samedi 14 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 5 mai 1871 (3)




(Suite de la séance du 5 mai 1871.)

ARNOULD. Citoyens, je regrette vivement de voir que le seul membre du Comité de salut public présent ici soit Léo Melliet. Il n’a pas assisté à la séance d’hier, ni à celle de la nuit; par conséquent, les faits dont nous parlons sont ignorés par lui. Il y a un fait sur lequel je reviens; c’est un fait matériel et sur lequel je désire attirer l’attention de l’assemblée. Le général Wroblewski a reçu un ordre signé Félix Pyat, ordre commandant à Wroblewski de se porter à Issy. Hier, à cinquante reprises différentes, Pyat a affirmé d’une façon formelle qu’aucun ordre, d’aucune nature, n’avait été envoyé à Dombrowski, ni à Wroblewski pour se rendre à Issy. Or, le contraire est incontestable. Arnold ayant apporté une pièce authentique, et le fait n’est plus à discuter.
C’est grave, très grave, citoyens. Un membre du Comité de salut public, un membre influent, se trouve dans cette situation d’avoir donné un ordre qu’il a oublié si complètement qu’il le nie maintenant d’une façon absolue; j’ai donc de l’inquiétude, car le Comité de salut public a une responsabilité immense, et quand le membre qui a donné un ordre de cette importance ne se le rappelle pas le lendemain, c’est qu’il a agi pour le moins avec une étrange légèreté. Il y a là une situation pleine de dangers pour la Commune, qui a remis son existence à la garde de cinq membres du Comité de salut public. J’ai combattu leur élection; mais elle est faite, et aujourd’hui je ne viens pas la discuter; seulement, je demande à ces hommes de nous sauver, comme ils s’y sont engagés en acceptant cette situation, au lieu de nous perdre.

VIARD. Le fait se présente sous un jour regrettable, et je vois que vous sortez encore de la question. En présence de l’ancienne Commission exécutive, en présence d’Avrial lui-même, Rossel a déclaré qu’il fallait fusiller Wetzel; il en a même donné l’ordre à Eudes.

VOIX NOMBREUSES. Non! Non! C’était seulement de l’arrêter.

VIARD. Vous savez ce qui s’est passé à Issy et au Moulin-Saquet; je prétends que si vous êtes franchement républicains… Je vois d’ici le citoyen Longuet sourire: il n’y a cependant pas de quoi.

LONGUET. Je souris, et avec raison, d’entendre quelqu’un douter que dans cette Commune, nous soyons franchement républicains.

VIARD. De tous les côtés, dans les rues, dans les clubs, j’entends dire que nous ne savons pas prendre des mesures énergiques. Je déclare encore une fois qu’en présence des dénégations du Comité de salut public et de la lecture des dépêches d’Avrial, vous ne sortirez de ce débat qu’en exigeant que les parties intéressées se trouvent ici présentes ou que, tout au moins, il soit nommé une commission d’enquête. Sans cela, vous resterez encore ici jusqu’à minuit sans rien décider, et vous irriterez les débats qui sont cependant d’une gravité qui n’échappera à personne.

GROUSSET. Il suffit que Pyat soit ici.

VIARD. Cela ne suffit pas.

JOURDE. Cela nous suffit, à nous.

VIARD. Cela ne peut suffire, parce que j’ai. entendu parler Rossel, qui est un militaire en lequel j’ai toute confiance.

LE PRÉSIDENT. Ne faites pas de question particulière; ne raisonnons que sur ce fait qu’il y a un écrit signé Pyat.

AVRIAL. Il y a un mensonge qu’il faut éclaircir.
VIARD. Il faut éclaircir le fait. D’après ce qu’a dit Léo Melliet, une trahison a été commise au Moulin-Saquet, et, heureusement, c’est une trahison isolée; mais il faut en connaître la cause. Vous rappelez-vous la dépêche de Cluseret, nous disant que, par cela même que les francs-maçons avaient été faire une manifestation, le fort d’Issy avait été abandonné? Et il se trouve aujourd’hui que, parce qu’on dit à Wroblewski d’aller à Issy, le Moulin-Saquet est livré! On croirait vraiment qu’on ne peut pas se rendre là-bas sans qu’on ouvre la porte ici. Je répète qu’on ne terminera pas ce débat sans la présence et les explications de toutes les parties intéressées.

LANGEVIN. Je demande que le président lise la liste des membres inscrits.

LE PRÉSIDENT. Est-ce une suspicion contre le président?

LANGEVIN. Mais non! c’est pour connaître les noms des membres inscrits.

LE PRÉSIDENT donne lecture des noms des orateurs inscrits.

ARNOLD. Je demande la parole.

LE PRÉSIDENT. Vous l’avez déjà eue; faites-vous inscrire, si vous le voulez, pour l’avoir une seconde fois, mais à votre tour. Le citoyen Grousset a la parole pour une motion d’ordre.

GROUSSET. Cette discussion peut être terminée en cinq minutes par les explications de Félix Pyat qu’il faut faire demander. Il nous a dit catégoriquement qu’il n’y avait pas de dépêche; nous lui montrerons celle qui porte son nom et alors nous nous prononcerons sur ses explications. Je demande donc que Félix Pyat soit demandé immédiatement.

(C’est cela! Appuyé!)

L’un des secrétaires est invité à aller chercher le citoyen Félix Pyat.
(À suivre.)




Aucun commentaire: