mercredi 4 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 26 avril 1871 (2)




 TRIDON. La lutte perpétuelle entre le chemin de fer de Lyon et la Cour d’Aligre n’a jamais cessé, et aujourd’hui on va désorganiser les chemins de fer en forçant les employés à faire le service de la Garde nationale. Si vous laissez prendre cette mesure, si les employés sont astreints au service, eh ! bien, vous désorganisez les chemins de fer, et, de plus, vous vous coupez les vivres.

 (Suite de la séance du 26 avril 1871.)

DURAND. Comme il vous arrive souvent ici des propositions intempestives, qui nous font perdre beaucoup de temps, je demanderai à la Commune de lui faire communication d’une question qu’on vient de soumettre à la municipalité, et je demande si c’est du ressort de la Commune ou de la Commission du Travail et Échanges. Depuis le 18 mars, les conseils de prud’hommes ne fonctionnent plus, et les rares ouvriers qui travaillent ne peuvent plus obtenir justice.
Plusieurs voix. Renvoyé à la Commission du Travail.

MARTELET. L’objection du citoyen Durand a une certaine importance. Je demanderai qu’on la renvoie immédiatement à la Commission du Travail.

Adopté.

VIARD. Je demande la parole pour une communication très importante. Le chemin de fer de Lyon a suspendu hier au soir tous ses services. il y a là une gravité que je vous signale. Le service du chemin de fer est fait par un bataillon dont je ne me rappelle pas le numéro. Voilà ce qui s’est passé. Hier, d’après le décret, j’avais autorisé le chemin de fer à faire sortir de Paris un train chargé de tonneaux et autres choses. Les gardes nationaux ont arrêté le train, disant qu’ils n’obéissaient qu’au comité de la rue d’Aligre. Je viens faire communication urgente à la Commune, afin de faire cesser cet état de choses. Si vous le voulez, ce sera bien facile, en promulguant un décret qui ferait passer en cour martiale tous les membres du comité de la Cour d’Aligre. Je rappelle aussi que j’invite les municipalités à s’entendre avec le ministère du Commerce pour la vente d’une très grande quantité de marchandises qui sont à notre disposition. Nous pouvons ainsi combattre la spéculation du gros commerce de Paris et empêcher une hausse désastreuse.

LONCLAS. Je désapprouve toute espèce d’abus de pouvoir ; seulement, il s’agit de s’entendre. Nos hommes sont extrêmement vigilants, et ils ont raison, car tous les jours des abus se commettent au nom même de la Commune. Il n’y a ni comité, ni sous-comité central à la Cour d’Aligre, mais un Conseil de légion, et nous avons délégué des hommes pour exercer une surveillance. J’avais préparé une note pour le citoyen Viard ; elle contient des renseignements intéressants. Nous devons veiller à ce que les décrets de la Commune s’exécutent, et rien de plus. À ce propos, je déclarerai que le chemin de fer de Lyon est un foyer de réaction, qui cherche à nous entraver en tout ; cette compagnie ne fournit pas d’hommes pour la Garde nationale ; ses employés se cachent derrière leurs pupitres ; mais j’ai pris un arrêté qui devra être exécuté. Je ne crois pas que le délégué de la Commune aux Subsistances soit assez énergique pour l’exécution des ordres de la Commune, je le pense et je le dis.

VIARD. Au sujet des employés du chemin de fer de Lyon, je répondrai au citoyen Lonclas que je viens de demander des listes me donnant les noms, prénoms, fonctions de tous les employés et que la réponse ne m’est pas encore parvenue ; quand elle le sera, je ferai prendre des mesures en conséquence. Ce qui est certain, c’est que la Compagnie a, à Lyon, un nommé Lafond qui est des plus intelligents et qui est pour beaucoup dans le retard mis à l’envoi des vivres. En outre, il y a certaines marchandises qui ne pouvaient être retenues sans inconvénient ; je citerai, par exemple, la viande fraîche, dans certaines conditions ; si, par exemple, un commerçant apporte à Paris 100 bœufs et qu’il lui en reste 15 qui n’ont pu être vendus, il est clair que l’on doit lui laisser emmener ce reliquat ; sinon, on s’expose à ce qu’il ne revienne plus.

LE PRÉSIDENT. La parole est au citoyen Beslay.

BESLAY. Je me bornerai à vous faire remarquer que ce n’est pas le citoyen David qui doit être rendu responsable de l’arrêt dans l’expédition des marchandises hors de Paris : il ne fait qu’exécuter les ordres du Comité des Subsistances de la rue d’Aligre ; c’est le citoyen Hubard qui peut donner l’ordre de faire partir les subsistances ; c’est donc à lui qu’il faut s’adresser si l’on veut blâmer cet ordre. La gare de Paris ne peut pas tout contenir : on est donc obligé d’arrêter les trains et de les faire remonter plus haut. Je crains malheureusement que les chemins de fer du Nord ne nous soient prochainement fermés. Toujours est-il qu’il y a, près de Villeneuve-Saint-Georges, une gare supplémentaire où on est obligé d’envoyer les marchandises.

VIARD demande la parole.

LE PRÉSIDENT fait observer qu’elle appartient au citoyen Vermorel.

VERMOREL. Ce qui nous expose à tous ces tiraillements, c’est l’autorité qui s’impose en dehors de la Commune. Il y a un comité, celui de la Cour d’Aligre, qui entrave l’action de la Commune. Il faut savoir qui a le pouvoir : est-ce la Commune ? Est-ce le Comité central ? Pour motiver une intervention factieuse, on prétend que la Commune n’est pas assez énergique. Oui, la Commune n’est pas assez énergique, puisqu’elle tolère une autorité au-dessus de la sienne. Je demande donc qu’on prenne des mesures sérieuses pour en finir avec cet état de choses, et pour en finir spécialement avec le comité de la Cour d’Aligre, qui s’est constamment mis en travers des décisions de la Commune, prétendant subordonner leur exécution à ses décisions.

MORTIER. J’appuie fortement ce que dit Vermorel. Dans notre légion, il y avait 45.000 hommes ; aujourd’hui, il n’y en a plus et ceux qui restent nous traitent d’imbéciles.

VERMOREL. Je demande que la Commune m’autorise à en finir.

MORTIER. Pour eux, il n’existe plus de Commune ; ils veulent, disent-ils, nous foutre à la porte.
Une voix. Non, par la croisée.

TRIDON. La Cour d’Aligre nous a valu bien de mauvaises nuits, pendant que nous étions occupés à la Sûreté exécutive. La Cour d’Aligre a arrêté les chemins de fer, les employés, les ouvriers, tout le monde ; nous ne pouvions pas les en empêcher, puisque nous n’avions pas votre concours.

FERRÉ. Président, ne laissez pas insulter une Commission qui a fait son devoir.

TRIDON. La lutte perpétuelle entre le chemin de fer de Lyon et la Cour d’Aligre n’a jamais cessé, et aujourd’hui on va désorganiser les chemins de fer en forçant les employés à faire le service de la Garde nationale. Si vous laissez prendre cette mesure, si les employés sont astreints au service, eh ! bien, vous désorganisez les chemins de fer, et, de plus, vous vous coupez les vivres.

LE PRÉSIDENT donne lecture de la lettre d’un nommé Marcelin, chef de 11e légion, venant à l’appui du dire du citoyen Viard, sur la fermeture de la porte de Vincennes par ordre du comité de la rue d’Aligre.

J. ANDRIEU. Citoyens, j’avais demandé la parole sur les faits qui vous ont été signalés par Lonclas. Ces faits ont été connus par la Commission exécutive, bien avant que le citoyen Lonclas ne les connaisse. La Commission exécutive s’était aperçue que son action était entravée à chaque instant par ces sous-comités qui s’intitulaient Comités de légion. Si vous voulez que Paris soit approvisionné des subsistances qui lui sont nécessaires, il faut montrer à la province que les transactions commerciales ne sont pas entravées ; il faut reverser sur la province le trop-plein que Paris peut avoir. Aussi, citoyens, je demande que ces conflits perpétuels cessent à l’avantage de la Commune ; je le disais hier : la Commune est sapée dans sa base.

LONCLAS. Citoyens, j’espère que je ne suis mis en suspicion par personne. Je suis de l’avis de tous les orateurs, mais je demande que la Commune formule par un vote, que je voterai avec vous, que cet état de choses ne peut subsister. Mais, je le répète, il n’y a là qu’un excès de zèle. Ce sont des citoyens bons patriotes, qui sont trop vigilants. Je suis membre de la Commune et je veux que ses décrets soient exécutés. Le jour où ces citoyens viendraient à entraver son action, je cesserais d’être leur représentant.

ARNAUD. J’ai demandé la parole pour en revenir à ce que disait le citoyen Viard à propos de wagons retenus à Villeneuve. Il y a là 600 wagons retenus par les agents de Versailles, qui empêchent les bestiaux et autres denrées d’entrer à Paris. On a même réquisitionné des Bavarois pour entraver plus sûrement l’entrée des denrées alimentaires à Paris.

DEREURE. Depuis plusieurs jours, j’ai réclamé déjà contre les sous-comités. On les a dissous par décret, mais ils se sont reconstitués sous le titre de comité de légions. Je demande la lecture et l’adoption de mon projet de décret.

RIGAULT. J’ai quelques mots à dire au sujet de la Cour d’Aligre. À la Sûreté générale, nous avons reçu beaucoup de lettres se plaignant, les unes de mesures trop violentes, d’autres, de mesures qui ne l’étaient pas assez, mais aucune d’elles n’émanait de citoyens formant ce qu’on appelle le comité de la Cour d’Aligre. Si ces citoyens qui forment, je n’en doute pas, un groupe de sincères républicains nous avaient adressé des plaintes, nous les aurions examinées sérieusement, mais, je le répète, il ne nous a été rien dit à propos des sorties des marchandises par les portes de Paris ou par les gares des chemins de fer. Rien ne s’est donc produit. Quant à l’arrêté pris par la Cour d’Aligre, nous n’en avons pas encore saisi la Commune, mais je déclare de suite que cette réunion, ce groupe s’est ainsi manifesté à l’état d’hostilité contre la Commune. En ce qui touche ce que vient de dire Dereure, je crois qu’il n’y a qu’un moyen de remédier à un pareil état de choses, c’est de faire arrêter partout les hommes qui se réunissent, soit sous le nom de comité de légion, comité d’arrondissement ou autre chose, tant qu’ils resteront à l’état d’associations gouvernementales. Nous ne pouvons autoriser des associations de cette nature autour de la Commune. Je vous propose donc une dernière fois, non de décréter, mais de déclarer que nous devons arrêter ces hommes, s’ils continuent.

VERMOREL. Je crois qu’après cette discussion et en présence du sentiment unanime de la Commune, on doit passer à l’ordre du jour. Il y a ici même les groupes qui représentent les municipalités, il y a aussi la Sûreté générale ; ils ont le devoir de faire disparaître, dès demain, tous ces comités factieux. Mais que ceux que l’on jugera à propos d’arrêter ne soient pas envoyés au Cherche-Midi, comme c’est l’habitude, mais bien à la Sûreté générale. Pour nous, je vous le déclare, nous emploierons tous nos efforts pour dissoudre dans notre arrondissement ces comités, qui nous nuisent peut-être plus que le gouvernement de Versailles. Quant aux citoyens qui font partie de ces comités, si ce sont des amis de la Commune, ils comprendront qu’ils ont eu tort, que leur devoir est de rentrer dans les rangs de tous les citoyens et qu’ils doivent aller vers un poste de combat.

RIGAULT. Je demande qu’on envoie directement les prévenus à Mazas. Le directeur aura ce soir les ordres nécessaires à ce sujet.

LE PRÉSIDENT commence la lecture d’une proposition signée des citoyens Vésinier et Dollot.

LEFRANÇAIS. Il y a un ordre de la Commune qui dissout les sous-comités de légion, et ce décret n’est pas exécuté.

LE PRÉSIDENT continue la lecture de la proposition.

LEFRANÇAIS. Vous avez rendu un décret qui interdit les affiches sur papier blanc à d’autres qu’à la Commune, et cependant tous les jours le Comité central publie des affiches sur papier blanc. Le Comité central est certainement coupable, et le devoir de la Commune serait évidemment d’en poursuivre les membres.

LE PRÉSIDENT lit une autre proposition qui lui a été remise.

BILLIORAY. Je demande que nous décrétions un peu moins et que nous agissions davantage. Nous avons le droit de dissoudre les comités de légion. Toutes les fois qu’un membre du Comité de légion prendra une mesure qu’il n’aura pas le droit de prendre, qu’il commettra un abus de pouvoir, eh ! bien, il est incontestable qu’il incombe de droit à tout agent de la Commune de le faire purement et simplement arrêter. La dissolution se fera ainsi. Je dois vous dire que j’ai passé des nuits à faire cela, et que j’en ai quelques notions.

LE PRÉSIDENT. C’est le Comité central qui a fait les conseils de légion. Je ne vois pas pourquoi vous voulez poursuivre les comités de légion et non le Comité central.

VERMOREL. Citoyens, je propose une commission d’enquête et d’exécution pour en finir avec le Comité central. Quand on aura nommé une Commission d’enquête et d’exécution, je garantis qu’en trois jours tout sera rentré dans l’ordre.
(À suivre.)



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