J.-B.
Clément. Sachez bien que ceux, à qui nous allons être si utiles,
ce sont les véritables pauvres, que les spéculateurs ne pourront
profiter de ce décret.
(Suite
de la séance du 25 avril 1871.)
UN MEMBRE. Qu’a-t-on décidé sur les observations de Malon?
MALON. Il a été décidé que nous agirions nous-mêmes.
LE PRÉSIDENT. L’ordre du jour appelle la discussion d’un projet de décret sur les monts-de-piété. Voici une proposition qui a été déposée sur le bureau: «Considérant que, depuis le début de la guerre […]
«Décrète:
«Article 1er. Les instruments de travail, meubles, objets de literie, lingerie, habillement, engagés dans les monts-de-piété, quelle que soit la date de l’engagement, au-dessous de 50 fr. peuvent être retirés gratuitement, à partir du présent jour.
«Art. 2. Les objets susdits ne seront délivrés qu’aux propriétaires.
« Le délégué aux finances sera chargé de l’exécution du présent décret.»
AVRIAL. J’ai présenté ce projet de décret, parce qu’il faut montrer que nous nous occupons du peuple qui a fait la révolution du 18 mars. Le peuple, qui a mangé du pain noir, a le droit qu’on lui tienne compte de ses souffrances, et, pour le satisfaire par des mesures légitimes, il ne faut pas qu’on s’arrête à quelques millions. L’institution du Mont-de-Piété doit disparaître; en attendant, il faut donner une première satisfaction aux braves qui vont se battre.
V. CLÉMENT. Je suis pour l’adoption du projet. Qu’il me soit permis seulement de signaler un fait très grave. Je sais pertinemment que deux logeuses ont fait engager leur linge par des personnes étrangères, dans la perspective de bénéficier de ce décret.
UN MEMBRE. Ce sont des questions de détail.
MEILLET. J’ai beaucoup réfléchi à la question soulevée par Avrial. J’entends toujours dire qu’on ne peut pas s’occuper de questions de détail. Ce n’est pas mon avis. C’est un tort. On dirait en vérité que vous n’êtes pas au courant de ce qui se passe dans les arrondissements qui vous ont nommés. Ceux qui sont constamment en rapport avec la population ne peuvent pas dire cela. Dans la plupart des arrondissements malheureux, des spéculateurs ont déjà pris leurs mesures en prévision des décrets de la Commune. Eh! bien, je le déclare , il serait immoral de leur restituer l’argent déposé au Mont-de-Piété. Vous ne supposez pas qu’on fait des spéculations avec le Mont-de-Piété. Je dis en terminant ceci: Ce qu’il faut déclarer, c’est qu’aucun objet déposé au Mont-de-Piété ne pourra être restitué à son vrai possesseur sans une attestation légale du maire de l’arrondissement.
Voici le projet que je propose:
«La Commune de Paris décrète:
« Article 1. Les objets mobiliers, effets d’habillement, lingerie, instruments de travail et meubles de toute nature déposés au Mont-de-Piété pourront en être retirés gratuitement jusqu’à concurrence de 50 francs;
«Art. 2. Ce retrait ne pourra avoir lieu que sur un certificat délivré par le maire;
«Art. 3. À dater de la promulgation du présent décret, le Mont-de-Piété ne recevra plus d’engagements;
«Art. 4. Le délégué aux finances est chargé de l’exécution du présent décret.»
«L. MEILLET»
ARNAUD. Il y a des citoyens qui ont engagé depuis 18 mois des objets les plus indispensables, tels que du linge par exemple. Le décret du gouvernement de la Défense nationale en faisait remonter l’effet à une date antérieure; il n’y a que les personnes, qui ont engagé depuis le mois de juillet jusqu’aujourd’hui, qui pourront profiter de votre décret, si vous ne le modifiez. Ces personnes, n’ayant pu renouveler leurs engagements, auraient vu vendre leur linge, si nous n’avions pas rendu de décret. Je demande que, quelle que soit la date de l’engagement, on puisse retirer les objets déposés. J’appuie au surplus la proposition du citoyen Avrial d’abolir le Mont-de-Piété et de décréter la gratuité des engagements.
ARNOULD. J’appuie le principe de la proposition Avrial et l’amendement du citoyen Léo Meillet. Jusqu’ici, nous ne nous sommes pas assez occupés des travailleurs au point de vue social; nous nous en sommes occupés surtout au point de vue militaire, et cela ne suffit pas. Dans nos discussions, nous nous laissons entraîner souvent par la beauté du principe et nous ne prenons pas toujours les précautions nécessaires pour l’application. En fait, pour entrer dans la discussion, je vous signalerai le second paragraphe du projet, où il est question. de la suppression des monts-de-piété. Sans doute, il faudra en venir là; cet article n’est pas assez net pour la masse de la population, qui ne saura pas comment on remplacera les monts-de-piété. Il lui faut un peu plus d’explications. Généralement, dans nos décrets, l’intention est excellente, mais ils ne sont pas assez digérés; et, pour deux ou trois phrases qui sont de trop ou qui manquent, ils peuvent quelquefois manquer le but ou le dépasser. C’est pour cela que je demande une discussion approfondie.
LERANÇAIS. Je suis absolument opposé à l’amendement de Léo Meillet. Je trouve étrange que la Commune, après avoir voté, haut la main, l’abolition du droit locatif pendant trois termes en faveur de tous les locataires de Paris, et fait un décret tel que les Potins [quelques-uns - Journal Officiel] ont pu faire de gros bénéfices pendant le siège sans payer ensuite leur propriétaire, je trouve étrange, dis-je, que, quand on a accepté une pareille mesure, on s’oppose à ce que les objets soient retirés des monts-de-piété, jusqu’à la concurrence de 50 francs. Qu’il y ait des abus possibles, c’est incontestable, mais en considération de la somme fixée dans le décret, je ne crois pas que de gros exploiteurs pourront en profiter. J’approuve donc complètement le projet Avrial sous ce rapport. Pour ce qui est de l’article relatif à la liquidation du Mont-de-piété, je ne suis ni avec Avrial, ni avec Meillet, et je demande purement et simplement la suppression de cet article. Si la Commune triomphe, comme il faut l’espérer [c’est certain - Journal Officiel], tout ce qui s’appelle Assistance publique, hôpital, maison de secours, mont-de-piété disparaîtra sûrement. Mais ceci correspond à une série d’institutions économiques nouvelles que vous ne pouvez formuler dans un article de décret; vous jetteriez pour le moment la confusion dans les esprits, en déclarant purement et simplement la suppression des monts-de-piété et des hôpitaux. Avant de les supprimer, il faut les rendre inutiles, et ce n’est qu’en présentant tout un programme de réformes que nous arriverons à créer un système qui permettra de supprimer l’assistance publique sous toutes ses formes, hospices, hôpitaux, monts-de-piété. Mais, je le répète, il faut des institutions nouvelles, et vous ne pouvez en faire l’objet d’un décret qui serait incomplet et par conséquent incompris (et) qui vous attirerait plus d’ennemis que d’amis. Ceci admis, je reviens à la première partie du projet d’Avrial, et je dis qu’il est impossible de faire passer par la filière d’une enquête le retrait de ces objets jusqu’à concurrence de 50 francs.
J.-B. CLÉMENT. Il n’y a que les considérants d’Avrial que je n’admets pas. Je ne vois pas trop quelle peut être l’utilité d’une restriction. Sachez bien que ceux, à qui nous allons être si utiles, ce sont les véritables pauvres, que les spéculateurs ne pourront profiter de ce décret. Songez donc que la plupart du temps, ces engagements se montent à 8 et 10 francs et qu’un fripier ne paierait la reconnaissance pas plus de 50 centimes. Croyez-vous qu’un spéculateur puisse profiter d’engagements si modiques?
UN MEMBRE. Qu’a-t-on décidé sur les observations de Malon?
MALON. Il a été décidé que nous agirions nous-mêmes.
LE PRÉSIDENT. L’ordre du jour appelle la discussion d’un projet de décret sur les monts-de-piété. Voici une proposition qui a été déposée sur le bureau: «Considérant que, depuis le début de la guerre […]
«Décrète:
«Article 1er. Les instruments de travail, meubles, objets de literie, lingerie, habillement, engagés dans les monts-de-piété, quelle que soit la date de l’engagement, au-dessous de 50 fr. peuvent être retirés gratuitement, à partir du présent jour.
«Art. 2. Les objets susdits ne seront délivrés qu’aux propriétaires.
« Le délégué aux finances sera chargé de l’exécution du présent décret.»
AVRIAL. J’ai présenté ce projet de décret, parce qu’il faut montrer que nous nous occupons du peuple qui a fait la révolution du 18 mars. Le peuple, qui a mangé du pain noir, a le droit qu’on lui tienne compte de ses souffrances, et, pour le satisfaire par des mesures légitimes, il ne faut pas qu’on s’arrête à quelques millions. L’institution du Mont-de-Piété doit disparaître; en attendant, il faut donner une première satisfaction aux braves qui vont se battre.
V. CLÉMENT. Je suis pour l’adoption du projet. Qu’il me soit permis seulement de signaler un fait très grave. Je sais pertinemment que deux logeuses ont fait engager leur linge par des personnes étrangères, dans la perspective de bénéficier de ce décret.
UN MEMBRE. Ce sont des questions de détail.
MEILLET. J’ai beaucoup réfléchi à la question soulevée par Avrial. J’entends toujours dire qu’on ne peut pas s’occuper de questions de détail. Ce n’est pas mon avis. C’est un tort. On dirait en vérité que vous n’êtes pas au courant de ce qui se passe dans les arrondissements qui vous ont nommés. Ceux qui sont constamment en rapport avec la population ne peuvent pas dire cela. Dans la plupart des arrondissements malheureux, des spéculateurs ont déjà pris leurs mesures en prévision des décrets de la Commune. Eh! bien, je le déclare , il serait immoral de leur restituer l’argent déposé au Mont-de-Piété. Vous ne supposez pas qu’on fait des spéculations avec le Mont-de-Piété. Je dis en terminant ceci: Ce qu’il faut déclarer, c’est qu’aucun objet déposé au Mont-de-Piété ne pourra être restitué à son vrai possesseur sans une attestation légale du maire de l’arrondissement.
Voici le projet que je propose:
«La Commune de Paris décrète:
« Article 1. Les objets mobiliers, effets d’habillement, lingerie, instruments de travail et meubles de toute nature déposés au Mont-de-Piété pourront en être retirés gratuitement jusqu’à concurrence de 50 francs;
«Art. 2. Ce retrait ne pourra avoir lieu que sur un certificat délivré par le maire;
«Art. 3. À dater de la promulgation du présent décret, le Mont-de-Piété ne recevra plus d’engagements;
«Art. 4. Le délégué aux finances est chargé de l’exécution du présent décret.»
«L. MEILLET»
ARNAUD. Il y a des citoyens qui ont engagé depuis 18 mois des objets les plus indispensables, tels que du linge par exemple. Le décret du gouvernement de la Défense nationale en faisait remonter l’effet à une date antérieure; il n’y a que les personnes, qui ont engagé depuis le mois de juillet jusqu’aujourd’hui, qui pourront profiter de votre décret, si vous ne le modifiez. Ces personnes, n’ayant pu renouveler leurs engagements, auraient vu vendre leur linge, si nous n’avions pas rendu de décret. Je demande que, quelle que soit la date de l’engagement, on puisse retirer les objets déposés. J’appuie au surplus la proposition du citoyen Avrial d’abolir le Mont-de-Piété et de décréter la gratuité des engagements.
ARNOULD. J’appuie le principe de la proposition Avrial et l’amendement du citoyen Léo Meillet. Jusqu’ici, nous ne nous sommes pas assez occupés des travailleurs au point de vue social; nous nous en sommes occupés surtout au point de vue militaire, et cela ne suffit pas. Dans nos discussions, nous nous laissons entraîner souvent par la beauté du principe et nous ne prenons pas toujours les précautions nécessaires pour l’application. En fait, pour entrer dans la discussion, je vous signalerai le second paragraphe du projet, où il est question. de la suppression des monts-de-piété. Sans doute, il faudra en venir là; cet article n’est pas assez net pour la masse de la population, qui ne saura pas comment on remplacera les monts-de-piété. Il lui faut un peu plus d’explications. Généralement, dans nos décrets, l’intention est excellente, mais ils ne sont pas assez digérés; et, pour deux ou trois phrases qui sont de trop ou qui manquent, ils peuvent quelquefois manquer le but ou le dépasser. C’est pour cela que je demande une discussion approfondie.
LERANÇAIS. Je suis absolument opposé à l’amendement de Léo Meillet. Je trouve étrange que la Commune, après avoir voté, haut la main, l’abolition du droit locatif pendant trois termes en faveur de tous les locataires de Paris, et fait un décret tel que les Potins [quelques-uns - Journal Officiel] ont pu faire de gros bénéfices pendant le siège sans payer ensuite leur propriétaire, je trouve étrange, dis-je, que, quand on a accepté une pareille mesure, on s’oppose à ce que les objets soient retirés des monts-de-piété, jusqu’à la concurrence de 50 francs. Qu’il y ait des abus possibles, c’est incontestable, mais en considération de la somme fixée dans le décret, je ne crois pas que de gros exploiteurs pourront en profiter. J’approuve donc complètement le projet Avrial sous ce rapport. Pour ce qui est de l’article relatif à la liquidation du Mont-de-piété, je ne suis ni avec Avrial, ni avec Meillet, et je demande purement et simplement la suppression de cet article. Si la Commune triomphe, comme il faut l’espérer [c’est certain - Journal Officiel], tout ce qui s’appelle Assistance publique, hôpital, maison de secours, mont-de-piété disparaîtra sûrement. Mais ceci correspond à une série d’institutions économiques nouvelles que vous ne pouvez formuler dans un article de décret; vous jetteriez pour le moment la confusion dans les esprits, en déclarant purement et simplement la suppression des monts-de-piété et des hôpitaux. Avant de les supprimer, il faut les rendre inutiles, et ce n’est qu’en présentant tout un programme de réformes que nous arriverons à créer un système qui permettra de supprimer l’assistance publique sous toutes ses formes, hospices, hôpitaux, monts-de-piété. Mais, je le répète, il faut des institutions nouvelles, et vous ne pouvez en faire l’objet d’un décret qui serait incomplet et par conséquent incompris (et) qui vous attirerait plus d’ennemis que d’amis. Ceci admis, je reviens à la première partie du projet d’Avrial, et je dis qu’il est impossible de faire passer par la filière d’une enquête le retrait de ces objets jusqu’à concurrence de 50 francs.
J.-B. CLÉMENT. Il n’y a que les considérants d’Avrial que je n’admets pas. Je ne vois pas trop quelle peut être l’utilité d’une restriction. Sachez bien que ceux, à qui nous allons être si utiles, ce sont les véritables pauvres, que les spéculateurs ne pourront profiter de ce décret. Songez donc que la plupart du temps, ces engagements se montent à 8 et 10 francs et qu’un fripier ne paierait la reconnaissance pas plus de 50 centimes. Croyez-vous qu’un spéculateur puisse profiter d’engagements si modiques?
(À
suivre.)
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