Paris,
le 31 mars 1871.
Certains
journaux croient voir dans les premiers actes de la Commune de Paris
l’intention de sortir des attributions municipales. Il n’est pas
douteux qu’en rendant pour Paris des décrets portant la remise des
loyers, l’abolition de la conscription, etc., etc., la Commune est
sortie du cercle étroit où la législation antérieure enfermait la
liberté municipale. Mais ce serait une illusion étrange et même
puérile de penser que la révolution du 18 mars avait pour but
unique d’assurer à Paris une représentation communale élue, mais
soumise à la tutelle despotique d’un pouvoir national fortement
centralisé. Jamais en France la loi n’a satisfait, ni pour Paris,
ni pour les villes, ni pour les villages, les besoins d’indépendance,
de libre administration qui sont une condition absolue de vie
régulière, de stabilité et de progrès dans un Etat républicain.
C’est
comme on l’a dit dès le premier jour, pour conquérir et assurer
dans l’avenir cette indépendance à toutes les communes de France,
et aussi à tous les groupes supérieurs, cantons, départements ou
provinces, reliés entre eux, par un pacte alors vraiment national ;
c’est pour garantir en même temps et perpétuer la République
assise enfin sur sa base fondamentale, que les hommes du 18 mars ont
lutté et vaincu.
Quel
esprit éclairé et de bonne foi oserait soutenir que Paris a
affronté, après les souffrances et les dangers du siège, les
conséquences douloureuses, quoique momentanées d’une violente
rupture, pour se soumettre de bonne grâce à une loi qu’il
n’aurait même pas discutée, à une loi qui ne lui laisserait ni
l’administration de sa police, ni la disposition souveraine de ses
finances, ni la direction de sa garde nationale ; à une loi qui
serait non pas le gage de sa liberté, mais le sceau même de sa
servitude.
En
se constituant en Commune, si Paris a renoncé à son omnipotence
apparente, identique en fait à sa déchéance, il n’a pas renoncé
à son rôle initiateur, il n’a pas abdiqué ce pouvoir moral,
cette influence intellectuelle qui a tant de fois en France et en
Europe donné la victoire à sa propagande. Paris affranchi, Paris
autonome n’en doit pas moins rester le centre du mouvement
économique et industriel, le siège de la Banque, des chemins de
fer, des grandes institutions nationales, d’où la vie se répandra
plus largement à travers les veines du corps social, qui, de leur
côté, la lui rapporteront plus active et plus intense.
En
attendant que le triomphe définitif de sa cause ait rendu à Paris
affranchi le rôle influent, mais non dominateur, que la nature,
l’évolution économique et le mouvement des idées lui assurent,
la Commune se bornera à défendre dans leur intégrité ses intérêts
et ses droits. Qu’il s’agisse d’organisation municipale, de
loyers ou d’échéances, elle légiférera pour lui souverainement,
parce que ce sont là ses affaires, ses intérêts propres, lesquels
ne peuvent être légitimement satisfaits que par ceux qui les
représentent, et non pas par ceux qui les écrasent ou qui les
nient.
La
commune aura le droit d’agir ainsi en face d’un pouvoir central
qui, réduit à sa fonction, ne serait plus que le gardien et le
défenseur des intérêts généraux. A plus forte raison en a-t-elle
le devoir en face d’un pouvoir usurpateur, qui ne sait qu’obéir
à la raison d’Etat, ne fait appel qu’à la haine sociale, aux
lâches terreurs, et à ceux qui réclamaient un contrat, des
garanties, ne parla jamais que de répression et de vengeance.
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