vendredi 6 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 28 avril 1871 (3)





(Suite de la séance du 28 avril 1871.)

ANDRIEU. J’avais demandé la parole pour parler dans le même sens que le citoyen Vaillant. J’appuie donc ce qu’il vient de dire. Dans l’Officiel, tout devrait être officiel. Si un seul rédacteur ne suffit pas, qu’on en nomme plusieurs.

LE PRÉSIDENT prononce quelques mots dans le même sens.

LEFRANÇAIS. Je demande, devant cet incident qui se reproduit encore aujourd’hui, que l’on procède à la nomination d’une nouvelle rédaction officielle. Le citoyen Longuet est seul pour s’occuper de cette besogne. Il est. en même temps administrateur de son arrondissement ; il ne peut évidemment s’occuper des deux fonctions à la fois. J’ai accepté avec plusieurs de mes collègues de prendre part aux travaux du VIe arrondissement, qui est très important ; mais nous sommes exposés à ce que les électeurs nous disent qu’ils ne nous connaissent pas, puisqu’ils ont nommé le citoyen Longuet. Je demande que le citoyen Longuet reste à son arrondissement et qu’on le remplace à l’Officiel.

LE PRÉSIDENT. L’assemblée veut-elle donner suite à l’incident ?

ALLIX. Les municipalités sont plus importantes qu’un journal.

VÉSINIER. Je demande qu’un numéro de l’Officiel soit envoyé à chaque membre de la Commune.

J.-B. CLÉMENT. Je demande que l’Officiel soit mis à 5 cenlimes. (Interruptions !) Veuillez m’écouter, je demande que le Journal Officiel de la Commune de Paris ne soit pas le plus cher des journaux de Paris. Je demande qu’on le mette à la portée de nos soldats.

UN MEMBRE. Je ne comprends même pas qu’une résolution n’ait pas déjà été prise à ce sujet.

LE PRÉSIDENT. Je n’étais pas là, lorsque cette question a déjà été discutée, mais il me semblait que le citoyen Longuet avait demandé d’abord un caissier pour arriver à établir une situation régulière et fixer le prix du journal.

UN MEMBRE. Remettons l’incident à la fin de la séance.

(Protestations !)

VÉSINIER. J’insiste pour qu’un numéro de l’Officiel soit adressé à chaque membre.

LE PRÉSIDENT. Ce sera l’objet d’une motion d’ordre à proposer. Je vais passer à l’ordre du jour. Deux membres avaient demandé à faire d’importantes communications.

BILLIORAY. On passe sur la question de l’Officiel. Je demande qu’il soit mis à 5 centimes ou qu’on dise pourquoi le décret n’est pas encore exécuté.

LE PRÉSIDENT. Je consulte l’Assemblée sur la question de donner suite à la discussion sur leJournal Officiel.

L’Assemblée décide que la discussion sera continuée.

LEFRANÇAIS. La discussion porte à la fois sur le prix et sur la direction du Journal Officiel.

ALLIX. Il n’est pas nécessaire qu’un membre de la Commune ait la direction de l’Officiel.

LEFRANÇAIS. Au contraire, le directeur du Journal Officiel doit être pris en dehors de la Commune.

BILLIORAY. Je demande qu’il y ait une direction qui fasse vendre et distribuer l’Officiel. Tous les journaux de Paris ont des marchands, l’Officiel seul, n’a rien. Il devrait être le plus répandu des journaux de Paris. D’un autre. côté, il faudrait surveiller davantage ce journal. Il y a des articles dans ce journal qui ne devraient pas y être.

UN MEMBRE. Et des décrets !

BILLIORAY. Le citoyen Longuet ne lit pas son journal. Aujourd’hui, il y a un fait relatif aux Prussiens qui auraient donné des canons aux Versaillais. Je crois qu’un contrôle devrait être exercé avant qu’on mît ces nouvelles au jour.

VARLIN. Je crois que chaque fois que vous faites des décrets, il serait bon que vous chargiez quelqu’un de l’exécution de ces décrets. C’est ce qu’on n’a pas fait pour cette question de l’Officiel. De quel ministère dépend l’Officiel ?

OSTYN. De l’Intérieur, ou plutôt de la Sûreté générale.

VARLIN. Eh ! bien, chargez la Sûreté générale de prendre les mesures nécessaires pour que l’Officiel soit vendu dès demain 5 centimes. Quant à la question financière, on peut la régler d’ici deux ou trois jours !

GROUSSET. Citoyens, j’ai parlé de cette question avec Longuet, qui m’a fait observer que la question était plus large que cela. L’Officiel est une propriété individuelle ; avant de le mettre à 5 centimes, vous avez donc à le déclarer propriété de la Commune, et puis vous aurez à faire dresser un état de situation de la caisse afin d’indemniser, s’il y a lieu, le propriétaire. Vous auriez donc à nommer une Commission chargée de régler cette question.

JOURDE. Je crois que la seule question qui puisse se poser à propos de l’Officiel est celle de finances. Eh bien ! vous pouvez le mettre à 5 centimes. Maintenant, l’Officiel appartient pour le moment à une industrie privée. Vous ne pouvez pas décréter qu’une valeur de 20 sous sera vendue à 5 centimes. Mais je crois que votre Commission de finances pourra s’entendre avec les propriétaires de l’Officiel, afin de les rembourser des pertes qu’ils pourraient faire. Votre délégué aux Finances peut prendre les mesures générales, de manière à ce que, dès demain, l’Officiel soit vendu 5 centimes. Il est important pour la Commune que notre journal ait une unité de direction, pour qu’il soit rédigé de façon à ce que des rédacteurs intelligents, sérieux, soient mis à l’Officiel et servent la Commune au lieu de la desservir.

OSTYN. Je demanderai si les membres de la Commune peuvent y envoyer des articles.

LE PRÉSIDENT lit la proposition suivante :
« Je demande que l’Officiel soit distrait de la Sûreté et envoyé à l’Enseignement. »

ANDRIEU. Citoyens, la Commission de Sûreté, si elle était consultée dans tous ses membres, serait la première à reconnaître qu’elle n’a pas le temps nécessaire pour bien juger d’une question de rédaction. Je dois dire qu’il ne faut pas oublier que l’Officiel s’appelle toujoursJournal Officiel de la République française, quand il devrait simplement s’appeler Journal Officiel de la Commune. Il doit appartenir à la Commission qui représente la Commune dans son unité d’action, je veux dire la Commission exécutive.

THEISZ. On peut dire qu’on chargerait le délégué aux finances de l’exécution.

JOURDE. Vous chargerez la Sûreté de s’entendre avec moi ; mais, d’abord, il faut que la Sûreté s’entende avec les possesseurs actuels pour les indemniser, sur leurs propositions, si elles sont fondées. Je puis déclarer que j’indemniserai pour les frais que fera l’Officiel, lequel sera vendu 3 centimes.

LE PRÉSIDENT donne lecture de la proposition suivante :
« Le Journal Officiel se vendra à partir de demain 29 avril à raison de 0,05 centimes. Le délégué des finances est chargé d’allouer l’indemnité réclamée sur pièces justificatives par l’administration du journal. La Commission de Sûreté générale est chargée de liquider la situation administrative du Journal Officiel, de fixer l’indemnité et d’administrer ce journal au nom de la Commune. »
« JOURDE »

JOURDE. La semaine dernière, il y avait à l’Officiel un déficit de 942 francs que j’ai payé. Il est clair que nous pourrions, dès aujourd’hui, nous emparer de l’Officiel, mais une pareille mesure ne pourrait se faire du jour au lendemain sans une profonde perturbation. Je désire donc que, pour le moment, la Sûreté générale surveille autrement ce journal. En attendant, les Finances feront tous leurs efforts, et je pourrai payer les écarts : les écritures sont régulières, il n’y a pas d’inconvénient à ce que la Commune me donne l’autorisation d’agir de la sorte. Que la Sûreté veille activement à la rédaction du journal, je me charge de la partie financière.

RÉGÈRE. Il faudrait pour cela admettre la bonne foi de l’administration. Or je crois qu’elle est hostile ; elle travaille dans le sens de l’amoindrissement de la vente. Je l’ai étudiée depuis un mois, et j’ai plus que des soupçons à cet égard ; en outre, elle présente des comptes qu’il me semble difficile d’admettre sans contrôle. Je crois qu’il serait bien plus rationnel de remplacer l’administration par la Commune elle-même.

VERMOREL. J’appuie la proposition Jourde ; seulement, je demande que la rédaction du journal ne soit pas donnée à la Sûreté générale, mais bien à la Commission exécutive. L’Officiel résume le travail de toutes les commissions, il est très naturel que la Commission exécutive le prenne.

LE PRÉSIDENT. Voici un projet de décret proposé par le citoyen Andrieu :
« Art. 1er. Le Journal Officiel prendra le nom de Journal de la Commune. »
Il y a là une question politique à discuter, mais, tout de suite, on pourrait résoudre celle de savoir si l’Officiel passera de la Sûreté à la Commission exécutive.

GROUSSET. Je m’oppose absolument pour mon compte à ce que le titre du Journal Officiel soit changé. Le titre actuel est une force pour nous ; si nous prenions celui de Journal de la Commune de Paris, nous nous retirerions cette force. Le Journal Officiel de la République française est à Paris ; quel intérêt avons-nous à le changer ? Aucun : Quel intérêt à le conserver ? Celui-ci, c’est que, pour toute la France, le Journal Officiel de la République est et doit être à Paris et que le véritable Journal Officiel ne peut pas être celui de Versailles. Nous détenons là une sorte d’otage matériel, le Journal de la République française. Je demande qu’on lui conserve ce caractère, et qu’on n’annule pas le gage entre nos mains.

(Approbations !)

ANDRIEU. Je retire mon article premier et mon projet de décret n’aura plus que quatre articles.

JOURDE. Votre projet propose de déclarer que le Journal Officiel est propriété de la Commune ; on ne peut procéder ainsi par voie d’expropriation publique. Je renouvelle ma proposition qui consiste à dire que la Sûreté générale prendra possession de l’Officiel et que le délégué aux Finances paiera une indemnité.

(Aux voix !)

La proposition Jourde est mise aux voix et adoptée.

LE PRÉSIDENT. Il y a maintenant une autre question ; c’est celle de savoir si l’administration de l’Officiel dépendra de la Sûreté ou…

PLUSIEURS VOIX. Cela viendra plus tard.
(À suivre.)



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