vendredi 6 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 28 avril 1871 (5)








Suite de la séance du 28 avril 1871.)
LE PRÉSIDENT. Avant de passer à l’ordre du jour, j’aurai à donner la parole au citoyen Miot pour une communication. Mais auparavant, je donnerai communication à l’assemblée de la démission de membre de la Commission de travail et d’échange du citoyen Parisel. Il demande en même temps la permission de ne plus être aussi assidu à nos séances.
MIOT. J’ai été chargé de vous remettre une adresse des États-Unis d’Europe, section républicaine belge.

Le citoyen MIOT donne lecture de l’adresse :
« Aux citoyens membres de la Commune de Paris.
« Citoyens,
« Les membres de la Ligue des États-Unis d’Europe (section républicaine belge) réunis en assemblée générale, hier, mardi 15 courant, ont adhéré à votre programme.
« L’Assemblée a décidé, citoyens, de rendre publique cette adhésion, afin d’infliger un éclatant démenti à toutes les calomnies que des gens intéressés répandent dans le public et de vous témoigner ainsi qu’elle prend pour ce qu’ils valent les mensonges de l’incestueuse coalition entre le gouvernement de Versailles et les prétendants de toute nuance.
«En attendant que l’histoire impartiale, écrite par des gens non soudoyés, rétablisse dans leur véritable signification les faits actuels et fasse justice de toutes ces ignobles menées contre le principe de l’émancipation du peuple par la Commune, nous vous adressons, citoyens, l’expression de notre fraternelle estime.
« Au nom de la section républicaine belge des États-Unis d’Europe.
« Pour le Comité central,
« Le secrétaire :
« Aug. VANDEKERKHOVE.
« Le président :
P. A. WOSSART ».

Il est renvoyé pour la réponse à la délégation aux affaires extérieures. La parole est au citoyen Vermorel.
VERMOREL. Dans l’intérêt des principes que nous représentons ici, nous avons le devoir de nous faire respecter, et, pour ce faire, il faut que nous soyons respectables. C’est pour cela que vous avez nommé une Commission d’enquête sur les membres de la Commune. Le citoyen Félix Pyat, qui s’est absenté de nos séances pendant un certain temps, a profité de cette absence pour formuler contre moi des accusations assez graves : je demande purement et simplement que la Commune renvoie à la Commission d’enquête les accusations du citoyen Pyat. Et, en m’asseyant, je me permets de regretter que le citoyen Félix Pyat n’ait pas formulé plus tôt ces accusations, et notamment lorsque j’ai été désigné pour faire partie de la Commission exécutive.
PYAT. Je n’ai pas formulé plus tôt ces accusations, parce que je n’ai vu la lettre qu’il y a deux ou trois jours.

Renvoyé à la Commission d’enquête.
SERRAILLER. Je demande que la Commission d’enquête ait aussi à statuer sur les calomnies imputées contre moi par le citoyen Pyat, et je me plains hautement que le citoyen Pyat n’ait pas cru formuler ces reproches, quand je me suis présenté comme candidat à cette assemblée.
BESLAY. J’ai à vous parler d’une mission de citoyens de la ville du Hâvre. Ces citoyens m’ont chargé de porter à la connaissance de la Commune leurs agissements avec Versailles. Ils n’ont pu, pendant deux jours qu’ils y sont restés, être reçus par M. Thiers, ils ont été reçus par Barthélemy Saint-Hilaire, qui leur a dit qu’il n’y avait pas de conciliation à attendre. Ils étaient arrivés avec des opinions bien contraires à celles qu’ils en ont rapportées.

Le citoyen président lit la communication suivante relative à l’incorporation des officiers, sous-officiers et soldats de l’armée de Versailles dans les rangs de la Garde nationale.
BRUNEL. Je connais les officiers, j’ai assez vécu avec eux, jamais je n’y ai rencontré un seul républicain. Je le sais, ma position a été brisée. Je m’oppose à ce qu’on les reçoive dans notre camp.
LE PRÉSIDENT. Nous avons été dans les casernes, au Château d’Eau ; là, nous avons vu les gardes nationaux, admirables de simplicité et d’entrain pour la Commune. Nous avons vu des soldats désarmés, nous sommes partis véritablement désolés de l’état de ces soldats, qui ont déclaré qu’ils avaient déposé leurs armes pour fuir le danger, qu’ils s’étaient mis avec les républicains pour fuir leurs balles et qu’ils ne voulaient pas aujourd’hui recevoir des balles versaillaises.

Une discussion s’engage sur une proposition déposée par le citoyen MORTIER.
RASTOUL. Depuis 48 heures, j’ai donné ma démission d’inspecteur des ambulances, et je ferai remarquer à l’assemblée que, depuis, je n’ai pas encore été remplacé.
OSTYN. Je vois de ma place les préparatifs d’une fête. Je voudrais savoir ce qui se passe et que nous ne soyons pas toujours trois ou quatre, lorsque nous devons être représentés en corps.
CLÉMENT. Je profite de cette observation très juste pour demander aussi que le rapport militaire nous soit communiqué.
UN MEMBRE. J’entrais à l’Hôtel-de-Ville, lorsque j’ai rencontré le citoyen Bertrand, de la municipalité du XIXe arrondissement ; il m’a déclaré que les francs-maçons devaient se réunir pour aller avec les bannières contre les Versaillais.
OSTYN. Nous savons cela, mais je demande ce qui se prépare pour demain.
ANDRIEU. Cela a été expliqué hier, mais comme nous n’étions pas tous présents, je vais répéter. Les francs-maçons se réuniront demain à 9 heures, cour du Louvre, avec toutes leurs bannières. Dès que la Commission exécutive l’a eu appris, elle a pensé, et je suis chargé de vous le dire, qu’il serait bon qu’une délégation de la Commune partît de l’Hôtel-de-Ville, allât trouver les francs-maçons pour les prier d’être reçus solennellement par la Commune ; il ne faut pas oublier que, la dernière fois, nous avons été surpris par eux et que nous n’avons pu les recevoir avec la solennité désirable. La Commune aurait grand tort de négliger le côté théâtral de ces cérémonies, elles frappent l’imagination du peuple, et l’on ne saurait communier trop avec lui. La franc-maçonnerie est très formaliste ; elle est venue à nous, nous avons, à notre tour, à aller vers elle pour la recevoir ici.
JOURDE. En ma qualité de franc-maçon, j’appuie la proposition Andrieu. La franc-maçonnerie, je le dis avec lui, est très formaliste.
OSTYN. La réunion générale des francs-maçons doit avoir lieu, demain, à 9 heures du matin.
LE PRÉSIDENT. On propose de mettre votre séance, demain matin, à 9 heures.
LANGEVIN. Pourquoi, tout en nous réunissant à 9 heures, ne pas maintenir ensuite notre séance ordinaire à 2 heures ?
LE PRÉSIDENT. Il faut que l’assemblée décide ce qu’elle veut faire pour la franc-maçonnerie. Je rappelle qu’il a été décidé avant-hier que nous recevrions demain les francs-maçons. Nous pourrons les accompagner aux remparts, mais il n’est pas, pour cela, besoin de tenir une séance, demain matin, ainsi qu’il a été proposé.
MIOT. Si la question était une question ordinaire, je voterais l’ordre du jour ; mais, en même temps que les francs-maçons viendront manifester leur sympathie pour nous, ils manifesteront aussi leur antipathie contre Versailles. Je demande que la Commune reste en permanence demain et qu’elle tienne séance toute la journée, car nous pourrons être appelés à prendre des déterminations très importantes. Il y a dans la franc-maçonnerie deux partis divergents. L’un veut aller sans armes porter les bannières sur les remparts, et, si une seule est trouée, appeler aux armes. L’autre voudrait appeler aux armes immédiatement. J’ai pris sur moi de conseiller de venir sans armes.
LEFRANÇAIS. Si l’événement a une importance considérable, c’est principalement pour la province. Il ne faut pas croire que cette manifestation puisse nous donner un accroissement de forces pour Paris. Tout ce qu’il y a de viril à Paris dans la franc-maçonnerie est déjà avec nous. Le caractère important de celle manifestation ne consiste que dans les ramifications qu’elle a en province, où elle pourra nous rallier les opinions flottantes et hésitantes. Je demande que nous ne passions pas notre temps à cette discussion et qu’il n’y ait pas de séance extraordinaire demain.
UN MEMBRE. Je demande qu’on consulte l’autorité militaire sur cette mesure.
ALLIX. La décision est prise de se réunir demain matin.
UN MEMBRE. Je ne nie pas l’importance de la franc-maçonnerie, mais je n’admets pas qu’elle puisse retarder nos assemblées. Qu’on nomme une commission pour les recevoir, mais que la Commune se dérange tout entière, ce serait déplorable.
ANDRIEU. Je ne me fais pas d’illusions sur la franc-maçonnerie ; la meilleure preuve, c’est que je n’en fais pas partie. Je dois dire que, si la franc-maçonnerie était composée d’hommes ardents, j’aurais considéré la scène d’avant-hier comme peu imposante : ç’aurait été l’adhésion de gens qui nous auraient toujours appartenu. Je considère la maçonnerie comme un élément vierge. Ce sont des hommes moyens, modérés, qui ont une grande action sur le peuple. On dit que toute la Commune ne doit pas se déranger, ne pas faire de manifestation. Je trouve au contraire qu’elle ne fait pas assez de manifestations. En un mot, bien qu’il ne soit peut-être pas parlementaire, qu’elle fait la prude ! Je désire qu’elle saisisse avec enthousiasme cette occasion de se montrer au peuple de Paris, qui est triste, qui aime les spectacles et qui sera enchanté de voir l’alliance de la Commune et de la franc-maçonnerie, et de voir réaliser en actes ce qui a été, fait en paroles, lorsqu’on a mis l’écharpe de la Commune à la bannière des francs-maçons.
OSTYN. Dans nos quartiers, je sais que le peuple de Paris se dispose à accompagner cette manifestation.
MORTIER. Moi, je m’oppose formellement à ce que la Commune se dérange pour celle manifestation.
JOURDE. Je formule une proposition. Je demande qu’on consacre une heure à cette manifestation. Nous nous réunissons à 9 heures, nous enverrons nos délégués qui iront les chercher.

La proposition est acceptée.
PYAT. Puisque c’est un honneur d’accompagner les francs-maçons aux remparts, je demande à ce que l’on tire au sort les noms des cinq membres.

Appuyé.
BILLIORAY. Il me paraît qu’on ne comprend pas bien la question. Il s’agit d’aller chercher les francs-maçons au Louvre, de les amener sur la place de l’Hôtel-de-Ville et de les accompagner aux remparts. Quant à moi, je dis qu’on ne peut pas me forcer d’y aller ou de ne pas y aller.
MEILLET. Nous sommes issus du suffrage universel. Si nous allons avec les francs-maçons, nous devons y aller lorsqu’ils feront leur manifestation.
PLUSIEURS MEMBRES. C’est fait ! C’est fait !
MEILLET. Si l’on nomme une délégation chargée d’aller avec eux aux remparts, je demande que ceux qui voudront y aller y aillent.

Il est décidé que cinq membres seront envoyés à la manifestation.

Les citoyens F. PYAT, POTTIER, FRÄNCKEL, CLÉMENT et LEFRANÇAIS sont désignés.
(À suivre.)



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