mardi 12 septembre 2017

Commune de paris Séance du 12 avril 1871



Le citoyen CLUSERET, délégué à la Guerre, soutient contre le prévenu…

Président: VERMOREL.

Assesseurs: GAMBON et H. FORTUNÉ.

La séance est ouverte à 3 heures.

L’ordre du jour appelle la comparution du citoyen BERGERET, cité à la barre de la Commune.

Le citoyen CLUSERET, délégué à la Guerre, soutient contre le prévenu ces trois chefs d’accusation suivants:
1° D’avoir contribué, pour la plus grande part, à un mouvement de troupes de la Commune dans des conditions désastreuses, de les avoir conduites sous le feu du Mont-Valérien et, comme résultat de cette attaque, d’avoir rendu les opérations militaires odieuses et ridicules et contribué largement à la désorganisation de la Garde nationale;
2° D’avoir déployé un faste militaire qu’il était excessivement dangereux de donner en exemple à des hommes modestes;
3° D’avoir contribué par son attitude aux actes d’insubordination qui ont accueilli la nomination du citoyen Dombrowski.

À part ces trois chefs d’accusation, le citoyen Bergeret est encore prévenu d’avoir involontairement contribué aux actes de désobéissance de l’École militaire, des trois mots d’ordre mis en circulation le jour de son remplacement et des faits qui s’étaient passés au XIe arrondissement, tels que coups de canon, rappel, générale et tocsin.

Sur le premier chef d’accusation, le citoyen BERGERET repousse la responsabilité de l’attaque concertée en un conseil de guerre, auquel avaient pris part les généraux Eudes et Duval, attaque qu’il considère, non comme inconsidérée, mais comme parfaitement conçue, et qui, dit-il, aurait réussi, si la Garde nationale n’avait pas été désorganisée. Pour son faste militaire, il se borne à répondre qu’il portait simplement les galons de général; quant à son état-major, il ne se composait que de trois ou quatre officiers. Sur le troisième chef d’accusation, il nie formellement avoir encouragé la désobéissance envers le citoyen Dombrowski, ayant au contraire invité ses officiers, au nom de la Patrie et de la Commune, à ne pas hésiter à lui obéir. Quant aux mots d’ordre et aux actes d’insubordination, il déclare ne pas en avoir eu connaissance, non plus que de l’ordre, ayant fait battre le rappel et la générale dans le onzième arrondissement.

Interpellations. - Le citoyen LERANÇAIS demande au citoyen Bergeret s’il avait averti ses hommes que le Mont-Valérien n’était pas en notre possession. - Le citoyen BERGERET répond qu’il les avait si bien prévenus qu’il avait laissé trois bataillons en tirailleurs.

Le citoyen AVRIAL désire savoir s’il est complètement étranger aux faits du onzième arrondissement. - Le citoyen BERGERET renouvelle son affirmation.

Le citoyen COURNET demande si l’ordre lui avait été donné de passer le Mont-Valérien. - «Le mouvement avait été décidé, répond-il, dans la nuit; j’ai reçu trop tard l’ordre du citoyen Cluseret pour arrêter les troupes.»

Le citoyen DELESCLUZE demande des explications sur les dépenses de l’État-major, dépenses très considérables, selon la rumeur, pour des dîners où assistaient souvent des femmes. - Le citoyen BERGERET nie le gaspillage, car, dit-il, tous les frais étaient payés par les officiers qui avaient établi un mess. Quant aux femmes, il n’est jamais venu que Mesdames Bergeret et Chardon.

Au sujet des trois mots d’ordre, diverses interpellations sont adressées aux citoyens Cluseret et Bergeret par les citoyens BESLAY, H. FORTUNÉ, GROUSSET et DECAMPS.

Le citoyen VERMOREL demande au citoyen Bergeret si l’attaque avait été concertée avec la Commission exécutive. - Le citoyen BERGERET répond qu’après le conseil de guerre les généraux Eudes et Duval avaient été chargés de l’avertir des décisions prises dans ce conseil.

Sur la demande du citoyen LEFRANÇAIS, le président invite le prévenu à vouloir bien se retirer. Le citoyen Bergeret n’étant plus dans la salle des séances, il est adressé au citoyen Cluseret la demande suivante:
«À l’heure actuelle la mise en liberté du citoyen Bergeret aurait-elle ou non des inconvénients?»
Le citoyen CLUSERET répond que, comme mesure de sûreté publique, il lui paraît dangereux que le citoyen Bergeret puisse retourner à son bataillon, où sa présence ne ferait que reconstituer le noyau d’insurrection morale et matérielle.

Les interpellations étant terminées, la discussion est ouverte et le citoyen Cluseret, sur sa demande, est autorisé à se retirer.

Le citoyen PUJET déclare que, pour lui, le prévenu a commis de graves erreurs et cite, à l’appui de son dire, un ordre écrit par le citoyen Bergeret, désignant comme chef de légion le général Raoul Du Bisson, ordre qui, contrairement à celui du citoyen Eudes, aurait entraîné la perte de Meudon et de Châtillon.

Le citoyen DELESCLUZE ajoute que le citoyen Bergeret devait faire un rapport à la Commission exécutive et que l’attaque a eu lieu sans que ce rapport ait été fait. Sur les faits de désobéissance, le citoyen Delescluze demande que, dans l’intérêt même du prévenu, il soit fait une enquête avant la mise en liberté.

Le citoyen ART. ARNOULD raconte les faits qui se sont passés lors de l’installation du citoyen Dombrowski et termine en disant que sa conviction morale est que le citoyen Bergeret, tout en invitant ses officiers à l’obéissance, les encourageait implicitement à désobéir au citoyen Dombrowski.

La Commune, après avoir entendu les citoyens RANVIER, PYAT, TRIDON, VALLÈS, GROUSSET, VERMOREL et MALON, relativement aux opérations militaires et dîners de l’État-major, décide, sur la proposition du citoyen LEFRANÇAIS, de s’occuper uniquement de savoir si 1a mise, en liberté du citoyen Bergeret pourrait être dangereuse.

Le citoyen ALLIX donne des explications sur les deux mots d’ordre mis en circulation.

Le citoyen BILLIORAY conteste au citoyen Bergeret sa nomination de général.

Enfin la Commune, après avoir entendu le citoyen VAILLANT demandant que le prévenu soit renvoyé devant un tribunal compétent, le citoyen BILLIORAY demandant au contraire un jugement immédiat et le citoyen H. FORTUNÉ réclamant la mise en liberté, décide, par dix-huit voix contre neuf, la clôture de la discussion.

Propositions. - Le citoyen GAMBON donne lecture d’une proposition, demandant la mise en liberté, sous caution morale, du citoyen Bergeret jusqu’à l’enquête.
Cette proposition mise aux voix, est rejetée par vingt-une voix contre quinze.

Lecture est ensuite faite d’une proposition du citoyen MORTIER demandant que, quoique détenu, le citoyen Bergeret puisse assister aux séances.
La Commune la repousse également par vingt-trois voix contre neuf.

Enfin la proposition du citoyen CLÉMENCE, indiquant la détention jusqu’à l’enquête, est acceptée par vingt-trois voix contre cinq.
Consultée sur la nomination de la commission d’enquête, la Commune fixe le nombre de ses membres à trois et désigne les citoyens Ranvier, Protot et Langevin, pour en faire partie. Pour le lieu de détention du prévenu, la Commune décide qu’il sera indiqué par la commission d’enquête.

Incident Assi. - Le citoyen FERRÉ, au nom de la Commission de sûreté générale, demande à l’Assemblée l’ajournement de la question Assi.

La Commune, après avoir entendu les citoyens AVRIAL, VERMOREL et BESLAY, décide qu’elle sera renvoyée à la séance de nuit; est également renvoyée à la Commission exécutive une demande du citoyen COURBET, relative aux musées et expositions de peinture.

La séance est levée à 6 heures.


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