samedi 30 septembre 2017

Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (11)



ALLIX. La Cour martiale est supprimée, voilà la décision à prendre.

CLÉMENT. Je me rallie à l’opinion du citoyen Parisel. Certainement, la pensée qui a inspiré la création d’une Cour martiale est une pensée de salut, son but est honorable, il est même louable. Mais je ne pense pas que la Cour puisse agir comme si elle avait devant elle des militaires. La Garde nationale demande, par la nature même de sa constitution, à être traitée d’une toute autre façon. Si la Cour martiale, en usant de sévérité, a cru remplir un but utile, elle s’est trompée. Je trouve même qu’elle a commis une imprudence. J’ai, en sortant de la Cour martiale, entendu dire: «Mais si on traite ainsi des républicains éprouvés, que fera-t-on donc aux réactionnaires?» Je ne veux mettre de passion nulle part dans la discussion; cependant, je ne puis m’empêcher de dire que la Cour martiale va contre le but que vous désirez atteindre. Depuis 60 ans, l’armée était organisée de façon qu’elle ne contenait que des célibataires, loin de leur famille et de leur département; mais il n’en est pas de même de la Garde nationale. Je suis certain qu’il suffirait de quatre à cinq jugements semblables pour que vous ne trouviez plus un seul garde national pour défendre Paris. Voudriez-vous les contraindre à vous défendre malgré eux? Ce serait un très mauvais moyen. J’ajoute que la Cour martiale ne peut exister qu’en état de siège; or, vous avez levé l’état de siège. La Cour martiale n’a donc plus de raison d’être.

CHARDON. Dissolvez-la.

CLÉMENT. Je ne savais pas que la Commune eût été consultée pour les Cours martiales. J’ai fait constituer, dans mon arrondissement, un Conseil de guerre. J’ai voulu me rendre compte de l’attitude de la Cour martiale, et, je vous le répète, votre jugement est impolitique, excessivement malheureux. J’ai entendu ces mêmes hommes dire: «Quoi, c’est ainsi qu’on traite les républicains! on nous fusillera, si l’on veut, mais nous ne voulons pas être ainsi traités.»

LE PRÉSIDENT lit le document suivant, signé Rossel: [manque]

URBAIN. Il est charmant.

VALLÈS demande qu’il soit statué sur cette affaire immédiatement.

LE PRÉSIDENT propose l’envoi de deux délégués.

GERESME. Je demande que la Commune nomme cinq membres. Il faut savoir s’il n’y a pas eu abus de pouvoir de Cluseret.

PLUSIEURS MEMBRES. Non, non, deux membres suffisent.

BABICK propose d’envoyer cette lettre à la Sûreté.

BILLIORAY demande que deux membres de la Commission militaire se transportent au ministère de la Guerre et tranchent la question.

RÉGÈRE. Delescluze vous les a dits, les motifs: il vous a dit que des désordres, des dilapidations s’étaient produits.

AVRIAL. Je regrette, citoyens, comme vous tous, qu’il se produise un acte arbitraire, mais le savez-vous? Éclairez-vous au préalable.

LE PRÉSIDENT. Les termes de la lettre me font supposer qu’il y a là un cas très grave.

LONGUET. Il ne faut pas discuter, il faut envoyer des délégués.

BILLIORAY propose la réponse par le télégraphe.

On vote.

Les citoyens JOHANNARD et HENRY FORTUNÉ sont nommés.

LE PRÉSIDENT. Le citoyen Avrial a la parole sur le rapport de la Commission de Justice.

AVRIAL. Il faut bien vous persuader que pas un seul jugement ne sera rendu par la Cour martiale sans qu’il soit suivi de protestations. Vous auriez la preuve évidente qu’un officier, condamné, a abandonné sa compagnie, que vous recevriez encore des protestations contre cette condamnation. De deux choses l’une: ou la Cour martiale a le droit d’exister, ou elle ne l’a pas. Si vous ne voulez pas juger militairement la Garde nationale, il faut supprimer la Cour martiale.

(Interruptions en sens divers.)

ALLIX. La Cour martiale est supprimée, voilà la décision à prendre.

(N’interrompez pas!)

AVRIAL. La Cour martiale étant instituée, elle a des peines à prononcer et elle juge militairement les délits ou les crimes, sans qu’il puisse y avoir de circonstances atténuantes, parce qu’en cette matière il ne peut pas y en avoir. Si vous voulez juger civilement ces crimes ou délits, alors supprimez la Cour martiale.

BRUNEL. Citoyens, j’ai présenté hier les faits relatifs au 105e, et je ne m’aperçois pas du tout que la Commission a fait un rapport sur le jugement. C’est à nous de le valider ou de l’invalider. Quels sont les faits qui ont motivé ce jugement? Ce bataillon devait partir, manquant de cartouches. Si nous étions dans une situation régulière et si on trouvait des cartouches partout, je dirais: oui, il avait tort; mais dans la situation actuelle, il avait raison. Puis, le Chef de légion n’avait peut-être pas pris toutes les dispositions nécessaires. Enfin, le président de la Cour martiale est le fils du commandant Rossel, qui avait commandé le 105eet avait été obligé de quitter ce commandement pour raison politique. Eh! bien, la plus simple délicatesse voulait que le président de la Cour martiale se récusât. Je le dis en terminant, la situation est très grave, tellement grave que le VIIe arrondissement est complètement en désarroi.
(À suivre.)

Dans le Cri du Peuple du 24 avril 1871 (extraits).

LE CRI DU PEUPLE
Journal politique quotidien
Rédacteur en chef: JULES VALLÈS
Lundi 24 avril 1871. Numéro 54.
Le numéro: Paris, 5 centimes – Départements, 10 centimes
Rédaction et administration 9, rue d’Aboukir
Bureaux de vente 9, rue d’Aboukir et 13, rue du Croissant

LA BATAILLE (suite)
Vers sept heures, la canonnade recommence sur toute la ligne. Ce soir les députés ruraux auront sur la conscience quelques victimes de plus. Vers onze heures, l’ennemi a été repoussé: les bataillons fédérés ont montré le plus grand courage. Leurs chefs ont dû les retenir et les ramener sur leurs positions.
LES DÉPARTEMENTS
Voici ce que raconte la Province au sujet des troubles de Bordeaux:
Le 17 avril, vers six heures et demie, des groupes bruyants et surexcités stationnaient sur le cours des Fossés, devant la caserne.
Le chef de poste ordonna à la sentinelle devant les armes, de dégager la porte. Cet ordre fut accueilli par des cris et des huées. Le capitaine adjudant-major ayant rassemblé le piquet dans la cour, les cris redoublèrent: cris sauvages poussés par des bandits ou des fous furieux. Des pierres et des pavés sont jetés contre les murs de la caserne et les fenêtres du premier étage; il ne reste pas une vitre à ces dernières. les hurlements: Mort aux officiers! Mort aux assassins! redoublent, émaillés des vociférations habituelles: Vive la ligne! à bas les chefs! vive la crosse en l’air!



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