«Les
hommes sont sans couvertures et sans pantalons. Il y a eu des
demandes réitérées. Ils couchent par terre et reçoivent toute la
pluie. Je demande que cette situation ait une fin immédiate. Il y a
des fusils à tabatière qui sont rapidement détruits par le tir
continuel et, depuis 10 jours, nous ne pouvons pas avoir les pièces
nécessaires pour les réparer.»
MEILLET.
Je désire faire connaître, à la Commune elle-même, des faits très
importants. Est-elle disposée à m’entendre de suite? (Oui.)
LE
PRÉSIDENT. Le citoyen Léo Meillet a parole.
MEILLET.
Depuis dix jours, ce bataillon est à Neuilly; on lui dit qu’il est
de réserve; tous les jours, il y en a qui disparaissent et
reviennent chez eux. Dans un pareil état de choses, ces compagnies
demandent à revenir, pour repartir avec les compagnies de marche. On
m’a promis à la Place de les faire relever, hier, dans la soirée,
où elles ne sont pas encore retenues. Le 176e est, depuis 20 jours,
aux Hautes-Bruyères; on ne veut pas les relever. Le Commandant du
176e a été révoqué par le colonel Rossel; il est revenu chez lui;
il est scorbutique. De plus, au Moulin-Saquet, il y a un bataillon
qui y est depuis 25 jours; et on lui fait encore construire une
barricade. De plus, à Villejuif, il y avait une barricade, qui
commandait nos avants-postes, que les Versaillais avaient occupée;
on ne l’a fait réoccuper et construire qu’après que nous
l’avons signalé au général Cluseret. Ainsi, voilà aux
Hautes-Bruyères deux bataillons, dont l’un est scorbutique;
l’autre qui est en train de le devenir, et qui, d’après les
rapports des médecins, ne peuvent, ni faire des reconnaissances, ni
repousser une attaque sérieuse. Quand je vais à la Guerre faire ces
réflexions, on me sourit et on s’en va. Si je veux demander qu’on
relève des bataillons, on me répond: «Envoyez-moi des hommes.»
Est-ce à moi, maire d’arrondissement? Alors pourquoi ne suis-je
pas membre de la Guerre. Je le déclare, je commence à distribuer
beaucoup de secours, c’est la faute au ministère de la Guerre. Les
hommes reviennent chez eux malades; il y a de grands besoins. Eh!
bien, je veux une proposition…
UN
MEMBRE. Balayez Cluseret!
MEILLET.
Le XIIIe arrondissement a deux forts importants, deux redoutes et une
grande barricade; je crois, dans ces circonstances, après avoir
causé avec le commandant des forts, qu’il y aurait utilité à
avoir pas mal d’hommes là; il faut y envoyer les bataillons du
XIIIe et du Ve arrondissement. J’ai pincé 80 réfractaires dans
mon arrondissement et je les ai envoyés au fort de Bicêtre. Je
crois qu’il y aurait utilité à faire décider, si l’on veut que
la Garde nationale ne se décourage pas; il ne faut pas lui faire
faire 15 kilomètres pour aller au feu; il faut lui donner les moyens
de s’aguerrir, mais il ne faut pas la fatiguer inutilement. Je
demande que la garde des forts du sud soit confiée à des bataillons
des anciens secteurs limitrophes; mais, tant qu’on est sur
l’offensive, il ne faut pas envoyer des hommes, inutilement, des
autres arrondissements. Je demande que la Commune me donne
l’autorisation d’aller relever les bataillons qui sont là-bas.
PLUSIEURS
MEMBRES. Non, non! ce serait un conflit.
MEILLET.
Je demande que la Commune m’autorise par un vote à aller trouver
Cluseret, pour obtenir l’autorisation d’aller relever ces
bataillons.
JOURDE.
Je voudrais toujours que, quand un mal est indiqué, le remède pût
se produire de suite. À mon avis, touchant la Guerre, il se produit
beaucoup d’attaques. Si vous donnez à Meillet l’ordre d’aller
relever ces bataillons, vous portez atteinte à votre délégué à
la Guerre. La Commission de contrôle, seule, a le droit de forcer le
délégué à la Guerre de prendre ses mesures. Quant à moi, je
déclare que, pour laisser de côté ces conflits de pouvoir, il faut
prendre une mesure générale. Je demande que la Commune charge la
Commission militaire de surveiller le général Cluseret et de le
briser, s’il se trompe, ou nous trahit.
MEILLET.
Tout cela ne me donne pas de canons.
JOURDE.
J’ai répondu, en disant que la Commission de contrôle allait
faire le nécessaire.
AVRIAL.
Nous prenons acte de la déclaration de Meillet et nous allons la
signifier à Cluseret. Si, demain matin, les ordres ne sont pas
exécutés, ce sera à la Commune d’agir.
H.
FORTUNÉ arrive du fort d’Issy. «Les hommes sont sans couvertures
et sans pantalons. Il y a eu des demandes réitérées. Ils couchent
par terre et reçoivent toute la pluie. Je demande que cette
situation ait une fin immédiate. Il y a des fusils à tabatière qui
sont rapidement détruits par le tir continuel et, depuis 10 jours,
nous ne pouvons pas avoir les pièces nécessaires pour les réparer.»
UN
MEMBRE. Il y a trois jours que je siège ici et je m’aperçois qu’à
la Guerre on ne fait absolument rien. J’ai un bataillon, et, comme
membre de la Commune, pouvant tout voir et entrer partout, je n’ai
pu me procurer pour lui les souliers nécessaires. Au quai d’Orsay,
des hommes sont prêts à marcher au feu et ils n’ont que des
[fusils à] pistons et pas de soulier. On m’a demandé des états,
je les ai donnés; on les a perdus, j’en ai donné d’autres, mais
sans rien obtenir. Puisque les mêmes reproches se reproduisent
toujours sur le même sujet, je fais une proposition pour empêcher
l’incurie qu’on constate. Je demande qu’on destitue le délégué
à la Guerre et que la Commission militaire le remplace. Je demande
que la Commune délègue, cette nuit, deux de ses membres, chargés
d’aller au Moulin-Saquet dire aux hommes, qui sont là, qu’ils
seront remplacés demain.
RIGAULT.
Quand j’ai demandé la parole, c’était à propos du mot «conflit
qui s’est élevé», et je crois que, d’après la proposition de
Meillet, il n’y avait pas de conflit à redouter.
LE
PRÉSIDENT. Voulez-vous entendre la proposition Jourde? CHARDON. Je
constate que, si les chefs de bataillon ne peuvent obtenir
d’habillement pour leurs hommes, c’est que, à l’habillement,
il y a les mêmes hommes que lors du gouvernement du 4-Septembre.
ANDRIEU.
Citoyens… Bruit. Motion d’ordre! Aux voix!
ANDRIEU.
Je maintiens mon tour de parole; je l’avais, quand le citoyen
Langevin l’a demandée pour une motion d’ordre. Je voulais vous
avertir des conséquences de votre vote. Il faut remarquer qu’à
chaque instant le citoyen Cluseret a posé une question de cabinet.
Eh! bien, comme membre de la Commission exécutive, je ne veux pas
qu’on vote, avant que la Commission militaire n’ait pris d’ores
et déjà ses devants et n’ait pas nommé un successeur, afin que
nous ne soyons pas pris au dépourvu.
LANGEVIN
a la parole pour une motion d’ordre.
AVRIAL
Depuis quinze jours, il y a un délégué à la Guerre; lui seul,
quant à présent, possède le fil de l’organisation militaire. Si
nous allions trop précipitamment et si Cluseret était un homme de
mauvaise foi, il pourrait tout compromettre. Demain, ou après-demain,
nous aurons eu le temps de saisir le fil de cette organisation, et
alors nous pourrons agir. J’avais proposé la suppression du
ministère de la Guerre et son remplacement par un délégué civil,
qui aurait été Delescluze; mais j’ai retiré cette proposition,
parce que j’y ai vu un inconvénient.
JOURDE
modifie sa proposition et donne lecture de sa proposition modifiée.
«La Commune demande que la Commission militaire se mette en
permanence et qu’elle fasse une enquête sur l’administration de
la Guerre. La Commission militaire devra faire son rapport qui sera
mis à l’ordre du jour de demain, dimanche, deux heures.»
Elle
est mise aux voix et adoptée.
AVRIAL
demande, dans le cas où Cluseret répondrait à la Commission
d’enquête par l’offre de sa démission, si on veut lui donner
les pouvoirs de l’arrêter immédiatement.
UN
MEMBRE demande que l’on précise exactement le cas où cette
arrestation pourra être faite.
COURBET.
J’ai été avec le citoyen Cluseret visiter les forts du sud. Tout
le long de notre visite, Cluseret n’était occupé à dire que
ceci: «Mais que faites vous là? J’avais demandé tant d’hommes
et je ne vois presque personne. On lui répondait invariablement:
«Nous ne savons qui donne les ordres, nous avons demandé des pièces
de vingt-quatre; on ne nous en a pas envoyé.» Et Cluseret disait:
«Comment voulez-vous que je donne des ordres, lorsqu’il y a
derrière moi des personnes qui donnent des ordres
contraires?» (Bruit.)
LE
PRÉSIDENT va donner lecture de la proposition Avrial.
AVRIAL.
Permettez! je crois, en effet, que ma proposition doit être
retirée. (Bruit.)
AVRIAL.
Je retire ma proposition; le vote de l’Assemblée aura le même
résultat; et, main tenant, je me rends responsable de l’arrestation
de Cluseret, si elle doit avoir lieu.
LE
PRÉSIDENT. Voulez-vous entendre les conclusions du rapport de la
Commission d’enquête? (Bruit.)
VOIX.
Qu’on remette la discussion à demain.
LONGUET.
Mais je demande que le président donne lecture de la lettre, qui a
été remise sur le bureau du président.
Le
citoyen Longuet lit la lettre du directeur du Journal
Officiel.
LONGUET.
La seule proposition qu’il y ait à faire immédiatement est de
fournir d’abord, pour ce soir, les fonds nécessaires pour
compléter la différence des deux sommes; et puis qu’une
Commission soit nommée pour aviser à la situation au Journal
Officiel.
JOURDE.
Mais il y a une délégation aux Finances, qui, sous sa
responsabilité, donne les explications nécessaires et fournit les
sommes suffisantes aux réclamations de cette sorte.
LONGUET.
Il est évident que, s’il ne s’agissait que de cette légère
somme à fournir, je n’en aurais pas avisé l’Assemblée; mais il
y a là une situation qui va se prolonger: j’ai été délégué à
l’Officiel, non par la Commune, mais par le Comité. Eh!
bien, je déclare que la situation de l’Officiel est
intolérable; nous ne savons pas si le journal nous appartient, oui
ou non.
LE
PRÉSIDENT. Voulez-vous ainsi régler l’ordre du jour de demain:
– Rapport de la Commission de la Guerre;
– Proposition Longuet, relative au Journal Officiel;
– Examen du rapport Miot? (Oui! oui!)
– Rapport de la Commission de la Guerre;
– Proposition Longuet, relative au Journal Officiel;
– Examen du rapport Miot? (Oui! oui!)
L'ordre
du jour de demain est ainsi réglé. La séance est levée à 7 h.
10.
Les
secrétaires de la séance: Ant. ARNAUD, AMOUROUX.
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