dimanche 24 septembre 2017

Commune de Paris Séance du 22 avril 1871 (1)



J.-B. Clément. Eh! bien, je dis qu’il est indigne du citoyen Félix Pyat de déserter ainsi la cause. Vous avez arrêté des gens pour bien moins. Je demande formellement l’arrestation de Félix Pyat.

Président: Varlin. Assesseur: Mortier.

La séance est ouverte à 3 h. 1/2.

Lecture est faite du procès-verbal de la séance d’hier 21.

Il est adopté.

VERMOREL. Citoyens, je crois que la publicité a, en elle-même, sa moralité. Nous avons reçu la démission de Félix Pyat, mais cela ne le dispense pas de la responsabilité des actes auxquels il a participé. Le Vengeur d’hier blâme avec force la suppression de plusieurs journaux; or, je tiens à constater que cette mesure a été approuvée ici par le citoyen Félix Pyat et qu’il en a même, dans une certaine mesure, pris l’initiative; il faut qu’on le sache, et je demande que mon observation, qui est une observation de moralité politique, soit insérer à l’Officiel.

RÉGÈRE. L’initiative de cette mesure émane de Rigault seul, et je certifie que Félix Pyat y est étranger. Je le constate.

VERMOREL. Indépendamment de ce qui a eu lieu dans cette Assemblée, la Commission exécutive, avant que Rigault fût ici, par l’organe de Félix Pyat, avait fait une motion semblable à celle de Rigault.

RÉGÈRE. Je ne sais pas ce qui se passe dans les cénacles, moi!

DEREURE. Je demande la parole.

LE PRÉSIDENT. C’est Mortier qui a la parole.

Les citoyens VERMOREL et RÉGÈRE s’expliquent vivement.

RÉGÈRE. On calomnie des 2 absents!

PLUSIEURS MEMBRES. Il n’y a pas de calomniateurs ici! Assez! À l’ordre!

LE PRÉSIDENT. Citoyen Régère, je ne puis pas vous laisser parler ainsi. Nous n’avons pas à revenir sur un incident qui a été vidé par la Commune. Le citoyen Mortier a la parole.

MORTIER. Il a été décidé antérieurement qu’il serait bien convenu qu’aucune démission ne serait admise, et je ne vois pas pourquoi le citoyen Félix Pyat, qui était présent lorsque la mesure sur les journaux a été prise, donne aujourd’hui sa démission.

BABICK. On a dit ici que toutes les démissions seraient regardées comme des trahisons.

PLUSIEURS MEMBRES. Oui, c’est vrai!

MORTIER. Ce n’est pas au moment du danger qu’on peut se retirer.

DEREURE. Je crois que le citoyen Régère n’était pas là quand la discussion a eu lieu, car il saurait, comme nous, que le citoyen Félix Pyat a appuyé énergiquement la demande du citoyen Rigault; il n’a donc pas aujourd’hui le droit de se déjuger, et je trouve extraordinaire que le citoyen Régère prenne ainsi sa défense, lorsque l’Assemblée sait que le citoyen Félix Pyat appuya énergiquement la motion de Rigault.

AMOUROUX. Je vais chercher le compte-rendu analytique.

J.-B. CLÉMENT. Voilà mon opinion sur l’incident. Le citoyen Félix Pyat a toujours été, et je ne l’en blâme pas, pour les mesures énergiques. Eh! bien, je trouve étrange qu’aujourd’hui il nous accuse; et non seulement au sujet de la presse, mais il y a encore dans son journal un blâme au sujet des commissions. Eh! bien, je dis qu’il est indigne du citoyen Félix Pyat de déserter ainsi la cause. Vous avez arrêté des gens pour bien moins. Je demande formellement l’arrestation de Félix Pyat.

ARNOULD. Je trouve prodigieux qu’on parle toujours d’arrêter pour l’expression d’une opinion.

LEDROIT. J’ai demandé la parole sur le procès-verbal, avant que l’on ne passe à l’ordre du jour sur la démission de Félix Pyat. L’Assemblée a déclaré que toute démission serait refusée et que l’on ne pouvait recevoir celle de Félix Pyat.

LE PRÉSIDENT.  Je demande à faire une observation. Le bureau me fait observer que l’on passe à l’ordre du jour pur et simple, attendu qu’un vote antérieur avait déjà décidé que l’on n’accepterait aucune démission.

UN MEMBRE. La Commune a déclaré, dans un vote précédent, qu’elle refuserait toute démission. Elle ne peut donc aujourd’hui se déjuger.

MIOT demande la parole.

LE PRÉSIDENT. Est-ce sur l’incident?

MIOT. Non.

LE PRÉSIDENT. Alors, vous aurez la parole, après la clôture de la discussion sur le procès-verbal.

CLÉMENCE. Il est possible que l’on ait pris un vote refusant les démissions; je n’en sais rien, je n’assistais pas à la séance. Je déclare, en mon nom, que je ne me considère pas comme un déserteur; mais je me réserve expressément ma liberté d’action. Je veux pouvoir donner ma démission, quand il me plaîra, et toutes les décisions de la Commune n’y pourront rien.

PLUSIEURS MEMBRES appuient celle déclaration.

OSTYN. Il y a des actes, dont je ne voudrai jamais partager les responsabilités.

VÉSINIER. Félix Pyat a déclaré qu’il n’était pas partisan des élections n’ayant pas réuni le huitième, sans quoi il enverrait sa démission. Jusqu’ici, il ne l’a pas envoyée; ce n’est qu’une menace, faite par lui, et, jusqu’à ce qu’il l’ait réalisée, nous n’avons pas à nous en occuper.

PLUSIEURS MEMBRES. Appuyé!

La clôture, demandée, est mise aux voix et prononcée.

RÉGÈRE a déposé une proposition hier sur le bureau, dont on n’a pas parlé, soit qu’on l’ait égarée, soit qu’on l’ait oubliée. Il demande que le procès-verbal en fasse mention.

LE PRÉSIDENT fait observer qu’on ne peut mentionner au procès-verbal que les pièces lues en séance. On lira aujourd’hui celle du citoyen Régère.

Le procès-verbal est adopté.

LE PRÉSIDENT lit la communication suivante, émanant d’un inspecteur du Chemin de fer du nord, démentant le bruit de l’entrée de Versailles à Saint-Denis, qui est renvoyée à la Commission exécutive, qui décidera si elle doit être affichée.

BABICK. Je regrette que, depuis que nous sommes en République et dans cette Assemblée on n’ait pas compris que, lorsque nous avons à donner notre démission, c’est à ceux qui nous ont nommés que nous devons l’offrir, et non à ceux avec qui nous siégeons. Quand une notabilité démocratique vient, ici, donner sa démission, je me demande si la souveraineté démocratique n’est pas atteinte par ce fait. Le citoyen élu doit siéger jusqu’à ce qu’il ait été remplacé.

DURAND. Je demande que le quartier qui a nommé Félix Pyat veuille ouvrir une réunion publique et voir si Pyat a tort.
(À suivre.)



Aucun commentaire: