me permettra pas de prendre part à vos travaux, comme membre de la Commune de Paris ; mes forces trahiraient trop souvent mon courage, et vous avez besoin de vigoureux athlètes. Dans l’intérêt de la propagande, je serai donc obligé de donner ma démission ; mais soyez sûrs qu’à côté de vous, comme auprès de vous, je saurai, dans la mesure de mes forces, vous continuer mon concours le plus dévoué, et servir comme vous la sainte cause du travail et de la République.
Vive la République ! Vive la Commune !
Le citoyen Beslay n’a pas maintenu sa démission ; c’est à tort que quelques journaux ont annoncé sa retraite.


Aucun commentaire: