GAMBON.
J’entends si peu donner la dictature au général Cluseret que
c’est justement le contraire que je vous propose. On vous dit que
rien ne se fait, qu’il n’y a pas d’artilleurs, que les
bataillons ne sont pas armés, qu’ils ne veulent peut-être pas
obéir à Cluseret; mettons-nous à leur tête.
La
séance est ouverte à trois heures.
Président, LEFRANÇAIS. Assesseur, DEMAY.
Lecture est faite du procès-verbal; il n’y a pas de réclamation, le procès-verbal est adopté.
Sur la demande de plusieurs membres, la Commune décide l’admission provisoire des candidats dont les noms suivent: Arnold, Dupont, Pottier, Serrailler, Cluseret, Menotti Garibaldi, Viard, Trinquet, Philippe, Lonclas.
LE PRÉSIDENT a reçu un document concernant les élections nouvelles et demande au citoyen Parisel s’il est chargé de statuer sur ces élections. Il n’y a pas eu de Commission de nommée; maintient-on la dernière?
PARISEL demande à n’en plus faire partie.
LE PRÉSIDENT. Les citoyens F. Henry, Ranvier et Martelet sont nommés membres de la Commission chargée de statuer sur les dernières élections. Ces citoyens sont priés de nous faire un rapport sur ces dernières élections.
L’ordre du jour appelle l’examen du projet constituant le jury d’accusation, mais le citoyen, qui a présenté ce projet, n’est pas là.
Le président donne lecture d’une dépêche, signée Dombrowski:
«9 heures du matin.
«Commandant de Place de Paris, à Guerre et Exécutive.
«Aujourd’hui, à l’aube, nous étions attaqués par de fortes colonnes de ligne, et nos postes avancés, trompés par les signaux amicaux des lignards, ont été surpris. J’ai rétabli le combat, mais il me faut des renforts et doubler l’artillerie.
«Envoyez compagnie de génie.
Dombrowski.»
VALLÈS. Ce n’est pas précisément sur la dépêche que j’ai demandé la parole. Je viens vous dire que le citoyen Theisz ne pourra assister à la séance ce matin. Son frère a été percé de part en part derrière une barricade; j’ai assisté moi-même au pansement de sa blessure à l’ambulance, c’est peut-être un républicain qui sera mort ce soir. Je dirai encore que beaucoup de Versaillais s’habillent en gardes nationaux, si bien qu’ils entrent dans les maisons, d’où ils fusillent nos gardes nationaux. À Neuilly, nous arborons des drapeaux rouges sur toutes les maisons; il suffirait qu’ils eussent des drapeaux rouges pour pouvoir plus facilement surprendre nos troupes. Je dis cela, afin que ceux qui approchent de Cluseret puissent lui en faire l’observation.
RASTOUL présente un décret d’après lequel sera fusillé tout homme surpris en costume autre que celui du corps auquel il appartient.
UN MEMBRE. Ils seront fusillés comme espions.
VALLÈS. Beaucoup d’artilleurs se plaignent aussi de n’avoir pas été relevés depuis plusieurs jours.
CHALAIN. À Vanves, on réclame des bombes à pétrole.
UN MEMBRE. J’ai été chargé de la fabrication des projectiles; nous avons un atelier qui fournit 1,400 gargousses par jour; quant aux bombes à pétrole, on m’a assuré qu’on en fabriquait en ce moment. Je me propose d’aller voir moi-même les ateliers où ces bombes se fabriquent, mais je demande à la Commune de me dispenser d’assister aux séances, à cause des courses que je suis forcé de faire pour la mission dont je suis chargé.
VAILLANT. Une proposition de la Commission exécutive a été rejetée; elle était relative à l’inexécution de la part de la Préfecture de police des ordres de la Commune. Après le rejet, elle aurait dû se retirer; elle ne l’a pas fait, parce que la question était mal posée. Il s’agit de savoir si la Commission de Sûreté doit être aux ordres de la Commune et s’il faut procéder à une réorganisation de la Préfecture; mais il ne saurait être question de noms propres. La Guerre et la Police sont les deux bras de la Commune; il faut de l’énergie. La Commission exécutive croit que la Police n’a pas fait ce qu’il fallait faire et elle demande la réorganisation, afin que les ordres puissent être exécutés énergiquement.
LE PRÉSIDENT lit le décret suivant :
«La Commune décrète:
«La Commission de Sûreté générale est et demeure dissoute.
«Un délégué à l’ex-Préfecture de police sera nommé par la Commune, qui pourra le choisir en dehors de son sein.»
CHALAIN. Je demande que le citoyen, qui propose ce décret, le motive.
Plusieurs membres demandent la parole.
Un membre accuse le président de partialité; celui-ci s’en défend.
ARNAUD fait une motion d’ordre que le bruit nous empêche de saisir.
CHALAIN dit avoir beaucoup de travail, n’avoir pas une minute à lui. «Dites-nous ce qui motive cet arrêté de dissolution et en définitive ce que la Commission de Sûreté générale a pu faire pour mériter ce blâme.»
LE PRÉSIDENT veut que les membres de la Commission exécutive exposent ces motifs.
TRIDON. J’ai défendu la Commission de Sûreté générale; mais, en présence des faits si graves qui se sont passés, en présence de la négligence, de la mauvaise foi ou de la trahison des préposés, je demande l’adjonction du citoyen Viard à la Sûreté générale. La Commission n’exécute pas nos ordres: Exemple: on avait ordonné de saisir les papiers de Thiers, papiers très importants; on n’a rien fait, on n’a pas mis les scellés; les papiers ont disparu. La Commission de Sûreté générale ne suit aucune affaire, ne répond à aucun renseignement, elle arrête de pauvres malheureux et relâche de grands coupables. La Commission de Sûreté générale a arrêté le citoyen Polo, je ne sais pourquoi? Elle n’a jamais rendu de comptes, je vous défie de me prouver qu’elle ait jamais dit ce qu’elle faisait. Vous savez, par des affiches, au coin des rues, que cette Commission donne preuve d’existence, mais jamais elle ne nous a mis au courant de ce qu’elle faisait, et non seulement on a arrêté le citoyen Polo, mais on lui a pris son argent.
FERRÉ. Le citoyen Tridon reconnaît bien le fait et il sait bien qu’on a rendu l’argent à Polo.
TRIDON. Je ne sais rien; jamais on n’a invité la Commission exécutive à venir à la Préfecture; quand j’y vais, je ne trouve personne; on me dit que ces messieurs sont à dîner, mais ils doivent dîner quelque part. Paris peut s’écrouler, il n’y aurait personne là. Vous nous dites que vous êtes révolutionnaires, non! vous n’êtes pas révolutionnaires; vous avez favorisé Thiers et tous les réactionnaires. Une Commission exécutive n’est rien, si elle n’a pas une Commission de Sûreté générale pour exécuter ses décrets. Je ne peux pas ainsi accepter la responsabilité de la situation.
FERRÉ. Je demande la réunion d’une Commission d’enquête sur les faits que vient d’énoncer Tridon.
DERESME. C’est une question de cabinet qui revient tous les jours.
CHALAIN. Chaque fois qu’une arrestation a été ordonnée par la Commission exécutive, elle a été exécutée par la Sûreté générale. En ce moment, il y a plusieurs détenus à Mazas et ailleurs. Au commencement, la Sûreté se composait de sept membres, aujourd’hui, il n’y en a plus que quatre. Pour faire la police de Paris, nous n’avons que trente personnes sur cent, les autres étant à la disposition du citoyen Rigault, dont la place n’est pas une sinécure.
TRIDON. Alors, cédez la place à d’autres.
CHALAIN. Nous ne demandons pas mieux, mais je tiens à constater que nous avons fait notre devoir consciencieusement; nous avons opéré nous-mêmes, parce que nous manquions de monde. Avant de nous condamner, donnez les preuves de notre incapacité. S’il fallait que la Commune examinât les dossiers de chaque arrestation, ou de chaque mise en liberté, les séances n’y suffiraient pas. Vous voudriez une police organisée comme si elle était déjà ancienne; nous y arriverons, mais il faut le temps. Je répète, avant de porter des accusations, il faut les prouver.
RÉGÈRE. La Commission exécutive ne doit pas avoir droit de primauté sur la Commune; la Commune est juge entre les parties en discussion.
(La discussion devient tellement tumultueuse qu’il nous est impossible de la suivre.)
RÉGÈRE. Comment! il y a six jours, cette Commission qui est attaquée de tous les côtés, comme dépassant violemment sa mission, comme faisant de l’arbitraire, recevait de la Commission exécutive des reproches d’un ordre tout à fait opposé. Eh! bien, citoyens, je dis que ces attaques sont également injustes, également insensées et dangereuses. Venir demander que l’on brise une Commission, c’est une iniquité suprême. Je déclare quant à moi, comme faisant partie de la Commission municipale de mon arrondissement, que je félicite la Commission de Sûreté générale du dévouement avec lequel elle a rempli sa mission et je la blâme de vouloir ainsi donner sa démission.
MALON. Citoyens, j’appartiens à une Commission et je trouve qu’on a parfaitement le droit de demander à une Commission des comptes, sans dire que ceux qui demandent ces comptes veulent faire injure à la Commission. Je viens vous signaler un fait particulier, dont j’ai eu connaissance: une perquisition a été faite chez un entrepreneur de chemins de fer, étranger; on a forcé les caisses; et on a menacé d’en saisir les journaux et de publier les faits qui se sont passés (Tumulte).
Lecture d’une dépêche:
«Guerre à Exécutive:
«La lutte est engagée sur toute la ligne.»
RÉGÈRE demande l’ordre du jour sur la discussion de la Commission exécutive.
TRIDON. Nous sommes la Commission exécutive et nous avons des ordres à donner, à la Sûreté générale.
UN MEMBRE propose à la Commission exécutive, puisque la Sûreté générale ne fait pas son devoir, de nommer une Commission.
GROUSSET. Que la Commission exécutive formule son programme, qu’elle articule ses griefs.
CHALAIN dit qu’il restera à la Sûreté générale, jusqu’à ce que la Commune l’en expulse.
ARNOLD. Le conflit, qui s’élève ici, se produira toujours; en effet, il ne peut pas y avoir deux Commissions; pour 1’unité d’action, il ne faut pas deux commandements. Il faut qu’une délégation de pouvoir soit donnée à des citoyens, il est indispensable que la Sûreté générale soit entre les mains de la Commune.
AVRIAL demande la parole pour une motion d’ordre.
Émile CLÉMENT. Le canon gronde; le peuple a faim; il ne faut pas de divisions; ajournons toute discussion et que la Sûreté générale qui a fait son devoir reste à son poste.
AVRIAL. Je demande que mes collègues de la Commission exécutive cessent toute discussion et que l’on procède de suite à la nomination d’une Commission d’enquête.
FERRÉ appuie la proposition et demande que la Commission d’enquête porte ses investigations sur la Commission exécutive et sur la Sûreté générale; elle appréciera ensuite(Approbation générale).
FERRÉ lit un rapport qui établit que la Commission de Sûreté générale fait tout ce qu’elle peut: ainsi, avant-hier, avisée que des groupes, se formant sur les boulevards, discutaient violemment les écrits de la Commune, elle a envoyé les hommes qu’elle avait sous la main. «Quant aux reproches, qui nous sont faits sur les arrestations, il y a un ordre de la Commune que nous avons exécuté et que nous n’aurions pas dû exécuter, c’est l’arrestation du citoyen Castioni. Deux membres, auxquels vous ne refuserez pas votre confiance, le citoyen Ranvier et un autre membre, ont interrogé le citoyen Castioni et ont acquis la preuve que Castioni ignorait complètement le changement fait par le général Cluseret et le remplacement de Bergeret par Dombrowski et que, d’ailleurs, l’ordre avait été parfaitement exécuté.»
LE PRÉSIDENT lit une proposition du citoyen Gambon, qui mettra, pense-t-il, tout le monde d’accord:
«La Commune, considérant qu’il faut en finir avec Versailles, ajourne les séances. Tous les membres se rendront immédiatement dans leurs arrondissements, pour se mettre à la tête des bataillons et se rendre sur le champ de bataille.
GAMBON. J’ai oublié d’ajouter un mot; c’est que la Commune fixe le jour ou elle voudra se réunir.
RÉGÈRE. Jamais un pouvoir civil n’a abdiqué ainsi.
RASTOUL. Je ne puis admettre que la Commune adopte la proposition; c’est une abdication. Si vous voulez donner la dictature au général Cluseret, dites-le.
GAMBON. J’entends si peu donner la dictature au général Cluseret que c’est justement le contraire que je vous propose. On vous dit que rien ne se fait, qu’il n’y a pas d’artilleurs, que les bataillons ne sont pas armés, qu’ils ne veulent peut-être pas obéir à Cluseret; mettons-nous à leur tête.
COURNET. Il y avait eu deux propositions faites par nos collègues; je désirerais savoir si, oui ou non, les papiers, qui ont été trouvés chez Thiers, ont été mis sous scellés.
RIGAULT répond que les scellés ont été apposés et, qu’en ce qui touche les papiers, ils n’ont pas pu être enlevés, parce que le temps matériel manquait. «Pour l’examen de ces papiers, Bouis est venu à la Préfecture; nous lui avons donné un ordre pour que tout commissaire se mette à sa disposition, obéisse à toute réquisition; dans ces circonstances, je crois que, si Bouis avait trouvé des difficultés, il serait venu nous trouver. Je dirai maintenant qu’en ce qui touche de pareilles questions, il serait bon de m’en prévenir à l’avance.»
LE PRÉSIDENT lit une dépêche arrivée à quatre heures quinze, signée Dombrowski:
«Paris 19. Expédiée à 4 h. 15.
« Dombrowski à Exécutive et. Guerre.
«Après un sanglant combat, nous avons repris nos positions. Nos troupes, portées en avant sur notre aile gauche, s’emparèrent d’un magasin d’approvisionnement de l’ennemi, dans lequel nous avons trouvé 69 tonneaux contenant des jambons, du fromage et du lard.
« Le combat continue avec acharnement; l’artillerie ennemie, placée sur la hauteur de Courbevoie, nous couvre de projectiles et de mitraille; mais, malgré la vivacité de ses feux, notre aile droite exécute en ce moment un mouvement dans le but d’envelopper les troupes de ligne qui se sont engagées trop en avant.
«Il me faut cinq bataillons de troupes fraîches, 2,000 hommes au moins, parce que les forces ennemies sont considérables.
Dombrowski.»
CLUSERET dit qu’il ne croit pas être attaqué du tout et avoir reçu la même dépêche , mais arrêtée au mot gauche. «Cela arrive souvent, dit-il, et chez les estafettes et chez les officiers.»
Le citoyen Cluseret offre sa démission, il ne peut pas continuer dans la position qui lui est faite; il est débordé par la lâcheté des officiers, il demande pleins pouvoirs pour punir de pareils faits. La Commission exécutive lui refuse les moyens d’action. Une Cour martiale a condamné à mort un chef de bataillon, qui s’est conduit en lâche devant l’ennemi, avec constatation et preuve à l’appui. J’ai envoyé à la Commission exécutive mon opinion à l’égard de ce fait, en demandant que, si elle ne satisfaisait pas cette sentence, je me trouvais tout à fait impuissant. La Commission exécutive vient de m’envoyer à l’instant l’ordre de ne pas donner suite à l’exécution et de me contenter de dégrader ce monsieur.»
TRIDON. La Commission exécutive a examiné cette question; elle a reçu un papier, signé Rossel, qui demandait seulement la dégradation militaire; nous avons cru à un changement d’avis du citoyen Cluseret; voilà pourquoi nous avons donné un avis paraissant contredire l’arrêt de la Cour martiale.
UN MEMBRE demande que l’on pose la question catégoriquement entre la Commission exécutive et le citoyen Cluseret; il faut que l’un ou l’autre donne sa démission (Approbation générale).
TRIDON se déclare prêt à se démettre.
OUDET soulève une question incidente relative au citoyen Sicard (Interruptions).
GÉRESME. Ce que le citoyen Cluseret a dit de la confusion des ordres est malheureusement vrai. Mais une question se pose : le citoyen Cluseret est-il, oui ou non, le chef de la délégation à la Guerre? Et, dans ce cas, la responsabilité doit incomber à celui dont les ordres ont été mal transmis, ou à ceux qui ne les ont pas exécutés. Si la confusion existe, il est certain qu’elle provient soit de la Place, soit de l’administration de la Guerre.
Ici, l’orateur soulève une question incidente sur des ordres mal compris et inexécutés par suite de signatures surprises, et non par suite de mauvais vouloir de la part des officiers.
Le tumulte est à son comble.
L’arrivée de cette dépêche motive de la part du délégué à la Guerre présent à la séance une demande d’enquête sur l’inexactitude fréquente des dépêches qui lui sont adressées. Se plaignant en outre de l’opposition qu’il rencontre dans la Commission exécutive, il prie la Commune d’accepter sa démission de ministre de la Guerre.
Cette démission ayant provoqué une discussion entre les citoyens AVRIAL, DUPONT, TRIDON, ARNOLD, RIGAULT, VERMOREL et CLUSERET, la proposition suivante est présentée par le citoyen J. VALLÈS.
«Vu la gravité de la situation et dans l’intérêt de la défense, la Commune demande qu’aucune Commission ni aucun délégué ne donne sa démission.»
Une seconde proposition, présentée par le citoyen CLÉMENT, et rédigée par le citoyen Paschal GROUSSET, en vue de s’opposer aux démissions des citoyens Tridon, Vaillant. Vermorel et Cournet, au sujet du conflit survenu entre la Commission exécutive et la Sûreté générale, ainsi conçue, est adoptée à l’unanimité:
«La Commune refuse d’accepter toute démission jusqu’au moment où une Commission spéciale de trois membres lui aura fait un rapport sur le conflit existant entre l’Exécutive et la Sûreté générale.»
Président, LEFRANÇAIS. Assesseur, DEMAY.
Lecture est faite du procès-verbal; il n’y a pas de réclamation, le procès-verbal est adopté.
Sur la demande de plusieurs membres, la Commune décide l’admission provisoire des candidats dont les noms suivent: Arnold, Dupont, Pottier, Serrailler, Cluseret, Menotti Garibaldi, Viard, Trinquet, Philippe, Lonclas.
LE PRÉSIDENT a reçu un document concernant les élections nouvelles et demande au citoyen Parisel s’il est chargé de statuer sur ces élections. Il n’y a pas eu de Commission de nommée; maintient-on la dernière?
PARISEL demande à n’en plus faire partie.
LE PRÉSIDENT. Les citoyens F. Henry, Ranvier et Martelet sont nommés membres de la Commission chargée de statuer sur les dernières élections. Ces citoyens sont priés de nous faire un rapport sur ces dernières élections.
L’ordre du jour appelle l’examen du projet constituant le jury d’accusation, mais le citoyen, qui a présenté ce projet, n’est pas là.
Le président donne lecture d’une dépêche, signée Dombrowski:
«9 heures du matin.
«Commandant de Place de Paris, à Guerre et Exécutive.
«Aujourd’hui, à l’aube, nous étions attaqués par de fortes colonnes de ligne, et nos postes avancés, trompés par les signaux amicaux des lignards, ont été surpris. J’ai rétabli le combat, mais il me faut des renforts et doubler l’artillerie.
«Envoyez compagnie de génie.
Dombrowski.»
VALLÈS. Ce n’est pas précisément sur la dépêche que j’ai demandé la parole. Je viens vous dire que le citoyen Theisz ne pourra assister à la séance ce matin. Son frère a été percé de part en part derrière une barricade; j’ai assisté moi-même au pansement de sa blessure à l’ambulance, c’est peut-être un républicain qui sera mort ce soir. Je dirai encore que beaucoup de Versaillais s’habillent en gardes nationaux, si bien qu’ils entrent dans les maisons, d’où ils fusillent nos gardes nationaux. À Neuilly, nous arborons des drapeaux rouges sur toutes les maisons; il suffirait qu’ils eussent des drapeaux rouges pour pouvoir plus facilement surprendre nos troupes. Je dis cela, afin que ceux qui approchent de Cluseret puissent lui en faire l’observation.
RASTOUL présente un décret d’après lequel sera fusillé tout homme surpris en costume autre que celui du corps auquel il appartient.
UN MEMBRE. Ils seront fusillés comme espions.
VALLÈS. Beaucoup d’artilleurs se plaignent aussi de n’avoir pas été relevés depuis plusieurs jours.
CHALAIN. À Vanves, on réclame des bombes à pétrole.
UN MEMBRE. J’ai été chargé de la fabrication des projectiles; nous avons un atelier qui fournit 1,400 gargousses par jour; quant aux bombes à pétrole, on m’a assuré qu’on en fabriquait en ce moment. Je me propose d’aller voir moi-même les ateliers où ces bombes se fabriquent, mais je demande à la Commune de me dispenser d’assister aux séances, à cause des courses que je suis forcé de faire pour la mission dont je suis chargé.
VAILLANT. Une proposition de la Commission exécutive a été rejetée; elle était relative à l’inexécution de la part de la Préfecture de police des ordres de la Commune. Après le rejet, elle aurait dû se retirer; elle ne l’a pas fait, parce que la question était mal posée. Il s’agit de savoir si la Commission de Sûreté doit être aux ordres de la Commune et s’il faut procéder à une réorganisation de la Préfecture; mais il ne saurait être question de noms propres. La Guerre et la Police sont les deux bras de la Commune; il faut de l’énergie. La Commission exécutive croit que la Police n’a pas fait ce qu’il fallait faire et elle demande la réorganisation, afin que les ordres puissent être exécutés énergiquement.
LE PRÉSIDENT lit le décret suivant :
«La Commune décrète:
«La Commission de Sûreté générale est et demeure dissoute.
«Un délégué à l’ex-Préfecture de police sera nommé par la Commune, qui pourra le choisir en dehors de son sein.»
CHALAIN. Je demande que le citoyen, qui propose ce décret, le motive.
Plusieurs membres demandent la parole.
Un membre accuse le président de partialité; celui-ci s’en défend.
ARNAUD fait une motion d’ordre que le bruit nous empêche de saisir.
CHALAIN dit avoir beaucoup de travail, n’avoir pas une minute à lui. «Dites-nous ce qui motive cet arrêté de dissolution et en définitive ce que la Commission de Sûreté générale a pu faire pour mériter ce blâme.»
LE PRÉSIDENT veut que les membres de la Commission exécutive exposent ces motifs.
TRIDON. J’ai défendu la Commission de Sûreté générale; mais, en présence des faits si graves qui se sont passés, en présence de la négligence, de la mauvaise foi ou de la trahison des préposés, je demande l’adjonction du citoyen Viard à la Sûreté générale. La Commission n’exécute pas nos ordres: Exemple: on avait ordonné de saisir les papiers de Thiers, papiers très importants; on n’a rien fait, on n’a pas mis les scellés; les papiers ont disparu. La Commission de Sûreté générale ne suit aucune affaire, ne répond à aucun renseignement, elle arrête de pauvres malheureux et relâche de grands coupables. La Commission de Sûreté générale a arrêté le citoyen Polo, je ne sais pourquoi? Elle n’a jamais rendu de comptes, je vous défie de me prouver qu’elle ait jamais dit ce qu’elle faisait. Vous savez, par des affiches, au coin des rues, que cette Commission donne preuve d’existence, mais jamais elle ne nous a mis au courant de ce qu’elle faisait, et non seulement on a arrêté le citoyen Polo, mais on lui a pris son argent.
FERRÉ. Le citoyen Tridon reconnaît bien le fait et il sait bien qu’on a rendu l’argent à Polo.
TRIDON. Je ne sais rien; jamais on n’a invité la Commission exécutive à venir à la Préfecture; quand j’y vais, je ne trouve personne; on me dit que ces messieurs sont à dîner, mais ils doivent dîner quelque part. Paris peut s’écrouler, il n’y aurait personne là. Vous nous dites que vous êtes révolutionnaires, non! vous n’êtes pas révolutionnaires; vous avez favorisé Thiers et tous les réactionnaires. Une Commission exécutive n’est rien, si elle n’a pas une Commission de Sûreté générale pour exécuter ses décrets. Je ne peux pas ainsi accepter la responsabilité de la situation.
FERRÉ. Je demande la réunion d’une Commission d’enquête sur les faits que vient d’énoncer Tridon.
DERESME. C’est une question de cabinet qui revient tous les jours.
CHALAIN. Chaque fois qu’une arrestation a été ordonnée par la Commission exécutive, elle a été exécutée par la Sûreté générale. En ce moment, il y a plusieurs détenus à Mazas et ailleurs. Au commencement, la Sûreté se composait de sept membres, aujourd’hui, il n’y en a plus que quatre. Pour faire la police de Paris, nous n’avons que trente personnes sur cent, les autres étant à la disposition du citoyen Rigault, dont la place n’est pas une sinécure.
TRIDON. Alors, cédez la place à d’autres.
CHALAIN. Nous ne demandons pas mieux, mais je tiens à constater que nous avons fait notre devoir consciencieusement; nous avons opéré nous-mêmes, parce que nous manquions de monde. Avant de nous condamner, donnez les preuves de notre incapacité. S’il fallait que la Commune examinât les dossiers de chaque arrestation, ou de chaque mise en liberté, les séances n’y suffiraient pas. Vous voudriez une police organisée comme si elle était déjà ancienne; nous y arriverons, mais il faut le temps. Je répète, avant de porter des accusations, il faut les prouver.
RÉGÈRE. La Commission exécutive ne doit pas avoir droit de primauté sur la Commune; la Commune est juge entre les parties en discussion.
(La discussion devient tellement tumultueuse qu’il nous est impossible de la suivre.)
RÉGÈRE. Comment! il y a six jours, cette Commission qui est attaquée de tous les côtés, comme dépassant violemment sa mission, comme faisant de l’arbitraire, recevait de la Commission exécutive des reproches d’un ordre tout à fait opposé. Eh! bien, citoyens, je dis que ces attaques sont également injustes, également insensées et dangereuses. Venir demander que l’on brise une Commission, c’est une iniquité suprême. Je déclare quant à moi, comme faisant partie de la Commission municipale de mon arrondissement, que je félicite la Commission de Sûreté générale du dévouement avec lequel elle a rempli sa mission et je la blâme de vouloir ainsi donner sa démission.
MALON. Citoyens, j’appartiens à une Commission et je trouve qu’on a parfaitement le droit de demander à une Commission des comptes, sans dire que ceux qui demandent ces comptes veulent faire injure à la Commission. Je viens vous signaler un fait particulier, dont j’ai eu connaissance: une perquisition a été faite chez un entrepreneur de chemins de fer, étranger; on a forcé les caisses; et on a menacé d’en saisir les journaux et de publier les faits qui se sont passés (Tumulte).
Lecture d’une dépêche:
«Guerre à Exécutive:
«La lutte est engagée sur toute la ligne.»
RÉGÈRE demande l’ordre du jour sur la discussion de la Commission exécutive.
TRIDON. Nous sommes la Commission exécutive et nous avons des ordres à donner, à la Sûreté générale.
UN MEMBRE propose à la Commission exécutive, puisque la Sûreté générale ne fait pas son devoir, de nommer une Commission.
GROUSSET. Que la Commission exécutive formule son programme, qu’elle articule ses griefs.
CHALAIN dit qu’il restera à la Sûreté générale, jusqu’à ce que la Commune l’en expulse.
ARNOLD. Le conflit, qui s’élève ici, se produira toujours; en effet, il ne peut pas y avoir deux Commissions; pour 1’unité d’action, il ne faut pas deux commandements. Il faut qu’une délégation de pouvoir soit donnée à des citoyens, il est indispensable que la Sûreté générale soit entre les mains de la Commune.
AVRIAL demande la parole pour une motion d’ordre.
Émile CLÉMENT. Le canon gronde; le peuple a faim; il ne faut pas de divisions; ajournons toute discussion et que la Sûreté générale qui a fait son devoir reste à son poste.
AVRIAL. Je demande que mes collègues de la Commission exécutive cessent toute discussion et que l’on procède de suite à la nomination d’une Commission d’enquête.
FERRÉ appuie la proposition et demande que la Commission d’enquête porte ses investigations sur la Commission exécutive et sur la Sûreté générale; elle appréciera ensuite(Approbation générale).
FERRÉ lit un rapport qui établit que la Commission de Sûreté générale fait tout ce qu’elle peut: ainsi, avant-hier, avisée que des groupes, se formant sur les boulevards, discutaient violemment les écrits de la Commune, elle a envoyé les hommes qu’elle avait sous la main. «Quant aux reproches, qui nous sont faits sur les arrestations, il y a un ordre de la Commune que nous avons exécuté et que nous n’aurions pas dû exécuter, c’est l’arrestation du citoyen Castioni. Deux membres, auxquels vous ne refuserez pas votre confiance, le citoyen Ranvier et un autre membre, ont interrogé le citoyen Castioni et ont acquis la preuve que Castioni ignorait complètement le changement fait par le général Cluseret et le remplacement de Bergeret par Dombrowski et que, d’ailleurs, l’ordre avait été parfaitement exécuté.»
LE PRÉSIDENT lit une proposition du citoyen Gambon, qui mettra, pense-t-il, tout le monde d’accord:
«La Commune, considérant qu’il faut en finir avec Versailles, ajourne les séances. Tous les membres se rendront immédiatement dans leurs arrondissements, pour se mettre à la tête des bataillons et se rendre sur le champ de bataille.
GAMBON. J’ai oublié d’ajouter un mot; c’est que la Commune fixe le jour ou elle voudra se réunir.
RÉGÈRE. Jamais un pouvoir civil n’a abdiqué ainsi.
RASTOUL. Je ne puis admettre que la Commune adopte la proposition; c’est une abdication. Si vous voulez donner la dictature au général Cluseret, dites-le.
GAMBON. J’entends si peu donner la dictature au général Cluseret que c’est justement le contraire que je vous propose. On vous dit que rien ne se fait, qu’il n’y a pas d’artilleurs, que les bataillons ne sont pas armés, qu’ils ne veulent peut-être pas obéir à Cluseret; mettons-nous à leur tête.
COURNET. Il y avait eu deux propositions faites par nos collègues; je désirerais savoir si, oui ou non, les papiers, qui ont été trouvés chez Thiers, ont été mis sous scellés.
RIGAULT répond que les scellés ont été apposés et, qu’en ce qui touche les papiers, ils n’ont pas pu être enlevés, parce que le temps matériel manquait. «Pour l’examen de ces papiers, Bouis est venu à la Préfecture; nous lui avons donné un ordre pour que tout commissaire se mette à sa disposition, obéisse à toute réquisition; dans ces circonstances, je crois que, si Bouis avait trouvé des difficultés, il serait venu nous trouver. Je dirai maintenant qu’en ce qui touche de pareilles questions, il serait bon de m’en prévenir à l’avance.»
LE PRÉSIDENT lit une dépêche arrivée à quatre heures quinze, signée Dombrowski:
«Paris 19. Expédiée à 4 h. 15.
« Dombrowski à Exécutive et. Guerre.
«Après un sanglant combat, nous avons repris nos positions. Nos troupes, portées en avant sur notre aile gauche, s’emparèrent d’un magasin d’approvisionnement de l’ennemi, dans lequel nous avons trouvé 69 tonneaux contenant des jambons, du fromage et du lard.
« Le combat continue avec acharnement; l’artillerie ennemie, placée sur la hauteur de Courbevoie, nous couvre de projectiles et de mitraille; mais, malgré la vivacité de ses feux, notre aile droite exécute en ce moment un mouvement dans le but d’envelopper les troupes de ligne qui se sont engagées trop en avant.
«Il me faut cinq bataillons de troupes fraîches, 2,000 hommes au moins, parce que les forces ennemies sont considérables.
Dombrowski.»
CLUSERET dit qu’il ne croit pas être attaqué du tout et avoir reçu la même dépêche , mais arrêtée au mot gauche. «Cela arrive souvent, dit-il, et chez les estafettes et chez les officiers.»
Le citoyen Cluseret offre sa démission, il ne peut pas continuer dans la position qui lui est faite; il est débordé par la lâcheté des officiers, il demande pleins pouvoirs pour punir de pareils faits. La Commission exécutive lui refuse les moyens d’action. Une Cour martiale a condamné à mort un chef de bataillon, qui s’est conduit en lâche devant l’ennemi, avec constatation et preuve à l’appui. J’ai envoyé à la Commission exécutive mon opinion à l’égard de ce fait, en demandant que, si elle ne satisfaisait pas cette sentence, je me trouvais tout à fait impuissant. La Commission exécutive vient de m’envoyer à l’instant l’ordre de ne pas donner suite à l’exécution et de me contenter de dégrader ce monsieur.»
TRIDON. La Commission exécutive a examiné cette question; elle a reçu un papier, signé Rossel, qui demandait seulement la dégradation militaire; nous avons cru à un changement d’avis du citoyen Cluseret; voilà pourquoi nous avons donné un avis paraissant contredire l’arrêt de la Cour martiale.
UN MEMBRE demande que l’on pose la question catégoriquement entre la Commission exécutive et le citoyen Cluseret; il faut que l’un ou l’autre donne sa démission (Approbation générale).
TRIDON se déclare prêt à se démettre.
OUDET soulève une question incidente relative au citoyen Sicard (Interruptions).
GÉRESME. Ce que le citoyen Cluseret a dit de la confusion des ordres est malheureusement vrai. Mais une question se pose : le citoyen Cluseret est-il, oui ou non, le chef de la délégation à la Guerre? Et, dans ce cas, la responsabilité doit incomber à celui dont les ordres ont été mal transmis, ou à ceux qui ne les ont pas exécutés. Si la confusion existe, il est certain qu’elle provient soit de la Place, soit de l’administration de la Guerre.
Ici, l’orateur soulève une question incidente sur des ordres mal compris et inexécutés par suite de signatures surprises, et non par suite de mauvais vouloir de la part des officiers.
Le tumulte est à son comble.
L’arrivée de cette dépêche motive de la part du délégué à la Guerre présent à la séance une demande d’enquête sur l’inexactitude fréquente des dépêches qui lui sont adressées. Se plaignant en outre de l’opposition qu’il rencontre dans la Commission exécutive, il prie la Commune d’accepter sa démission de ministre de la Guerre.
Cette démission ayant provoqué une discussion entre les citoyens AVRIAL, DUPONT, TRIDON, ARNOLD, RIGAULT, VERMOREL et CLUSERET, la proposition suivante est présentée par le citoyen J. VALLÈS.
«Vu la gravité de la situation et dans l’intérêt de la défense, la Commune demande qu’aucune Commission ni aucun délégué ne donne sa démission.»
Une seconde proposition, présentée par le citoyen CLÉMENT, et rédigée par le citoyen Paschal GROUSSET, en vue de s’opposer aux démissions des citoyens Tridon, Vaillant. Vermorel et Cournet, au sujet du conflit survenu entre la Commission exécutive et la Sûreté générale, ainsi conçue, est adoptée à l’unanimité:
«La Commune refuse d’accepter toute démission jusqu’au moment où une Commission spéciale de trois membres lui aura fait un rapport sur le conflit existant entre l’Exécutive et la Sûreté générale.»
Consultée pour la nomination de cette Commission, la Commune désigne pour en faire partie les citoyens BESLAY, GAMBON et MIOT et décide en outre qu’un rapport sera fait dans le plus bref délai possible.
Incident. Le citoyen RASTOUL fait part à la Commune d’un ordre qu’il a cru devoir donner. «30 voitures d’ambulances, destinées sans doute à être envoyées sur le champ de bataille, attendaient sur la place de l’Hôtel de Ville. Le service médical ayant été transporté au ministère de la Guerre, je leur ai donné l’ordre d’aller se mettre à sa disposition.»
Le citoyen PARISEL fait remarquer qu’il serait bon de désigner deux membres pour aller s’entendre avec le médecin en chef et en même temps lui indiquer ce qu’il y a à faire.
La Commune, ayant accepté cette proposition, désigne les citoyens PARISEL et Paschal GROUSSET.
MARTELET lit le rapport de la Commission des élections.
DELESCLUZE demande la parole pour rendre compte de sa mission «Nous avons été à la Guerre, mais nous n’avons pas trouvé le général, puisqu’il était ici à vous donner son opinion sur la dépêche de Dombrowski; nous avons été au ministère de la Marine, pour savoir dans quelles mesures les canonnières pourraient servir à notre défense. Dès à présent, quatre canonnières sont parties, une cinquième doit partir demain. De là, nous avons été à la Place et nous avons eu l’assurance que 2,000 hommes ont été envoyés à Dombrowski, que des artilleurs avaient été demandés pour renforcer les bataillons à Asnières. 2,000 hommes sont en réserve, prêts à partir. Dans cette situation, je crois qu’il n’y a pas lieu d’avoir de craintes sur notre affaire d’hier.
Vous n’ignorez pas qu’une délégation avait été envoyée de Lyon à Versailles, pour poser les bases d’une conciliation entre les deux partis belligérants: je dis ce mot que Monsieur Thiers nous refuse, car, puisque nous nous battons, il faut nous nommer belligérants. Ils ont été d’abord à Versailles et sont arrivés à Paris, ils venaient voir la Commune; ils se sont d’abord adressés à toutes les ligues qui sont plus ou moins favorables à notre cause, et, en dernier lieu, ils sont venus frapper à notre porte.
Vaillant les a reçus hier, et, encore ce matin, ils sont venus chez moi et chez le citoyen Pyat; ils nous ont exposé que, dans leur pensée, la population de Paris, dans son ensemble, quoiqu’ils aient vu les classes les moins favorables à notre cause, était profondément hostile au gouvernement de Versailles sans aimer la Commune; ils nous ont dit qu’il n’y avait rien à attendre de Lyon comme concours matériel, mais que, comme concours moral, Lyon était à notre disposition. En somme, cette bonne province attend que nous nous soyons fait casser la tête pour s’adjoindre à nous; nous avons répondu que nous attendions le résultat et que nous n’attendions pas la province. Les représentants de Lyon nous ont dit: «Nous voulons avoir une réponse.» Nous leur répondrons ce soir par la publication de notre programme.
Monsieur Thiers ne veut pas traiter avec nous, il nous dit qu’il veut défendre la République; mais, franchement, j’ai plus de confiance dans les baïonnettes de la Garde Nationale que dans le concours de Monsieur Thiers pour cet objet. Aussi, nous sommes-nous décidés à répondre aux délégués de Lyon que notre réponse était dans notre programme.
LE PRÉSIDENT. Ce que vient de dire le citoyen Delescluze était très bon à dire, mais revenons aux élections. Le rapport conclut à ne pas tenir compte du huitième et à se contenter d’admettre comme valable la majorité absolue des suffrages exprimés.
BESLAY veut que la loi soit observée et cède la parole au citoyen Arnould.
ARNOULD. Je me prononce pour l’observation stricte de la loi; elle impose le huitième. En validant les élections, faites en dehors de la loi, nous invalidons forcément les autres . Il n’est pas admissible qu’un membre de la Commune se prétende élu avec 500 électeurs seulement. Quel est notre pouvoir? C’est que nous sommes des élus; et nous porterions la plus grave des atteintes au suffrage universel, si nous procédions autrement; dans ce cas, il aurait mieux valu laisser l’autorité au Comité central. Si vous admettez les conclusions du rapport, il n’y a pas de raison pour qu’un candidat ne soit pas élu avec 50 électeurs; il faut un terme. C’est le huitième; observez-le. Il y a 11 élections faites dans les conditions de la loi; validons-les, mais n’acceptons pas les autres, ce serait diminuer la valeur de notre propre mandat. Tel citoyen, ayant obtenu deux voix, la sienne et celle de son fils, pourrait se prétendre représentant; il faut se maintenir dans les termes de la loi. Dans les circonstances graves où nous nous trouvons, on ne doit pas valider ces élections; ce serait le plus grand croc-en-jambe que jamais gouvernement ait donné au suffrage universel; d’ailleurs, nous ne serions pas les élus de la population de Paris.
BESLAY. Je demande que les séances soient publiques en ce qui concerne les élections.
GROUSSET. Je ne demande pas l’effet que produira sur le gouvernement de Versailles le résultat des élections de Paris, mais je me demande quel effet produira l’élection de membres qui n’ont pas eu le huitième. Il n’y a pas en réalité de loi électorale par le fait de l’admission de membres n’ayant pas eu le huitième. Nous avons déclaré ne pas accepter les bases formulées par le Comité central, en sorte que nous n’avons pas de loi électorale. La Commune ne propose pas d’accepter les citoyens qui ont eu la majorité relative, elle vous propose d’admettre simplement les citoyens qui ont eu la majorité absolue des votants.
Vous n’avez pas la base d’évaluation de la population, vous n’avez pas de loi électorale; la seule chose juste et sérieuse, ce serait de s’en rapporter à la sagesse populaire, qui a voté comme elle a voulu, et d’admettre tout membre qui a eu la majorité absolue des suffrages exprimés.
VARLIN. Je repousse les observations présentées par Arnould. Il est impossible que nous admettions cette loi que nous ne pouvons reconnaître; quant à moi, je suis pour les conclusions du rapport.
Dans toute société qui obéit à des règles, on s’en rapporte toujours à la majorité absolue; or, nous n’avons pas de base certaine; aux dernières élections, nous avons admis des candidats qui n’avaient pas réuni le huitième des voix; ne nous déjugeons pas.
BILLIORAY. Je n’ajouterai que quelques mots: en supposant que tout un arrondissement s’abstienne et qu’il n’y ait que cinq votants, ces votants sont les seuls partisans de la Commune; les autres ne veulent pas voter pour une Commune quelconque; pour moi, l’abstention ne peut jamais être une raison, il y a un moyen de manifester son opinion, c’est le bulletin blanc. Le nombre de bulletins blancs eût pu invalider l’élection; or, puisque ceux qui ne veulent pas de nous ne l’ont pas fait, nous devons donc passer outre.
URBAlN.
Le citoyen Arnould craint que nous ne tombions aussi dans le ridicule
et l’odieux; or, je dis que ce sont ceux qui n’ont pas voté qui
sont tombés les premiers dans le ridicule et l’odieux. Ceux qui
n’ont pas voulu défendre leur liberté par le vote ne sont, à mes
yeux, ni Français, ni Allemands, ni Chinois.
LANGEVIN. Je me trouve dans une situation assez difficile, car je suis précisément de ceux qui ont été admis lors du premier tour de scrutin. Malgré ma situation, je me prononce contre la validation des élections; pour ma part, je regrette la décision prise par l’Assemblée, et j’aurais protesté, si je n’avais envisagé la situation qui nous était faite, et je pense qu’en adoptant ces conclusions, nous porterons une grave atteinte à l’autorité morale de L’Assemblée. Il faut être logique; or, il y a un arrêté qui va à l’encontre des arguments que l’on vient d’exposer. Dans le XVIIe arrondissement, vous avez ajouté une élection en raison du nombre des votants; eh! bien, vous admettez bien que vous avez une base, quand il s’agit de faire voter, et, pour la validation, vous avouez n’avoir pas de base certaine.
RANVIER. Je n’ajouterai que quelques mots: dans le XVIIe arrondissement, Combault n’est pas élu; dans le XXe, ils sont tous élus à une faible majorité.
RÉGÈRE. Nous ne connaissons pas de loi électorale ; nous n’en avons pas fait, nous appelons tout le monde au vote, tant pis pour ceux qui ne se présentent pas; je trouve le huitième ridicule.
CLÉMENCE. Je veux respecter le huitième. Dans les professions de foi, même dans celles de ceux qui se prononcent aujourd’hui contre le huitième, nous avons tous accepté la loi de 1849. Ceux qui n’auront pas obtenu ce minimum subiront un second tour de scrutin à la majorité relative. Pour moi, je déclare que je ne veux pas être l’élu d’une réunion publique, mais bien l’élu du peuple.
La clôture est demandée.
ALLIX parle contre la clôture.
LE PRÉSIDENT met la clôture aux voix. Le résultat donne 8 pour et 7 contre. La clôture est prononcée.
LE PRÉSIDENT met aux voix les conclusions du rapport.
L’appel nominal est demandé par les citoyens ARNOULD, VALLÈS, VERMOREL, AVRIAL et CLÉMENCE.
BLANCHET. Je vote pour le rapport, la majorité absolue des votants, puisqu’aux premières élections on n’a pas tenu compte du huitième pour nous admettre, nous.
Un membre. Et moi aussi, je vote pour les conclusions du rapport. Les électeurs qui n’ont pas rempli leur devoir ont d’eux-mêmes renoncé au droit d’être représentés, et je ne me reconnais pas le droit d’avoir plus qu’eux le souci de leurs intérêts.
GROUSSET. J’adopte les conclusions du rapport, tout en regrettant qu’elles ne soient pas plus larges et n’admettent pas immédiatement les candidats qui ont obtenu une majorité quelconque. L’abstention est une désertion quand le scrutin est libre.
RÉGÈRE. En raison de l’état de guerre, je vote l’adoption du rapport.
CLÉMENCE. Afin de maintenir haut et ferme l’autorité de la Commune, je vote contre les conclusions du rapport.
MIOT. Je vote contre la validation des candidats qui n’ont pas obtenu le huitième des électeurs inscrits, parce que les élections ont eu lieu sous cette condition. Vu les circonstances exceptionnelles dans lesquelles les réélections doivent avoir lieu, j’aurais désiré que l’Assemblée, par modification à la condition du huitième, décidât que ces élections se feraient à la majorité relative des suffrages exprimés.
RASTOUL. Je proteste contre le rapport, parce que, la Commune ayant déclaré s’en rapporter à la loi qui demandait le huitième plus un des électeurs inscrits, le rapport passe outre, ne tenant aucun compte des décisions prises par convocation et affichées avec le premier décret de la Commune. Le rapport porte ainsi atteinte au suffrage universel, détruit la force morale de l’Assemblée et frappe d’avance les décisions d’impuissance relative.
LANGEVIN. Je me trouve dans une situation assez difficile, car je suis précisément de ceux qui ont été admis lors du premier tour de scrutin. Malgré ma situation, je me prononce contre la validation des élections; pour ma part, je regrette la décision prise par l’Assemblée, et j’aurais protesté, si je n’avais envisagé la situation qui nous était faite, et je pense qu’en adoptant ces conclusions, nous porterons une grave atteinte à l’autorité morale de L’Assemblée. Il faut être logique; or, il y a un arrêté qui va à l’encontre des arguments que l’on vient d’exposer. Dans le XVIIe arrondissement, vous avez ajouté une élection en raison du nombre des votants; eh! bien, vous admettez bien que vous avez une base, quand il s’agit de faire voter, et, pour la validation, vous avouez n’avoir pas de base certaine.
RANVIER. Je n’ajouterai que quelques mots: dans le XVIIe arrondissement, Combault n’est pas élu; dans le XXe, ils sont tous élus à une faible majorité.
RÉGÈRE. Nous ne connaissons pas de loi électorale ; nous n’en avons pas fait, nous appelons tout le monde au vote, tant pis pour ceux qui ne se présentent pas; je trouve le huitième ridicule.
CLÉMENCE. Je veux respecter le huitième. Dans les professions de foi, même dans celles de ceux qui se prononcent aujourd’hui contre le huitième, nous avons tous accepté la loi de 1849. Ceux qui n’auront pas obtenu ce minimum subiront un second tour de scrutin à la majorité relative. Pour moi, je déclare que je ne veux pas être l’élu d’une réunion publique, mais bien l’élu du peuple.
La clôture est demandée.
ALLIX parle contre la clôture.
LE PRÉSIDENT met la clôture aux voix. Le résultat donne 8 pour et 7 contre. La clôture est prononcée.
LE PRÉSIDENT met aux voix les conclusions du rapport.
L’appel nominal est demandé par les citoyens ARNOULD, VALLÈS, VERMOREL, AVRIAL et CLÉMENCE.
BLANCHET. Je vote pour le rapport, la majorité absolue des votants, puisqu’aux premières élections on n’a pas tenu compte du huitième pour nous admettre, nous.
Un membre. Et moi aussi, je vote pour les conclusions du rapport. Les électeurs qui n’ont pas rempli leur devoir ont d’eux-mêmes renoncé au droit d’être représentés, et je ne me reconnais pas le droit d’avoir plus qu’eux le souci de leurs intérêts.
GROUSSET. J’adopte les conclusions du rapport, tout en regrettant qu’elles ne soient pas plus larges et n’admettent pas immédiatement les candidats qui ont obtenu une majorité quelconque. L’abstention est une désertion quand le scrutin est libre.
RÉGÈRE. En raison de l’état de guerre, je vote l’adoption du rapport.
CLÉMENCE. Afin de maintenir haut et ferme l’autorité de la Commune, je vote contre les conclusions du rapport.
MIOT. Je vote contre la validation des candidats qui n’ont pas obtenu le huitième des électeurs inscrits, parce que les élections ont eu lieu sous cette condition. Vu les circonstances exceptionnelles dans lesquelles les réélections doivent avoir lieu, j’aurais désiré que l’Assemblée, par modification à la condition du huitième, décidât que ces élections se feraient à la majorité relative des suffrages exprimés.
RASTOUL. Je proteste contre le rapport, parce que, la Commune ayant déclaré s’en rapporter à la loi qui demandait le huitième plus un des électeurs inscrits, le rapport passe outre, ne tenant aucun compte des décisions prises par convocation et affichées avec le premier décret de la Commune. Le rapport porte ainsi atteinte au suffrage universel, détruit la force morale de l’Assemblée et frappe d’avance les décisions d’impuissance relative.
Les conclusions du rapport sont adoptées à la majorité de 26 contre 7.
Le citoyen MElLLET ayant demandé l’autorisation de faire disposer une salle de l’Hôtel de Ville pour le lieu de réunion des séances de la Commune, l’Assemblée décide qu’un rapport sera fait sur cette demande par les soins des citoyens L. Meillet, questeur et Arnold.
La séance est levée à sept heures 6 et renvoyée à demain deux heures.
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