dimanche 1 juillet 2018

Journal de la Commune


Le gouvernement de Versailles prétend avoir partout étouffé le mouvement communal. Voici cependant l’adresse du conseil municipal de Lyon, adressée à l’Assemblée nationale, qui pourrait prouver le contraire :

Jamais les circonstances n’ont été plus graves ; jamais la France n’a été plus près du pire des malheurs : la guerre civile.
La première cause d’une pareille situation se trouve dans la crainte d’une restauration monarchique, que la plupart de vos actes n’ont que trop contribué à faire naître.
Vous faisant illusion sur la pensée de la France qui, en vous nommant, n’a eu en vue que la question de la paix ou de la guerre, vous n’avez laissé passer aucune occasion de vous montrer hostiles à la République. On craint de vous voir usurper les pouvoirs constituants. Non seulement vous n’avez rien fait pour rassurer l’opinion, mais vous l’avez froissée profondément par votre refus de siéger dans la capitale.
Votre pouvoir exécutif a mis le comble à l’irritation, en nommant aux grands emplois des hommes de l’ancien régime, et surtout en donnant, à Paris, le gouvernement de l’armée, de la garde nationale et de la préfecture de police à des généraux de l’Empire, dont le premier acte a été une atteinte à la liberté de la presse, par la suppression de six journaux à la fois, et le second une tentative nocturne de désarmement.
Devant cette série d’actes manifestement monarchiques et cette intervention dans ses affaires d’ordre municipal, Paris s’est levé pour affirmer, avec la république, ses libertés communales, comme Lyon l’avait déjà fait le 4 septembre 1870. Le mouvement a eu son contrecoup dans notre cité, comme à Marseille, à Saint-Etienne, à Toulouse, qui se sont agitées au nom de la Commune libre. Nous convenons, citoyens représentants, que Lyon, ayant déjà sa municipalité élue, n’avait pas, bien que ses franchises municipales soient encore incomplètes, de motifs suffisants de revendication violente.
Nous sommes convaincus que ceux qui ont pris part au mouvement, en répudiant l’Assemblée nationale, ont commis la faute grave de porter atteinte au suffrage universel, seule base de nos institutions.
Mais citoyens représentants, lorsque vous vous êtes obstinés à refuser à Paris la satisfaction qui lui est due, à entrer dans la voie de conciliation qui vous était proposée par ses maires et par ses représentants, au risque d’allumer la guerre civile dans toute la France, nous avons éprouvé une bien douloureuse surprise. Nous regardons comme un devoir impérieux d’intervenir, nous mandataires du peuple, responsables devant nos électeurs de la tranquillité dans notre cité et du maintien de la République. Nous le faisons résolument, en émettant le voeu que l’Assemblée nationale :
1° Reconnaisse à Paris, comme à toutes les communes de France, le droit de s’administrer librement, par des mandataires de son choix ;
2° Et déclare hautement que, aussitôt son mandat rempli par la conclusion définitive de la paix, elle convoquera une Assemblée constituante, chargée d’élaborer la constitution républicaine.
Voilà, citoyens représentants, ce que, au nom du salut de la patrie, nous vous conjurons de faire, persuadés que ces déclarations auront pour conséquence l’apaisement général, la confiance en l’avenir et la reprise du travail et des transactions commerciales.

Agréez, citoyens représentants, l’assurance de nos sentiments distingués.
Pour le conseil municipal :
Le maire de Lyon, HÉNON.
Pour copie conforme :
L’adjoint délégué, D. BARODET

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