dimanche 1 juillet 2018

Journal de la Commune de Paris


Les délégués de la société l’éducation nouvelle ont été reçus hier par les membres de la Commune, auxquels ils ont remis une requête conçue en ces termes :

À la Commune de Paris.

Considérant la nécessité qu’il y a, sous une république, à préparer la jeunesse au gouvernement d’elle-même par une éducation qui est toute à créer ; Considérant que la question de l’éducation, laquelle n’est exclusive d’aucune autre, est la question mère, qui embrase et domine toutes les questions politiques et sociales, et sans la solution de laquelle il ne sera jamais fait de réformes sérieuses et durables ; Considérant que les maisons d’instruction et d’éducation entretenues par la commune, ou par le département ou par l’Etat, doivent être ouvertes aux enfants de tous les membres de la collectivité, quelles que soient les croyances intimes de chacun d’eux ; Les soussignés délégués de la société l’Education nouvelle, demandent d’urgence, au nom de la liberté de conscience, au nom de la justice : Que l’instruction religieuse ou dogmatique soit laissée tout entière à l’initiative et à la direction libre des familles, et qu’elle soit immédiatement et radicalement supprimée, pour les deux sexes, dans toutes les écoles, dans tous les établissements dont les frais sont payés par l’impôt ; Que ces maisons d’instruction et d’éducation ne contiennent aux places exposées aux regards des élèves ou du public aucun objet de culte, aucune image religieuse Qu’il n’y soit enseigné ou pratiqué, en commun, ni prières, ni dogmes, ni rien de ce qui est réservé à la conscience individuelle ; Qu’on n’y emploie exclusivement que la méthode expérimentale ou scientifique, celle qui part toujours de l’observation des faits, quelle qu’en soit la nature, physiques, moraux, intellectuels ; Que toutes les questions du domaine religieux soient complètement supprimées dans tous les examens publics, et principalement dans les examens pour brevets de capacité ; Qu’enfin, les corporations enseignantes ne puissent plus exister que comme
établissements privés ou libres.
La qualité de l’enseignement étant déterminée tout d’abord par l’instruction rationnelle, intégrale, qui deviendra le meilleur apprentissage possible de la vie privée, de la vie professionnelle et de la vie politique ou sociale, la société l’Education nouvelle émet en outre le voeu que l’instruction soit considérée comme un service public de premier ordre ; qu’en conséquence, elle soit gratuite et complète pour tous les enfants des deux sexes, à la seule condition du concours pour les spécialités professionnelles.
Enfin, elle demande que l’instruction soit obligatoire, en ce sens qu’elle devienne un droit à la portée de tout enfant, quelle que soit sa position sociale, et un devoir pour les parents ou pour les tuteurs, ou pour la société.

Au nom de la société l’Education nouvelle, les délégués nommés dans la séance du 26 mars 1871, à l’Ecole Turgot :
Henriette GAROSTE, rue Saint-Paul, 43 ; — Louise LAFITTE, rue Saint-Paul, 43 ; J. MANIER, rue du Faubourg-Saint-Martin, 148 bis ; — RHEIMS, rue d’Hauteville, 33 ; — Maria VERDURE, rue sainte-Marie-du-Temple, 8.
Il a été répondu aux délégués que la Commune était complètement favorable à une réforme radicale de l’éducation dans le sens qu’ils indiquaient ; qu’elle comprenait l’importance capitale de cette réforme, et qu’elle considérait la présente démarche comme un encouragement à entrer dans la voie où elle était résolue à marcher.

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