dimanche 1 juillet 2018

Journal de la Commune


Paris, le 31 mars 1871.

Certains journaux croient voir dans les premiers actes de la Commune de Paris l’intention de sortir des attributions municipales. Il n’est pas douteux qu’en rendant pour Paris des décrets portant la remise des loyers, l’abolition de la conscription, etc., etc., la Commune est sortie du cercle étroit où la législation antérieure enfermait la liberté municipale. Mais ce serait une illusion étrange et même puérile de penser que la révolution du 18 mars avait pour but unique d’assurer à Paris une représentation communale élue, mais soumise à la tutelle despotique d’un pouvoir national fortement centralisé. Jamais en France la loi n’a satisfait, ni pour Paris, ni pour les villes, ni pour les villages, les besoins d’indépendance, de libre administration qui sont une condition absolue de vie régulière, de stabilité et de progrès dans un Etat républicain.
C’est comme on l’a dit dès le premier jour, pour conquérir et assurer dans l’avenir cette indépendance à toutes les communes de France, et aussi à tous les groupes supérieurs, cantons, départements ou provinces, reliés entre eux, par un pacte alors vraiment national ; c’est pour garantir en même temps et perpétuer la République assise enfin sur sa base fondamentale, que les hommes du 18 mars ont lutté et vaincu.
Quel esprit éclairé et de bonne foi oserait soutenir que Paris a affronté, après les souffrances et les dangers du siège, les conséquences douloureuses, quoique momentanées d’une violente rupture, pour se soumettre de bonne grâce à une loi qu’il n’aurait même pas discutée, à une loi qui ne lui laisserait ni l’administration de sa police, ni la disposition souveraine de ses finances, ni la direction de sa garde nationale ; à une loi qui serait non pas le gage de sa liberté, mais le sceau même de sa servitude.
En se constituant en Commune, si Paris a renoncé à son omnipotence apparente, identique en fait à sa déchéance, il n’a pas renoncé à son rôle initiateur, il n’a pas abdiqué ce pouvoir moral, cette influence intellectuelle qui a tant de fois en France et en Europe donné la victoire à sa propagande. Paris affranchi, Paris autonome n’en doit pas moins rester le centre du mouvement économique et industriel, le siège de la Banque, des chemins de fer, des grandes institutions nationales, d’où la vie se répandra plus largement à travers les veines du corps social, qui, de leur côté, la lui rapporteront plus active et plus intense.
En attendant que le triomphe définitif de sa cause ait rendu à Paris affranchi le rôle influent, mais non dominateur, que la nature, l’évolution économique et le mouvement des idées lui assurent, la Commune se bornera à défendre dans leur intégrité ses intérêts et ses droits. Qu’il s’agisse d’organisation municipale, de loyers ou d’échéances, elle légiférera pour lui souverainement, parce que ce sont là ses affaires, ses intérêts propres, lesquels ne peuvent être légitimement satisfaits que par ceux qui les représentent, et non pas par ceux qui les écrasent ou qui les nient.
La commune aura le droit d’agir ainsi en face d’un pouvoir central qui, réduit à sa fonction, ne serait plus que le gardien et le défenseur des intérêts généraux. A plus forte raison en a-t-elle le devoir en face d’un pouvoir usurpateur, qui ne sait qu’obéir à la raison d’Etat, ne fait appel qu’à la haine sociale, aux lâches terreurs, et à ceux qui réclamaient un contrat, des garanties, ne parla jamais que de répression et de vengeance.


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