samedi 23 septembre 2017

Commune de Paris Séance du 21 avril 1871 (1)



LONGUET. Je me plains d’être obligé de retoucher au Journal Officiel et de retrancher certains mots compromettants.

Président : Varlin. Assesseur : Langevin.

La séance est ouverte à 3 heures moins un quart.

VAILLANT se plaint que les arguments sur la proposition Andrieu ne soient pas joints au procès-verbal.
VERMOREL se plaint de la rédaction de l’Officiel. Si l’on ne veut pas publier en entier la séance, il ne faut pas en publier une partie seulement. Donner de la publicité à une partie de la séance seulement, c’est dérisoire. Il conclut en demandant en entier la publicité de la séance entière.

PASCHAL GROUSSET se plaint du compte rendu de la séance du 11 avril et dit que sa pensée a été mal rendue. On lui fait dire: «Je ne demande pas l’effet que produira sur le gouvernement de Versailles le résultat des élections de Paris, mais je me demande seulement quel effet produira l’élection de membres qui n’ont pas eu le huitième.» Il a dit ceci, et il le répétera: «… mais je me demande quel droit pourraient avoir à invalider l’élection de candidats qui n’ont pas obtenu le huitième des membres de la Commune dont quelques-uns siègent ici sans avoir eux-mêmes obtenu le huitième».

AMOUROUX. Quand plusieurs membres sont venus ici, à la fin de la séance, ils ne savaient pas que l’on avait voté pour le comité secret. J’ai tenu, à la fin de la séance, à bien faire préciser, en quel endroit de la séance nous devions commencer la publication du compte rendu analytique, et il a été convenu de le commencer lors de la proposition Delescluze. Voici le compte rendu analytique, et je déclare qu’il est impossible de le publier tout entier. Il y a des faits de stratégie que l’on ne doit pas divulguer. On me fait remarquer que les journaux de ce matin les publient; à mon avis, il ne devrait y avoir qu’un seul journal. Les supprimer tous. En temps de guerre, il ne doit y avoir que l’Officiel.

VERMOREL. Il y a là une question qui ne peut manquer d’intéresser l’Assemblée. Il m’est indifférent qu’on publie des comptes rendus analytiques. Que l’on publie toujours le procès-verbal, car je crois que personne ne peut s’opposer à la publication du procès-verbal qui vient d’être lu.

AMOUROUX. Comme secrétaire, je demande à être prévenu dans mon bureau, lorsque la séance s’ouvre.

JOURDE. Je répète que je voudrais voir certaines phrases moins abrégée dans le compte rendu; si l’on abrège trop, on ne comprend plus la pensée.

AMOUROUX. Le compte rendu de la séance d’hier avait 84 pages, que j’ai dû réduire à 18; on comprend alors que je sois obligé d’abréger; de plus, il y a certains passages à retrancher entièrement, parce qu’ils ne doivent pas être connus du public. Que l’Assemblée prenne toutes les décisions qu’elle jugera convenables pour ce soir ou demain, mais on ne peut pas revenir par un vote sur une décision prise.

ARNOULD. il y a une phrase du procès-verbal que je n’ai pas bien entendue. Il semble qu’on dit que j’ai appuyé le projet Grousset; j’ai appuyé, à la fois, le projet Grousset et le projet Cluseret, me basant sur ce point qu’ils étaient semblables dans le but. Je demande une rectification dans ce sens au procès-verbal.
(Adopté).

RÉGÈRE. Mes souvenirs sont précis. Je me rappelle qu’on avait reconnu l’inconvénient grave de publier in extenso l’incident Eudes, et je désire qu’il soit passé tout à fait sous silence.
(Oui!).

LE PRÉSIDENT. Je crois que les explications présentées par le citoyen Vermorel ne demandent pas autre chose.

VERMOREL. C’est évident.

CLUSERET. Je n’étais pas à la séance, quand l’incident Eudes s’est produit. On me l’a communiqué, et Eudes est venu me voir au ministère.
(On n’entend pas!).

UN MEMBRE. Depuis longtemps, je demande qu’on ait la bonté de placer autre part les gardes nationaux qui sont dans la cour; nous ne pouvons nous entendre ici, dans nos discussions, à cause du bruit.

CLUSERET. Je répète qu’il n’y a pas eu d’incident Eudes.

SICARD. On me fait dire que l’arrestation du citoyen Faltot était due à une disparition de chevaux, d’après l’opinion du citoyen Sicard. C’est d’après le citoyen Cluseret, et non d’après moi, qu’il faut dire.

LE PRÉSIDENT. L’ordre du jour appelle le rapport de la Commission à la Guerre.

DELESCLUZE. Je demande que l’Assemblée se constitue en comité secret.

AMOUROUX. Avant d’admettre cette proposition, je tiens à dire à l’Assemblée que j’ai prié les sténographes de tout mettre. On retranchera au compte rendu ce que l’on voudra, mais ce que nous disons doit être dévoilé à un moment donné: il n’y a là qu’une question d’opportunité.

LONGUET. Je me plains d’être obligé de retoucher au Journal Officiel et de retrancher certains mots compromettants.

LE PRÉSIDENT. Le procès-verbal est adopté.

BLANCHET a la parole pour une communication. «Dans le XIIIe arrondissement, on battait la générale. A Chantilly, au quartier général, pendant 3 heures, nous n’avons pu rassembler que 600 hommes, et ce, sous une pluie battante; nous les avons conduits à Chantilly, où nous avons eu grand’peine à les caserner. Il faut de toute nécessité que les compagnies de guerre soient casernées et déléguer à cet effet à la Guerre le citoyen Delescluze.»

LE PRÉSIDENT demande s’il faut publier intégralement le procès-verbal tel qu’il vient d’être lu.

PARlSEL. Je ne crois pas qu’il faille publier intégralement tout ce qui se dit dans l’Assemblée. Le citoyen Cluseret nous a fait hier des révélations qui, dans sa bouche, acquièrent une importance réelle. Nous ne devons pas mettre les Versaillais dans la confidence de ces communications.

UN MEMBRE. Je m’étonne de l’importance que l’on attache à la proposition Vermorel. L’Assemblée a décidé qu’on ne publierait rien, avant la proposition Delescluze; nous nous sommes donc renfermés dans ces conditions.

LE PRÉSIDENT met aux voix la proposition Vermorel tendant à publier le procès-verbal tel qu’il vient d’être lu, en place du compte rendu tronqué qui figure à l’Officiel. Cette proposition est adoptée.

RASTOUL. Je demande la parole: c’est à propos de l’Officiel. Il m’arrive, chaque jour, des plaintes nombreuses, et je crois qu’il en est de même pour mes collègues, sur le prix del’Officiel. Il y a beaucoup d’autres journaux qu’on vend 5 centimes et l’Officiel se vend 10 centimes. Je demande que l’on réduise le prix de l’Officiel.

VIARD. En présence des fautes nombreuses que nous avons commises, je demande que le prix soit mis à 5 centimes. Tout le monde ne peut acheter un journal trois sous: l’Avant-Garde se vend un sou. Vous vous ferez lire, en réduisant au prix auquel se débitent toutes les stupidités qui se vendent dans les rues.

BESLAY. J’ai vu tout à l’heure le comptable du Journal Officiel; il n’a plus d’argent, parce qu’il ne vend presque pas de journaux; il n’en vend que 3.500 par jour et il vous en donne les raisons; c’est que la composition, la mise en page se font très tard, et le journal paraît lorsque tous les autres journaux sont vendus.

AMOUROUX. Le compte-rendu est prêt à neuf heures et demie du soir; je m’étonne donc que le journal soit imprimé si tard. On m’objecte que le Journal Officiel est une propriété particulière. Eh bien! je dis que ce doit être une propriété nationale: s’il ne l’était pas, il y a quinze jours, il doit l’être aujourd’hui. Nous payons la rédaction, nous en sommes bien un peu propriétaires.

BESLAY. J’appelle votre attention sur la vente. Je ne demande pas mieux que d’en réduire le prix.

F. PYAT demande que l’Officiel soit gratuit et public. Tous les démocrates demandent l’instruction publique et obligatoire. «Si vous voulez être logiques, honnêtes et habiles, vous devez demander comme moi la gratuité de l’Officiel. Votre journal n’est pas une propriété privée, c’est une entreprise de l’État, payée par l’impôt; vous ne pouvez pas faire payer le pauvre. Je demande la gratuité.»

RASTOUL demande qu’il soit envoyé gratuit à tous ceux qui ont voté.

PLUSIEURS MEMBRES. Oui! oui! Gratuit!

OSTYN, tout en approuvant la largesse de la proposition Pyat, n’en voit pas les moyens pratiques.

GROUSSET demande que Pyat propose l’affichage d’un grand nombre de numéros, mais non la gratuité.

AMOUROUX. Il ne faudrait pas avoir, à la seconde page de l’Officiel, toutes ces balivernes qu’on y place.

VIARD. Parlons de la valeur du journal d’abord. Je demande la parole pour une motion d’ordre. L’Officiel avait été confié d’abord à un homme intelligent, à Barberet, et tout le monde, dans Paris, en était satisfait. Puis, on y a placé un nommé Lebeau; et, alors, toutes sortes de plaintes se sont produites. Voulez-vous intéresser la population avec l’Officiel? Donnez-lui une rédaction vraiment républicaine, socialiste, révolutionnaire.

FÉLIX PYAT. Vous n’êtes pas dans la question.

VIARD. Pardon, j’y suis. Écoutez-moi. Je suis jeune, mais je suis pratique.

Aux voix! La clôture!

OUDET. Je demande la parole contre la clôture, parce qu’il me semble que la question n’a pas été suffisamment élucidée. En Belgique, il y a des journaux à 2 centimes, qui se répandent à des milliers d’exemplaires. Eh! bien, que le Journal Officiel traite des intérêts du peuple, et le peuple sera heureux de le lire; vous verrez ensuite comment vous le distribuerez et si vous ne devez pas l’envoyer gratuitement à ceux qui ne peuvent l’acheter.

La clôture!

LE PRÉSIDENT. La clôture est demandée. Je mets la clôture aux voix.

Elle est adoptée.

LE PRÉSIDENT. Nous nous trouvons maintenant en présence de trois propositions: la première, du citoyen Félix Pyat, qui demande que l’Officiel soit distribué tous les jours gratuitement à chaque électeur qui a pris part aux dernières élections; la deuxième, qui demande l’affichage en grand nombre et la vente à 5 centimes par exemplaire; la troisième, qui demande simplement la vente à 5 centimes.

LE PRÉSIDENT met aux voix la proposition la plus large, c’est-à-dire la première. Le vote commencé, quelques réclamations se font entendre. On prétend qu’on n’a pas compris la position de la question.

RASTOUL insiste sur ce point.

QUELQUES MEMBRES ne savent comment on s’y prendra pour distribuer les exemplaires aux électeurs ayant voté.

D’AUTRES répondent que l’on consulte les listes électorales.

LE PRÉSIDENT, cédant aux observations d’une partie de l’Assemblée, veut mettre la deuxième proposition aux voix.

FÉLIX PYAT insiste pour que l’on vote sur la distribution gratuite faisant l’objet de la première proposition.

LANGEVIN demande qu’on ne continue pas; le bruit causé par la Garde nationale empêche d’entendre les orateurs.

LE PRÉSIDENT. Je recommence le vote. Que ceux qui sont d’avis de distribuer gratuitement l’Officiel à tous les électeurs, qui ont voté aux dernières élections; veulent bien lever la main.

Pour: 20 voix, avis contraire, contre: 32.

LE PRÉSIDENT. Seconde proposition: Que ceux qui sont d’avis d’afficher un grand nombre d’exemplaires de l’Officiel et de le vendre à raison de 5 centimes lèvent la main.

Adopté.
(À suivre)


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