samedi 30 septembre 2017

Commune de Paris Séance du 24 avril 1871 (10)



Urbain. Ce bataillon a été flétri, outragé de la manière la plus indigne, j’ajouterai même de la façon la plus infâme, pour exprimer toute ma pensée, par le citoyen Rossel…

L’ordre du jour appelle le rapport de la Commission de justice sur les jugements rendus par la Cour martiale.
LE PRÉSIDENT. La parole est au rapporteur de la Commission de Justice.

Le citoyen CLÉMENCE donne lecture du rapport sur la Cour martiale concluant à la nomination d’un tribunal de révision, composé de 7 membres, chargé de réviser les jugements rendus par ladite cour, et demandant en outre à ce que la Cour martiale cesse de fonctionner sitôt après l’organisation faite des conseils de guerre.

URBAIN. Je demande la parole pour combattre les conclusions du rapport. Ce rapport nous fait voir, beaucoup mieux que nous ne le savions hier, quels ont été les agissements de la Cour martiale. On ne connaît pas quels sont les juges qui ont rendu les arrêts, et il en a été rendu de monstrueux. La Cour martiale a été présidée par le citoyen Rossel, dont je me réserve de demander l’arrestation…

(Interruptions.)

… et l’un des jugements qu’elle a rendus, depuis bientôt 48 heures, atteint le bataillon le plus républicain, le seul peut-être qui soit républicain dans le VIIe arrondissement. Ce bataillon a été flétri, outragé de la manière la plus indigne, j’ajouterai même de la façon la plus infâme, pour exprimer toute ma pensée, par le citoyen Rossel, qui a frappé l’un des officiers les plus patriotes, les plus ardents de la Garde nationale; il a été qualifié de la manière la plus indigne, parce que ce procédé a jeté le désarroi le plus complet dans le VIIe arrondissement. Actuellement, par suite des agissements du citoyen Rossel, il serait impossible de réunir, dans le VIIe arrondissement, dix hommes pour aller au feu. Je propose:
«La Commune décrète:
«L’exécution des arrêts de la Cour martiale est suspendue. Les détenus seront relâchés immédiatement et les conseils de légion statueront à nouveau.»

CHARDON pose sa démission.

URBAIN. Si j’avais ici à refaire le procès qui a été jugé depuis 48 heures… Je ne veux pas passionner le débat et je me borne à la proposition que je fais.

LE PRÉSIDENT. Je demande au citoyen Chardon de réserver sa démission.

PARISEL. Citoyens, sans passionner le débat, je veux examiner la question au point de vue politique. Je ne disconviens pas que la Cour martiale ait pu être induite en erreur. Elle a jugé nos pauvres gardes nationaux, comme elle aurait jugé d’anciens soldats. Ainsi, je me rappelle ce que disait l’autre jour le président: «Vous rappelez-vous, à Magenta, ce bataillon de chasseurs qui, croyant trouver des munitions dans un fourgon, n’y trouva que des chaussures. Eh! bien, il marcha à la baïonnette.» Cela est très beau, mais si l’arrêt avait été rendu par un conseil de guerre de l’arrondissement, ce conseil de guerre aurait pu apprécier à sa juste valeur les accusations; il aurait rendu une justice plus entière et plus vraie. Pour moi, je déclare, si ce jugement est maintenu, que la position n’est plus tenable pour nous dans l’arrondissement. On a condamné les officiers du 105e bataillon qui étaient vraiment socialistes, qui nous ont soutenus jusqu’ici. Nous n’avons plus besoin que de deux jours pour réorganiser tout-à-fait nos bataillons de gardes nationaux; mais, dans ces conditions, il nous est impossible de le faire, si le jugement est seulement maintenu quarante-huit heures. C’est à ce point de vue politique que je me place, et non au point de vue judiciaire. J’appelle sur cette question toute l’attention de l’assemblée.

URBAIN dit que le citoyen Chardon a eu tort d’offrir sa démission.
(À suivre.)

Dans le Cri du Peuple du 24 avril 1871 (extraits).

LE CRI DU PEUPLE
Journal politique quotidien
Rédacteur en chef: JULES VALLÈS
Lundi 24 avril 1871. Numéro 54.
Le numéro: Paris, 5 centimes – Départements, 10 centimes
Rédaction et administration 9, rue d’Aboukir
Bureaux de vente 9, rue d’Aboukir et 13, rue du Croissant

LA BATAILLE (suite)
À droite et à gauche de la route du chemin de fer, sur la route qui conduit d’Asnières à Courbevoie, il y avait aussi des troupes ennemies: 51e, 72e et 91e de ligne, ainsi qu’une compagnie de 120 hommes composée d’officiers volontaires.
Le parc d’Asnières était fortement occupé par différents régiments de ligne, massés en colonne serrée, derrière le mur crénelé qui fait face à la rue du Réservoir, appartenant à Clichy.
Nos batteries blindées et celles du bord de l’eau reçurent l’ordre de diriger leurs feux sur Colombes et de maintenir ces divisions.
Pour nous donner le change l’ennemi simula une attaque sur la porte Clichy, attaque repoussée vigoureusement.
Ces colonnes, qui, dans l’esprit de l’état-major versaillais, devaient nous faire beaucoup de mal, virent leur action neutralisée par la fermeté de notre défense, et peu après elles furent forcées de se replier.
Ce n’est donc pas encore pour aujourd’hui qu’aura lieu l’entrée triomphale de M. Thiers, et, du train dont vont les choses, il est plus que probable qu’il se passera un certain temps avant qu’il descende à la place Saint-Georges.
À quatre du matin, après une vive fusillade du côté de Clichy, un silence uniforme se fait des deux côtés.
[…]



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