(Suite
de la séance du 2 mai 1871)
JOURDE, délégué aux Finances. Je demande à la Commune de m’accorder la parole pour la lecture de mon bilan.
RÉGÈRE. Est-ce le délégué des Finances, ou la Commission des Finances qui parle par votre bouche?
LEFRANÇAIS. Le délégué est responsable.
JOURDE. Je n’ai jamais rien fait sans consulter mes collègues, et les citoyens Billioray, Clément, Lefrançais et Beslay ont approuvé le bilan que je vous présente. Je soumets cet état de situation à la Commune, qui voudra bien le faire vérifier. C’est la situation exacte de nos finances, et c’est dans nos finances, selon moi, qu’est le salut de la Commune et de la République :
JOURDE, délégué aux Finances. Je demande à la Commune de m’accorder la parole pour la lecture de mon bilan.
RÉGÈRE. Est-ce le délégué des Finances, ou la Commission des Finances qui parle par votre bouche?
LEFRANÇAIS. Le délégué est responsable.
JOURDE. Je n’ai jamais rien fait sans consulter mes collègues, et les citoyens Billioray, Clément, Lefrançais et Beslay ont approuvé le bilan que je vous présente. Je soumets cet état de situation à la Commune, qui voudra bien le faire vérifier. C’est la situation exacte de nos finances, et c’est dans nos finances, selon moi, qu’est le salut de la Commune et de la République :
[Tableaux
de l’état des finances.]
JOURDE. Maintenant,
je remercie la Commune de la confiance qu’elle m’a montrée, et
je demande qu’elle veuille bien nommer une commission de trois
membres pour vérifier le bilan dont je viens de donner lecture, et
de pourvoir à mon remplacement.
JOURDE. Je vous demande pardon de la violente sortie que j’ai faite tout à l’heure, mais véritablement je croyais que vous auriez suffisamment le sentiment des intérêts de la révolution en faisant passer en première ligne les questions financières.
RASTOUL. Nous finirons par les finances, bien plutôt que par la guerre.
RÉGÈRE. Vous avez entendu des paroles graves au commencement de la séance; la Guerre vous a déclaré qu’elle avait de grands besoins, que des sommes considérables allaient être demandées, on a parlé même de 25 à 40 millions. Ce n’est pas un fait nouveau que cette réclamation; il est évident que votre délégué aux Finances a dû se préoccuper d’autre chose que de pourvoir aux besoins journaliers. La Commune que vous représentez est une des premières places financières du monde; elle a un crédit énorme et son budget présente une garantie suffisante pour couvrir tous les emprunts nécessaires. Ce qui m’étonne, c’est que Jourde n’ait pas fait plus tôt la communication qu’il nous apporte. Aujourd’hui, il vient nous dire: «Je ne pourrai plus faire telle ou telle opération, mais, je le demande, est-ce que partout un ministre des Finances n’est pas le commis d’une assemblée ou d’un gouvernement quelconque et est-ce que, quand, il y a quelque temps, notre situation politique était meilleure, il n’avait pas dû prendre les mesures nécessaires pour assurer le crédit de la Commune?
(Murmures sur quelques bancs.)
RÉGÈRE. J’ai été stupéfait d’entendre dire à Jourde, il y a trois jours: «Laissez-moi à mes travaux pour assurer ma fin de mois. Ce sont là les paroles d’un caissier modèle, mais non pas celles d’un ministre des Finances de la Commune. Je dis à la Commission financière et à Jourde qu’ils n’ont pas porté leurs vues assez haut et assez loin, et si, aujourd’hui, on vient s’abriter derrière un Comité de salut public, né d’hier, je crois qu’il y a là plutôt un prétexte qu’un motif réel et qu’il n’y a pas lieu de se féliciter.
(Interruption du citoyen Jourde.)
RÉGÈRE. Ne m’interrompez pas! Je demande donc encore si l’exposé de chiffres que vous avez entendu est l’œuvre du délégué ou de la Commission aux Finances. Quant à cette Commission financière, chargée d’assurer nos subsides, je lui demande ce qu’elle a fait, et j’attends son compte rendu. Nous avons à contrôler ses agissements; qu’elle nous fasse donc connaître les mesures prises par elle pour assurer notre avenir financier, qui, seul, peut assurer notre avenir militaire.
JOURDE. Ce qui m’effraye toujours en matière de finances, ce sont les phrases. Ce sont ces critiques, toujours faciles, développées avec plus ou moins de talent oratoire, surtout quand elles sont exprimées par un citoyen dont j’ai presque demandé la révocation comme membre de la Commission des Finances.
(Interruption.)
JOURDE. Ce que je voulais aux Finances, c’était de couper court à ces scandaleux marchés de bourse et à ces honteuses spéculations qui, à d’autres époques, se sont produits trop souvent. Ainsi, on venait vous dire: « Est-ce que nous ne pourrions pas obtenir une dizaine de millions en opérant sur telle ou telle affaire? Est-ce qu’en opérant sur telle autre chose, nous ne pourrions pas réaliser une somme importante de 25 millions? Non, citoyens, j’ai voulu avant tout anéantir tous ces tripotages de bourse.
(Bruit, approbation.)
JOURDE. J’entendais venir dire à la Commune: «Ne touchez pas au crédit public; c’est une chose délicate. Nous avons certainement des ressources immenses dans l’octroi.» La ville de Paris est riche par ses octrois, mais c’est un impôt qui pèse plus spécialement sur les pauvres, et nous ne voulons pas de ressources provenant de l’agio, et de la spéculation. J’aurais pu vous dire, dans un certain temps: «Voilà nos ressources. Je puis supprimer une partie des impôts qui pèsent sur le pauvre et donner l’assurance d’une économie de 50 millions par an.» J’aurais dit à la classe ouvrière: «Voilà 200 millions pour rendre la vie morale plus heureuse, pour assurer la concurrence ouvrière contre le patronat», la concurrence de la classe ouvrière que je représente et que je suis heureux de représenter ici. En réduisant de 50% les droits d’octroi, qui pèsent sur le pauvre, en doublant le budget de l’instruction publique, j’aurais pu réaliser 50 millions d’économie. Aujourd’hui, vous dépensez 800.000 francs par jour; vous n’avez que 100.000 francs de déficit. Croyez-vous que, dans l’état normal, quand le travail aura repris, croyez-vous que vous aurez besoin de ces 800.000 francs! Avec 400.000 francs par jour, on peut faire face à la situation.
RÉGÈRE. Et les 50 millions que demande la Guerre?
JOURDE. La Guerre ne demande pas 50 millions par jour; elle demande 50 millions dans six mois.
RÉGÈRE. Et les chassepots?
JOURDE. Pour les chassepots, il est vrai qu’on m’a demandé les fonds pour 20.000 chassepots. Mais je suis parfaitement d’accord avec la Guerre. Il est incontestable qu’elle ne peut armer 20.000 hommes par jour: j’aurai donc bien huit jours, et, comme mes recettes s’accroissent, en empruntant sur des titres de crédit que je ne peux pas vous dévoiler…
(Interruptions.)
JOURDE. Rossel demande 50 millions pour réorganiser la Garde nationale; mais il ne demande que 2 ou 300.000 francs par jour. Eh, bien! j’affirme que je pourrai les donner. Ces 50 millions se rattachent à un système de guerre: Rossel est d’accord avec moi. La Banque de France m’a proposé de faire mes recettes comme la Ville de Paris et d’offrir un crédit à la Commune. Voilà mon travail.
PLUSIEURS MEMBRES. Bravo!
JOURDE. Il y a 150.000 armes à précision dans Paris. Si vous voulez acheter 5.000 chassepots sous les huit jours, c’est bien facile.
UN MEMBRE. Je propose d’accepter la démission du citoyen Jourde et de le réélire.
(Aux voix!)
JOHANNARD. Il me paraît étrange que, quand on paraît connaître la question si à fond que le citoyen Régère, il ne pose pas sa candidature.
RÉGÈRE. Je n’accepte pas.
JOHANNARD. J’ai entendu souvent dire à Régère qu’un membre de la Commune n’avait pas le droit de décliner un mandat.
BESLAY. Pour la conservation du crédit de la France, je m’oppose à la candidature Régère, et je prie le citoyen Jourde de rester aux Finances.
AVRIAL. Je crois qu’on se méprend sur le sentiment qui a amené Jourde à donner sa démission. Elle a été donnée parce qu’il a été insulté par un journal.
LE PRÉSIDENT. Vous n’avez pas le droit d’interpréter la pensée du citoyen Jourde.
VAILLANT. J’ai demandé la parole pour prier la Commune de ne pas accepter la démission du citoyen Jourde. Dans les circonstances difficiles où nous nous trouvons, je trouve que c’est un véritable tour de force que d’avoir pu faire face aux dépenses considérables que nous avons eues à supporter avec le peu de ressources dont nous disposions. Il a fallu certainement une très grande habileté pour arriver à ce résultat. Il y aurait à craindre qu’en acceptant la démission du citoyen Jourde, nous ne pussions trouver une capacité suffisante pour le remplacer. Je considère donc comme un devoir civique de sa part de revenir sur sa détermination; s’il trouve que le Comité de salut public ne lui laisse pas assez d’initiative, qu’il fasse un sacrifice d’amour-propre: je le répète, il a fait preuve d’une véritable capacité, et je lui demande de vouloir bien retirer sa démission.
(Oui! Oui! Bravos.)
BESLAY. J’avais l’intention de rendre au citoyen Jourde toute la justice que vient de lui,rendre le citoyen Vaillant. J’ajouterai que, comme membre de la Commission, j’ai vu le citoyen Jourde à l’œuvre, et je soutiens que c’est un prodige de venir vous apporter un budget pareil; je crois aussi que personne d’entre nous ne pourrait le remplacer. Je l’engage donc à retirer sa démission.
La démission du citoyen Jourde n’est pas acceptée.
JOURDE. Je remercie l’assemblée du vote de confiance qu’elle vient de m’accorder. Mais je ne puis retirer ma démission, pour des raisons que je lui exposerai quand elle voudra bien m’entendre. Il m’est impossible, en présence du vote d’hier, d’accepter la responsabilité qui m’incombe. J’ai d’abord à vous déclarer que je n’ai pas été seul, que j’ai été aidé par le citoyen Varlin, qui a rendu autant de services que moi. Je remercie donc l’assemblée tant en son nom qu’au mien. Maintenant, il faut bien le dire, puisque c’est le fond de ma pensée, vraie ou fausse, mais je crois que, non pas au point de vue personnel, mais au point de vue général du crédit et des ressources qu’il pourrait m’offrir, la situation de votre délégué aux Finances n’est plus la même depuis le vote d’hier sur le Comité de salut public. Peut-être mes craintes à ce sujet ne sont-elles pas mieux fondées que ne le seraient dans cette hypothèse les appréhensions du monde économique au sujet du Comité et de ses conséquences. Mais, à mon point de vue, il m’est impossible d’accepter la tâche qui m’est confiée…
VÉSINIER. Permettez-moi de répondre deux mots au citoyen Jourde. Si le citoyen Jourde a eu des motifs sérieux, ceux qui résultent du vote d’hier, de donner sa démission, je crois cependant qu’il doit comprendre que le vote est une chose faite, que c’est un vote acquis, qui est indépendant de nous. Que ce vote puisse exercer une influence fâcheuse sur le crédit, c’est ce dont nous ne pouvons être juges. Je prie donc le citoyen Jourde de rester aux Finances et de faire cette expérience. Nous l’attendons de son républicanisme, de son dévouement.
ANDRIEU. Citoyens, moi aussi je viens de voter pour que le citoyen Jourde retire sa démission. Mais, en votant ainsi, j’avais compris une chose que ne me semblent pas avoir comprise tous ceux qui ont voté comme moi. Pour que le citoyen Jourde reste aux Finances, il faut qu’on lui rende les Finances possibles. Je m’explique. Le crédit vit et naît de certaines conditions. Pour cela, il faudrait que l’article 3, qui accorde des pleins pouvoirs au Comité de salut public, fût supprimé. S’il en était ainsi, je serais le premier à dire à Jourde, mon ami, qu’il a tort, qu’il se pique sans raison. Mais ce mot: pleins pouvoirs, est terrible; et je comprends, pour ma part, que, si on ne supprime pas cet article, le citoyen Jourde. ne veuille pas accepter une telle responsabilité.
LEFRANÇAIS. Je n’ai que très peu de choses à ajouter. Tout ce qui vient d’être dit explique bien la situation. Le citoyen Jourde vous a expliqué qu’il avait des vues particulières sur les mesures à prendre pour entretenir le crédit et établir la circulation monétaire. Si le Comité de salut public a des vues différentes de celles du citoyen Jourde, vous voyez d’ici le conflit qui va naître. Si vous accordiez l’exception que vous demandait le citoyen Andrieu, vous détruiriez l’économie de tout le système. D’un autre côté, je regrette que Jourde ne reste plus aux Finances.
MIOT. Je suis fortement surpris de cette espèce de crainte qui surgit à l’occasion du Comité de salut public. Ce que j’ai eu en vue, c’est de frapper la trahison.
(Bruit.)
MIOT. Du moment où nous laissons à la Commune tout pouvoir, il me semble que les garanties sont suffisantes, et que le citoyen Jourde peut conserver ses fonctions, d’autant plus qu’il pourra toujours offrir sa démission.
BILLIORAY. Voici une supposition toute gratuite: le Comité de salut public, dit-on, entravera la situation. Mais, citoyens, le 19 mars a été un jour terrible pour le crédit et la Banque nous a donné un million. Le crédit viendra, et si Jourde a une certaine influence, il est évident qu’il aggraverait la situation par sa retraite. Il n’est pas présumable qu’il sera en désaccord avec le Comité.
JOURDE. Je ne puis rien entreprendre, je ne puis rien faire; car incontestablement, après votre décret d’hier, le délégué aux Finances n’est que le commis du Comité de salut public. C’est pour cela que je ne puis accepter les fonctions que vous m’aviez confiées. Un autre, sans doute, fera mieux que moi. Les décisions que vous avez prises hier sont dangereuses. Cependant, je vous affirme sincèrement que je m’incline devant elles. Malheureusement, mes devoirs aujourd’hui sont au-dessus de mon intelligence et de mes forces, en présence des pouvoirs étendus du Comité de salut public. Du reste, la situation que je laisse à mon successeur est très favorable hier je n’avais que 842.000 francs, aujourd’hui les caisses renferment 2 millions. Je répondrai au citoyen Billioray que la Banque de France n’est pas tenue de faire encore ce qu’elle a fait le 19 mars, et qu’il est du plus grand intérêt pour la Commune de ménager, et d’aider même cette institution.
Vous avez voté hier un article 3 qui porte que les délégués ne sont plus que les commis du Comité de salut public. Nous avons tous, plus ou moins, la science politique; or, si nous savons en quoi consiste ce qu’on appelle des conflits de pouvoirs émanant des mêmes autorités, il n’y a personne de nous qui ne comprenne que les délégués responsables entreront un jour ou l’autre en conflit avec le Comité de salut public. Il ne m’est point possible, au nom du crédit communal, de rester à mon poste. Comprenez bien que des saisies ne me donneraient rien, que la saisie des titres ne me donnerait pas davantage; les Prussiens, par exemple, nous diraient: «Vous êtes en train de faire une œuvre nouvelle, socialiste; c’est fort bien, mais nous, nous n’avons pas à en supporter les conséquences; ce que vous nous offrez ne nous présente pas assez de garanties, il nous faut du numéraire.» Je demanderai donc qu’on me laissât rassurer le crédit, amener le retour du numéraire.
À force d’économiser, tout en diminuant de 50% les droits d’octroi, tout en doublant le budget de l’Enseignement public, j’aurais pu réduire le budget de la Ville d’au moins 50 millions par an. Pour cela, il aurait fallu que je pusse contracter des emprunts parfaitement garantis; alors j’aurais pu dire aux ouvriers: «Vous avez besoin d’instruments de travail? En voilà!» Ne revenons pas à 93; les conditions économiques sont complètement changées; en 93, le pays vivait de ses produits, aujourd’hui, il vit surtout de l’échange de ses produits contre les produits étrangers, et ces produits il faut les faire venir, et avant tout il faut rassurer l’échange des produits. Ce n’est qu’en opérant de cette manière que l’on pourra donner aux travailleurs des instruments de travail, de lutte, et je croyais faire en agissant ainsi du socialisme pratique; mais, pour atteindre mon but, il faut pour moi que les délégués soient placés sous le seul contrôle de la Commune, et puissent faire des marchés sur toutes les places de l’Europe. Désormais, que voulez-vous que je fasse? quelles garanties puis-je donner? L’on me répondrait certainement: «Vous n’êtes rien, vous n’êtes que le commis du Comité de salut public.» Dans ces conditions, il n’y a rien à faire, il n’y a rien à entreprendre.
LE PRÉSIDENT met aux voix la réélection du citoyen Jourde comme délégué aux Finances.
Le vote, qui a eu lieu par l’appel nominal, donne le résultat suivant :
Nombre des votants, 44.
JOURDE – 38
LE FRANÇAIS – 2
RÉGÈRE – 2
VARLIN – 1
VOIX PERDUE – 1
Les citoyens CHARDON, J.-B. CLÉMENT et MALON fournissent des renseignements sur les forts d’Issy, concordant à considérer la situation comme satisfaisante et demandent qu’il soit pris d’urgence des mesures pour envoyer des objets d’habillement à des bataillons de gardes nationaux et à des artilleurs de la porte de Neuilly, se trouvant dans le plus grand délabrement.
Lecture est donnée par le président de deux projets de décrets présentés par les citoyensPROTOT et ANDRIEU:
«La Commune de Paris,
«Considérant qu’il est irrationnel et immoral de prendre à témoin de ses engagements une divinité, dont l’existence et conséquemment l’autorité sur les choses humaines sont formellement niées par la Science,
«Décrète:
«Article unique. Le serment politique et le serment professionnel sont abolis. EUG. PROTOT. »
La Commune, consultée sur ces deux projets, adopte celui présenté par le citoyen Protot.
JOURDE. Je vous demande pardon de la violente sortie que j’ai faite tout à l’heure, mais véritablement je croyais que vous auriez suffisamment le sentiment des intérêts de la révolution en faisant passer en première ligne les questions financières.
RASTOUL. Nous finirons par les finances, bien plutôt que par la guerre.
RÉGÈRE. Vous avez entendu des paroles graves au commencement de la séance; la Guerre vous a déclaré qu’elle avait de grands besoins, que des sommes considérables allaient être demandées, on a parlé même de 25 à 40 millions. Ce n’est pas un fait nouveau que cette réclamation; il est évident que votre délégué aux Finances a dû se préoccuper d’autre chose que de pourvoir aux besoins journaliers. La Commune que vous représentez est une des premières places financières du monde; elle a un crédit énorme et son budget présente une garantie suffisante pour couvrir tous les emprunts nécessaires. Ce qui m’étonne, c’est que Jourde n’ait pas fait plus tôt la communication qu’il nous apporte. Aujourd’hui, il vient nous dire: «Je ne pourrai plus faire telle ou telle opération, mais, je le demande, est-ce que partout un ministre des Finances n’est pas le commis d’une assemblée ou d’un gouvernement quelconque et est-ce que, quand, il y a quelque temps, notre situation politique était meilleure, il n’avait pas dû prendre les mesures nécessaires pour assurer le crédit de la Commune?
(Murmures sur quelques bancs.)
RÉGÈRE. J’ai été stupéfait d’entendre dire à Jourde, il y a trois jours: «Laissez-moi à mes travaux pour assurer ma fin de mois. Ce sont là les paroles d’un caissier modèle, mais non pas celles d’un ministre des Finances de la Commune. Je dis à la Commission financière et à Jourde qu’ils n’ont pas porté leurs vues assez haut et assez loin, et si, aujourd’hui, on vient s’abriter derrière un Comité de salut public, né d’hier, je crois qu’il y a là plutôt un prétexte qu’un motif réel et qu’il n’y a pas lieu de se féliciter.
(Interruption du citoyen Jourde.)
RÉGÈRE. Ne m’interrompez pas! Je demande donc encore si l’exposé de chiffres que vous avez entendu est l’œuvre du délégué ou de la Commission aux Finances. Quant à cette Commission financière, chargée d’assurer nos subsides, je lui demande ce qu’elle a fait, et j’attends son compte rendu. Nous avons à contrôler ses agissements; qu’elle nous fasse donc connaître les mesures prises par elle pour assurer notre avenir financier, qui, seul, peut assurer notre avenir militaire.
JOURDE. Ce qui m’effraye toujours en matière de finances, ce sont les phrases. Ce sont ces critiques, toujours faciles, développées avec plus ou moins de talent oratoire, surtout quand elles sont exprimées par un citoyen dont j’ai presque demandé la révocation comme membre de la Commission des Finances.
(Interruption.)
JOURDE. Ce que je voulais aux Finances, c’était de couper court à ces scandaleux marchés de bourse et à ces honteuses spéculations qui, à d’autres époques, se sont produits trop souvent. Ainsi, on venait vous dire: « Est-ce que nous ne pourrions pas obtenir une dizaine de millions en opérant sur telle ou telle affaire? Est-ce qu’en opérant sur telle autre chose, nous ne pourrions pas réaliser une somme importante de 25 millions? Non, citoyens, j’ai voulu avant tout anéantir tous ces tripotages de bourse.
(Bruit, approbation.)
JOURDE. J’entendais venir dire à la Commune: «Ne touchez pas au crédit public; c’est une chose délicate. Nous avons certainement des ressources immenses dans l’octroi.» La ville de Paris est riche par ses octrois, mais c’est un impôt qui pèse plus spécialement sur les pauvres, et nous ne voulons pas de ressources provenant de l’agio, et de la spéculation. J’aurais pu vous dire, dans un certain temps: «Voilà nos ressources. Je puis supprimer une partie des impôts qui pèsent sur le pauvre et donner l’assurance d’une économie de 50 millions par an.» J’aurais dit à la classe ouvrière: «Voilà 200 millions pour rendre la vie morale plus heureuse, pour assurer la concurrence ouvrière contre le patronat», la concurrence de la classe ouvrière que je représente et que je suis heureux de représenter ici. En réduisant de 50% les droits d’octroi, qui pèsent sur le pauvre, en doublant le budget de l’instruction publique, j’aurais pu réaliser 50 millions d’économie. Aujourd’hui, vous dépensez 800.000 francs par jour; vous n’avez que 100.000 francs de déficit. Croyez-vous que, dans l’état normal, quand le travail aura repris, croyez-vous que vous aurez besoin de ces 800.000 francs! Avec 400.000 francs par jour, on peut faire face à la situation.
RÉGÈRE. Et les 50 millions que demande la Guerre?
JOURDE. La Guerre ne demande pas 50 millions par jour; elle demande 50 millions dans six mois.
RÉGÈRE. Et les chassepots?
JOURDE. Pour les chassepots, il est vrai qu’on m’a demandé les fonds pour 20.000 chassepots. Mais je suis parfaitement d’accord avec la Guerre. Il est incontestable qu’elle ne peut armer 20.000 hommes par jour: j’aurai donc bien huit jours, et, comme mes recettes s’accroissent, en empruntant sur des titres de crédit que je ne peux pas vous dévoiler…
(Interruptions.)
JOURDE. Rossel demande 50 millions pour réorganiser la Garde nationale; mais il ne demande que 2 ou 300.000 francs par jour. Eh, bien! j’affirme que je pourrai les donner. Ces 50 millions se rattachent à un système de guerre: Rossel est d’accord avec moi. La Banque de France m’a proposé de faire mes recettes comme la Ville de Paris et d’offrir un crédit à la Commune. Voilà mon travail.
PLUSIEURS MEMBRES. Bravo!
JOURDE. Il y a 150.000 armes à précision dans Paris. Si vous voulez acheter 5.000 chassepots sous les huit jours, c’est bien facile.
UN MEMBRE. Je propose d’accepter la démission du citoyen Jourde et de le réélire.
(Aux voix!)
JOHANNARD. Il me paraît étrange que, quand on paraît connaître la question si à fond que le citoyen Régère, il ne pose pas sa candidature.
RÉGÈRE. Je n’accepte pas.
JOHANNARD. J’ai entendu souvent dire à Régère qu’un membre de la Commune n’avait pas le droit de décliner un mandat.
BESLAY. Pour la conservation du crédit de la France, je m’oppose à la candidature Régère, et je prie le citoyen Jourde de rester aux Finances.
AVRIAL. Je crois qu’on se méprend sur le sentiment qui a amené Jourde à donner sa démission. Elle a été donnée parce qu’il a été insulté par un journal.
LE PRÉSIDENT. Vous n’avez pas le droit d’interpréter la pensée du citoyen Jourde.
VAILLANT. J’ai demandé la parole pour prier la Commune de ne pas accepter la démission du citoyen Jourde. Dans les circonstances difficiles où nous nous trouvons, je trouve que c’est un véritable tour de force que d’avoir pu faire face aux dépenses considérables que nous avons eues à supporter avec le peu de ressources dont nous disposions. Il a fallu certainement une très grande habileté pour arriver à ce résultat. Il y aurait à craindre qu’en acceptant la démission du citoyen Jourde, nous ne pussions trouver une capacité suffisante pour le remplacer. Je considère donc comme un devoir civique de sa part de revenir sur sa détermination; s’il trouve que le Comité de salut public ne lui laisse pas assez d’initiative, qu’il fasse un sacrifice d’amour-propre: je le répète, il a fait preuve d’une véritable capacité, et je lui demande de vouloir bien retirer sa démission.
(Oui! Oui! Bravos.)
BESLAY. J’avais l’intention de rendre au citoyen Jourde toute la justice que vient de lui,rendre le citoyen Vaillant. J’ajouterai que, comme membre de la Commission, j’ai vu le citoyen Jourde à l’œuvre, et je soutiens que c’est un prodige de venir vous apporter un budget pareil; je crois aussi que personne d’entre nous ne pourrait le remplacer. Je l’engage donc à retirer sa démission.
La démission du citoyen Jourde n’est pas acceptée.
JOURDE. Je remercie l’assemblée du vote de confiance qu’elle vient de m’accorder. Mais je ne puis retirer ma démission, pour des raisons que je lui exposerai quand elle voudra bien m’entendre. Il m’est impossible, en présence du vote d’hier, d’accepter la responsabilité qui m’incombe. J’ai d’abord à vous déclarer que je n’ai pas été seul, que j’ai été aidé par le citoyen Varlin, qui a rendu autant de services que moi. Je remercie donc l’assemblée tant en son nom qu’au mien. Maintenant, il faut bien le dire, puisque c’est le fond de ma pensée, vraie ou fausse, mais je crois que, non pas au point de vue personnel, mais au point de vue général du crédit et des ressources qu’il pourrait m’offrir, la situation de votre délégué aux Finances n’est plus la même depuis le vote d’hier sur le Comité de salut public. Peut-être mes craintes à ce sujet ne sont-elles pas mieux fondées que ne le seraient dans cette hypothèse les appréhensions du monde économique au sujet du Comité et de ses conséquences. Mais, à mon point de vue, il m’est impossible d’accepter la tâche qui m’est confiée…
VÉSINIER. Permettez-moi de répondre deux mots au citoyen Jourde. Si le citoyen Jourde a eu des motifs sérieux, ceux qui résultent du vote d’hier, de donner sa démission, je crois cependant qu’il doit comprendre que le vote est une chose faite, que c’est un vote acquis, qui est indépendant de nous. Que ce vote puisse exercer une influence fâcheuse sur le crédit, c’est ce dont nous ne pouvons être juges. Je prie donc le citoyen Jourde de rester aux Finances et de faire cette expérience. Nous l’attendons de son républicanisme, de son dévouement.
ANDRIEU. Citoyens, moi aussi je viens de voter pour que le citoyen Jourde retire sa démission. Mais, en votant ainsi, j’avais compris une chose que ne me semblent pas avoir comprise tous ceux qui ont voté comme moi. Pour que le citoyen Jourde reste aux Finances, il faut qu’on lui rende les Finances possibles. Je m’explique. Le crédit vit et naît de certaines conditions. Pour cela, il faudrait que l’article 3, qui accorde des pleins pouvoirs au Comité de salut public, fût supprimé. S’il en était ainsi, je serais le premier à dire à Jourde, mon ami, qu’il a tort, qu’il se pique sans raison. Mais ce mot: pleins pouvoirs, est terrible; et je comprends, pour ma part, que, si on ne supprime pas cet article, le citoyen Jourde. ne veuille pas accepter une telle responsabilité.
LEFRANÇAIS. Je n’ai que très peu de choses à ajouter. Tout ce qui vient d’être dit explique bien la situation. Le citoyen Jourde vous a expliqué qu’il avait des vues particulières sur les mesures à prendre pour entretenir le crédit et établir la circulation monétaire. Si le Comité de salut public a des vues différentes de celles du citoyen Jourde, vous voyez d’ici le conflit qui va naître. Si vous accordiez l’exception que vous demandait le citoyen Andrieu, vous détruiriez l’économie de tout le système. D’un autre côté, je regrette que Jourde ne reste plus aux Finances.
MIOT. Je suis fortement surpris de cette espèce de crainte qui surgit à l’occasion du Comité de salut public. Ce que j’ai eu en vue, c’est de frapper la trahison.
(Bruit.)
MIOT. Du moment où nous laissons à la Commune tout pouvoir, il me semble que les garanties sont suffisantes, et que le citoyen Jourde peut conserver ses fonctions, d’autant plus qu’il pourra toujours offrir sa démission.
BILLIORAY. Voici une supposition toute gratuite: le Comité de salut public, dit-on, entravera la situation. Mais, citoyens, le 19 mars a été un jour terrible pour le crédit et la Banque nous a donné un million. Le crédit viendra, et si Jourde a une certaine influence, il est évident qu’il aggraverait la situation par sa retraite. Il n’est pas présumable qu’il sera en désaccord avec le Comité.
JOURDE. Je ne puis rien entreprendre, je ne puis rien faire; car incontestablement, après votre décret d’hier, le délégué aux Finances n’est que le commis du Comité de salut public. C’est pour cela que je ne puis accepter les fonctions que vous m’aviez confiées. Un autre, sans doute, fera mieux que moi. Les décisions que vous avez prises hier sont dangereuses. Cependant, je vous affirme sincèrement que je m’incline devant elles. Malheureusement, mes devoirs aujourd’hui sont au-dessus de mon intelligence et de mes forces, en présence des pouvoirs étendus du Comité de salut public. Du reste, la situation que je laisse à mon successeur est très favorable hier je n’avais que 842.000 francs, aujourd’hui les caisses renferment 2 millions. Je répondrai au citoyen Billioray que la Banque de France n’est pas tenue de faire encore ce qu’elle a fait le 19 mars, et qu’il est du plus grand intérêt pour la Commune de ménager, et d’aider même cette institution.
Vous avez voté hier un article 3 qui porte que les délégués ne sont plus que les commis du Comité de salut public. Nous avons tous, plus ou moins, la science politique; or, si nous savons en quoi consiste ce qu’on appelle des conflits de pouvoirs émanant des mêmes autorités, il n’y a personne de nous qui ne comprenne que les délégués responsables entreront un jour ou l’autre en conflit avec le Comité de salut public. Il ne m’est point possible, au nom du crédit communal, de rester à mon poste. Comprenez bien que des saisies ne me donneraient rien, que la saisie des titres ne me donnerait pas davantage; les Prussiens, par exemple, nous diraient: «Vous êtes en train de faire une œuvre nouvelle, socialiste; c’est fort bien, mais nous, nous n’avons pas à en supporter les conséquences; ce que vous nous offrez ne nous présente pas assez de garanties, il nous faut du numéraire.» Je demanderai donc qu’on me laissât rassurer le crédit, amener le retour du numéraire.
À force d’économiser, tout en diminuant de 50% les droits d’octroi, tout en doublant le budget de l’Enseignement public, j’aurais pu réduire le budget de la Ville d’au moins 50 millions par an. Pour cela, il aurait fallu que je pusse contracter des emprunts parfaitement garantis; alors j’aurais pu dire aux ouvriers: «Vous avez besoin d’instruments de travail? En voilà!» Ne revenons pas à 93; les conditions économiques sont complètement changées; en 93, le pays vivait de ses produits, aujourd’hui, il vit surtout de l’échange de ses produits contre les produits étrangers, et ces produits il faut les faire venir, et avant tout il faut rassurer l’échange des produits. Ce n’est qu’en opérant de cette manière que l’on pourra donner aux travailleurs des instruments de travail, de lutte, et je croyais faire en agissant ainsi du socialisme pratique; mais, pour atteindre mon but, il faut pour moi que les délégués soient placés sous le seul contrôle de la Commune, et puissent faire des marchés sur toutes les places de l’Europe. Désormais, que voulez-vous que je fasse? quelles garanties puis-je donner? L’on me répondrait certainement: «Vous n’êtes rien, vous n’êtes que le commis du Comité de salut public.» Dans ces conditions, il n’y a rien à faire, il n’y a rien à entreprendre.
LE PRÉSIDENT met aux voix la réélection du citoyen Jourde comme délégué aux Finances.
Le vote, qui a eu lieu par l’appel nominal, donne le résultat suivant :
Nombre des votants, 44.
JOURDE – 38
LE FRANÇAIS – 2
RÉGÈRE – 2
VARLIN – 1
VOIX PERDUE – 1
Les citoyens CHARDON, J.-B. CLÉMENT et MALON fournissent des renseignements sur les forts d’Issy, concordant à considérer la situation comme satisfaisante et demandent qu’il soit pris d’urgence des mesures pour envoyer des objets d’habillement à des bataillons de gardes nationaux et à des artilleurs de la porte de Neuilly, se trouvant dans le plus grand délabrement.
Lecture est donnée par le président de deux projets de décrets présentés par les citoyensPROTOT et ANDRIEU:
«La Commune de Paris,
«Considérant qu’il est irrationnel et immoral de prendre à témoin de ses engagements une divinité, dont l’existence et conséquemment l’autorité sur les choses humaines sont formellement niées par la Science,
«Décrète:
«Article unique. Le serment politique et le serment professionnel sont abolis. EUG. PROTOT. »
La Commune, consultée sur ces deux projets, adopte celui présenté par le citoyen Protot.
COMITÉ
SECRET.
La
Commune se forme en Comité secret pour adresser différentes
questions au citoyen Rossel, délégué à la Guerre.
Le citoyen LEFRANÇAIS ne comprend pas qu’après le vote d’hier conférant pleins pouvoirs au Comité de salut public, le délégué à la Guerre soit entendu par la Commune: «À l’heure qu’il est, dit-il, le Comité peut seul recevoir ses confidences.»
La Commune, après avoir entendu les citoyens RIGAULT, VÉSINIER et BILLIORAY,appuyant ou combattant cette demande, décide que le délégué sera entendu.
Les questions suivantes sont déposées sur le bureau du président:
GAMBON. Le délégué peut-il expliquer la cause de l’abandon du fort d’Issy?
RÉPONSE. Le fort d’Issy avait été abandonné par le fait d’une lâcheté collective causée par le manque d’organisation de la Garde nationale.
RIGAULT. L’arrestation du citoyen Mégy, commandant le fort d’Issy, doit-elle être maintenue?
RÉPONSE. Absolument, tant qu’il n’a pas rendu compte de son fort.
MIOT et URBAIN. Pourquoi les brèches du fort n’avaient-elles pas été réparées? Comment se fait-il qu’à 4 heures de l’après-midi le fort était encore hors d’état de résister?
RÉPONSE. Parce qu’il n’était guère possible de réparer les brèches sous le feu de l’ennemi.
JOHANNARD demande qu’à l’avenir l’organisation, la distribution de vêtements aux gardes nationaux soit mieux entendue et qu’afin de prévenir les maladies telles que le scorbut, il sera distribué des viandes conservées.
MIOT. Le délégué peut-il indiquer ses antécédents politiques?
RÉPONSE. Je suis un soldat. Étant à Metz, j’ai fait mon devoir pour empêcher la capitulation. N’ayant pu y réussir, je me suis mis aux ordres de ceux qui s’intitulaient Gouvernement de la Défense nationale. Le 19 mars, comprenant que mes devoirs de soldat n’étaient plus compatibles avec mes devoirs de citoyen, j’ai refusé de reconnaître le pouvoir de Versailles et suis venu me mettre aux ordres du seul gouvernement
légitime.
MIOT. Est-il vrai que vous ayez eu des rapports avec M. Thiers, ainsi que le prétend leGaulois?
RÉPONSE. L’article est faux depuis le commencement jusqu’à la fin.
LEFRANÇAIS. Dans le cas où les forts du sud seraient pris, je demande que des ordres soient donnés pour les faire sauter.
RÉPONSE. Faire sauter un fort est une opération très difficile, très dangereuse et presque inutile. Toutes les précautions ont déja été prises pour faire sauter la gorge du fort, c’est-à-dire la partie tournée vers Paris, et pour combler le fossé.
LEFRANÇAIS. Pourquoi avoir ordonné la formation de régiments?
RÉPONSE. La formation de régiments n’est nullement incompatible avec les légions, mais celles-ci n’étaient qu’une unité politique et administrative, il était urgent de créer une unité tactique. Les légions étaient composées d’un nombre de bataillons plus ou moins grand, je n’ai eu simplement en vue, en ordonnant la formation de régiments, que le groupement d’un certain nombre de bataillons pris dans la même légion et placés sous un même commandement, pour former selon la force de la légion une ou plusieurs unités tactiques, s’appelant régiments ou demi-brigades.
LE CITOYEN PRÉSIDENT, au nom de l’assemblée, demande au citoyen Rossel d’envoyer chaque jour à la Commune un rapport militaire.
LE PRÉSIDENT. Vos explications franches ont pleinement satisfait la Commune. À l’œuvre donc et soyez assuré d’un concours sans réserve, qui, joint à vos efforts, assureront le triomphe de la Révolution et nous conduiront au but que nous poursuivons tous.
La séance est levée à 8 heures moins un quart.
Le citoyen LEFRANÇAIS ne comprend pas qu’après le vote d’hier conférant pleins pouvoirs au Comité de salut public, le délégué à la Guerre soit entendu par la Commune: «À l’heure qu’il est, dit-il, le Comité peut seul recevoir ses confidences.»
La Commune, après avoir entendu les citoyens RIGAULT, VÉSINIER et BILLIORAY,appuyant ou combattant cette demande, décide que le délégué sera entendu.
Les questions suivantes sont déposées sur le bureau du président:
GAMBON. Le délégué peut-il expliquer la cause de l’abandon du fort d’Issy?
RÉPONSE. Le fort d’Issy avait été abandonné par le fait d’une lâcheté collective causée par le manque d’organisation de la Garde nationale.
RIGAULT. L’arrestation du citoyen Mégy, commandant le fort d’Issy, doit-elle être maintenue?
RÉPONSE. Absolument, tant qu’il n’a pas rendu compte de son fort.
MIOT et URBAIN. Pourquoi les brèches du fort n’avaient-elles pas été réparées? Comment se fait-il qu’à 4 heures de l’après-midi le fort était encore hors d’état de résister?
RÉPONSE. Parce qu’il n’était guère possible de réparer les brèches sous le feu de l’ennemi.
JOHANNARD demande qu’à l’avenir l’organisation, la distribution de vêtements aux gardes nationaux soit mieux entendue et qu’afin de prévenir les maladies telles que le scorbut, il sera distribué des viandes conservées.
MIOT. Le délégué peut-il indiquer ses antécédents politiques?
RÉPONSE. Je suis un soldat. Étant à Metz, j’ai fait mon devoir pour empêcher la capitulation. N’ayant pu y réussir, je me suis mis aux ordres de ceux qui s’intitulaient Gouvernement de la Défense nationale. Le 19 mars, comprenant que mes devoirs de soldat n’étaient plus compatibles avec mes devoirs de citoyen, j’ai refusé de reconnaître le pouvoir de Versailles et suis venu me mettre aux ordres du seul gouvernement
légitime.
MIOT. Est-il vrai que vous ayez eu des rapports avec M. Thiers, ainsi que le prétend leGaulois?
RÉPONSE. L’article est faux depuis le commencement jusqu’à la fin.
LEFRANÇAIS. Dans le cas où les forts du sud seraient pris, je demande que des ordres soient donnés pour les faire sauter.
RÉPONSE. Faire sauter un fort est une opération très difficile, très dangereuse et presque inutile. Toutes les précautions ont déja été prises pour faire sauter la gorge du fort, c’est-à-dire la partie tournée vers Paris, et pour combler le fossé.
LEFRANÇAIS. Pourquoi avoir ordonné la formation de régiments?
RÉPONSE. La formation de régiments n’est nullement incompatible avec les légions, mais celles-ci n’étaient qu’une unité politique et administrative, il était urgent de créer une unité tactique. Les légions étaient composées d’un nombre de bataillons plus ou moins grand, je n’ai eu simplement en vue, en ordonnant la formation de régiments, que le groupement d’un certain nombre de bataillons pris dans la même légion et placés sous un même commandement, pour former selon la force de la légion une ou plusieurs unités tactiques, s’appelant régiments ou demi-brigades.
LE CITOYEN PRÉSIDENT, au nom de l’assemblée, demande au citoyen Rossel d’envoyer chaque jour à la Commune un rapport militaire.
LE PRÉSIDENT. Vos explications franches ont pleinement satisfait la Commune. À l’œuvre donc et soyez assuré d’un concours sans réserve, qui, joint à vos efforts, assureront le triomphe de la Révolution et nous conduiront au but que nous poursuivons tous.
La séance est levée à 8 heures moins un quart.
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