samedi 30 septembre 2017

Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (8)



Théophile Ferré.
LE PRÉSIDENT lit une lettre du citoyen Ferré, qui donne également sa démission de membre de la Sûreté générale.

ARNOULD. Je voudrais répondre au citoyen Vermorel. Je dirai que ses deux arguments sont absolument les mêmes que ceux qu’on présentait en faveur de la torture. «Mais, sans la torture, disaient les juges, nous ne pourrons jamais obtenir l’aveu du coupable.» On a aboli la torture et ou a obtenu l’aveu des accusés. Le citoyen Vermorel vous dit qu’il faut des garanties, mais vous serez obligés de vous en rapporter au juge qui sera chargé de l’instruction. C’est toujours l’arbitraire. Il n’y a qu’une façon juste de résoudre les questions, c’est d’en revenir aux principes. Il y a quelque chose de bien fâcheux; c’est, quand on a tenu un drapeau toute sa vie, de changer la couleur de ce drapeau en arrivant au pouvoir. Il en est toujours de même, dit-on, dans le public. Eh! bien, nous, républicains démocrates socialistes, nous ne devons pas nous servir des moyens dont se servaient les despotes.

V. CLÉMENT. Je voudrais qu’on revînt à la question et que l’Assemblée décidât si ses membres pourront ou non visiter les prisons?

VALLÈS. Comme la question du secret est très importante, je demande qu’on la mette à un prochain ordre du jour.

ARNOULD. J’accepte l’ajournement, à condition qu’on fixe un jour rapproché.

BILLIORAY demande que la Commission d’enquête sur les détenus ait seule le droit de visiter les prisons.

MEILLET. Soyons logiques! Nos décrets ne peuvent être violés; il ne faut pas le permettre, ni laisser de place à l’arbitraire.

PLUSIEURS MEMBRES. L’ordre du jour!

RIGAULT. Je demande qu’on mette aux voix la proposition Billioray.

BILLIORAY. La question est mal posée. Il y a un vote acquis mais il est dangereux; nous ne pouvons donner à tous les membres de la Commune le droit de visiter les prisonniers.

LONGUET. On peut se mettre d’accord en prenant les garanties suffisantes, lorsque les membres de la Commune visiteront les prisonniers au secret.

(L’ordre du jour!)

JOURDE. Si l’ordre du jour, qui est demandé, n’est pas adopté, je proposerai qu’on mette aux voix la proposition Billioray.

L’ordre du jour est mis aux voix et adopté par 24 voix contre 17.

Le citoyen Raoul RIGAULT donne sa démission de délégué à la Sûreté générale. «Je demande qu’on lise ma proposition, ou je me retirerai de la Sûreté générale, parce que je suis responsable de mes prisonniers.»

(Interruptions diverses.)

Le citoyen RIGAULT prononce des paroles vives.

Le citoyen FERRÉ donne sa démission de membre de cette Commission.

ANDRIEU. Je ne reconnais à aucun citoyen le droit de se servir de paroles inconvenantes à l’égard de la Commune, et je proteste contre les expressions du citoyen Rigault.

(Bruit. Interruptions diverses.)

LE PRÉSIDENT. Par sa proposition, Rigault dit que, sa situation n’étant pas possible, si l’on maintenait la mesure proposée, il donnera sa démission.

(Bruit.)

ARNOULD. C’est son droit de donner sa démission.

RIGAULT demande que l’on vote sur la proposition qu’il a déposée.

LONGUET. Avant de passer au vote pour un nouveau délégué, je demande à poser une question au citoyen Rigault: Entend-il qu’il est impossible de concilier les vœux de ceux qui ont voté l’ordre du jour et les nécessités de son service? Si c’est là ce qui le décide, je considère qu’il faut accepter sa démission. Autrement, il ne saurait être question ici de personnalités.

RIGAULT. Je déclare que c’est par suite de l’impossibilité, que je trouve à concilier la position qui nous est faite avec les nécessités du service, que je maintiens ma démission. Je demande que l’on vote de suite sur mon remplacement.

LE PRÉSIDENT lit une lettre du citoyen Ferré, qui donne également sa démission de membre de la Sûreté générale.

PLUSIEURS MEMBRES. Eh! bien, cela fera deux à remplacer.

Une discussion tumultueuse s’engage sur certaines personnalités.

RASTOUL s’étonne qu’on prenne des discussions de principes pour des personnalités.
(À suivre.)



Dans le Cri du Peuple du 24 avril 1871 (extraits).

LE CRI DU PEUPLE
Journal politique quotidien
Rédacteur en chef: JULES VALLÈS
Lundi 24 avril 1871. Numéro 54.
Le numéro: Paris, 5 centimes – Départements, 10 centimes
Rédaction et administration 9, rue d’Aboukir
Bureaux de vente 9, rue d’Aboukir et 13, rue du Croissant

Réunie hier, vendredi, la Franc-Maçonnerie parisienne a défini exactement le mandat à donner à ses délégués qui, ont dû partir aujourd’hui pour Versailles.
Ces mandats se divisent en deux parties:
1° Obtenir un armistice pour l’évacuation des villages bombardés;
2° Demander énergiquement la paix à Versailles, basée sur le programme de la Commune, le seul qui puisse amener la paix définitive.
Ce mandat a été voté à l’unanimité. Il a été décidé ensuite qu’un appel serait fait à tous les francs-maçons de Paris pour entendre le résultat de cette délégation, lundi, à deux heures, salle des Arts-et Métiers, et prendre telle décision qu’il conviendra suivant le résultat.

LA BATAILLE
Malgré les infamies des journaux de Versailles, et malgré les mensonges des journaux réactionnaires de Paris, nos ennemis n’avancent guère, et nous ne perdons pas une pouce de terrain. Si la lutte est défensive de notre côté, c’est que la Commune est avare du sang de ses défenseurs, et qu’elle ne veut avoir aucun reproche à se faire à cet égard.
Quant à l’assemblée de Versailles, c’est autre chose. Elle sent que sa fin approche, et, pour retarder sa perte, elle essaye de tous les moyens, sans se préoccuper s’ils sont vils ou loyaux. C’est pourquoi chaque jour leur attaque augmente en furie.
Chaque fois aussi tous leurs efforts se brisent contre l’inébranlable sang-froid des fédérés.
[…]



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