mercredi 4 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 26 avril 1871 (6)




ALFRED BILLIORAY. Le sang des hommes ne se paie pas avec de la pierre.

 (Suite de la séance du 26 avril 1871.)
URBAIN. Je m’étonne qu’un formalisme, qui n’a plus sa raison d’être, demande un jugement en règle pour les représailles que nous avons à exercer. Est-ce que les sauvages de Versailles ont pris des formes pour assassiner ? Je suis de l’avis de Billioray. Frappez les gros, et puis ils y feront attention.
BERGERET. Je ne suis nullement de l’avis qu’on vient de proposer. D’après moi, il serait inique de fusiller quatre gendarmes. En fusillant l’archevêque de Paris, vous atteignez les gens de Versailles. Il faut les frapper dans leurs intérêts, il faut prendre leurs hypothèques et les brûler en place publique. Nous les tenons par le ventre, ils sont à nous.
LEFRANÇAIS. Meillet a dit que son bataillon n’avait jamais fait de prisonniers. Je demande qu’on laisse les bataillons livrés à leur propre inspiration.
MEILLET. Les bataillons ne font pas de prisonniers, ils ne savent pas ce que c’est. Ils fusillent les hommes qui ne veulent pas se battre. Mais je dois dénoncer une chose affreuse, monstrueuse ; le droit des gens a été violé. Il faut que les auteurs soient punis sévèrement.
GÉRARDIN approuve Meillet. « Il faut donner satisfaction aux bataillons. »
VAILLANT. Il faut que la Commune se souvienne de ses décrets. Je crois qu’un jugement motivé, disant d’où viennent les représailles, aurait plus de valeur, plus de mérite aux yeux de nos adversaires mêmes. Il faut faire la différence entre ceux qui veulent nous jeter à terre et ceux que l’on force à nous combattre. Mais rappelez-vous que nous devons frapper la propriété par nos décrets socialistes.
VALLÈS. Si la Commune décide que l’on doit fusiller les prisonniers, il arrivera que Versailles vous répondra qu’il désapprouve les actes violents commis par ses troupes et les excusera par l’entraînement du combat. Versailles aura donc aux yeux de tous le beau rôle et nous le vilain.
RIGAULT. Rappelez-vous la lettre de Thiers à propos de Flourens et de Duval. Mon avis est que l’on doit agir en représailles et que nous ne devons pas hésiter un seul instant.
AVRIAL. Citoyens, examinez bien la voie dans laquelle vous allez vous engager. Vous avez, à Versailles, 3 ou 400 pères de famille que vous exposerez au plus grand danger, et soyez certains que l’ennemi n’hésitera pas à en sacrifier un grand nombre. Il faut, avant de prendre là-dessus une détermination, faire une enquête. Il importe que nous ne procédions que légalement, et que, s’il y a des exécutions, on n’y procède qu’en vertu de jugements rendus par un tribunal régulièrement saisi. Allez sur le champ de bataille, et vous me direz en revenant si vous serez aussi prompts à ordonner ces représailles. Il s’est passé à Neuilly aujourd’hui un fait admirable. Des gendarmes et des soldats de la ligne ont fait des signes amicaux à nos gardes nationaux. Au lieu de frapper en masse, frappez la tête, mais auparavant organisez votre justice et vos conseils.
JOURDE. Si nous devons user de représailles, faisons-le légalement, mais ne nous assassinons pas. Soyez inspirés par la justice. Faites-le avec un sentiment qui ne soit pas celui de la vengeance.
URBAIN. Jamais la corvée n’aurait été abolie, si la première république avait été aussi généreuse que la seconde.
A. ARNOULD. Je trouve que les représailles sanglantes auraient un côté dangereux, qui a été fort bien signalé par plusieurs orateurs ! Dans tout cela, il y a un grand criminel, c’est Thiers. Vous avez décidé la confiscation de son hôtel ; mais, comme il espère rentrer dans Paris et retrouver sa propriété, cette confiscation ne l’a point frappé. Si l’on veut sévir, c’est d’abord par lui qu’il faut commencer. Il bombarde nos maisons, il entasse ruines sur ruines. Eh ! bien, rendez-lui la pareille. Démolissez, rasez son hôtel, et, sur le terrain devenu libre, élevez quelque monument d’utilité publique. Si je vous soumets cette proposition, qui me paraît pratique, qui me paraît juste, qui ne présente pas les inconvénients des autres propositions, vous avez entre les mains quelque chose qui appartient à Thiers. Commencez par raser cette propriété, je ne dis pas de la vendre, sachez-le bien, je dis de la raser, de la détruire, qu’il n’en reste pas une pierre.
LE PRÉSIDENT [donne lecture de la proposition] : « Que les biens de M. Thiers soient rasés ou vendus au profit des familles des malheureuses victimes. »
UNE VOIX. Il y a longtemps que c’est décrété.
ARNOULD. À qui les vendrez-vous ? Vous ne trouverez pas d’acheteurs.
GAMBON. Je crois que, dans des discussions de ce genre, il faut apporter le plus grand calme et ne pas prendre de décision précipitée. La première chose à faire est de savoir si le fait que l’on vient de vous signaler est exact, et ensuite seulement prendre des mesures énergiques. Je demande donc qu’une enquête soit faite immédiatement par les soins d’un procureur de la Commune nommé par vous. Le fait établi, nous le signalerons à Thiers, et nous lui dirons : « Vous avez fusillé quatre de nos soldats ; nous vous demandons l’officier qui a commandé le feu. Si vous ne nous le livrez pas, la Commune prendra telle mesure qu’elle voudra. » C’est la marche que nous devons suivre, car Versailles pourrait nous dire : « Le fait n’est pas exact », ou : « Le fait est exact, mais nous l’avons réprouvé », et tout l’odieux de cette mesure tomberait sur nous.
MEILLET. Consultez l’assemblée sur la proposition Gambon pour la nomination d’une commission d’enquête.
URBAIN. Une nouvelle proposition se prépare. Je demande qu’on attende le dépôt de cette proposition sur le bureau.
ALLIX. J’ai déposé une proposition très courte. Je demande qu’on en donne lecture.

Lecture de la proposition du citoyen Allix 
[manque].
BILLIORAY. Le sang des hommes ne se paie pas avec de la pierre.
(À suivre.










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