mardi 26 septembre 2017

Commune de Paris Séance du 23 avril 1871 (1)



«Urgence; d’Issy:
«Colonel de la 10e légion, aux membres de la Commune.
«Envoyez immédiatement deux délégués ici; le commandant du 170e bataillon refuse d’obéir à mes ordres. Son bataillon, sur ses instigations, s’est renfermé dans son casernement et menace les autres bataillons fédérés.
«Un conflit est imminent.»
«Lisbonne.»

Président PROTOT.
Assesseurs  MALON et RANVIER.
Lecture est faite du procès-verbal.

ARNOULD. Au moment où l’on a voté le projet de loi relatif au jury, j’ai déclaré que je m’abstenais, parce qu’on avait voté l’ensemble et non chaque article successivement. J’ai déclaré que je protestais, en demandant que ce projet fût discuté et voté article par article.
«Je soussigné déclare m’être abstenu de prendre part au vote, et protester contre le mode de votation, qui n’a pas permis de discuter article par article un projet aussi important.»
«Arthur ARNOULD.»

«Tout en ayant voté le projet, je m’associe à la protestation.»
«A. THEISZ, A. CLÉMENT, H. GÉRARDIN.»

JOURDE. Je remarque, pour mon compte personnel, qu’on a découpé mes paroles de telle façon qu’il est impossible d’y rien comprendre; je demande que le compte rendu soit plus long; que les propositions importantes soumises à vos délibérations soient mieux établies. Quelquefois, il est tellement synthétique, qu’il est impossible d’y rien comprendre.

BLANCHET. Les hommes se plaignent de n’avoir pas de vivres. On pourrait battre la générale, ils ne partiraient pas, disent-ils, et pourtant ce sont des hommes dévoués. Il faut que les hommes soient casernés. Dans notre quartier notamment, il y a de quoi en loger trois mille. Les gardes nationaux se plaignent aussi de manquer de souliers: et ils ne peuvent pas aller devant l’ennemi, marcher dans la boue, sans chaussures.

ARNOULD. Je ferai observer au citoyen Blanchet que, depuis huit jours, nous avons reçu un ordre du général Cluseret qui charge la municipalité de cette organisation. L’ordre dit en propres termes que la municipalité est chargée de faire ce qui est relatif à la réorganisation des compagnies de guerre. Elle doit faire caserner les hommes. C’est ce qui se fait dans notre arrondissement.

MALON. J’ajoute, pour confirmer ce que dit le citoyen Arthur Arnould, qu’aux Batignolles nous faisons cette organisation nous-mêmes et que tout va très bien.

BILLIORAY. Dans notre arrondissement, trois bataillons sont organisés; mais il leur manque une partie des vêtements et il est impossible de les obtenir. En outre, les effets de literie manquent dans les casernes. Un autre fait: le citoyen Cluseret avait donné un chef de légion, puis il l’a retiré peu après. Ces changements fréquents sont très mauvais.

LONCLAS. Dans la 12e légion , dont j’étais le chef, on battait  le rappel et la générale, et je n’ai pu voir l’ordre écrit du citoyen Cluseret. En outre, on avait envoyé des bataillons aux bastions de Bercy et de Charenton. Personne n’avait été désigné pour les y conduire. Les gardes nationaux, ne voyant ni Versaillais ni Prussiens, se sont débandés et sont rentrés chez eux. C’est très fâcheux. Voici encore un autre fait : un ordre a été donné, j’en donne lecture:
«Toutes les forces disponibles des différentes légions se tiendront prêtes à marcher cette nuit, pour être réunies et mises en mouvement cette nuit au premier signal.
«Les municipalités et les chefs de légions sont chargés de prendre conjointement et d’urgence toutes les mesures nécessaires.
«Le délégué à la Guerre.
« Aux chefs de légions:
«Faites cessez de battre la générale.
«Prévenez simplement les bataillons de prendre les mesures nécessaires pour se réunir au premier signal, sans pour cela tout mettre en émoi et envoyez chacun sa réponse.
«Convenez avec les chefs de bataillon et que ceux-ci conviennent avec leurs compagnies d’un signal local, pour remplacer la générale qui ne doit être battue que sur mon ordre exprès.»
Signé: «CLUSERET.»

LONCLAS. Devant l’ordre qui m’était transmis, on a fait battre le rappel. Le chef de légion s’y est opposé. On a envoyé alors une estafette au ministère de la Guerre, laquelle estafette est revenue confirmant le premier ordre. On a battu de nouveau le rappel. Nouveau contre-ordre du chef de légion. Enfin, à trois heures 1/4, est arrivé l’ordre du citoyen Cluseret de renvoyer les bataillons chez eux.

LE PRÉSIDENT. Veut-on continuer la discussion sur cette question?

On réclame le rapport.

DELESCLUZE fait observer que la.Commission exécutive a envoyé demander Cluseret. Il serait bon de l’attendre.

LE PRÉSIDENT.  Je soumettrais alors l’ordre du jour suivant…

UN MEMBRE. Mais mettez aux voix votre proposition!

DUPONT. Je demande la parole pour une observation. Nous n’avons plus confiance au citoyen Cluseret; Il saura toujours se défendre malgré ses torts, et il pourrait ainsi de nouveau séduire l’assemblée par des raisons qu’il saura toujours se donner.

JOURDE. Un accusé a toujours droit d’être entendu, mais je demande à ce que ce rapport garde sa place et vienne immédiatement à la discussion; nous aurons toujours notre opinion faite.

P. GROUSSET. J’appuie la proposition, d’autant plus qu’il y a une heure que l’on a envoyé chercher Cluseret.

Dépêche arrivée à 4 heures :
«Télégraphe à Guerre.
«Police Intérieure.
«Je vous communique la dépêche suivante du colonel Lisbonne:
«Urgence; d’Issy:
«Colonel de la 10e légion, aux membres de la Commune.
«Envoyez immédiatement deux délégués ici; le commandant du 170e bataillon refuse d’obéir à mes ordres. Son bataillon, sur ses instigations, s’est renfermé dans son casernement et menace les autres bataillons fédérés.
«Un conflit est imminent.»
«Lisbonne.»

BABICK. Le citoyen Lisbonne n’est pas chef de légion.

AMOUROUX. Vous n’avez qu’à passer à la Guerre, l’on vous dira où il faut aller.

PLUSIEURS MEMBRES. Non, non, ils sont au Château-d’Eau!

BRUNEL. Lisbonne commande à Issy; il est seul commandant; le 170e a été relevé hier du fort de Vanves, le 170e a pris les cantonnements du 238e bataillon.

BABICK. Je demande que deux délégués soient envoyés. Lisbonne a usurpé un titre qui ne lui appartient pas.

RANVIER prononce quelques paroles que le bruit empêche de parvenir jusqu’à nous.

MORTIER. Il ne s’agit pas de savoir si Lisbonne est chef de bataillon. Il faut s’occuper du fait. Il faut nommer deux délégués.

OSTYN. Je sors d’Issy et de Vanves et je n’ai pas entendu parler de ce fait.

UN MEMBRE. Il ne s’est pas passé là.

ARNOULD. Envoyons de suite deux délégués à la mairie.

LE PRÉSIDENT. J’ai demandé déjà qu’une proposition fût soumise; c’est le seul moyen pratique d’en sortir.

DELESCLUZE. Que les membres de la Commune appartenant à l’arrondissement soient désignés pour aller à la mairie.

Les citoyens MORTlER et BABICK sont délégués auprès de Lisbonne.

L’incident est clos.
(À suivre.)


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