dimanche 24 septembre 2017

Commune de Paris Séance du 22 avril 1871 (2)



SICARD. Le commandant du 105e a été arrêté hier, comme il se rendait à la Cour martiale, pour défendre ses camarades, mis en état d’arrestation depuis plusieurs jours. Je demande à ce qu’on fasse relâcher immédiatement le citoyen Garanti du 105e.

MIOT. J’ai demandé la parole pour faire une communication importante. Le mouvement de Paris se fait sentir dans les départements; et, comme vous ne prenez à cet égard aucune résolution, il se produira des mouvements partiels, dans lesquels les républicains seront victimes, et qui ne donneront aucun résultat utile. J’appelle donc l’attention de la Commune sur ce point important, et je la prie de prendre des résolutions, aujourd’hui même, pour savoir si elle enverra des délégués dans les départements, afin d’accentuer et de provoquer le mouvement révolutionnaire, qui viendra affirmer celui de Paris. (Oui! Très bien!)

MIOT. Voici une communication qui m’est faite:
«Un citoyen, venant du Bourbonnais, arrivé hier soir, 21 avril, a déclaré qu’il a su, en passant à Cosne, que 20 soldats, s’étant présentés pour empêcher le mouvement révolutionnaire, ont été anéantis par les révolutionnaires.
«On annonçait l’arrivée de 800 hommes, munis de vivres…»
Vous voyez que la situation est extrêmement grave et tendue dans la Nièvre. Il est certain qu’en ce moment une lutte sanglante est engagée et, d’un moment à l’autre, nous pouvons apprendre que de pareils faits se sont produits. Il faut absolument que vous disiez à la France quelle attitude vous entendez tenir vis-à-vis d’elle, et si vous voulez provoquer et soutenir ces mouvements.

ALLIX. Ils sont libres comme nous en province!

MIOT. Vous avez accepté la responsabilité du moment, et, si vous n’avez pas le courage de donner la consigne au parti révolutionnaire, alors vous n’avez plus qu’à vous retirer. (Très bien! C’est cela!)

BABICK. Je m’oppose, quant à moi, à la proposition du citoyen J. Miot; nous n’avons pas trop à Paris d’éléments révolutionnaires et, si nous envoyons des délégués en province, nous diminuerons notre force.

PARISEL. Citoyens, je crois qu’il est de notre devoir d’envoyer en province, non pas beaucoup de monde, mais au moins un mot d’ordre. Vous avez publié un manifeste rempli de tous les principes révolutionnaires; le manifeste doit faire beaucoup de bruit à l’heure qu’il est. Eh! bien, je demande qu’on envoie des délégués choisis parmi nous qui nous rendent compte si cet effet est grave. Et, d’ailleurs, ce sera la meilleure manière de faire la guerre, en provoquant sur les derrières de l’ennemi une diversion. Si le mouvement est puissant, nous dirons à la province de se lever tout entière; sinon, nous lui dirons de rester calme et de laisser faire Paris, si elle n’est pas encore prête à nous seconder.

LE PRÉSIDENT.  Je demande à faire quelques observations. Depuis le 18 mars, nous ne sommes pas restés inactifs, et, au ministère des Finances, nous avons donné des fonds pour l’envoi de ces délégués.

V. CLÉMENT. Citoyens, j’ai vu un de mes amis qui arrive de Bourgogne, en qui on peut avoir toute confiance, et qui me disait que l’esprit était bien contraire à Versailles, mais que l’on ne savait pas ce qui se faisait à Paris.

URBAIN. Je crois qu’en laissant faire la province, Paris ne garderait pas son vrai rôle et, en disant à la province qu’elle s’arrange…

ALLIX. Je n’ai pas dit cela.

URBAIN. … Ce serait laisser le champ libre à la réaction et à la monarchie. Je demande que l’on fasse davantage et que l’on envoie des délégués, non pas pris dans notre assemblée, car nous ne sommes pas trop nombreux, mais des hommes sûrs, qui aillent aider les révolutionnaires de la province, qui leur fassent parvenir les journaux, car ils ne lisent que les journaux de la réaction, et que l’on envoie tous les écrits révolutionnaires.

LE PRÉSIDENT. Le citoyen Urbain fait partie de la Commission des relations extérieures; il est plus à même que personne de savoir que la Commune a chargé cette Commission des communications avec la province: il n’y a donc pas lieu de se préoccuper de cette question en séance.

MIOT. C’est une erreur! La question est celle-ci: devons-nous conseiller à la province de rester calme, ou bien devons-nous engager nos frères à se lever pour la défense de nos droits?

CLÉMENT propose que l’Assemblée ne se prononce pas sur les voies et moyens.

On demande la clôture.

LEDROIT s’élève contre la clôture et proteste contre ce qu’il considère comme un parti-pris d’étouffer la discussion.

La clôture sur l’incident est prononcée.

ARNOLD. Citoyens, la Commission de la guerre croit devoir vous faire une communication urgente; c’est l’arrestation du colonel Faltot, commandant du fort de Vincennes. Vous connaissez le citoyen Faltot: il a d’ailleurs donné à la Commune assez de preuves de son dévouement incontestable. On ne s’explique pas vraiment les motifs de son arrestation. Le colonel Faltot va au Ministère et, là, qu’est-ce qu’il voit? C’est son fils entouré de baïonnettes; il demande des explications, on ne lui en donne pas. «Alors, dit il, arrêtez-moi aussi», et il est arrêté. Comme vous voyez, le motif de cette arrestation n’est pas sérieux; il n’y a eu là que quelques paroles un peu vives, je ne comprends pas cette arrestation. La Commission de la Guerre croit que le citoyen Faltot doit être mis en liberté immédiatement.

LE PRÉSIDENT. Le citoyen Arnold parle-t-il en son nom propre, ou au nom de la Guerre? La Commission de la Guerre a-t-elle pris des renseignements?

ARNOLD croit ses renseignements conformes à la vérité.

LANGEVIN. Je ne donnerai pas de renseignements sur l’arrestation du citoyen Faltot, mais sur l’émotion qu’elle a produite dans le 15e arrondissement, où Faltot est connu. Je puis d’autant plus en parler qu’il a été mon commandant et, après le 18 mars, il a été nommé Chef de légion dans le 15e arrondissement. Si les bataillons du 15e sont un peu désorganisés en ce moment, c’est par l’absence de Faltot, qui est un républicain intelligent et énergique. Si donc il n’y a pas de motifs très sérieux à son arrestation, je demande qu’elle ne soit pas maintenue.

SERAILLER. Je demande qu’avant d’entrer dans une autre discussion, on statue sur la proposition Miot.

PLUSIEURS MEMBRES. Mais on a statué.

SERAILLER. Mais non! on a seulement prononcé la clôture.

LE PRÉSIDENT. On a renvoyé la motion Miot, comme nous l’avons déjà fait en semblable cas, au délégué aux Relations extérieures. Il n’y avait pas autre chose à faire. Que la province fasse ce que nous avons fait. (Oui!)

DELESCLUZE. Je demande la parole sur l’incident relatif à l’arrestation. Je viens joindre mon témoignage à celui des citoyens qui vous ont attesté l’honorabilité de Faltot. Je le connais depuis le commencement de la Révolution, et toujours il a été très disposé à marcher de l’avant. C’est lui qui insistait tout récemment, je l’ai vu, pour que le ministère de la Guerre voulût bien prendre possession des immenses ressources réunies à Vincennes, en munitions, armes et habillements de toute nature, quand, à chaque instant, le ministre de la Guerre venait nous dire que nous en manquions. Faltot voulait donner sa démission; je l’ai engagé à ne pas le faire et j’ai remis à Cluseret un état très détaillé des ressources, dont je viens de parler. En définitive, le colonel Faltot vaut tout le monde, et je déclare que, pour ma part, je ne souffrirais pas que Cluseret, ni personne, me parlât comme on l’a fait à Faltot, et je ne vois pas comment on me traiterait sans égards.

PARISEL. Je citerai un fait analogue. Dans notre arrondissement, nous n’avons, pour ainsi dire, qu’un bataillon, le 105e, sur lequel nous puissions compter. Une grande partie des officiers ont été arrêtés, il ne restait à peu près que le commandant, dont le fils vient d’être fusillé à Versailles, et qui, lui-même, vient d’être blessé. Eh! bien, ce commandant a été arrêté hier, si bien que, le bataillon ne voulant pas marcher sans son commandant, nous sommes exposés à ne plus pouvoir compter sur le 105e.

VIARD. Je suis d’autant plus surpris de la façon d’agir du citoyen Cluseret, qu’il a fait l’autre jour une question de cabinet des arrestations arbitraires. Je demande que le citoyen Faltot soit élargi sur un ordre de la Commune et que l’on signifie au citoyen Cluseret qu’il n’a pas le droit d’opérer des arrestations dans le genre de celle qui nous occupe.

DEMAY. Je me suis rendu à l’État-Major le matin où l’on m’a dit que le fort de Nogent était occupé par les Versaillais. J’ai demandé si on avait pris des mesures, et on m’a répondu qu’on en avait pris, mais que ces mesures n’avaient pu être mises à exécution, à cause de l’arrestation du commandant du fort de Vincennes.

SICARD. Le commandant du 105e a été arrêté hier, comme il se rendait à la Cour martiale, pour défendre ses camarades, mis en état d’arrestation depuis plusieurs jours. Je demande à ce qu’on fasse relâcher immédiatement le citoyen Garanti du 105e.
VIARD. - Je demande que l’on envoie au Ministère de la Guerre l'ordre de faire mettre en liberté les citoyens Faltot père et fils,
ainsi que le commandant du 105e, avec un avis au Général Cluseret de ne plus faire d’arrestations sans en prévenir la Commune.

LE PRÉSIDENT lit cette proposition: «Faire relâcher les citoyens ci-dessus désignés.»

BABICK. La Commune a nommé des délégués avec pleins pouvoirs. Eh! bien, je trouve qu’avant d’agir ainsi, nous devons adresser une interpellation, ou à la Commission de la Guerre, ou au Ministère. Il faut forcer le ministre à retirer lui-même son ordre, autrement vous allez provoquer un conflit.

GROUSSET. Ils seront peut-être relâchés dans une heure.

BABICK. Je ne suis pas pour les arrestations arbitraires, mais je suis aussi pour l’ordre, et il faut forcer vos délégués à ce qu’ils s’exécutent devant vous.

GROUSSET. Je vous dirai qu’il a été question à la Commission exécutive de cette arrestation. Le citoyen Protot a été chargé d’examiner l’arrestation, et, s’il n’y a pas de motifs graves, il sera relâché.

SICARD. Je demande la nomination d’une commission de deux membres, chargés d’aller au ministère de la Guerre.

ARNOULD. Avant de faire prononcer leur mise en liberté, il faut demander à celui qui les a fait arrêter ses motifs; il faut entendre celui qui a donné l’ordre.

ARNOLD. Citoyens, il faut que nous donnions immédiatement ordre au citoyen Cluseret de donner des explications sur ces arrestations et, dans le cas où elles ne seraient pas suffisantes, les faire remettre en liberté.

LE PRÉSIDENT. Il ne faut pas embrouiller la discussion. Avant-hier, vous avez nommé une délégation à chaque ministère; vous leur avez donné pleins pouvoirs. Vous avez institué une Commission de conseil et de contrôle. La Commission militaire n’a pas pu examiner l’affaire. Il n’y a pas là renseignement suffisant pour que la Commune puisse ordonner la mise en liberté immédiate de ces citoyens. À mon avis, il faut envoyer un délégué ou deux à la Guerre, pour demander des explications, ou relâcher les citoyens Faltot et Garanti.

SICARD présente la motion suivante qui est adoptée:
«Deux membres de la Commune se rendront auprès du délégué à la Guerre, pour le prier de motiver l’arrestation des citoyens Faltot et Garanti, ou d’ordonner leur mise en liberté immédiate.»

PLUSIEURS MEMBRES proposent DELESCLUZE qui dit: «Nous avons été à la Guerre, nous n’avons pas vu le délégué, nous avons fait le pied de grue une demi-heure et nous n’avons pas envie de recommencer.»

Sicard et Langevin sont délégués à la Guerre, pour demander des explications concernant cette affaire.

BESLAY demande un congé de 4, à 5 jours. (Accordé.)
(À suivre.)


Aucun commentaire: