Paris,
le 1er avril 1871.
DISCOURS
DU CITOYEN CH. BESLAY doyen de la commune
La
séance d’installation de la Commune à l’Hôtel-de-Ville a été,
ainsi que nous l’avons rapporté, présidée par le citoyen Charles
Beslay. Voici le discours qu’a prononcé le doyen de la commune, en
prenant possession du fauteuil présidentiel :
CITOYENS,
«
Votre présence ici atteste à Paris et à la France que la Commune
est faite, et l’affranchissement de la Commune de Paris, c’est,
nous n’en doutons pas, l’affranchissement de toutes les communes
de la République.
«
Depuis cinquante ans, les routiniers de la vieille politique nous
bernaient avec de grands mots de décentralisation et de gouvernement
du pays par le pays.
Grandes
phrases qui ne nous ont rien donné !
«
Plus vaillants que vos devanciers, vous avez fait comme le sage qui
marchait pour prouver le mouvement, vous avez marché, et l’on peut
compter que la République marchera avec vous !
«
C’est là, en effet, le couronnement de votre victoire pacifique.
Vos adversaires ont dit que vous frappiez la République ; nous
répondons, nous, que si nous l’avons frappée, c’est comme le
pieu que l’on enfonce plus profondément en terre.
«
Oui, c’est par la liberté complète de la Commune que la
République va s’enraciner chez nous. La République n’est plus
aujourd’hui ce qu’elle était aux grands jours de notre
Révolution. La République de 93n était un soldat qui, pour
combattre au dehors et au dedans, avait besoin de centraliser sous sa
main toutes les forces de la patrie ; la République de 1871 est un
travailleur qui a surtout besoin de liberté pour féconder la paix.
«
Paix et travail ! Voilà notre avenir ! Voilà la certitude de
notre revanche et de notre régénération sociale, et ainsi comprise
la République peut encore faire de la France le soutien des faibles,
la protectrice des travailleurs, l’espérance des opprimés dans le
monde, et le fondement de la République universelle.
«
L’affranchissement de la Commune est donc, je le répète,
l’affranchissement de la république elle-même, chacun des groupes
sociaux va retrouver sa pleine indépendance et sa complète liberté
d’action.
«
La Commune s’occupera de ce qui est local.
«
Le département s’occupera de ce qui est national.
«
Et, disons-le hautement : la Commune que nous fondons sera la Commune
modèle. Qui dit travail dit ordre, économie, honnêteté, contrôle
sévère, et ce n’est pas dans la Commune républicaine que Paris
trouvera des fraudes de 400 millions.
«
De son côté, ainsi réduit de moitié, le gouvernement ne pourra
plus être que le mandataire docile du suffrage universel et le
gardien de la République.
«
Voilà, à mon avis, citoyens, la route à suivre ; entrez-y
hardiment et résolument. Ne dépassons pas cette limite fixée par
notre programme, et le pays et le gouvernement seront heureux et
fiers d’applaudir à cette révolution, si grande et si simple, et
qui sera la plus féconde révolution de notre histoire.
«
Pour moi, citoyens, je garde comme le plus beau jour de ma vie
d’avoir pu assister à cette grande journée, qui est pour nous la
journée du salut. Mon âge ne me permettra pas de prendre part à
vos travaux, comme membre de la Commune de Paris ; mes forces
trahiraient trop souvent mon courage, et vous avez besoin de
vigoureux athlètes. Dans l’intérêt de la propagande, je serai
donc obligé de donner ma démission ; mais soyez sûrs qu’à côté
de vous, comme auprès de vous, je saurai, dans la mesure de mes
forces, vous continuer mon concours le plus dévoué, et servir comme
vous la sainte cause du travail et de la République.
Vive
la République ! Vive la Commune !
Le
citoyen Beslay n’a pas maintenu sa démission ; c’est à tort que
quelques journaux ont annoncé sa retraite.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire