jeudi 12 octobre 2017

Commune de Paris 1 Séance du 4 mai 1871 (1)




Président : THEISZ.
Assesseur : LANGEVIN.

La séance est ouverte à 4 h. 1/2.

LE PRÉSIDENT. La parole est au citoyen Raoul Rigault avant la lecture du procès-verbal.

RIGAULT. Je demande qu’il soit mis à l’ordre du jour de la séance de demain et au début de la séance, parce qu’il n’est pas nécessaire que l’assemblée soit nombreuse, le tirage au sort des jurés destinés à fournir les membres du jury d’accusation. Les listes de la Garde nationale sont préparées pour cette opération.

ARNOULD. Je donne ma démission de membre de la Commission des subsistances pour faire partie de la Commission d’enseignement, où je pourrai rendre plus de services.

LE PRÉSIDENT. S’il n’y a pas d’opposition, la demande du citoyen Arthur Arnould est acceptée.

(Oui!)

CHAMPY. Je demanderai alors l’adjonction d’un nouveau membre à la Commission des subsistances.

PINDY. Je demande qu’il n’y ait pas de séance aujourd’hui et ensuite qu’il n’y ait plus que trois à quatre séances de la Commune par semaine, le Comité de salut public étant là, au besoin, pour remplacer la Commune.

TRIDON. Et pour la compromettre!

LE PRÉSIDENT. Il y a sur ce point une proposition du citoyen Andrieu, qui sera discutée en son temps; je ne crois pas qu’il y ait urgence, pour l’instant, à discuter cette question. De plus, nous avons des sujets assez sérieux à l’ordre du jour pour tenir séance aujourd’hui.

LONGUET. Il serait absolument nécessaire, selon moi, que le Comité de salut public fût toujours représenté ici pour répondre à nos demandes d’interpellation. Ce Comité, qui s’est installé dans les draps de tous les gouvernements possibles, doit en suivre les traditions en se faisant représenter à nos séances.

ARNOULD. Qu’on délègue un membre de la Commune pour prévenir le Comité de salut public que nous sommes en séance.

LE PRÉSIDENT. S’il n’y a pas d’objection, nous allons envoyer prévenir le Comité que nous sommes ici.

RIGAULT. Je demande qu’on lui envoie simplement un huissier ou un planton; nous n’avons pas besoin de leur envoyer une députation pour les prévenir que nous sommes là.

AMOUROUX. J’étais présent à 2 heures et j’ai dû constater qu’il y avait deux membres du Comité de salut public et seulement trois membres de la Commune.

LE PRÉSIDENT. Citoyen Amouroux en votre qualité de secrétaire, faites prévenir les membres du Comité de salut public que la séance est ouverte. La parole est à l’un des secrétaires pour la lecture du procès-verbal.

Il est donné lecture du procès-verbal de la dernière séance.

SICARD. Il y a eu hier un projet de décret présenté par le citoyen Grousset. Ce matin, dans mon arrondissement, il y a eu des affiches rouges faisant appel à la paix. Je croyais que la Sûreté générale était chargée de faire observer ce décret.

PLUSIEURS VOIX. Mais le décret n’a pas été adopté! Il a été ajourné.

RÉGÈRE. Le procès-verbal lu à la séance, de même que le compte rendu analytique, doit être la représentation exacte de nos séances; il y a eu une réclamation de ma part à propos de ma candidature aux Finances: elle n’a pas été insérée. J’avais demandé à ne pas être compris parmi les candidats à la délégation aux Finances, je demande à ce que cette réclamation soit insérée à l’Officiel.

TRIDON. Je demande que le procès-verbal insère une réflexion que j’ai faite l’autre jour. Je le demande formellement, par suite de l’attitude qu’ont prise certains membres du Comité de salut public. Du reste, pour cela, j’attendrai la présence du Comité de salut public.

RASTOUL. Dans le compte rendu analytique qui est à l’Officiel, il y a une erreur et un oubli. Ma signature est au bas de la protestation des membres qui se sont abstenus. Or, j’ai voté par bulletin blanc, en déposant sur le bureau l’explication de mon vote. Je demande qu’on efface mon nom qui est au bas de cette protestation et qu’on insère mon explication. Si elle a été perdue au secrétariat, je pourrai en donner une nouvelle copie.

PUGET. J’ai demandé la parole à propos de la réclamation que faisait hier le citoyen Viard. Viard avait raison lorsqu’il demandait que l’on fît quelque chose pour les veuves des gardes nationaux. Ce matin, j’ai vu une veuve du quartier du Palais Bourbon, qui a reçu 5 francs et, à ses plaintes, on lui répond invraisemblablement par ces mots: «Ça apprendra aux gardes nationaux à être révolutionnaires!»

SICARD. Je suis du VIIe arrondissement. C’est le citoyen Parisel qui est chargé des bureaux de secours; mais lorsque je rencontre une infortune trop grande, et qu’il y a trop de monde aux bureaux de secours, je prends sur moi-même de donner quelque soulagement.

LE PRÉSIDENT. Mais ceci n’est pas sur le procès-verbal! Y a-t-il quelqu’un qui demande la parole sur le procès-verbal?

RÉGÈRE. Le véritable procès-verbal est celui que l’on publie à l’Officiel. À l’occasion de la question des finances, j’avais prononcé un discours qui a été passé sous silence. Je ne fais aucun reproche ni aux secrétaires, ni à l’Officiel; mais je voudrais bien, dans l’intérêt de la vérité, que ce discours eût été reproduit.

LE PRÉSIDENT. Je me permettrai de dire qu’on avait averti les membres de vouloir revoir leurs discours.

RÉGÈRE. C’est ce que j’ai fait; mais je n’ai pu trouver trace de mes observations.

LONGUET. En effet, j’ai reçu le procès-verbal avec très peu de paroles du citoyen Régère, mais je ne crois pas qu’il puisse incriminer les paroles de personne. Cela tient à la manière dont est fait le procès-verbal et il faut étudier un autre système. Il y a d’ailleurs une tradition, et il faut la respecter. Les secrétaires doivent faire leur travail sur les notes prises au courant par la sténographie. C’est par ce mode seul qu’on arrive à avoir un bon compte rendu analytique.

Le procès-verbal est adopté.

PYAT. Trois membres de la Ligue républicaine ont demandé à ce que cette pièce soit communiquée aux citoyens membres de la Commune:
«Paris, 4 mai 1871.
«Convaincus qu’une trêve entre les combattants aurait pour résultat de produire une période d’apaisement pendant laquelle les véritables conditions qui doivent mettre fin à la lutte pourraient se faire jour, au nom de l’humanité, nous demandons à la Commune de consentir une trêve de vingt jours dont les conditions seront fixées par des intermédiaires proposés et acceptés par les deux partis.
«Signé: BONVALET, LOISEAU-PINSON, etc.»
Une heure après avoir reçu cette pièce, le Comité de salut public a reçu cette annexe, dont je donne lecture [manque].
Le citoyen Bonvalet, en me remettant la première pièce, a déclaré que la même pièce était remise au gouvernement de Versailles, avec ce mot de changé.

MIOT. Et au Journal de Paris.

PYAT. Au lieu de: «Au nom de l’humanité, demande à la Commune de Paris», mais: «Au nom de l’humanité, demande au gouvernement de Versailles».

GROUSSET. Qu’a répondu le Comité de salut public?

PYAT. Le Comité n’a pas répondu. Il était simplement chargé de remettre cette pièce à la Commune.

GROUSSET. Hier, je soumettais à la Commune un projet de décret tendant à déclarer traîtres à la cause du Peuple quiconque fait en ce moment un appel à la prétendue conciliation avec Versailles. En même temps, en vous faisant part des excellentes nouvelles que nous recevons des départements et du résultat des élections du 30 avril, je croyais pouvoir annoncer à coup sûr que, sous peu, nous recevrions des propositions de paix de la réaction. Vous assistez, citoyens, à la réalisation de cette prévision facile: la demande de trêve qui vous est adressée n’émane pas directement de Versailles; mais elle vient, elle devait venir… Ce n’est donc pas, citoyens, cette démarche qui m’étonne. Ce qui m’étonne, c’est que le Comité de salut public, ce Comité que nous avons nommé pour pourvoir aux impérieuses nécessités de la situation vienne vous donner lecture de l’insolent ultimatum de la prétendue Ligue républicaine, au lieu d’avoir fait à cet ultimatum la seule réponse qu’il mérite, l’arrestation et le châtiment de ses auteurs. Citoyens, la situation est grave; elle est grave, non pas au point de vue militaire, vous avez tous vu de près l’héroïsme de nos gardes nationaux; non pas au point de vue extérieur, vous le savez, la province vient à nous; elle est grave au point de vue ultérieur, parce que la réaction a pris le masque de la conciliation et parce que ce masque n’est pas encore arraché. Parler encore de conciliation, après les déclarations réitérées du gouvernement de Versailles, parler de conciliation quand le canon gronde, quand nos frères tombent sous les balles des assassins de Versailles, c’est trahir, c’est énerver la défense de Paris, c’est exciter les citoyens à la défaillance et à la désertion; c’est en réalité parler de capitulation et de défaite. Je dis donc que le Comité de salut public manque à son devoir en apportant ici l’écho de ces criminelles manifestations, et je demande qu’un blâme lui soit infligé par la Commune.

UN MEMBRE. Qu’il soit cassé!

GROUSSET. Le Comité, que j’ai contribué à nommer a manqué à son devoir, en cette circonstance, je le déclare.

TRIDON. La pièce qu’on vient de vous lire n’est que la réponse à une invitation faite par un membre de la Commune. Le citoyen Pyat s’est adressé au citoyen Denis*. Voici les termes de l’article dont je veux parler**.

PYAT. Je tiens à répondre un mot au citoyen Paschal Grousset. Je demande simplement pourquoi le Comité de salut public, fidèle à la politique de la Commune, fidèle à la politique de la Commission exécutive dont faisait partie le citoyen Tridon…

TRIDON. Ce n’est pas ma politique.

PYAT. Je veux vider la question collective. Le citoyen Grousset a demandé qu’un blâme soit infligé au Comité de salut public pour avoir apporté la pièce dont j’ai eu l’honneur de vous donner lecture. Le Comité n’a en aucune façon compromis ni l’honneur de la Commune, ni l’honneur du Comité de salut public. Il a été purement et simplement l’héritier d’une politique, le continuateur d’un système qui a été inauguré par la première Commission exécutive. (Interruptions.) Cette politique a été de ne pas reconnaître du tout la Ligue de l’Union républicaine. Le Comité de salut public a été fidèle à cette politique et nous ne la reconnaissons pas et nous vous demandons de ne pas faire de réponse à des hommes que nous ne connaissons pas. C’est cette politique que nous vous engageons à suivre.

TRIDON. Nous n’avons jamais fait à la Commune l’injure de lui apporter une proposition comme celle que vous venez de nous lire.
(À suivre.)




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