lundi 2 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 25 avril 1871 (9)




LONGUET. Pour ma part, je ne peux pas croire que les actionnaires se soient aussi enrichis que le croit le citoyen Avrial.

 (Suite de la séance du 25 avril 1871.)

LONGUET. Pour ma part, je ne peux pas croire que les actionnaires se soient aussi enrichis que le croit le citoyen Avrial. S’il prenait les 8 bilans des monts-de-piété, il verrait qu’ils ne peuvent guère s’enrichir, au-dessus de l’intérêt légal : quand il y a des bénéfices, ils vont aux hôpitaux, qui ont donné le terrain, par exemple celui où est bâti le mont-de-piété de la rue Paradis, au Marais. Nous ne pouvons pas en ce moment voter un projet de décret ; il est évident que les citoyens qui ont présenté des projets divers s’entendront avec le délégué aux Finances ; alors seulement, nous pourrons engager une discussion générale, mais nous ne pouvons pas prendre de résolution.

Voix. Non ! non !

JOURDE. Je m’occuperai pour l’instant du projet de décret qui vous est soumis uniquement au point de vue de son impraticabilité relativement à la question financière. Il n’est pas possible en effet que votre délégué aux Finances puisse, sans avoir été prévenu, ne serait-ce que 24 heures d’avance, vous développer suffisamment la question. Néanmoins, je crois pouvoir dire que le mont-de-piété, tout en relevant de la ville de Paris, n’en a pas moins été obligé d’émettre des actions, d’employer des commissionnaires, qui ont déposé des cautionnements souvent considérables. Détruire le mont-de-piété, ce serait porter une atteinte à la propriété, ce que nous n’avons encore jamais fait. Je ne crois pas qu’il soit sage, utile, intelligent de procéder de la sorte. Il faut savoir en outre que la somme de 50 francs, minime sans doute par elle-même, peut être répétée dans plusieurs endroits à la fois et qu’ainsi elle peut se trouver atteindre un chiffre considérable. Le gouvernement précédent, quand il prenait une mesure semblable à celle que nous voulons prendre, avait toujours le soin d’indemniser les intéressés. À l’heure qu’il est, je puis faire face à l’exigence de la situation, mais je ne pourrais indemniser les monts-de-piété, ni même leur donner des garanties. Or, prendre une mesure violente sur un pareil sujet, ce serait commettre une injustice contre une seule compagnie.
AVRIAL. Et ceux qui se font tuer ?

JOURDE. Je dis que, dans les circonstances actuelles, il vaudrait mieux me remettre ce décret. Je m’entendrais avec deux ou trois membres de la Commune, et nous pourrions peut-être vous présenter un projet meilleur.

RIGAULT. Il faudrait en ce cas prendre un arrêté qui suspendrait les engagements pendant un ou deux jours.

JOURDE. C’est inutile, si on déclare dans le décret que son effet s’arrête au 25 avril et qu’il est nul pour les engagements faits après le 25. Je jette tous ces germes dans vos esprits, afin que nous n’ayons pas à revenir sur une mesure fâcheuse. N’enlevons pas ainsi les décrets.

ARNOULD. J’avais demandé la parole pour des questions de détail, et malgré ce que vient de dire Jourde, je crois nécessaire d’y revenir. Sur cette question de la délivrance gratuite des objets engagés, vous avez, je crois, à prendre toutes ces mesures de précaution. Il y a une foule d’industriels qui ne vivent que de l’achat des reconnaissances du mont-de-piété. Il y a des boutiques entières qui sont remplies d’objets provenant de l’achat des reconnaissances. Ces boutiques achètent pour six et dix sous des reconnaissances de 20, 30 et 50 fr. Dans ces conditions, je crois qu’il y a nécessité d’apporter des mesures restrictives à la délivrance des objets. Ces industriels sont déjà très riches ; et vous allez encore les enrichir de 100 000 ou 200 000 fr. Il serait bien simple de déclarer par exemple qu’on ne remettra les objets qu’à ceux qui prouveront qu’ils en sont propriétaires.

LEFRANÇAIS. Comment le saurez-vous ?

A. ARNOULD. Comment on s’y prendra ? Je n’en sais rien, mais ce n’est pas parce que Lefrançais n’en sait rien, ni moi non plus, qu’on doit s’en tenir là. Je constate un fait évident, sérieux. Voici un moyen proposé : sur les registres, me dit-on, on prend le nom et l’adresse de l’engageur. Eh bien, on demandera ce nom et cette adresse au citoyen qui viendra retirer l’objet engagé.

J.-B. CLÉMENT. Mais celui qui achète une reconnaissance demande aussi le nom et l’adresse de celui qui la lui vend, et alors il pourra retirer l’objet engagé en donnant lui-même ce renseignement.

UN MEMBRE. On exigera des pièces constatant l’identité de l’engageur.

ARNOULD. C’est évident ! On peut trouver un moyen ; il faut seulement le chercher.

JOURDE. Permettez-moi de citer un cas que vous ne prévoyez pas ; j’ai vendu une reconnaissance à un marchand : s’il ne me la rend pas, comment pourrai-je retirer mes objets engagés ?

J.-B. CLÉMENT. Je suis pour le projet d’Avrial, et il est bien entendu que je ne veux pas que le spéculateur jouisse du bénéfice de la mesure que nous prendrons. Mais il faut chercher le moyen, et un moyen certain, pratique, d’empêcher le spéculateur de prendre la place du véritable propriétaire.
(À suivre.





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