samedi 9 septembre 2017

Noir et Rouge Anthologie Dossier 4



L'Organisation


« Ici, les limites entre nous et les autres deviennent floues, pour un succès immédiat on accepte la démagogie, la lutte politique, les élections, tout. Pour gagner quelques militants, on est prêt à abandonner non seulement notre nom mais aussi notre physionomie idéologique, le fédéralisme est vite remplacé par un centralisme dynamique. Ou bien, l'expérience néfaste d'une organisation pareille pousse d'autres camarades à nier toute organisation anarchiste l'identifiant à un parti. Et on tourne en rond. »

Bakounine :

« «... Il n'y a qu'un doute que si nous ne formulions pas nettement le caractère réel de nos principes, le nombre de nos adhérents pourrait devenir vite considérable, nous pourrions dans ce cas accepter dans nos rangs, comme on nous le propose, des militaires et des prêtres, et pourquoi pas des policiers. Mais comme on dit : qui trop embrasse mal étreint, nous achèterons ces adhérents au prix de notre suicide idéologique et nous deviendrons les pires des plaisantins dans la masse des phraseurs et des hypocrites qui empoisonnent maintenant l'opinion publique en Europe. De l'autre côté, il est évident que si nous proclamons à haute voix nos principes, le nombre de nos membres sera très limité. Mais enfin de compte, ce sont des adhérents sincères sur qui nous pouvons sûrement compter, et notre travail de propagande, un travail sérieux, sincère, éducatif, pourra assainir moralement notre public... Les erreurs de St Simon et Fourrier se résument ainsi : - Ils ont cru sincèrement que par une propagande pacifiste et par la force de leurs convictions, ils arriveraient à convaincre les riches à un tel degré que les riches eux-mêmes donneraient le superflu de leurs richesses.
Ils ont imaginé qu'on pourrait théoriquement construire a-priori le paradis social dans lequel l'humanité se calmera pour l'éternité. Ils n'ont pas compris que, malgré qu'il est pour nous possible de prévoir les grands principes du futur développement de l’humanité, la réalisation pratique de ces principes devra au moins être réservée à l'expérience future... »

(Fédéralisme, Socialisme et antithéologisme, Bakounine, Tome 3 p. 123 - 138 du texte russe)


Maria Korn « Pain et volonté »

« En ce qui concerne les moyens, ils changent, bien entendu, d'après les conditions, les besoins de l'époque. Par exemple, dans un pays les anarchistes peuvent avoir comme tâche principale une lutte de partisans, dans un autre le travail dans les syndicats, dans un troisième la propagande théorique. Mais tous ces moyens d'activité ne se contredisent pas, au contraire. Il faut qu'ils se complètent entre eux. L'absence de programme-minimum (lequel est souvent source de déviation), et l'accord complet en ce qui concerne les buts - tout cela fait l'unité, une unité que ne pourrait faire aucune mesure artificielle... »



Majorité et Minorité

« Le principe de la majorité vient de la pratique de la lutte politique, du suffrage universel, du parlementarisme. Là, il est nécessaire, plus, il est l'unique facteur indispensable à la bonne marche du système. La lutte pour la majorité n'a jamais été et ne pourra jamais être franche et honnête. Pour gagner des voix, personne ne dévoile son vrai visage, les mécanismes de son jeu ni les vrais buts qu'il poursuit. Les appels les plus révolutionnaires ne sont que de simples propositions, vagues et susceptibles de rallier un vaste spectre d'individus ; les sermons les plus solennels ne sont que les cris des démagogues qui essaient de toucher les sentiments bas de la foule, soit égoïste, soit faussement humanitaire. Cette vaste mascarade des beaux parleurs est bien orchestrée dans les coulisses par les jeux d'intimidation, de menaces économiques et autres, ainsi que des promesses et des avantages. »

« Il existe aussi un dernier facteur lié à l'organisation : les camarades qui entrent dans cette organisation doivent accepter librement sa nécessité et son rôle. C'est l'évidence même. Celui qui n'a pas dépassé un stade individuel strict, qui ne peut imaginer d'autres structures sociales que celles des individus isolés et dispersés, fera mieux de rester isolé, d'aider les autres quand il le veut, mais de ne pas encombrer la vie de l'organisation par ses pratiques individuelles et intransigeantes. Pour cette catégorie de camarades, souvent d'ailleurs très bon camarades, il faut trouver une autre nomenclature et les accepter tels qu'ils sont.

« Une organisation vraiment démocratique se reconnaît d'après sa conduite envers sa propre opposition. C'est encore plus valable pour une organisation libertaire qui prétend préparer la société de demain. Chaque fois qu'une majorité discute et applique les limites imaginées par la majorité elle-même dans lesquelles l'opposition doit exercer son activité, on peut en trouver deux causes : ou l'admission des membres étaient très large, ou il existe, dans cette même organisation, des individus qui veulent jouer le rôle de dirigeants. Ces deux possibilités ne s'excluent pas l'une l'autre : tel ou tel membre qui veut s'emparer de l'organisation y fera rentrer de nouveaux membres pour augmenter les chances de sa propre majorité ».







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