dimanche 15 octobre 2017

Fatima-Ezzahra Benomar, cofondatrice des Effronté-e-s.: Le patriarcat est rarement à visage découvert

Que de mauvaises surprises ! D’abord quand la scène du Louvre a été envahie par une scène bien
moins solennelle, le 7 mai, soir du sacre, avec des danseuses hypersexualisées. Ensuite, en
apprenant que la première ministre était un homme (et quel homme !) en dépit du fait
qu’Emmanuel Macron avait laissé entendre que sa préférence irait plutôt pour une femme. Belle
façon de nous dire qu’il ne s’en est pas trouvé une compétente pour « prendre ce beau risque » et
succéder au cas unique d’Édith Cresson. Le 8 mars est sans doute la date par excellence où les
promesses électorales assoiffées de buzz, de retweets et de likes n’engagent que celles qui y
croient. Puis en découvrant le profil de celui qui a été préféré à n’importe quelle femme, Édouard
Philippe, contre la PMA, qui s’est abstenu sur la loi pour le mariage pour tou-te-s et la loi
d’égalité réelle femmes-hommes et qui a une plume d’auteur aussi peu inspirée que phallocrate,
voir son roman Dans l’ombre, dans laquelle on aurait préféré qu’il reste. Enfin, coup de grâce, le
ministère des Droits des femmes a encore une fois disparu !
Je dis encore fois car c’est une tradition, une inlassable mise à mort institutionnelle, un
ministère phénix jamais pérennisé. On a d’abord eu un secrétariat d’État en 1974, supprimé deux
ans plus tard puis restauré de 1978 à 1981. Ensuite, un ministère délégué en 1981, qui deviendra
de plein droit de 1985 à 1986… avant de disparaître. Ensuite, il ressuscitera par intermittence
de 1988 à 2007 sous forme de ministères délégués ou de secrétariats d’État. En 2012, Hollande
en fait enfin un vrai ministère de plein exercice avant de l’enterrer deux ans plus tard, remplacé
par un secrétariat d’État sous la tutelle du ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits
des femmes, avec Laurence Rossignol. Bonjour l’intitulé ! Sans parler du fait qu’il a disposé du
plus petit budget de l’État, 0,0066 % ! Cette fois-ci (pourquoi attendre demain quand on peut
trahir aujourd’hui ?), Macron en fait tout de suite un secrétariat d’État, alors même que la
revendication d’un ministère fait l’unanimité dans le mouvement féministe, cette société civile à
laquelle il prétend tendre une oreille attentive. Comment voulez-vous avoir une constance des
politiques publiques et des moyens alloués avec de tels allers-retours ? Pour rappel, nous
comptons aujourd’hui au moins 51 meurtres de femmes depuis le 1er janvier 2017 par leurs
compagnons ou ex. Ce qui n’est que le sommet de l’iceberg. Nous autres, associations, avons une
vue souterraine de ce qui aboutit à ces dénouements sanguinaires mais le patriarcat n’est que
rarement à visage découvert, comme cela peut arriver avec l’irruption des affaires DSK ou
Baupin.
Autant le ministère de Najat Vallaud-Belkacem, qui disposait de toute une administration dédiée
à sa lourde tâche, avait gagné en visibilité, en poids politique, et ainsi pu impulser des lois et des
12
débats, autant peu se souviennent de Pascale Boistard, la secrétaire d’État qui lui a succédé, loin
de la machine du pouvoir. Sans compter le grand écart entre l’annonce faite que les droits des
femmes seront une « grande cause nationale » du quinquennat et la suppression du ministère.
Imagine-t-on un instant que, pour mener à bien l’objectif de la COP21, François Hollande se soit
passé du ministère de l’Écologie ?
C’est d’autant plus dommage qu’il s’est passé quelque chose ces dernières années avec les
collectifs Prenons la une (femmes journalistes), Chair collaboratrice (femmes en politique), les
Women’s March, le #7novembre16h34 pour l’égalité salariale, la grève des femmes du 8 mars,
l’affaire Jacqueline Sauvage, la dessinatrice à succès Emma sur les réseaux sociaux… Bref, toute
une génération de femmes exprime une irrépressible prise de conscience mais reste en avance
sur le politique. On finira par le créer, un jour, ce parti des femmes !

Aucun commentaire: