samedi 14 octobre 2017

Commune de Paris Séance du 6 mai 1871 (1)


 Président: OSTYN.
Assesseur: 
GROUSSET.
La séance est ouverte à 4 heures.
LE PRÉSIDENT. La parole est à l’un des secrétaires pour la lecture du procès-verbal.

Il est donné lecture du procès-verbal de la journée d’hier.
LE PRÉSIDENT. Quelqu’un demande-t-il la parole sur le procès-verbal?
PARISEL. Je n’ai qu’un mot à ajouter à la partie du procès-verbal qui me concerne, c’est que ma proposition a été renvoyée au Comité de salut public avec approbation.
LE PRÉSIDENT. Rectification sera faite au procès-verbal.
VÉSINIER. Je dois faire observer de suite qu’à mon sens, à propos de la proposition Parisel, il serait dangereux d’en faire la publication; l’assemblée veut-elle qu’elle soit publiée ou seulement mentionnée?
PARISEL. Mentionnée seulement.
(Oui, oui…)
VÉSINIER. J’ai à présenter une seconde et courte observation. Veut-on aussi publier ou mentionner seulement la partie du procès-verbal relative à Blanchet?
PLUSIEURS MEMBRES. L’affaire Blanchet est publiée dans l’Officiel de ce matin.

Le procès-verbal est adopté.

Sur la demande du citoyen RIGAULT, on procède au tirage au sort des 80 délégués de la Garde nationale qui doivent former le jury d’accusation.
VÉSINIER. Il me semblait que le compte rendu ne devait être publié par l’Officiel que le surlendemain de la séance, et après la lecture du procès-verbal. Je considère néanmoins la publication de l’affaire Blanchet dans l’Officiel et les autres journaux comme déplorable.
LE PRÉSIDENT. Loin de trouver cette publication déplorable, je la trouve au contraire honorable.
VÉSINIER. Il est honorable pour la Commune d’expulser un de ses membres indignes, mais il est déplorable que le fait ait pu se produire.
VAILLANT. Je demande seulement à dire un mot, non pas sur le procès-verbal mais à propos du procès-verbal. On a adressé une interpellation à la deuxième Commission exécutive à propos de l’arrestation du général Cluseret. On a répondu à cette interpellation. Le citoyen Gambon a insisté pour savoir le lieu de la détention du général. La deuxième Commission exécutive avait accusé Cluseret; elle a fait valoir les raisons qu’elle jugeait devoir motiver cette mesure, vous les avez adoptées. Cette Commission, ayant été remplacée, n’avait donc plus à s’occuper de cette affaire. C’est à la Commission de Justice qu’il faudrait s’adresser pour avoir les renseignements nécessaires. C’est tout ce que j’avais à dire.
LE PRÉSIDENT. Cette discussion va venir naturellement tout à l’heure. Nous savons tous ce que nous avons à faire aujourd’hui. Le Comité de salut public et la Commission exécutive vont avoir à s’expliquer sur les questions que leur posera l’assemblée. J’ai à vous transmettre une communication qui paraît puérile, mais enfin il faut la faire.
«Le docteur Rousselle a l’honneur… 
[manque]»
AVRIAL. En prenant la direction du matériel de l’artillerie, je me suis informé de ce qui avait été fait. J’ai vu là des comptes épouvantables. Depuis le 18 mars, il a été délivré aux officiers de la Garde nationale 50.000 revolvers à 150 francs. Il a été acheté depuis ce temps des armes que j’appellerai des carabines de salon, soi-disant pour les officiers supérieurs. Il a été acheté des armes, des épées, à un prix excessif. On en a livré aux officiers de marine et aux officiers supérieurs. Un pareil état de choses ne peut subsister. J’avais installé là un homme à moi, le Comité central a envoyé un délégué avec une écharpe qui a mis mon homme à la porte et s’est installé à l’armement. Moi, directeur du matériel, je vise bien les bons, mais il faut que j’aie là quelqu’un de confiance. Je demanderai donc à la Commune de nommer une commission de trois ou quatre membres pour vérifier ces comptes et je demanderai que l’on veuille bien nommer un membre de la Commune comme chef de l’armement.
La Garde nationale est très mécontente des achats d’armes portées aux côtés d’officiers qui ne savent ni ne veulent s’en servir. Il faut mettre ordre à de pareils actes qui ne peuvent plus se produire et pour cela il faut nommer un délégué qui prendra cette partie du service militaire sous sa direction. Quant à moi, je déclare que je vais donner l’ordre d’arrêter le citoyen Brin, et je ne le mettrai en liberté que quand une commission aura vérifié les comptes.
(Assentiment.)
VERMOREL. J’appuie ce que vient de dire le citoyen Avrial; mais je vous ferai remarquer que vous allez rencontrer la difficulté d’un conflit. En effet, le décret qui vient de conférer au Comité central toute la partie administrative de la Guerre entraînait forcément ce qui vient d’avoir lieu. Je vous le signale afin que vous tranchiez cette question que vient de soulever le décret du Comité de salut public, qui, à mon avis, a dépassé son mandat.
RANVIER. Citoyens, la question des armes ne peut être mise au compte du Comité de salut public. Le Comité central a pu être trompé sur les agissements du citoyen Brin. Mais ce citoyen devait être sous le contrôle de quelqu’un. Si le citoyen Brin avait été surveillé, il n’aurait pu faire ces achats. Mais je n’admettrai pas que la responsabilité d’actes antérieurs à notre administration nous incombe. Maintenant le Comité central accepte très bien le contrôle de la Commission de la Guerre et si le citoyen Brin ne veut pas accepter la direction et le contrôle du citoyen Avrial, nous sommes prêts à signer l’ordre d’arrestation.
VIARD. Je suis de l’avis du citoyen Avrial; le citoyen Brin ne nous a jamais convenu; il n’a été investi d’une mission que par le général Cluseret en dehors de tout contrôle du Comité central, qui est composé de bons et courageux citoyens. Je n’accepte pas ces injures, alors même qu’il y aurait eu des membres coupables. Cela ne prouve rien. Le citoyen Brin n’a été investi de pouvoirs que par Cluseret, auquel j’ai dit qu’il faisait une mauvaise affaire.
RANVIER. Brin prévoit le cas dans lequel il s’est mis, dit qu’Avrial veut le faire arrêter et qu’il attend une réponse de moi. Si le citoyen Avrial veut signer l’ordre d’arrestation, je suis prêt à le faire exécuter.
VIARD. Je dois ajouter que lorsqu’il m’a appris qu’il était menacé d’arrestation par Avrial, je lui ai répondu qu’Avrial était la nature la plus franche, la plus loyale, et que, s’il l’avait fait, c’est qu’il l’avait mérité.
LE PRÉSIDENT. Il y a là deux questions: si cet homme a malversé, il faut qu’il soit puni; il y a un second point de communication, par suite d’une immixtion du Comité central dans les pouvoirs d’Avrial.
(Bruit. Cris.)
RÉGÈRE. L’ordre du jour!
AVRIAL. Oui, j’ai un mandat d’arrestation contre le citoyen Brin. J’avais un homme pour surveiller la distribution des armes et le citoyen Brin l’a mis à la porte; depuis douze jours déjà, il avait quitté l’armement et il vient d’y être réintégré par le Comité central sans qu’on m’ait averti. Voici ce que je demande: que, partout où le Comité central sera, l’on mette un membre de la Commune pour le surveiller, pour l’avoir sous la main. Que la Commune immédiatement désigne un de ses membres pour contrôler les opérations relatives à l’armement, car il y a là une situation épouvantable, des dépenses folles pour l’achat des armes, des prix d’achat fabuleux. Que l’on jette les yeux sur la comptabilité et vous verrez les dépenses folles que, l’on a faites; ainsi, par exemple, il a été distribué plus de 50.000 revolvers aux officiers de la Garde nationale. Les officiers viennent dire: «Si vous ne me donnez pas de revolvers, nous ne marcherons pas.» J’ai fait placarder des affiches pour qu’on dressât des états nominatifs; je voulais exiger de chaque officier son adresse et un reçu, afin qu’on pût au besoin, un jour ou l’autre, retrouver les armes. Il faut que les chefs de légion soient responsables.
(À suivre.)


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