mardi 26 septembre 2017

Commune de Paris Séance du 23 avril 1871 (4)



RANVIER. Plusieurs fois il a reçu des ordres de Dombrowski de marcher; il a fait rassembler ses hommes et il a eu l’astuce de leur dire qu’il les avait fait rassembler pour une revue, mais que la revue était remise. Le citoyen Dombrowski nous avait donné sa démission, parce qu’il avait vu un homme, qui lui avait refusé obéissance, élevé en grade au lieu d’être puni.

CLUSERET. D’une part, je ne trouve pas des officiers d’artillerie; quand il y en a, ils se font tuer; je les remplace difficilement. Demain, si vous voulez prêter votre concours à cet appel, usez de votre influence: je les prends, je les caserne, et alors nous aurons de l’artillerie; mais, je le répète, dans l’état où nous nous trouvons, je ne puis pas avoir de gens, malgré des appels successifs. Il y a eu un mot de prononcé et que je ne dois pas ne pas relever. Vous m’accusez de trahison; eh! bien, du moment que vous attaquez mon honneur, faites de moi ce que vous voudrez. Je suis un homme déshonoré. (Il veut sortir.)

ANDRIEU. Le citoyen Cluseret n’a pas le droit de sortir.

RÉGÈRE, s’adressant à l’Assemblée. Vous nous perdez! (Bruit.)

DELESCLUZE. Je le dis encore; l’organisation de la Garde nationale est tout à fait défectueuse. Il y a un certain Sylvestre, orléaniste très connu, que vous avez nommé colonel et qui s’est refusé quatre fois de marcher à l’ennemi. Cette 11e légion, qui était l’espoir de la défense, est aujourd’hui désorganisée, par suite de compétitions entre les chefs de légion, entre un monsieur Cousin et ce Sylvestre et entre tel autre colonel. il n’y a pas moyen d’en tirer quelque chose, et cette situation est tellement déplorable que Dombrowski ne veut plus rester à son commandement. Il est impossible que Dombrowski puisse résister avec les forces dont il dispose, s’il est attaqué.

CLUSERET. Je demanderai au citoyen Delescluze de me rafraîchir la mémoire, si je passe quelques-uns de ses arguments. Commençons par la fin. Vous m’avez parlé du citoyen Sylvestre; or, je déclare que je ne l’ai pas nommé. Il y a eu chez moi une réunion des chefs de bataillon du XIe arrondissement. Sur 29, 27 étaient présents. Ils m’ont demandé de faire procéder à leur élection. J’ai donné l’ordre de remettre les élections au lendemain. Le surlendemain du vote, ces 27 chefs de bataillon sont revenus avec leurs trois colonels. J’ai présenté quelques objections. Ils m’ont répondu que les trois colonels s’entendaient parfaitement ensemble et que d’ailleurs, je n’aurais à faire qu’à l’un d’entre eux. La Garde nationale est basée sur l’élection; je n’ai pas à nommer les chefs. Je dis que le Xe arrondissement est de ceux qui marchent le mieux, les rapports des bataillons sont réguliers et tout se fait avec ordre. Vous venez d’élever une discussion excessivement grave; je venais vous demander des canonniers, je ne savais pas qu’il y avait une enquête; je trouve cela étrange vis-à-vis de moi. J’ai fait tout ce que j’ai pu faire, et maintenant TOUS me manifestez les sentiments étranges, auxquels j’étais loin de m’attendre. Vous me demandez d’abdiquer dans vos mains. Vous savez tous que les arrondissements tiennent à leurs pièces; or, j’ai dit : «Je vous prie d’abdiquer entre mes mains vos idées, vos préjugés locaux pour me livrer vos pièces d’artillerie.»

DELESCLUZE. La reconnaissance de l’Union républicaine que vous avez mêlée aux affaires de Paris…

CLUSERET. Vous avez pu lire dans les journaux que le citoyen Bonvalet…

RÉGÈRE, avec vivacité. Il n’y a pas de Bonvalet!

CLUSERET. Bonvalet est venu me trouver, me demandant de faire cesser le feu; il parlait de questions d’humanité. J’ai dit que je comprenais ces questions d’humanité, mais que je ne pouvais cesser le feu si Versailles ne le cessait aussi. Il me dit que je ne voulais pas commencer, ni Versailles non plus; et que la population souffrait seule de cet état de choses et qu’il fallait y mettre un terme. Bonvalet est parti pour Versailles porter ma réponse; j’ai trouvé hier chez moi une lettre disant: «Vous avez refusé, par amour-propre, d’envoyer un parlementaire le premier; Versailles fait la même chose. Voulez-vous que je vous serve d’intermédiaire?» J’ai donné communication de la lettre à la Commission exécutive; elle m’a autorisé à laisser partir ces citoyens ce matin; la réponse n’est pas venue, la suspension n’a pas eu lieu. J’ai dégagé la responsabilité de la Commune. Je trouve étonnant le reproche qu’on me fait au sujet de Dombrowski. Je le quitte à la minute, et il ne m’a rien demandé, par conséquent je n’ai rien eu à lui refuser. Nous sommes dans les meilleurs termes tous les deux, et il ne m’a jamais fait aucune espèce de réclamation. Une fois, il m’a demandé un renfort que j’ai commandé. Malheureusement, et c’est ce qui arrive trop souvent, l’officier qui commandait à la porte par laquelle devait passer ce renfort a cru devoir interpréter l’ordre donné à la troupe et il l’a empêchée de sortir. L’officier a été arrêté, mais le renfort n’a pu arriver à temps et l’affaire a été manquée. Encore une fois, je n’ai jamais eu l’intention de rien refuser au général Dombrowski.

MEILLET. Des incidents s’élèvent sur chaque point en discussion, et il n’est plus possible de revenir au sujet principal. Il faut procéder avec ordre. Non, citoyens, le peuple n’est pas content de voir que tous nos débats n’ont pas de résultat. Nous votons des décrets pour jeter de la poudre aux yeux du public, mais nous ne faisons rien. Ma motion d’ordre consistait en ceci: qu’à tous les incidents qui se produisaient dans la discussion relative à la Guerre, on voulût bien accepter tous les éclaircissements de chacun.

LE PRÉSIDENT. L’assemblée a décidé que l’on n’interviendrait pas dans la discussion; par conséquent, les paroles du citoyen Meillet tombent d’elles-mêmes.

OUDET. J’ai demandé la parole.

LE PRÉSIDENT. La parole est au citoyen Ranvier.

RANVIER. J’ai à éclairer l’assemblée à propos de ce Sylvestre dont il a été question. Cet homme a la parole assez doucereuse. Son bataillon avait été envoyé aux tranchées à Issy, où il est tombé deux obus. Le premier soin de Sylvestre a été de faire retirer son bataillon derrière la tranchée du chemin de fer, et depuis, citoyen Cluseret, vous a-t-il été porté des rapports constatant son refus de marcher?

CLUSERET. Non, je n’en ai pas reçu.

RANVIER. Plusieurs fois il a reçu des ordres de Dombrowski de marcher; il a fait rassembler ses hommes et il a eu l’astuce de leur dire qu’il les avait fait rassembler pour une revue, mais que la revue était remise. Le citoyen Dombrowski nous avait donné sa démission, parce qu’il avait vu un homme, qui lui avait refusé obéissance, élevé en grade au lieu d’être puni.
AVRIAL. Il y a eu un ordre d’arrêter Sylvestre, mais il a été à la Place et a fait changer l’ordre.

TRIDON. Et c’est lui qui fait arrêter les autres.

LE PRÉSIDENT. Mais je crois que la discussion s’égare: il n’y a rien de précis. J’ai reçu une proposition, la voici:
«Une enquête sera faite dans les vingt-quatre heures par la Commission militaire sur l’administration de la Guerre.
«La Commission devra poser au délégué à la Guerre toutes les questions qu’elle jugera convenables, pour s’éclairer sur l’état de notre organisation militaire.
«Elle devra rapporter, d’après les déclarations et les preuves fournies par le délégué, un état complet de nos forces en hommes, artillerie, cavalerie, munitions.»
«P. GROUSSET.»

La proposition est adoptée à l’unanimité.
(À suivre.)


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